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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Défendre les droits de l'homme contre le droit des anciens



Défendre les droits de l'homme contre le droit des anciens
Que l'humanisme juridique soit rigoureusement incompatible ac la conception classique du droit, ce n'est guère douteux, au moins pour deux raisons qui apparaissent clairement si l'on revient un instant A  cette cosmologie dont nous avons vu comment elle fournit, chez Aristote, le cadre de toute la réflexion juridique.



1 / Une telle cosmologie donne lieu, en effet, A  une vision naturaliste du politique, pour laquelle la détermination du - meilleur régime - s'effectue par considération de l'ordre naturel, et non A  partir de la prise en compte des exigences humaines. L'art politique, aussi bien chez Platon que chez Aristote, consiste, comme tout art, A  imiter la nature, c'est-A -dire A  produire dans la cité un ordre analogue A  celui du cosmos ' le critère du juste se situant donc plus dans la naturalité que dans l'humanité de telle ou telle disposition. Ce naturalisme est d'ailleurs fort bien souligné par Strauss lorsqu'il expose les modalités classiques de la détermination du - bien - : puisque - tous les AStres naturels ont une fin naturelle, une destinée naturelle -, c'est la définition de cette destination naturelle (définition procédant de l'observation de la nature comme cosmos) qui - détermine quelles sont les opérations qui sont bonnes pour eux - ' de sorte que, - parmi les penchants et les désirs de l'homme, nous devons distinguer entre ceux qui sont naturels et ceux qui sont nés de la conntion, et en outre entre ceux qui sont conformes A  la nature humaine, donc bons pour l'homme, et ceux qui, altérant sa nature, son humanité, sont par conséquent mauvais -*. Analyse subtile et précise, dont on aurait tort de croire qu'elle ménage la possibilité d'inscrire, dans la conception antique du droit, une quelconque thématique des droits de l'homme : bien au contraire, A  trars l'évocation straussienne, la détermination classique de ce qui est juste pour l'homme apparait considérer non point l'humanité comme telle, mais seulement l'humanité comme élément particulier d'une nature hiérarchisée qui lui assigne sa place et sa fonction; en ce sens, c'est bien le naturel (dont l'humain est une dimension), et non pas l'humain, qui fonde le juste : - Le naturel est ici entendu en opposition A  ce qui est humain, par trop humain -2, c'est-A -dire en opposition A  ce qui n'est qu'une inntion artificielle de l'homme, fût-elle conforme A  l'idée que l'homme pourrait se faire de ses droits, et, simple conntion, n'est pas inscrit dans la nature mASme des choses. Un tel naturalisme exclut donc toute fondation du droit sur l'idée d'un quelconque contrat par lequel les volontés libres s'accorderaient pour définir conntionnellement la structure du corps politique : le schème contractualiste, cardinal chez les Modernes pour qui il ure l'accord des volontés déclarant les droits qu'elles se reconnaissent réciproquement, est par définition (du moins dans sa rsion individualiste) étranger A  la conception classique du droit.

2 / D'autre part, la représentation du monde qui fonde le droit naturel antique implique une vision inégalitaire du droit : puisque le juste est ce qui revient en propre A  quelque chose en rtu de sa nature et que les natures sont hiérarchisées, il est conforme au droit naturel que, par analogie ac la théorie des lieux naturels, ceux qui ont une nature basse soient soumis A  l'autorité et que ceux dont la nature est élevée exercent le pouvoir. Ce n'est donc pas l'égalité qui est ici le principe du juste, mais la proportionnalité, c'est-A -dire l'élissement d'un ordre hiérarchique qui imite l'ordre cosmique. Il serait aisé d'illustrer cette vision inégalitaire du droit en évoquant la distribution platonicienne de la cité en trois classes selon le naturel des individus qui la composent ' en sorte que - chacun d'eux fait dans l'Etat la tache qui lui revient - : - telle est la justice et ce qui fait qu'un Etat est juste -*. De mASme, on sait que, dans la Politique*, Aristote déclare - naturel - qu'il existe des maitres et des esclas ' division qu'il estime - bonne - aussi bien pour les premiers que pour les seconds, car il est - naturel - que les moins intelligents soient dirigés par les plus sages. Il est évident qu'une telle conception du droit naturel, rejetant par définition l'idée d'un droit égalitaire3, est radicalement hétérogène au thème moderne des - droits de l'homme -, lequel suppose au contraire l'affirmation de l'existence d'une nature humaine commune.


Il faut donc saluer ici l'esprit de conséquence qui anime le travail de M. Villey quand, convaincu que seul un retour A  la transcendance objecti du droit naturel antique permettrait d'échapper aux négations modernes de l'autonomie du droit, il en vient A  critiquer explicitement le discours des droits de l'homme4 : jouer les Anciens contre les Modernes, c'est prendre en compte 1' - inexistence des droits de l'homme dans l'Antiquité -, et admettre que - l'inégalité est la règle -5, entendre : l'inégalité en droit. - Le créancier ne saurait avoir le mASme droit que le débiteur, ni le criminel que l'innocent -6 : peut-AStre, sous cette forme, acceptera-t-on encore, A  la rigueur, la thèse selon laquelle - l'Homme n'a pas de droit - et - seuls des hommes ont des droits dirs - ' mais en sera-t-il de mASme si l'on intègre, parmi les différences - en fonction desquelles se calculent ces proportions que sont les droits -, celles qui tiennent au sexe, A  l'age, A  la classe, A  la richesse, A  la fonction exercée dans le groupe social' ? L'humanisme moderne, reconnaissant la valeur de la personne humaine comme telle, éprou plus qu'une simple réticence, il faut en connir, face A  ces conclusions qui sont pleinement cohérentes dès lors que l'on fait du retour rs la pensée classique la condition de la rénovation de l'idée du droit. Il est significatif A  cet égard de voir P. Aubenque, dans un récent article où la sympathie pour le naturalisme juridique d'Aristote est par ailleurs évidente, clore son analyse en reprochant aux textes étudiés de ne se demander jamais - si l'inégalité entre les hommes, si naturelle soit-elle, est compatible ac les valeurs que l'homme porte en lui -, et en connant que - les théories modernes du droit naturel, des - droits de l'homme - ' cet homme fût-il intemporel et abstrait ' représentent, quoi que l'on ait pu dire contre elles, un progrès par rapport au - jusnaturalisme - aristotélicien -J.
Cela dit, qu'au nom des valeurs que l'homme (moderne) porte en lui il soit difficile d'assumer les conséquences antihumanistes d'un retour au droit naturel antique, c'est lA , certes, une évidence, mais elle ne suffirait point, par elle-mASme, A  disqualifier le geste du retour aux Anciens : si la modernité conduit par essence A  la négation du droit, il est absurde de protester contre les Anciens au nom des valeurs de cette mASme modernité. Il y aurait en effet quelque injustice A  ne pas restituer ici dans son intégralité l'argumentation de M. Villey contre l'humanisme juridique, et A  n'en retenir que les critiques, assurément déconcertantes, A  l'égard du discours des droits de l'homme; plus précisément : rejeter ces critiques au nom des valeurs de l'humanisme, ce serait ne pas voir, selon M. Villey, quelle relation unit ces valeurs et les modernes négations du droit, et donc contribuer A  la perpétuation de telles négations. Une défense réfléchie des droits de l'homme contre le droit des Anciens ne saurait donc esquir un débat ac une argumentation aussi soutenue que provocante.
Pour comprendre la logique de l'argumentation, il faut rappeler ce qui constitue, selon M. Villey (très proche, sur ce point encore, des thèses straussiennes), le mécanisme fondateur, ou fondamental, de la destruction moderne du droit ' A  savoir l'émergence d'une pensée du droit élissant la subjectivité comme principe de l'évaluation juridique : si l'on préfère, l'idée du droit subjectif1. A la différence des Classiques, les Modernes se représentent en effet le droit, on l'a déjA  noté, comme déductible de la nature ou de l'essence du sujet humain, et non plus comme un droit objectif inscrit dans la nature des choses2. A l'intérieur d'une telle représentation du juste, le droit signifie désormais, pour l'individu, le - pouvoir - ou la - liberté - de telle ou telle action ' ac, au sommet, les pouvoirs ou droits subjectifs du sourain et, comme cran d'arrASt A  l'absolutisme de ce pouvoir sourain, les droits naturels de l'individu, entendus eux aussi comme des - pouvoirs - ou des - libertés - : reconnaitre A  l'homme les droits naturels A  une opinion libre, A  l'expression de sa pensée, etc., équivaut A  lui reconnaitre un certain nombre de - pouvoirs - qu'il peut éntuellement faire valoir contre le Pouvoir lui-mASme, et sans quoi il ne serait plus un AStre humain, c'est-A -dire un sujet par opposition aux simples objets. Donc les droits subjectifs (droits de l'homme comme tel) expriment certaines possibilités d'agir inhérentes au sujet individuel ' le juriste qui élit la liste de ces droits se mettant ici au service de l'individu ' ainsi que le souligne également Strauss : - Les droits de l'homme expriment et ulent exprimer ce que tout le monde désire réellement et de toute faA§on ; ils consacrent l'intérASt particulier de chacun, tel que chacun le conA§oit ou peut AStre aisément amené A  le concevoir -3. Entérinant la puissance de l'individu, dont la promotion définit toute la modernité, le droit subjectif accomplit en ce sens un retournement radical par rapport aux conceptions classiques, où le droit apparaissait au contraire comme une limite imposée par la nature des choses (par l'ordre du monde) au pouvoir de l'individu (la loi contre Vhybris de l'homme). En conséquence, selon M. Villey, puisque la nature n'est plus, pour les Modernes, l'étalon du droit, n'importe quelle rendication individuelle peut denir un droit : les droits n'étant posés que par des volontés individuelles exigeant ce qu'elles considèrent comme les conditions de possibilité de l'humanité, il suffit qu'il se forme un consensus, ou que l'esprit du temps s'accorde autour de la reconnaissance de tel ou tel pouvoir comme constitutif de la subjectivité, pour qu'un droit doi AStre - déclaré -. Ainsi, A  l'horizon mASme de la notion de droit subjectif, un accord de fait pourrait fonder le droit1 ' réduction du droit au fait qui, constituti du positivisme juridique, ruinerait la dimension du droit. La conclusion, alors, s'imposerait : toute conception du droit fondée sur l'humanisme (sur la position de l'homme comme auteur et fin du droit) et culminant dans la notion des droits de l'homme aboutit A  supprimer la distinction entre l'ordre des faits et celui des valeurs, et, pour rénor l'idée du droit, il faudrait donc - s'attaquer A  l'humanisme -2 ' A  la fois A  l'humanisme philosophique (et avant tout A  Kant, - le copernicien qui voudrait que tout gravitat autour de l'homme -) et A  1' - humanisme juridique - qui domine depuis la Renaissance. De lA  une critique du discours des droits de l'homme, comme - produit de l'époque moderne - et comme faux antidote du positivisme juridique4, dont on conviendra qu'elle fait preu non seulement de cohérence, mais, par son refus de toute démagogie, d'un vérile courage intellectuel5.


Défendre les droits de l'homme contre le retour au droit des Anciens suppose donc non seulement une indignation morale enrs le caractère inégalitaire des conceptions classiques, mais la capacité de produire une vérile réponse A  l'argumentation qu'on vient de restituer ' bref, une défense philosophiquement non naï de l'humanisme contre les objections qu'on peut lui opposer au nom du naturalisme des Anciens.





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