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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Les actes administratifs

EXERCICE



COMMENTAIRE D'ARRET



Conseil d'Etat. ' 11 mai 1984 Affaire : M. Elie Pebeyre


Sur la compétence de la juridiction administrative : Considérant que les organismes privés qui, en vertu de l'article 1" de la loi du 29 octobre 1975, apportent leur concours aux personnes publiques chargées du développement des activités physiques et sportives, et spécialement les fédérations sportives bénéficiant de l'habilitation prévue A  l'article 12 de cette loi, sont associés par le législateur A  l'exécution d'un service public administratif ; qu'il n'appartient dès lors qu'A  la juridiction administrative de connaitre des litiges relatifs aux décisions prises au nom de ces organismes lorsque ces dernières constituent l'exercice d'une prérogative de puissance publique ; qu'il en est ainsi, notamment, des contestations nées de l'exercice, par les fédérations sportives ou pour leur compte, du pouir disciplinaire qu'elles exercent sur les licenciés et groupements affiliés en vertu de l'article 11, alinéa 4, de la loi précitée : que. par suite, la Fédération franA§aise de rugby n'est pas fondée A  soutenir que la juridiction administrative serait incompétente pour connaitre des recours formés par M. Febeyre contre la décision en date du 5 février 1981 par laquelle le bureau fédéral de cette fédération a prononcé contre lui la sanction de suspension sine die et contre la décision en date du 18 septembre 1982 par laquelle le comité de direction de la mASme fédération a prononcé la radiation de l'intéressé sans extension aux autres fédérations :
Sur la légalité des décisions attaquées (sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requAStes) :
Considérant que la décision du 5 février 1981 portant suspension sine die de M. Pebeyre a reA§u effectivement application, tant avant l'intervention de la loi du 4 août 1981 portant amnistie qu'avant celle de la décision du comité directeur de la Fédération franA§aise de rugby portant radiation définitive de l'intéressé ; qu'il y a lieu, dès lors, de statuer sur la requASte nA° 47935, qui a conservé son objet ;
Considérant par ailleurs que ladite décision n'a pas été notifiée A  M. Pebeyre ; que si l'intéressé en a eu connaissance du fait qu'il a lui-mASme participé A  la séance au cours de laquelle elle a été tée, cette circonstance ne pouvait faire courir le délai de recours A  son encontre ; que par suite, la requASte déposée le 6 avril 1981 contre la décision en cause devant le tribunal administratif de Paris ne peut, en tout état de cause, AStre considérée comme tardive ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier que la suspension sine die de M. Pebeyre est principalement fondée sur la communication A  la presse par l'intéressé, qui était alors vice-président de la Fédération franA§aise de rugby, du texte d'une déclaration qu'il avait faite lors d'une réunion du comité directeur de ladite fédération, et par laquelle il protestait contre les propos tenus A  son égard par le président de celle-ci dans une interview publiée par la presse sportive ; qu'eu égard aux termes de cette déclaration et A  la circonstance qu'il s'agissait d'une réaction aux vives critiques publiques dont M. Pebeyre avait fait l'objet, sa rédaction et sa publication ne sauraient la faire regarder, dans les circonstances de l'espèce, comme de nature A  justifier légalement une sanction disciplinaire ; qu'en admettant que la décision attaquée soit également fondée sur les poursuites engagées par M. Pebeyre contre le président de la fédération, pris A  titre personnel, devant les tribunaux judiciaires, cette initiative qui s'analyse en l'exercice d'un droit appartenant A  tout citoyen, et dont le caractère abusif ne résulte pas des pièces du dossier, n'est pas davantage de nature A  justifier une sanction disciplinaire ;
Considérant que la décision du comité directeur de la Fédération franA§aise de rugby en date du 18 septembre 1982, portant radiation définitive de M. Pebeyre, est fondée sur les mASmes motifs et, en outre sur la - faute contre la bienséance - qu'aurait commise l'intéressé en interjetant appel du jugement du tribunal de grande instance de Paris qui avait rejeté sa demande ; que l'usage par l'intéressé d'une ie de recours qui lui était légalement ouverte n'est pas de nature A  justifier légalement une sanction ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les décisions précitées des 5 février 1981 et 18 septembre 1982 doivent AStre annulées ;
Sur les conclusions tendant A  ce que la Fédération franA§aise de rugby soit condamnée A  faire publier la présente décision dans ses propres publications et dans le journal l'Equipe :
Considérant que le juge administratif n'a pas qualité pour adresser des injonctions A  l'administration ou A  un organisme privé associé par le législateur A  l'exécution d'un service public administratif A  l'occasion d'un litige relatif A  une décision prise par cet organisme dans l'exercice d'une prérogative de puissance publique que les conclusions dont s'agit doivent, dès lors, AStre rejetées ;

DéCIDE :
Art. 1" : La décision du bureau fédéral de la Fédération franA§aise de rugby en date du 5 février 1981 et la décision du comité de direction de cette fédération en date du 18 septembre 1982 prises A  l'encontre de M. Elie Pebeyre sont annulées.
Art. 2 : Le surplus des conclusions de la requASte de M. Pebeyre est rejeté.
Commentaire
Les sanctions disciplinaires prises par les Fédérations sportives habilitées (désormais délégataires) sont soumises A  un contrôle du Conseil d'Etat. Nul ne peut AStre privé de ses droits fondamentaux par un organisme privé. Tel est l'apport essentiel de l'arrASt du 11 mai 1984 M. Elie Pebeyre.
Les inéviles heurts dus aux opinions, aux comportements ou aux ambitions peuvent opposer les individus entre eux mais aussi A  l'Administration ou A  des dirigeants d'organismes privés. Ceux qui mettent en scène les dirigeants ou les vedettes du monde sportif suscitent, plus que d'autres, l'émotion ou les commentaires des médias et d'une partie de l'opinion publique. Tel a été, entre autres, le cas de l'- affaire Pebeyre -. Ce dernier vice-président de la Fédération franA§aise de rugby, avait transmis A  la presse le texte d'une déclaration dans laquelle il réagissait, en termes vifs, A  des attaques similaires formulées par le président de cette mASme Fédération lors d'une interview publiée antérieurement par la presse sportive. M. Pebeyre avait en outre intenté un recours contre le président de la Fédération, A  titre personnel, devant les tribunaux judiciaires. Tout ceci devait lui valoir, A  titre de sanction, une suspension sine die prise par le bureau fédéral (5 février 1981) puis une radiation définitive émanant du comité directeur de la Fédération (18 septembre 1982). Ce sont les deux mesures dont M. Pebeyre demandait l'annulation au juge administratif.
Le Conseil d'Etat résoud d'abord deux questions secondaires au regard de l'intérASt de la décision. I.a première sanction, aggravée par la seconde avait eu le temps de s'appliquer. Elle pouvait donc AStre déférée au juge. Le délai de recours commence A  courir seulement A  compter de la notification de la décision A  l'intéressé. Celle-ci n'ayant pas eu lieu, et bien que M. Pebeyre ait eu connaissance de la décision le concernant, son recours ne saurait AStre considéré comme tardif.
Au fond, la possibilité pour les groupes privés de prendre des sanctions disciplinaires A  l'encontre de leurs membres n'est guère contestée dans son principe. Elle apparait nécessaire pour assurer la cohésion du groupe. Elle est, le plus souvent, prévue expressément et, plus ou moins orgarnisée dans sa mise en œuvre, dans les statuts des groupements les plus importants et les mieux structurés. Le caractère privé des Fédérations sportives ne faisait aucun doute mais le Conseil d'Etat avait, depuis 1974, admis que certains de leurs actes devaient se ir reconnaitre un caractère administratif. Il réaffirme dans l'arrASt du 11 mai 1984 que les sanctions disciplinaires prises par les fédérations sportives habilitées constituent des actes administratifs (I). Il rappelle également que ces sanctions disciplinaires sont soumises au contrôle de l'excès de pouir (II) et, cette nouvelle espèce lui donne une fois de plus l'occasion de préciser les modalités et l'étendue de celui-ci.

I - Les sanctions disciplinaires constituent des actes ADMINISTRATIFS.
Pour aboutir A  cette conclusion, le Conseil d'Etat se livre A  une constatation : les fédérations sportives habilitées sont associées A  l'exécution d'un service public administratif. Il mentionne, ensuite, A  quelle autre condition leurs actes peuvent AStre considérés comme administratifs : il faut que les fédérations utilisent des prérogatives de puissance publique.
1) Les Fédérations sportives habilitées sont associées A  l'exécution d'un service public administratif.
Il y a maintenant plus de 50 ans que la jurisprudence a remis en cause la doctrine classique selon laquelle la gestion des services publics relevait nécessairement d'une personne publique. Désormais, celle-ci peut AStre assurée non seulement par des organismes sui gene-ris (CE. 31 juillet 1942, Monpeurt, CE. 2 avril 1943 Bou-guen) mais également par des organismes privés (CE. 13 mai 1938 Caisse primaire - Aide et Protection -). Cette jurisprudence n'a, depuis cette époque, cessé de s'enrichir. Aujourd'hui, des organismes privés aux statuts divers, intervenant dans les domaines les plus variés (social, agricole, culturel) se ient reconnaitre le caractère de gestionnaires d'un service public administratif ou de participants A  l'exécution d'une mission de service public.
Dans le domaine du sport, le tribunal administratif de Paris (T.A. Paris 24 juin 1971, sieur Pingeon), puis le Conseil d'Etat (CE. Sect. 22 novembre 1974, Fédération des industries franA§aises d'articles de sport) devaient intervenir dans ce sens. Ainsi, dans cette dernière affaire, il est précisé - qu'en conférant aux fédérations sportives la mission d'organiser les compétitions nationales ou régionales, le législateur a conféré aux fédérations sportives, bien que celles-ci soient des associations régies par la loi du 1" juillet 1901, l'exécution d'un service public administratif -. La jurisprudence est maintenant bien élie et l'arrASt du 11 mai 1984 reprend le mASme raisonnement : - les organismes privés, qui, en vertu de l'article 1 de la loi du 29 octobre 1975, apportent leur concours aux personnes publiques chargées du développement des activités physiques et sportives et spécialement les fédérations sportives bénéficiant de l'habilitation prévue A  l'article 12 de cette loi, sont associés par le législateur A  l'exécution d'un service public administratif -.
On remarquera que le Conseil d'Etat s'est référé A  la loi de 1975 qui était alors applicable. Depuis, une nouvelle loi - relative A  l'organisation et A  la promotion des activités physiques et sportives - est intervenue, le 16 juillet 1984. Le législateur, et c'est relativement rare, y consacre expressément le caractère privé des fédérations et la nature de leur mission : - A condition d'air adopté des statuts conformes A  des statuts types définis par décret en Conseil d'Etat, les fédérations sportives agréées par le ministre chargé des sports participent A  l'exécution d'une mission de service public - (art. 16). La loi leur reconnait l'exercice d'un pouir disciplinaire qui correspond A  l'utilisation d'une prérogative de puissance publique.
2) Les fédérations sportives habilitées utilisent des prérogatives de puissance publique.
L'arrASt s'inscrit dans une longue jurisprudence qui, depuis l'arrASt Magnier (CE. 13 janvier 1961), reconnait le caractère d'actes administratifs aux actes individuels d'un organisme privé, lorsque ces actes sont pris pour la gestion d'un service public administratif, avec emploi de prérogatives de puissance publique. En l'occurrence, - il n'appartient qu'A  la juridiction administrative de connaitre des litiges relatifs aux décisions prises au nom de ces organismes (les fédérations) lorsque ces dernières constituent l'exercice d'une prérogative de puissance publique ; qu'il en est ainsi, notamment, des contestations nées de l'exercice par les fédérations sportives ou pour leur compte, du pouir disciplinaire qu'elles exercent sur les licenciés et groupements affiliés -. Tout au plus pourra-t-on noter que le Conseil d'Etat a admis une définition large de la notion de prérogative de puissance publique. Il aurait pu limiter celle-ci aux seuls cas de sanctions disciplinaires prises A  rencontre d'un dirigeant ou d'un sportif de haut niveau. Il a, au contraire, employé une formule très générale, alors que ce pouir disciplinaire n'a rien de spécifique.
Cette jurisprudence rejoint celle qui a été dégagée A  propos des règlements édictés par les organismes privés gérant des services publics administratifs, dès lors qu'ils sont relatifs A  la gestion du service public, et révèlent la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique (cf. par exemple CE. Sect. 22 novembre 1974 Fédération des industries franA§aises d'articles de sport, précité). La solution est able s'agissant des règlements pris par des organismes privés gérant un service public industriel et commercial et relatifs A  l'organisation de celui-ci, dans la mesure où cette opération révèle aussi l'utilisation de prérogatives de puissance publique (Jurisprudence Comnie Air France c. Epoux Barbier, T.C. 15 janvier 1968).
Le mASme raisonnement n'a pas été étendu au domaine des contrats administratifs. En revanche, la responsabilité extracontractuelle des organismes privés gérant un service public administratif peut AStre mise en cause devant la juridiction administrative s'il existe un lien entre le dommage et l'exercice de prérogatives de puissance publique (CE. Sect. 13 octobre 1978 ADASEA du Rhône ; CE. 23 mars 1983 SA Bureau Veritas). Tel pourrait AStre le cas lorsqu'une sanction disciplinaire prise illégalement par une fédération sportive habilitée cause un préjudice A  l'un de ses membres.

II - Les sanctions disciplinaires sont soumises au contrôle
DU JUGE DE L'EXCES DE POUVOIR.
Dans la mesure où il leur reconnait le caractère d'acte administratif, il était logique que le Conseil d'Etat exerce sur les sanctions disciplinaires un contrôle - normal -. En fait ce contrôle a notamment servi A  contraindre les fédérations sportives, comme un certain nombre d'autres groupements privés, A  respecter les principes généraux du droit.
1) Un contrôle - normal - du Conseil d'état.
Statuant en premier et dernier ressort sur les actes de ces organismes A  compétence nationale que sont les fédérations sportives, le Conseil d'Etat exerce sur ceux-ci un contrôle - normal -. Tout au plus, parce qu'il s'exerce sur les actes d'un groupement privé, ce contrôle revAStira-t il une certaine spécificité ?
Le contrôle de légalité externe consistera A  vérifier si l'organe qui a pris les sanctions était compétent et a respecté les conditions de forme et de procédure. Il n'y a lA , en théorie, rien d'original. Encore faut-il remarquer que ce contrôle doit s'exercer par rapport A  la - loi interne - du groupe A  laquelle tous les membres ont lontairement adhéré. Celle-ci leur donne des garanties et la procédure disciplinaire des fédérations sportives est souvent able A  une procédure - de type juridictionnel -. Encore faut-il qu'elle soit respectée, ce A  quoi veillera le juge.
Le contrôle de la légalité interne est tout aussi classique dans son principe. Il amènera le juge A  examiner la régularité de la sanction aussi bien par rapport A  la loi étatique que par rapport A  la loi interne. N'y a-t-il pas eu détournement de pouir ou erreur de droit ? N'a ton pas inqué des motifs de fait ou de droit erronés ? Ces derniers, par exemple sont-ils au nombre de ceux qui pouvaient justifier une sanction ?
Le Conseil d'Etat exerce enfin un vérile contrôle de l'adéquation entre les faits reprochés et la gravité de la sanction. Ainsi estime-t-il dans l'arrASt du 11 mai 1984 que la déclaration de M. Pebeyre, eu égard aux - circonstances de l'espèce - ne saurait AStre regardée - comme de nature A  justifier légalement une sanction disciplinaire -. Ceci sous-entend, peut-AStre, que les dirigeants des fédérations sportives sont tenus A  une certaine obligation de réserve, mais que l'on ne saurait les empAScher de répliquer aux attaques dont ils font l'objet.
Cette aison avec le contentieux de la fonction publique peut AStre poussée plus loin. Lorsqu'il est saisi par un fonctionnaire frappé d'une sanction disciplinaire, le Conseil d'Etat se borne A  exercer - un contrôle minimum - : il vérifie seulement si celle-ci, compte tenu des faits qui l'ont motivée, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation (CE. Sect. 9 juin 1978, Lebori). Sans doute, le juge administratif craint-il plus les abus d'organismes privés que ceux de l'Administration. Quelle que soit l'hypothèse envisagée, il s'attachera, cependant, A  faire respecter les principes généraux du droit.
2) Le respect des principes généraux du droit.
Sans doute les principes généraux du droit peuvent-ils AStre considérés comme intégrés au - bloc de légalité - et, quelle que soit la place qu'on leur confère dans la hiérarchie des normes, ils s'imposent A  toute autorité administrative et, en l'occurrence, aux personnes privées associées A  l'exécution du service public. Précisément, ils occupent, dans ce dernier cas et, en pratique, une place de choix. En effet, le juge vérifie la régularité de l'acte au regard de la - loi interne - du groupement mais aussi au regard de la légalité étatique. Faute, le plus souvent, d'AStre aussi précise que lorsqu'il s'agit d'encadrer l'action administrative, celle-ci prend, ici, la forme privilégiée des principes généraux du droit.
Le Conseil d'Etat a eu très souvent l'occasion de rappeler ce qu'exigeait le respect des droits de la défense, principe classique depuis l'arrASt de 1944, Trompier Gravier (CE. Sect. 13 juin 1984 Association Hand-ball de Cysoing). Dans l'arrASt Pebeyre, le Conseil d'Etat rappelle que l'- exercice d'un droit - dont le caractère abusif ne résulte pas du dossier ou que - l'usage par l'intéressé d'une ie de recours qui était légalement ouverte -, ne sont pas - de nature A  justifier une sanction disciplinaire -. On sait que seul le législateur, A  condition qu'il le précise nettement, peut priver un administré du droit d'exercer un recours pour excès de pouir contre un acte administratif ou un recours en cassation contre un acte juridictionnel. Il serait paradoxal qu'un groupe privé, gérant un service public, puisse priver l'un de ses membres d'exercer un recours prévu par le droit.
On ne peut s'empAScher de songer A  la célèbre phrase du commissaire du gouvernement Lagrange dans ses conclusions sur l'arrASt Bouguen : - Le pays qui a su soumettre la puissance publique elle-mASme au contrôle juridictionnel ne saurait tolérer qu'y échappent tels ou tels organismes investis du pouir de créer, d'appliquer ou de sanctionner des règlements, sous le prétexte qu'on serait en présence d'un droit autonome ou sui generis -. C'est ainsi, également, que les pouirs conférés A  l'ordre des experts comples - trouvent une limite dans les libertés individuelles qui appartiennent aux membres de l'ordre comme A  la généralité des citoyens ; que dès lors les sujétions imposées par lui A  ses membres ne peuvent AStre tenues pour légales que dans le cas et dans la mesure où les restrictions qu'elles assignent A  ces libertés dérivent nécessairement des obligations qui incombent A  l'Ordre et des mesures qu'impliquent ces obligations - (CE. 29 juillet 1950, Comité de défense des libertés professionnelles des experts comples brevetés par l'Etat).
Il est remarquable que le juge judiciaire, compétent lorsqu'une sanction disciplinaire est prise par un groupe privé ne participant pas A  la gestion d'un service public, ait dégagé des principes très isins (Civ. 28 octobre 1981, Bachaud). Tout en respectant l'autonomie nécessaire des groupements (notamment A  caractère idéologique), il fait respecter les principes généraux du droit, et, exerce un contrôle de l'adéquation entre les faits reprochés et la gravité de la sanction, qui n'a peut AStre pas été sans influence sur l'attitude du juge administratif. L'intervention du juge judiciaire présente un avantage. Il peut annuler la sanction mais aussi prendre toutes les mesures nécessaires pour en assurer la réparation. En revanche, le Conseil d'Etat estime ne pas air qualité pour adresser des injonctions A  ['administration ou A  un organisme privé associé par le législateur A  l'exécution d'un service pu: blic administratif A  l'occasion d'un litige relatif A  une décision prise par cet organisme dans l'exercice d'une prérogative de puissance publique. Ces groupes privés bénéficient au moins encore pour l'instant, d'un privilège reconnu par le juge administratif A  l'administration.


EXERCICE


CAS PRATIQUE

Un décret du 1" avril 199x relatif A  l'enseignement public dans les - zones d'éducation difficile - préit, dans son article 3, que - les professeurs certifiés, affectés A  un collège d'enseignement général (C.E.G.) dans une - zone d'éducation difficile - bénéficieront, par décision rectorale prise au vu de leur dossier, pour une durée de 3 ans, d'une prime, dite P.E.D. (Prime d'enseignement difficile), dont le montant annuel sera déterminé par arrASté ministériel -.
M. Martin a été, juste après l'obtention de son CAPES, le 30 juin 199x, affecté A  titre principal au lycée - Rambo I - situé dans une telle zone. Devant effectuer une partie de son service au collège - Rambo II -, il a immédiatement fait parvenir au rectorat, une demande tendant A  l'octroi de la prime P.E.D.
Le 1" août 199x, il a reA§u une lettre du recteur l'informant qu'après examen de son dossier, ladite prime lui avait été accordée, et l'encourageant A  effectuer son métier avec zèle et déuement (Cette décision a été publiée le 8 août dans le bulletin du rectorat.)

I ' Vous envisagerez ensuite, les 4 hypothèses suivantes :
1) Le 1er septembre 199x, le directeur du C.E.G. écrit A  M. Martin pour lui expliquer que la prime P.E.D. ne pourra lui AStre versée car le C.E.G. Rambo II n'a pas été classé parmi les élissements sectiuneant dans une - zone d'éducation difficile -.
2) Le 1er septembre 199x, le recteur d'académie écrit A  M. Martin pour lui indiquer qu'A  son grand regret, il se it contraint de lui refuser la prime P.E.D. qu'il avait cru pouir lui attribuer. En effet, il a reA§u une circulaire ministérielle du 25 août 199x lui précisant que seuls les professeurs exerA§ant A  plein temps leur activité dans un C.E.G. pouvaient bénéficier de la prime P.E.D.
3) Le 1" septembre 199x, le recteur écrit A  M. Martin dans les mASmes termes, mais en se fondant, non plus sur la circulaire du 25 août 199x, mais sur un article 6 du décret du 1A° avril 199x qui contenait des dispositions identiques.
4) Vous supposerez que la mASme lettre est notifiée A  l'intéressé le 6 janvier 199y seulement.

II ' Il us est également demandé :
a) de préciser quelles seraient, en droit, les conséquences d'une fraude de l'intéressé qui aurait, par exemple, fait valoir dans sa demande de prime, une qualité qu'il ne possédait pas.
b) Quelle serait la portée d'une disposition du décret du 1" avril 199x qui préierait que l'arrASté du recteur doit AStre transmis, dans le délai d'un mois, au ministre de l'éducation nationale, ce dernier disposant alors d'un délai de 2 mois pour modifier éventuellement la décision rectorale.

Corrigé ( sommaire)


' Rappel des faits.

' Ce rappel doit surtout permettre de qualifier clairement des faits, en eux-mASmes simples A  résumer.
Il doit en ressortir que la décision rectorale, attribuant A  M. Martin la prime P.E.D., constitue un acte administratif individuel, notifié A  l'intéressé. Le 2' acte émanant selon les hypothèses envisagées du directeur du collège ou du recteur lui-mASme s'analyse en un retrait de la décision attributive de la prime.
La question de droit consiste donc A  sair dans quelle mesure une autorité administrative peut retirer un acte administratif individuel.
Les principes fondamentaux ont été posés par la jurisprudence Dame Cachet (CE. 3 novembre 1922).
Le retrait d'un acte administratif, qui se caractérise par sa rétroactivité (annulation de l'acte dès son origine), est, au terme de cette jurisprudence, seulement possible si l'acte initial n'a pas été créateur de droit.
S'il a été créateur de droit, son retrait n'est possible que si l'acte est entaché d'illégalité et si le retrait est opéré dans le délai de recours contentieux, ou, si une instance est en cours, jusqu'A  ce que le juge se soit définitivement prononcé.
La jurisprudence a, ainsi, entendu concilier les besoins de silité et de sécurité juridique, d'une part, qui supposent une certaine intangibilité des droits acquis, et l'intérASt général et celui de l'administration, d'autre part, qui doivent conduire A  mettre fin A  des situations illégales.
I ' Il convient donc, préalablement, de se demander si la décision attribuant la prime P.E.D. était ou non créatrice de droit. La jurisprudence a, en la matière, adopté une position logique et nuancée. Lorsque l'attribution de la prime est automatique dès lors que certaines conditions sont remplies par l'intéressé, la décision l'accordant est seulement récognitive et, donc, non créatrice de droit (CE. Sect. 15 octobre 1976, Bais-sière, Rec. 419). En revanche, lorsqu'une prise en compte de la situation particulière de l'intéressé, résultant de ses mérites, de son dossier est nécessaire, la décision est attributive et donc créatrice de droit (CE. 24 mars 1956, Teulières, Rec. 140 ; CE. 25 septembre 1987, Délie Guyen, Rec. p. 530 ; CE. 26 mars 1990, Consorts Machet, Rec. 69). En l'occurrence, la décision rectorale, prise au vu du dossier était inconteslement créatrice de droit dès sa signature. Dès lors, des solutions différentes doivent AStre proposées selon les hypothèses envisagées.
1) La première hypothèse appelle une réponse très simple. Sans mASme s'interroger sur les motifs inqués, on doit constater que le directeur du C.E.G. qui n'avait, A  défaut de tout texte, aucune compétence pour attribuer la prime, n'en avait pas plus pour la retirer. Le vice d'incompétence est d'ordre public. MASme si le requérant omettait d'en faire état, il appartiendrait au juge administratif de le relever. On peut rapprocher cette exigence de celle du parallélisme des compétences des formes et des procédures qui intervient aussi lorsqu'on se trouve face aune simple abrogation. Sur le fond, on peut ajouter que le directeur du C.E.G. semble ajouter une condition nouvelle A  celles que préyait le décret du 1" avril 199x ce qui constituerait une illégalité supplémentaire.
2) L'incompétence ne peut plus AStre inquée dans la 2r hypothèse puisque la décision émane du recteur lui-mASme, auteur de la première mesure. Mais ce dernier inque une circulaire du 25 août 199x qui limiterait l'octroi de la prime aux seuls professeurs exerA§ant A  plein temps leur activité dans un C.E.G., ce qui n'est pas le cas de M. Martin. Outre son caractère rétroactif, cette circulaire a le défaut d'ajouter une condition nouvelle d'attribution non prévue par le décret. Or les circulaires ministérielles peuvent AStre interprétatives, expliciter la portée des textes supérieurs. Elles ne sauraient AStre réglementaires et en modifier, restrictive-ment ici, la portée (Jurisprudence Notre Dame duKreis-ker). La décision du recteur, datée du 1" septembre 199x, bien qu'intervenue dans le délai du recours contentieux (2 mois A  compter de la notification de l'arrASté rectoral) est entachée d'illégalité.
3) Tel n'est plus le cas de la décision du recteur du V septembre 199x intervenue dans la troisième hypothèse. Il se fonde alors, pour procéder au retrait de sa première décision, sur une disposition du décret du 1" avril 199y. La décision attributive de la prime était entachée d'illégalité, puisque M. Martin ne répondait pas aux conditions prévues par ce texte. Elle devait AStre motivée, car les décisions retirant ou abrogeant une décision créatrice de droit sont au nombre des décisions individuelles défarables que l'administration est tenue de motiver, depuis la loi du 11 juillet 1979. A cette condition, elle pouvait AStre retirée par l'autorité qui en était l'auteur, dans les deux mois correspondant au délai du recours contentieux.
4) C'est cette dernière considération qui permet, au contraire, de faire considérer comme illégale, une décision rectorale de retrait qui n'aurait été notifiée que le 6 janvier 199y, soit bien au-delA  du délai de recours contentieux. Les droits doivent AStre considérés comme définitivement acquis, dès lors que la décision initiale n'a été ni attaquée, ni rapportée, dans les délais du recours contentieux (ici, 2 mois A  compter de la notification de l'acte A  l'intéressé). Sa publication dans un bulletin officiel évite de se poser la question de sair si le délai de recours ne continue pas A  courir, comme c'est fréquemment le cas s'agissant de mesures individuelles concernant des fonctionnaires.
II'a) L'existence d'une fraude de l'intéressé peut air des incidences sur le régime juridique du retrait. Si, en effet, M. Martin avait, dans sa demande, fait valoir une qualité qu'il ne possédait pas (par exemple celle de professeur), la décision lui attribuant la prime pourrait AStre retirée sans considération de délai (Jurisprudence constante depuis C.E.l 7 juin 1955, Silberstein ; CE. 24 février 1984 Ministre de l'Urbanisme C. Des-près). L'existence d'une fraude ne dispenserait cependant pas l'administration de motiver sa décision de retrait (CE. 25 avril 1990 Dame uereo).
b) La présence, dans le décret du 1" avril 199x, d'une disposition préyant que l'arrASté du recteur attribuant la prime doit AStre transmis au ministre de l'éducation nationale, qui dispose alors d'un délai de 2 mois pour modifier la décision rectorale, a une incidence directe sur la date de création des droits. Celle-ci partait, dans les hypothèses précédentes de la signature de l'arrASté individuel d'attribution de la prime par le recteur.
Normalement, le ministre de l'éducation nationale, supérieur hiérarchique du recteur, ne devrait pas disposer de pouirs plus étendus que ce dernier. Mais, en l'occurrence, le décret serait considéré comme organisant une procédure particulière. Jusqu'A  l'expiration du délai prévu par ce dernier, le ministre dispose du pouir de modifier la décision du recteur, mASme légale, pour des considérations d'opportunité : (CE. As. 29 mars 1968 Manufacture franA§aise des pneumatiques Michelin). Les droits ne sont certainement acquis, pour l'intéressé, qu'A  l'issue du délai prévu (1 mois pour la transmission et 2 mois réservés A  l'examen du ministre). A partir de ce moment, le ministre conserve d'ailleurs les pouirs qu'il tient du droit commun. Tout comme l'auteur de la décision, il peut retirer l'acte initial, créateur de droits, pour illégalité, dans le délai du recours contentieux.



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