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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Sieyes

LES LOIS FONDAMENTALES ET LES LOIS CIVILES
Sieyès, Qu'esl-ce que le tiers étal ?, Champs-Flammarion, 1988, p. 123-l30.

Assemblée nationale. Il garde jusque sous l'Empire un rôle politique : on ne sait s'il participa A  la Terreur. Il a imposé certaines idées dans Constitution de 1791 et celle de l'an VIII. Bien que déniant tout rôle politique aux privilégiés (ils vont contre l'intérASt de l'Etat ; seul le tiers est la nation), il n'en attribue pas moins une importance sociale A  la propriété. II propose ainsi d'instaurer un système censitaire en créant la distinction entre citoyens passifs et citoyens actifs, ce qu'il fait passer dans la Constitution de 1791-Disciple de Rousseau, il affirme la souveraineté de la nation en matière de législation. Cependant, il introduit une donnée qui gauchit l'intention de Rousseau : il s'agit de la différence entre les lois fondamentales et les autres lois. La nécessité de déléguer le gouvernement des affaires politiques est A  la source de cette opposition. D'abord le peuple, ou ses représentants vériles réunis en Assemblée constituante, doit formuler les modalités de cette délégation par une Constitution. Une fois désignés selon les règles fondamentales de la Constitution, les gouvernants ne peuvent en aucun cas toucher A  ces lois. La nation le peut, car elle ne peut sans absurdité se lier elle-mASme. Elle demeure le pouvoir constituant A  tout moment. En cela, Sieyès respecte l'esprit de Rousseau. Néanmoins, le gouvernement désigné selon les modalités constitutionnelles, ou - pouvoir constitué -, a le droit de formuler les lois ordinaires, d'en modifier de précédentes, etc. Il n'est pas lié par cette deuxième sorre de lois. On comprend maintenant le décalage opéré par rapport A  Rousseau. Le deuxième type de lois intéresse le plus les citoyens : ce sont les lois - proprement dites - qui assurent la vie en commun, elles sont la fin de l'état dont le gouvernement n'est qu'un moyen. Or elles sont l'ouvrage du gouvernement. Celui-ci n'est chargé chez Rousseau que d'appliquer la loi, mais il représente le pouvoir législatif chez Sieyès. La différence vient en partie de la terminologie (Sieyès appelle - gouvernement - le corps législatif), mais aussi certainement d'un réalisme, conscient de la nécessité de la représentation politique. Sieyès déplace la frontière que Rousseau posait entre le souverain et le gou-vernemenr : il ne s'agit plus d'opposer celui qui fait la loi et celui qui l'applique, mais celui qui autorise A  la faire (le pouvoir constituant) A  celui qui la fait et l'applique (le pouvoir constitué). Rousseau en réalité n'était-il pas conscient des problèmes soulevés par la difficulté de rendre le peuple acteur ? Lui aussi a accepté dans ses projets politiques la représentation du peuple ; il a par ailleurs reconnu (Du contrat social, II, chap. vi) que si le peuple est toujours l'auteur des lois en ce qu'il doit toutes les accepter, il n'en saurait AStre, faute d'expérience ou de compétence, l'initiateur ni le rédacteur.
Dernier point. Rousseau tempAStait ses réflexions radicales par des appels A  la modération et A  la sagesse politiques : c'est un réformiste. Sieyès au contraire développe l'idée d'une vigilance du pouvoir constituant qui peut A  tout moment changer des formes constitutionnelles qui ne lui conviennent plus. La monarchie franA§aise est visée, si tant est qu'elle ait une Constitution. Il semble y avoir un droit A  la révolution. Il n'en reste pas moins que, chez Sieyès, l'intimité de la loi et de la volonté générale est distendue. S'il invoque le droit naturel comme norme politique, en particulier contre les privilèges, il éclipse le rapport réfléchi de la loi A  l'intérASt général au profit de la seule constitu-tionnalité du gouvernement. Les lois fondamentales sont donc données au gouvernement et non A  la nation, et la motition de Sieyès n'est pas de proclamer certains droits (du type des droits de l'homme) fondamentaux de l'individu, mais de rendre légitime un pouvoir constitué. Cette idée constitutionnelle chère A  Sieyès fera fortune : il imposera dans la Constitution de l'an VIII un Sénat conserteur chargé de faire respecter la Constitution.

Mais puisqu'il faut toujours AStre clair, et qu'on ne l'est point en discourant sans principes, nous prierons au moins le lecteur de considérer dans la formation d'une société politique trois époques, dont la distinction préparera A  des éclaircissements nécessaires.
Dans la première on conA§oit un nombre plus ou moins considérable d'individus isolés qui veulent se réunir. Par ce seul fait ils forment déjA  une nation : ils en ont tous les droits ; il ne s'agit plus que de les exercer. Cette première époque est caractérisée par le jeu des volontés individuelles. L'association est leur ouvrage ; elles sont l'origine de tout pouvoir.
La seconde époque est caractérisée par l'action de la volonté commune. Les associés veulent donner de la consistance A  leur union ; ils veulent en remplir le but. Ils confèrent donc et ils conviennent entre eux des besoins publics et des moyens d'y pourvoir. On voit qu'ici le pouvoir appartient au public. Les volontés individuelles en sont bien toujours l'origine et en forment les éléments essentiels ; mais considérées séparément, leur pouvoir serait nul. Il ne réside que dans l'ensemble. Il faut A  la communauté une volonté commune ; sans l'unité de volonté elle ne parviendrait pas A  faire un tout voulant et agissant. Certainement aussi ce tout n'a aucun droit qui n'appartienne A  la volonté commune.
Mais franchissons les interlles de temps. Les associés sont trop nombreux et répandus sur une surface trop étendue, pour exercer facilement eux-mASmes leut volonté commune. Que font-ils ? Ils en détachent tout ce qui est nécessaire, pour veiller et pourvoir aux soins publics ; et cette portion de volonté nationale et par conséquent de pouvoir, ils en confient l'exercice A  quelques-uns d'entre eux. Nous voici A  la troisième époque, c'est-A -dire A  celle d'un gouvernement exercé par procuration. Remarquons sur cela plusieurs vérités. 1) La communauté ne se dépouille point du droit de vouloir ; c'est sa propriété inaliénable ; elle ne peut qu'en commettre l'exercice. Ce principe est développé ailleurs. 2) Le corps des délégués ne peut pas mASme avoir la plénitude de cet exercice. La communauté n'a pu lui confier de son pouvoir total que cette portion qui est nécessaire pour maintenir le bon ordre. On ne donne point du superflu en ce genre. 3) Il n'appartient donc pas au corps des délégués de déranger les limites du pouvoir qui lui a été confié. On conA§oit que cette faculté serait contradictoire A  elle-mASme.
Je distingue la troisième époque de la seconde, en ce que ce n'est plus la volonté commune réelle qui agit, c'est une volonté commune représentative. Deux caractères ineffaA§ables lui appartiennent ; il faut le répéter. 1) Cette volonté n'est pas pleine et illimitée dans le corps des représentants ; ce n'est qu'une portion de la grande volonté commune nationale. 2) Les délégués ne l'exercent point comme un droit propre, c'est le droit d'autrui ; la volonté commune n'est lA  qu'en commission.
Actuellement je laisse une foule de réflexions, auxquelles cet exposé nous conduirait assez naturellement, et je marche A  mon but. Il s'agit de savoir ce qu'on doit entendre par la constitution politique d'une société, et de remarquer ses justes rapports avec la nation elle-mASme.
Il est impossible de créer un corps pour une fin sans lui donner une organisation, des formes et des lois propres A  lui faire remplir les fonctions auxquelles on a voulu le destiner. C'est ce qu'on appelle la constitution de ce corps. Il est évident qu'il ne peut pas exister sans elle. 11 l'est donc aussi que tout gouvernement commis doit avoir sa constitution ; ec ce qui est vrai du gouvernement en général, l'est aussi de toutes les parties qui le composent. Ainsi le corps des représentants, A  qui est confié le pouvoir législatif ou l'exercice de la volonté commune, n'existe qu'avec la manière d'AStre que la nation a voulu lui donner. Il n'est rien sans ses formes constitutives ; il n'agit, il ne se dirige, il ne commande que par elles.
A€ cette nécessité d'organiser le corps du gouvernement, si on veut qu'il existe ou qu'il agisse, il faut ajouter l'intérASt qu'a la nation A  ce que le pouvoir public délégué ne puisse jamais devenir nuisible A  ses commettants. De lA  une multitude de précautions politiques qu'on a mASlées A  la constitution, et qui sont autant de règles essentielles au gouvernement, sans lesquelles l'exercice du pouvoir deviendrait illégal.
On sent donc la double nécessité de soumettre le gouvernement A  des formes certaines, soit intérieures, soit extérieures, qui garantissent son aptitude A  la fin pour laquelle il est éli et son impuissance A  s'en ésectiuner.
Mais qu'on nous dise d'après quelles vues, d'après quel intérASt on aurait pu donner une constitution A  la nation elle-mASme. La nation existe ant tout, elle est l'origine de tout. Sa volonté est toujours légale, elle est la loi elle-mASme. Ant elle et au-dessus d'elle il n'y a que le droit naturel. Si nous voulons nous former une idée juste de la suite des lois positives qui ne peuvent émaner que de sa volonté, nous voyons en première ligne les lois constitutionnelles, qui se divisent en deux parties : les unes règlent l'organisation et les fonctions du corps législatif; les autres déterminent l'organisation et les fonctions des différents corps actifs. Ces lois sont dites fondamentales, non pas en ce sens qu'elles puissent devenir indépendantes de la volonté nationale, mais parce que les corps qui existent et agissent par elles ne peuvent point y toucher. Dans chaque partie la constitution n'est pas l'ouvrage du pouvoir constitué, mais du pouvoir constituant. Aucune sorte de pouvoir délégué ne peut rien changer aux conditions de sa délégation. C'est ainsi, et non autrement que les lois constitutionnelles sont fondamentales. Les premières, celles qui élissent la législature, sont fondées pat la volonté nationale ant toute constitution ; elles en forment le premier degré. Les secondes doivent AStre élies de mASme par une volonté représentative spéciale. Ainsi toutes les parties du gouvernement se répondent et dépendent en dernière analyse de la nation. Nous n'offrons ici qu'une idée fugitive, mais elle est exacte.
On conA§oit facilement ensuite comment les lois proprement dites, celles qui protègent les citoyens et décident de l'intérASt commun, sont l'ouvrage du corps législatif fotmé et se mount d'après ses conditions constitutives. Quoique nous ne présentions ces dernières lois qu'en seconde ligne, elles sont néanmoins les plus importantes, elles sont la fin dont la constitution n'est que le moyen. On peut les diviser en deux parties : les lois immédiates ou protectrices, et les lois médiates ou directrices. Ce n'est pas ici le lieu de donner plus de développement A  cette analyse.
Nous avons vu naitre la constitution dans la seconde époque. Il est clair qu'elle n'est relative qu'au gouvernement. Il serait ridicule de supposer la nation liée elle-mASme par les formalités ou par la constitution, auxquelles elle a assujetti ses mandataires. S'il lui ait fallu attendre, pour devenir une nation, une manière d'AStre positive, elle n'aurait jamais été. La nation se fotme par le seul droit naturel. Le gouvernement, au contraire, ne peut appartenir qu'au droit positif. La nation est tout ce qu'elle peut AStre pat cela seul qu'elle est. Il ne dépend point de sa volonté de s'attribuer plus ou moins de droits qu'elle n'en a. A€ sa première époque elle a cous ceux d'une nation. A€ la seconde époque elle les exerce ; A  la troisième elle en fait exercer par ses représentants tout ce qui est nécessaire pour la consertion et le bon ordre de la communauté. Si l'on sort de cette suite d'idées simples, on ne peut que tomber d'absurdité en absurdité.
Le gouvernement n'exerce un pouvoir réel qu'autant qu'il est constitutionnel ; il n'est légal qu'autant qu'il est fidèle aux lois qui lui ont été imposées. La volonté nationale, au contraire, n'a besoin que de sa réalité pour AStre toujours légale, elle est l'origine de toute légalité.
Non seulement la nation n'est pas soumise A  une constitution, mais elle ne peut pas l'AStre, mais elle ne doit pas l'AStre, ce qui équiut encore A  dire qu'elle ne l'est pas.



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