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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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La volonté de savoir (i976)



Le chapitre V de La volonté de savoir est intitulé : "Droit de mort et pouvoir sur la vie". Foucault y analyse comment le pouvoir sur la vie déloppe toute une "technologie politique de la vie", par les disciplines du corps ("dressage, intensification et distribution des forces, ajustement et économies des énergies") et par la régulation des populations. Le propos de Foucault est de montrer comment "le sexe devient une cible centrale pour un pouvoir qui s'organise autour de la gestion de la vie plutôt que de la menace de mort".


Pour montrer l'émergence de cet instissement du pouvoir politique dans la sexualité et la vie, il donne une perspecti historique A  son analyse. Pendant longtemps, dit-il, "un des privilèges caractéristiques du pouvoir sourain avait été le droit de vie et de mort". Mais aujourd'hui, et progressiment depuis le XIXe siècle, la vie et la mort se sont partiellement dégagées de la logique juridique fondée sur le principe de la souraineté, pour denir objets d'une gestion politique du pouvoir étatique. Contre une telle emprise se font jour des rendications qui se formulent en termes de droit' "droit" A  la vie, au corps, A  la santé, au bonheur, A  la satisfaction des besoins ' - le "droit", par delA  toutes les oppressions ou "aliénations", A  retrour ce que l'on est et tout ce l'on peut AStre". Ainsi Foucault pro-pose-t-il une explication ou une interprétation de ces phénomènes contemporains que la pensée juridique classique ne permet guère de comprendre, tant ils sont les effets de pratiques sociales et politiques noulles.
Longtemps, un des privilèges caractéristiques du pouvoir sourain avait été le droit de vie et de mort. Sans doute dérivait-il formellement de la vieille patria potestas qui donnait au père de famille romain le droit de - disposer - de la vie de ses enfants comme de celle des esclas ; il la leur avait - donnée -, il pouvait la leur retirer. Le droit de vie et de mort tel qu'il se formule chez les théoriciens classiques en est une forme déjA  considérablement atténuée. Du sourain A  ses sujets, on ne conA§oit plus qu'il s'exerce dans l'absolu et inconditionnellement, mais dans les seuls cas où le sourain se trou exposé dans son existence mASme : une sorte de droit de réplique. Est-il menacé par des ennemis extérieurs, qui ulent le renrser ou contester ses droits ? Il peut alors légitimement faire la guerre, et demander A  ses sujets de prendre part A  la défense de l'Etat ; sans - se proposer directement leur mort -, il lui est licite d'- exposer leur vie - : en ce sens, il exerce sur eux un droit - indirect - de vie et de mort. Mais si c'est l'un d'eux qui se dresse contre lui et enfreint ses lois, alors il peut exercer sur sa vie un pouvoir direct : A  titre de chatiment, il le tuera. Ainsi entendu, le droit de vie et de mort n'est plus un privilège absolu : il est conditionné par la défense du sourain, et sa survie propre. Faut-il le concevoir ac Hobbes comme la transposition au prince du droit que chacun posséderait A  l'état de nature de défendre sa vie au prix de la mort des autres ? Ou faut-il y voir un droit spécifique qui apparait ac la formation de cet AStre juridique nouau qu'est le sourain ? De toute faA§on le droit de vie et de mort, sous cette forme moderne, relati et limitée comme sous sa forme ancienne et absolue, est un droit dissymétrique. Le sourain n'y exerce son droit sur la vie qu'en faisant jouer son droit de tuer, ou en le retenant : il ne marque son pouvoir sur la vie que par la mort qu'il est en mesure d'exiger. Le droit qui se formule comme - de vie et de mort - est en fait le droit de faire mourir ou de laisser vivre. Après tout, il se symbolisait par le glai. Et peut-AStre faut-il rapporter cette forme juridique A  un type historique de société où le pouvoir s'exerA§ait essentiellement comme instance de prélèment, mécanisme de soustraction, droit de s'approprier une part des richesses, extorsion de produits, de biens, de services, de travail et de sang, imposée aux sujets. Le pouvoir y était avant tout droit de prise : sur les choses, le temps, les corps et finalement la vie ; il culminait dans le privilège de s'en emparer pour la supprimer.
Or, l'Occident a connu depuis l'age classique une très profonde transformation de ces mécanismes du pouvoir. Le - prélèment - tend A  n'en plus AStre la forme majeure, mais une pièce seulement parmi d'autres qui ont des fonctions d'incitation, de renforcement, de contrôle, de surillance, de majoration et d'organisation des forces qu'il soumet : un pouvoir destiné A  produire des forces, A  les faire croitre et A  les ordonner plutôt que voué A  les barrer, A  les faire plier ou A  les détruire. Le droit de mort tendra dès lors A  se déplacer ou du moins A  prendre appui sur les exigences d'un pouvoir qui gère la vie et A  s'ordonner A  ce qu'elles réclament. Cette mort, qui se fondait sur le droit du sourain de se défendre ou de demander qu'on le défende, va apparaitre comme le simple enrs du droit pour le corps social d'assurer sa vie, de la maintenir ou de la délopper. Jamais des guerres n'ont été plus sanglantes pourtant que depuis le XIXe siècle et, mASme toutes proportions gardées, jamais les régimes n'avaient jusque-lA  pratiqué sur leurs propres populations de pareils holocaustes. Mais ce formidable pouvoir de mort ' et c'est peut-AStre ce qui lui donne une part de sa force et du cynisme ac lequel il a repoussé si loin ses propres limites ' se donne maintenant comme le complémentaire d'un pouvoir qui s'exerce positiment sur la vie, qui entreprend de la gérer, de la majorer, de la multiplier, d'exercer sur elle des contrôles précis et des régulations d'ensemble. Les guerres ne se font plus au nom du sourain qu'il faut défendre ; elles se font au nom de l'existence de tous ; on dresse des populations entières A  s'entre-tuer réciproquement au nom de la nécessité pour elles de vivre. Les massacres sont denus vitaux. C'est comme gestionnaire de la vie et de la survie, des corps et de la race que tant de régimes ont pu mener tant de guerres, en faisant tuer tant d'hommes. Et par un retournement qui permet de boucler le cercle, plus la technologie des guerres les a fait virer A  la destruction exhausti, plus en effet la décision qui les ouvre et celle qui vient les clore s'ordonnent A  la question nue de la survie. La situation atomique est aujourd'hui au point d'aboutissement de ce processus : le pouvoir d'exposer une population A  une mort générale est l'enrs du pouvoir de garantir A  une autre son maintien dans l'existence. Le principe : pouvoir tuer pour pouvoir vivre, qui soutenait la tactique des combats, est denu principe de stratégie entre états ; mais l'existence en question n'est plus celle, juridique, de la souraineté, c'est celle, biologique, d'une population. Si le génocide est bien le rAS des pouvoirs modernes, ce n'est pas par un retour aujourd'hui du vieux droit de tuer ; c'est parce que le pouvoir se situe et s'exerce au niau de la vie, de l'espèce, de la race et des phénomènes massifs de population.


J'aurais pu prendre, A  un autre niau l'exemple de la peine de mort. Elle a été longtemps ac la guerre l'autre forme du droit de glai ; elle constituait la réponse du sourain A  qui attaquait sa volonté, sa loi, sa personne. Ceux qui meurent sur l'échafaud sont denus de plus en plus rares, A  l'inrse de ceux qui meurent dans les guerres. Mais c'est pour les mASmes raisons que ceux-ci sont denus plus nombreux et ceux-lA  plus rares. Dès lors que le pouvoir s'est donné pour fonction de gérer la vie, ce n'est pas la naissance de sentiments humanitaires, c'est la raison d'AStre du pouvoir et la logique de son exercice qui ont rendu de plus en plus difficile l'application de la peine de mort. Comment un pouvoir peut-il exercer dans la mise A  mort ses plus hautes prérogatis, si son rôle majeur est d'assurer, de soutenir, de renforcer, de multiplier la vie et de la mettre en ordre ? Pour un tel pouvoir l'exécution capitale est A  la fois la limite, le scandale et la contradiction. De lA  le fait qu'on n'a pu la maintenir qu'en invoquant moins l'énormité du crime lui-mASme que la monstruosité du criminel, son incorrigibilité, et la saugarde de la société. On tue légitimement ceux qui sont pour les autres une sorte de danger biologique.
On pourrait dire qu'au vieux droit de faire mourir ou de laisser vivre s'est substitué un pouvoir de faire vivre ou de rejeter dans la mort. C'est peut-AStre ainsi que s'explique cette disqualification de la mort que marque la désuétude récente des rituels qui l'accomnaient. Le soin qu'on met A  esquir la mort est moins lié A  une angoisse noulle qui la rendrait insupporle pour nos sociétés qu'au fait que les procédures de pouvoir n'ont pas cessé de s'en détourner. Ac le passage d'un monde A  l'autre, la mort était la relè d'une souraineté terrestre par une autre, singulièrement plus puissante ; le faste qui l'entourait relevait de la cérémonie politique. Cest sur la vie maintenant et tout au long de son déroulement que le pouvoir élit ses prises ; la mort en est la limite, le moment qui lui échappe ; elle devient le point le plus secret de l'existence, le plus - privé -. Il ne faut pas s'étonner que le suicide ' crime autrefois puisqu'il était un manière d'usurper sur le droit de mort que le sourain, celui d'icias ou celui de l'au-delA , avait seul le droit d'exercer ' soit denu au cours du XIXe siècle une des premières conduites A  entrer dans le champ de l'analyse sociologique : il faisait apparaitre aux frontières et dans les interstices du pouvoir qui s'exerce sur la vie, le droit individuel et privé de mourir. Cette obstination A  mourir, si étrange et pourtant si régulière, si constante dans ses manifestations, si peu explicable par conséquent par des particularités ou accidents individuels, fut un des premiers étonnements d'une société où le pouvoir politique nait de se donner pour tache de gérer la vie.
Concrètement ce pouvoir sur la vie s'est déloppé depuis le XVIIe siècle sous deux formes principales ; elles ne sont pas antithétiques ; elles constituent plutôt deux pôles de déloppement reliés par tout un faisceau intermédiaire de relations. L'un des pôles, le premier, semble-t-il, A  s'AStre formé, a été centré sur le corps comme machine : son dressage, la majoration de ses aptitudes, l'extorsion de ses forces, la croissance parallèle de son utilité et de sa docilité, son intégration A  des systèmes de contrôle efficaces et économiques, tout cela a été assuré par des procédures de pouvoir qui caractérisent les disciplines : ana-tomo-politique du corps humain. Le second, qui s'est formé un peu plus tard, rs le milieu de XVIIe siècle, est centré sur le corps-espèce, sur le corps trarsé par la mécanique du vivant et servant de support aux processus biologiques : la prolifération, les naissances et la mortalité, le niau de santé, la durée de vie, la longévité ac toutes les conditions qui peunt les faire varier ; leur prise en charge s'opère par toute une série d'interntions et de contrôles régulateurs : une bio-politique de la population. Les disciplines du corps et les régulations de la population constituent les deux pôles autour desquels s'est déployée l'organisation du pouvoir sur la vie. La mise en place au cours de l'age classique de cette grande technologie A  double face ' anatomique et biologique, individualisante et spécifiante, tournée rs les performances du corps et regardant rs les processus de la vie ' caractérise un pouvoir dont la plus haute fonction désormais n'est peut-AStre plus de tuer mais d'instir la vie de part en part.
La vieille puissance de la mort où se symbolisait le pouvoir sourain est maintenant recourte soigneusement par l'administration des corps et la gestion calculatrice de la vie. Déloppement rapide au cours de l'age classique des disciplines dirses ' écoles, collèges, casernes, ateliers ; apparition aussi, dans le champ des pratiques politiques et des observations économiques, des problèmes de natalité, de longévité, de santé publique, d'habitat, de migration ; explosion, donc, de techniques dirses et nombreuses pour obtenir l'assujettissement des corps et le contrôle des populations. S'ouvre ainsi l'ère d'un - bio-pouvoir -. Les deux directions dans lesquelles il se déloppe apparaissent encore au XVIIIe siècle nettement séparées. Du côté de la discipline, ce sont des institutions comme l'armée ou l'école ; ce sont des réflexions sur la tactique, sur l'apprentissage, sur l'éducation, sur l'ordre des sociétés ; elles vont des analyses proprement militaires du Maréchal de Saxe aux rASs politiques de Gui-bert ou de Servan. Du côté des régulations de population, c'est la démographie, c'est l'estimation du rapport entre ressources et habitants, c'est la mise en leau des richesses et de leur circulation, des vies et de leur durée probable : c'est Quesnay, Moheau, Sussmilch. La philosophie des - Idéologues - comme théorie de l'idée, du signe de la genèse individuelle des sensations mais aussi de la composition sociale des intérASts, l'Idéologie comme doctrine de l'apprentissage mais aussi du contrat et de la formation réglée du corps social constitue sans doute le discours abstrait dans lequel on a cherché A  coordonner ces deux techniques de pouvoir pour en faire la théorie générale. En fait, leur articulation ne se fera pas au niau d'un discours spéculatif mais dans la forme d'agencements concrets qui constitueront la grande technologie du pouvoir au XIXe siècle : le dispositif de sexualité sera l'un d'entre eux, et l'un des plus importants.


Ce bio-pouvoir a été, A  n'en pas douter, un élément indispensable au déloppement du capitalisme ; celui-ci n'a pu AStre assuré qu'au prix de l'insertion contrôlée des corps dans l'appareil de production et moyennant un ajustement des phénomènes de population aux processus économiques. Mais il a exigé davantage ; il lui a fallu la croissance des uns et des autres, leur renforcement en mASme temps que leur utili-sabilité et leur docilité ; il lui a fallu des méthodes de pouvoir susceptibles de majorer les forces, les aptitudes, la vie en général sans pour autant les rendre plus difficiles A  assujettir ; si le déloppement des grands appareils d'état, comme institutions de pouvoir a assuré le maintien des rapports de production, les rudiments d'anatomo- et de bio-politique, inntés au XVIIIe siècle comme techniques de pouvoir présentes A  tous les niaux du corps social et utilisées par des institutions très dirses (la famille comme l'armée, l'école ou la police, la médecine individuelle ou l'administration des collectivités), ont agi au niau des processus économiques, de leur déroulement, des forces qui y sont A  l'ouvre et les soutiennent ; ils ont opéré aussi comme facteurs de ségrégation et de hiérarchisation sociale, agissant sur les forces respectis des uns et des autres, garantissant des rapports de domination et des effets d'hégémonie ; l'ajustement de l'accumulation des hommes sur celle du capital, l'articulation de la croissance des groupes humains sur l'expansion des forces productis et la répartition différentielle du profit, ont été, pour une part, rendus possibles par l'exercice du bio-pouvoir sous ses formes et ac ses procédés multiples. L'instissement du corps vivant, sa valorisation et la gestion distributi de ses forces ont été A  ce moment-lA  indispensables.
On sait combien de fois a été posée la question du rôle qu'a pu avoir, dans la toute première formation du capitalisme, une morale ascétique ; mais ce qui s'est passé au XVIIIe siècle dans certains pays d'Occident, et qui a été lié par le déloppement du capitalisme, est un phénomène autre et peut-AStre d'une plus grande ampleur que cette noulle morale, qui semblait disqualifier le corps, ce ne fut rien de moins que l'entrée de la vie dans l'histoire ' je ux dire l'entrée des phénomènes propres A  la vie de l'espèce humaine dans l'ordre du savoir et du pouvoir ' dans le champ des techniques politiques. Il ne s'agit pas de prétendre qu'A  ce moment-lA  s'est produit le premier contact de la vie et de l'histoire. Au contraire, la pression du biologique sur l'historique était restée, pendant des millénaires, extrASmement forte ; l'épidémie et la famine constituaient les deux grandes formes dramatiques de ce rapport qui demeurait ainsi placé sous le signe de la mort ; par un processus circulaire, le déloppement économique et principalement agricole du XVIIIe siècle, l'augmentation de la productivité et des ressources encore plus rapide que la croissance démographique qu'elle favorisait, ont permis que se desserrent un peu ces menaces profondes : l'ère des grands ravages de la faim et de la peste ' sauf quelques résurgences ' est close avant la Révolution franA§aise ; la mort commence A  ne plus harceler directement la vie. Mais en mASme temps le déloppement des connaissances concernant la vie en général, l'amélioration des techniques agricoles, les observations et les mesures visant la vie et la survie des hommes, contribuaient A  ce desserrement : une relati maitrise sur la vie écartait quelques-unes des imminences de la mort. Dans l'espace de jeu ainsi acquis, l'organisant et l'élargissant, des procédés de pouvoir et de savoir prennent en compte les processus de la vie et entreprennent de les contrôler et de les modifier. L'homme occidental apprend peu A  peu ce que c'est que d'AStre une espèce vivante dans un monde vivant, d'avoir un corps, des conditions d'existence, des probabilités de vie, une santé individuelle et collecti, des forces qu'on peut modifier et un espace où on peut les répartir de faA§on optimale. Pour la première fois sans doute dans l'histoire, le biologique se réfléchit dans le politique ; le fait de vivre n'est plus ce soubassement inaccessible qui n'émerge que de temps en temps, dans le hasard de la mort et sa fatalité ; il passe pour une part dans le champ de contrôle du savoir et d'interntion du pouvoir. Celui-ci n'aura plus affaire seulement A  des sujets de droit sur lesquels la prise ultime est la mort, mais A  des AStres vivants, et la prise qu'il pourra exercer sur eux devra se placer au niau de la vie elle-mASme ; c'est la prise en charge de la vie, plus que la menace du meurtre, qui donne au pouvoir son accès jusqu'au corps. Si on peut appeler - bio-histoire - les pressions par lesquelles les mouments de la vie et les processus de l'histoire interfèrent les uns ac les autres, il faudrait parler de - bio-politique - pour désigner ce qui fait entrer la vie et ses mécanismes dans le domaine des calculs explicites et fait du pouvoir-savoir un agent de transformation de la vie humaine ; ce n'est point que la vie ait été exhaustiment intégrée A  des techniques qui la dominent et la gèrent ; sans cesse elle leur échappe. Hors du monde occidental, la famine existe, A  une échelle plus importante que jamais ; et les risques biologiques encourus par l'espèce sont peut-AStre plus grands, plus gras en tout cas, qu'avant la naissance de la microbiologie. Mais ce qu'on pourrait appeler ici - seuil de modernité biologique - d'une société se situe au moment où l'espèce entre comme enjeu dans ses propres stratégies politiques. L'homme, pendant des millénaires, est resté ce qu'il était pour Aris-tote : un animal vivant et de plus capable d'une existence politique ; l'homme moderne est un animal dans la politique duquel sa vie d'AStre vivant est en question.


Cette transformation a eu des conséquences considérables. Inutile d'insister ici sur la rupture qui s'est alors produite dans le régime du discours scientifique et sur la manière dont la double problématique de la vie et de l'homme est nue trarser et redistribuer l'ordre de l'épistémè classique. Si la question de l'homme a été posée ' dans sa spécificité de vivant et dans sa spécificité par rapport aux vivants ' la raison en est A  chercher dans le nouau mode de rapport de l'histoire et de la vie : dans cette position double de la vie qui la met A  la fois A  l'extérieur de l'histoire comme son entour biologique et A  l'intérieur de l'historicité humaine, pénétrée par ses techniques de savoir et de pouvoir. Inutile d'insister non plus sur la prolifération des technologies politiques, qui A  partir de lA  vont instir le corps, la santé, les faA§ons de se nourrir et de se loger, les conditions de vie, l'espace tout entier de l'existence.
Une autre conséquence de ce déloppement du bio-pouvoir, c'est l'importance croissante prise par le jeu de la norme aux dépens du système juridique de la loi. La loi ne peut pas ne pas AStre armée, et son arme par excellence, c'est la mort ; A  ceux qui la transgressent, elle répond, au moins A  titre d'ultime recours, par cette menace absolue. La loi se réfère toujours au glai. Mais un pouvoir qui a pour tache de prendre la vie en charge aura besoin de mécanismes continus, régulateurs et correctifs. Il ne s'agit plus de faire jouer la mort dans le champ de la souraineté, mais de distribuer le vivant dans un domaine de valeur et d'utilité. Un tel pouvoir a A  qualifier, A  mesurer, A  apprécier, A  hiérarchiser, plutôt qu'A  se manifester dans son éclat meurtrier ; il n'a pas A  tracer la ligne qui sépare, des sujets obéissants, les ennemis du sourain ; il opère des distributions autour de la norme. Je ne ux pas dire que la loi s'efface ou que les institutions de justice tendent A  disparaitre ; mais que la loi fonctionne toujours davantage comme une norme, et que l'institution judiciaire s'intègre de plus en plus A  un continuum d'appareils (médicaux, administratifs, etc.) dont les fonctions sont surtout régulatrices. Une société normalisatrice est l'effet historique d'une technologie de pouvoir centrée sur la vie. Par rapport aux sociétés que nous avons connues jusqu'au XVIIIe siècle, nous sommes entrés dans une phase de régression du juridique ; les Constitutions écrites dans le monde entier depuis la Révolution franA§aise, les Codes rédigés et remaniés, toute une activité législati permanente et bruyante ne doint pas faire illusion, ce sont lA  les formes qui rendent acceple un pouvoir essentiellement normalisateur.
Et contre ce pouvoir encore nouau au XIXe siècle, les forces qui résistent ont pris appui sur cela mASme qu'il instit ' c'est-A -dire sur la vie et l'homme en tant qu'il est vivant. Depuis le siècle passé, les grandes luttes qui mettent en question le système général de pouvoir ne se font plus au nom d'un retour aux anciens droits, ou en fonction du rAS millénaire d'un cycle des temps et d'un age d'or. On n'attend plus l'empereur des pauvres, ni le royaume des derniers jours, ni mASme seulement le rélissement des justices qu'on imagine ancestrales ; ce qui est rendiqué et sert d'objectif, c'est la vie, entendue comme besoins fondamentaux, essence concrète de l'homme, accomplissement de ses virtualités, plénitude du possible. Peu importe s'il s'agit ou non d'utopie ; on a lA  un processus très réel de lutte ; la vie comme objet politique a été en quelque sorte prise au mot et retournée contre le système qui entreprenait de la contrôler. C'est la vie beaucoup plus que le droit qui est denue alors l'enjeu des luttes politiques, mASme si celles-ci se formulent A  trars des affirmations de droit. Le - droit - A  la vie, au corps, A  la santé, au bonheur, A  la satisfaction des besoins, le - droit -, par-delA  toutes les oppressions ou - aliénations -, A  retrour ce qu'on est et tout ce qu'on peut AStre, ce - droit - si incompréhensible pour le système juridique classique, a été la réplique politique A  toutes ces procédures noulles de pouvoir qui, elles non plus ne relènt pas du droit traditionnel de la souraineté.





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