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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Le citoyen (i642), le léviathan (i65i)

Bien que recourant A  l'idée de droit naturel Hobbes n'est un adepte ni de ce qu'il est convenu d'appeler le droit naturel classique ni de l'école du droit naturel moderne illustrée par Grotius (1583-l645) ou par Pufendorf (1632-l694). Il refuse la tradition qui, identifiant le jus au justum, l'incorpore A  l'ordre cosmique. Hobbes substitue A  la référence cosmologique ou théologique du droit naturel classique, une référence essentiellement anthropologique. Le droit naturel en tant que tel est un pouvoir inhérent A  la nature humaine, conA§ue selon le modèle du mécanisme universel. Mais cette nature humaine est comprise comme la réalité concrète et expérimenle de l'indidu comme tel. Le droit naturel peut AStre ainsi identifié au désir et au pouvoir : dans l'état de nature, le droit est un pouvoir indiduel, absolu et illimité, et mASme dans l'état cil le droit reste identifié au pouvoir, alors qu'interent la puissance souveraine qui est A  l'origine de la loi cile. S'il est vrai que sur bien des points la doctrine de Hobbes concernant le droit naturel et la théorie de la souveraineté peut AStre rapprochée de celle de Pufendorf, elle s'en sépare par l'importance accordée par Hobbes A  une nouvelle valeur juridique : la sécurité. C'est ainsi que la notion de loi naturelle chez Hobbes se détermine A  partir d'une nécessité indiduelle, mais postulée égale en chaque indidu, de se maintenir en e contre le risque que fait peser sur chacun l'utilisation sans limite de son droit naturel, c'est-A -dire ses forces. L'état de guerre généralisée, qui caractérise l'état de nature où règne la peur permanente de la mort, incline l'homme A  s'efforcer A  la paix ; ainsi obéira-t-il A  la loi naturelle qui lui commande rationnellement et dans son propre intérASt de passer d'une crainte subie A  une crainte consentie. Par le contrat, qui donnera naissance A  l'état cil, par cette "transmission de droits" qui créera l'Etat comme "un homme artificiel", chacun en obéissant A  la loi cile sera assuré de survre en paix. "Le but pour lequel un homme abandonne A  un autre, ou A  d'autres, son droit de se protéger ou de se défendre par ses propres moyens, est l'assurance qu'il en espère avoir d'AStre protégé et défendu".

Le Citoyen
CHAPITRE II De la loi de nature en ce qui regarde les contrats.
I. Les auteurs ne sont pas bien d'accord de la définition de la loi naturelle, quoiqu'ils usent fort souvent de ce terme en leurs écrits. Cest que la méthode qui commence par la définition des choses, et qui en ôte les équivoques, n'est propre qu'A  ceux qui ont ene de ne pas laisser de lieu A  la dispute. Si quelqu'un veut prouver qu'une certaine action a été faite contre la loi de nature, il alléguera qu'elle heurte le consentement des peuples les plus sages et mieux disciplinés ; mais il ne m'enseignera pas A  qui il appartiendra de juger des mœurs, de l'érudition, et de la sagesse de toutes les nations de la terre. Quelque autre dira en sa preuve, que c'est qu'une telle action a été faite contre le consentement de tout le genre humain. Mais cette définition n'est pas recevable ; car il s'ensuivrait que personne ne pourrait pécher contre cette loi, hormis les fous et les enfants ; d'autant que, par ce mot de genre humain, on doit entendre tous ceux qui se servent de leur raison. Or ces derniers, ou ils suivent leur raison, ou s'ils s'en ésectiunent, ce n'est pas volontairement qu'ils faillent, et par ainsi ils sont A  excuser : mais ce serait une injuste manière de procéder, que d'apprendre les lois de nature du consentement de ceux qui les enfreignent plus souvent qu'ils ne les observent. D'ailleurs les hommes condamnent bien souvent, en autrui, ce qu'ils approuvent en eux-mASmes ; au contraire, ils louent en public, ce qu'ils méprisent en leur particulier, et donnent leur as selon la coutume qu'ils ont prise, plutôt que selon les raisonnements qu'ils ont formés sur quelque matière ; enfin le consentement, qu'ils prAStent A  une chose, procède de haine, de crainte, d'espérance, d'amour, ou de quelque autre perturbation de l'ame, plutôt que d'un raisonnement ferme et éclairé. VoilA  pourquoi il arrive assez souvent que des peuples entiers, d'un consentement unanime, et avec une persévérance inébranlable, s'opiniatrent en des résolutions, qui choquent, au dire des auteurs, la loi de la nature. Mais puisque tous accordent que ce qui n'est point fait contre la droite raison est fait justement, nous devons estimer injuste tout ce qui répugne A  cette mASme droite raison (c'est-A -dire, tout ce qui contredit quelque vérité que nous avons découverte par une bonne et forte ratiocination sur des principes vériles). Or nous disons que ce qui est fait contre le droit, est fait contre quelque loi. Donc la droite raison est notre règle, et ce que nous nommons la loi naturelle ; car elle n'est pas moins une partie de la nature humaine, que les autres facultés et puissances de l'ame. Afin donc que je recueille en une définition ce que j'ai voulu rechercher en cet article, je dis que la loi de nature est ce que nous dicte la droite raison* touchant les choses que nous avons A  faire, ou A  omettre pour la conservation de notre e, et des parties de notre corps.
*[La droite raison.] -Par la droite raison en l'état naturel des hommes, je n'entends pas, comme font plusieurs autres, une faculté infaillible, mais l'acte propre et vérile de la ratiocination, que chacun exerce sur ses actions, d'où il peut rejaillir quelque dommage, ou quelque utilité aux autres hommes. Je dis la ratiocination propre, parce que, encore bien que dans une cité, la raison de la lle (c'est-A -dire, la loi cile, et l'intérASt public) doive AStre tenue pour juste par chaque citoyen, néanmoins hors de lA , où personne ne peut connaitre la droite raison d'avec la fausse que par la aison qu'il enfuit avec la sienne propre, il faut que celle-ci serve de règle, non seulement A  ses actions propres, dont il est responsable A  soi-mASme, mais aussi qu'en ses affaires particulières il l'élisse juge pour ses intérASts de la droite raison des autres. Je nomme le raisonnement vérile, qui est fondé sur de vrais principes, et élevé en bon ordre. Parce que toute l'infraction des lois naturelles ent du faux raisonnement, ou de la sottise des hommes, qui ne prennent pas garde que les devoirs et les serces qu'ils rendent aux autres retournent sur eux-mASmes, et sont nécessaires A  leur propre conservation. J'ai touché ce me semble, et expliqué aux articles II, III, IV, V, VI, et VII du premier chapitre, les principes de la droite raison qui regardent cette sorte de devoirs.-
II. Or la première et la fondamentale loi de nature est qu'il faut chercher la paix, si on peut l'obtenir, et rechercher le secours de la guerre, si la paix est impossible A  acquérir. Car nous avons montré au dernier article du chapitre précédent, que cette maxime nous était dictée par la droite raison. Et je ens de définir les lois naturelles, par les notions que la droite raison nous dicte. Je mets celle-ci la première, d'autant que toutes les autres en dérivent, et nous enseignent les moyens d'acquérir la paix, ou de nous préparer A  la défense.
III. C'est une des lois naturelles qui dérivent de cette fondamentale, qu'il ne faut pas retenir le droit qu'on a sur toutes choses, mais qu'il en faut quitter une partie, et la transporter A  autrui. Car si chacun retenait le droit qu'il a sur toutes choses, il s'ensuivrait nécessairement, que les invasions et les défenses seraient également légitimes (étant une nécessité naturelle que chacun tache de défendre son corps, et ce qui fait A  sa conservation) et, par ainsi, on retomberait dans une guerre continuelle. Il est donc contraire au bien de la paix, c'est-A -dire, A  la loi de nature, que quelqu'un ne veuille pas céder de son droit sur toutes choses.
IV. Mais celui-lA  quitte son droit, qui simplement y renonce, ou qui le transporte A  autrui. La simple renonciation se fait lorsque quelqu'un déclare suffisamment, qu'il ne veut plus se réserver la permission de faire une chose qui lui était licite auparavant. Le transport du droit se fait lorsque, par des signes valables, on donne A  connaitre A  autrui qu'on lui cède ce qu'il est content de recevoir, et qu'on se dépouille, en sa faveur, du droit qu'on avait de lui résister en certaines occasions. Or que la transaction du droit consiste en la seule privation de la résistance, on le peut assez comprendre, de ce qu'avant le transport, celui A  qui elle est faite avait déjA  le droit sur toutes choses ; de sorte qu'il n'acquiert rien de nouveau ; aussi n'est-il pas en la puissance du transacteur de lui donner aucun titre, et il ne fait que laisser, A  celui auquel il transfère, la possession de son ancien droit libre et non contestée. Cela étant, en l'état naturel des hommes, ceux qui acquièrent quelque droit ne le font qu'A  cette fin de pouvoir jouir de l'ancien et originaire sans aucun trouble, et A  couvert de toute vexation légitime. Par exemple : si quelqu'un vend ou donne sa terre A  un autre, il en quitte le droit, mais n'y fait pas renoncer tous ceux qui y auraient des prétentions.
V. En une transaction, il faut que la volonté de l'acceptant concoure avec celle du transacteur. Si l'un ou l'autre manque, la transaction est nulle, et le droit demeure comme auparavant. Car si j'ai voulu donner mon bien A  une personne qui l'a refusé, je n'ai pourtant pas renoncé simplement A  mon droit, ni n'en ai pas fait transport au premier venu. La raison pour laquelle je le voulais donner A  celui-ci, ne se rencontre pas en tous les autres.
VI. En quittant, ou en transférant son droit, il faut que les signes par lesquels on déclare cette volonté, si ce ne sont que des paroles, soient conA§us en termes du présent ou du passé, car elles ne transfèrent rien en termes du futur. Par exemple : celui qui dit -je donnerai demain- déclare ouvertement qu'il n'a pas encore donné. Il conservera donc son droit tout aujourd'hui, et demain aussi, en cas que sa donation ne sorte pas A  effet ; car ce qui lui appartient demeure sien jusqu'A  ce qu'il s'en soit dessaisi. Mais si on parle au présent, ou au passé, de cette faA§on : je donne, ou j'ai donné une chose, de laquelle je veux qu'on entre demain en possession, la donation est actuelle, et ces termes signifient qu'on s'est dépouillé dès aujourd'hui du droit de posséder le lendemain la chose qu'on a donnée.
VII. Mais A  cause que les paroles seules ne sont pas des signes suffisants pour déclarer la volonté, les termes du futur sont valables, s'ils sont accomnés des autres signes, et servent alors de mASme que ceux du présent. Car ces autres signes donnent A  connaitre, que celui qui parle au futur, veut que ses paroles soient assez efficacieuses pour une parfaite transaction de son droit. En effet, elle ne dépend pas des paroles, comme nous l'avons dit en l'article IV de ce chapitre, mais de la déclaration de la volonté.
VIII. Si quelqu'un transfère quelque sien droit A  autrui, sans aucune considération de quelque office qu'il en a reA§u, ou de quelque condition dont il s'acquitte ; ce transport est un don, et se doit nommer une donation libre. Or en celle-ci, il n'y a que les paroles du présent, ou du passé qui obligent : car celles du futur n'obligent pas en tant que simples paroles, pour les raisons que j'ai alléguées en l'article précédent. Il faut donc que l'obligation naisse de quelques autres signes de la volonté. Mais parce que tout ce qui se fait volontairement est fait pour quelque bien de celui qui veut, on ne peut assigner aucune marque de volonté de celui qui donne, si ce n'est quelque avantage qui lui reent, ou qu'il espère de la donation. Et on suppose qu'il n'en a recueilli aucun, et qu'il n'y a aucun pacte précédent qui oblige la volonté : car autrement ce ne serait pas une donation libre. Il reste donc qu'elle soit fondée sur l'espérance du bien réciproque, sans aucune condition exprimée. Or je sache aucune preuve par laquelle il constate, que celui qui s'est ser des paroles du futur envers celui qui ne lui aurait aucune obligation réciproque de son bienfait, veuille qu'elles le lient particulièrement. Et il n'y a aucune raison qui doive obliger ceux qui veulent du bien A  un autre, en vertu de quelques paroles affectueuses, dont ils lui ont témoigné leur bienveillance. VoilA  pourquoi il faut imaginer en celui qui promet A  l'avenir, et qui ne donne pas effectivement, une tacite réserve qu'il fait de délibérer, et de pouvoir changer son affection, si celui A  qui il promet change de mérite. Or celui qui délibère est libre, et n'a pas donné encore. Il est vrai que s'il promet souvent, et ne donne jamais, il encourt enfin le blame de légèreté, comme on en fit autrefois des reproches A  cet empereur, qu'on nomma Doson, parce qu'il disait toujours -je donnerai-.
IX. L'action de deux, ou de plusieurs personnes, qui transigent mutuellement de leurs droits, se nomme un contrat. Or, en tout contrat, ou les deux parties effectuent d'abord ce dont elles ont convenu, en sorte qu'elles ne se font aucune grace, ou l'une, effectuant, laisse A  la bonne foi de l'autre l'accomplissement de la promesse, ou elles n'effectuent rien. Au premier cas, le contrat se conclut et finit en mASme temps. Aux autres, où l'une des parties se fie A  l'autre, et où la confiance est réciproque, celui auquel on se fie promet d'accomplir ensuite sa promesse, qui est proprement le pacte du contrat.
X. Le pacte que celui auquel on se fie promet A  celui qui a déjA  tenu le sien, bien que la promesse soit conA§ue en termes du futur, ne transfère pas moins le droit pour l'avenir, que si elle était faite en termes du présent, ou du passé. Car l'accomplissement du pacte est un signe manifeste, que celui qui y était obligé a entendu les paroles de la partie A  laquelle il s'est fié, comme procédantes d'une pure et franche volonté de les accomplir au temps accordé. Et puisque ce dernier, ne doutant pas du sens auquel on prenait ses paroles, ne s'en est pas rétracté, il n'a pas voulu qu'on le prit d'autre faA§on, et s'est obligé A  tenir ce qu'elles ont promis. Les promesses donc qui se font ensuite d'un bien qu'on a reA§u (qui sont aussi des pactes) sont les signes de la volonté, c'est A  dire du dernier acte de la délibération, par lequel on s'ôte la liberté de manquer A  sa parole, et par conséquent, elles obligent. Car lA  où la liberté cesse, lA  l'obligation commence.
XI. Les pactes qui se font en un contrat, où il y a une confiance réciproque, au délai qui se fait de l'accomplissement des promesses, sont invalides en l'état de nature, *si l'une des parties a quelque juste sujet de crainte. Car celui qui accomplit le premier sa condition, s'expose A  la mauvaise foi de celui avec lequel il a contracté ; tel étant le naturel de la plupart des hommes, que, par toutes sortes de moyens, il veulent avancer leurs affaires. Et il ne serait pas sagement fait A  quelqu'un, de se mettre le premier en devoir de tenir sa promesse, s'il y a d'ailleurs quelque apparence que les autres ne se mettront pas A  son imitation en la mASme posture. Or c'est A  celui qui craint, de juger de cette vraisemblance, comme je l'ai fait voir en l'art. IX du chapitre précédent. Mais si les choses vont de la sorte en l'état de nature, il n'en est pas ainsi en celui de la société cile, où il y a des personnes qui peuvent contraindre les réfractaires, et où celui qui s'est obligé par le contrat A  commencer, peut hardiment le faire, A  cause que l'autre demeurant exposé A  la contrainte, la raison pour laquelle il craignait d'accomplir sa condition, est ôtée.
*[Si l'une des parties, etc.] -Car s'il n'y a quelque nouvelle cause de crainte, qui paraisse en quelque action, ou en quelque autre signe, de la mauvaise volonté de la partie, on ne doit pas estimer qu'il y ait juste sujet de craindre. Et puisque les autres causes n'ont pas empASché de contracter, elles ne doivent non plus empAScher que le contrat ne s'observe.- ()

Chapitre III


Des autres lois de nature

Sommaire
I. Deuxième loi de nature, qu'il faut garder les conventions. II. Qu'il faut garder sa foi A  tous, sans exception. III. Ce que c'est qu'injure. IV. Qu'on ne peut faire tort qu'A  celui avec lequel on a contracté. V. Distinction de l'injustice, en injustice des hommes et des actions. VI. Distinction de la justice en commutative et distributive examinée. VII. Qu'on ne fait point d'injure A  celui qui veut la recevoir. VIII!. Troisième loi de nature, touchant l'ingratitude. IX. Quatrième loi de nature, qu'il faut se rendre commode et sociable. X. Cinquième loi de nature, touchant la miséricorde. XI. Sixième loi de nature, que les punitions ne regardent que le temps A  venir. XII. Septième loi de nature, contre les outrages. XIII. Huitième loi de nature, contre l'orgueil. XIV. Neuème loi de nature, touchant la modestie. XV. Dixième loi de nature, touchant l'équité, ou contre l'acception des personnes. XVI. Onzième loi de nature, touchant ce qu'il faut avoir en commun. XVII. Douzième loi de nature, touchant ce qu'il faut diser par sort. XVIII. Treizième loi de nature, du droit d'ainesse, et de la préoccupation. XIX. Quatorzième loi de nature, que les médiateurs de la paix doivent jouir d'une sûreté inolable. XX. Quinzième loi de nature, qu'il faut élir des arbitres des différends. XXI. Seizième loi de nature, que personne ne peut AStre juge en sa propre cause. XXII. Dix-septième loi de nature, que les arbitres ne doivent point espérer de récompense des parties. XXIII. Dix-huitième loi de nature, touchant les témoins. XXIV. Dix-neuème loi de nature, qu'on ne fait aucun pacte avec un arbitre. XXV. Vingtième loi de nature, contre l'ivrognerie, et tout ce qui empASche l'usage de la raison. XXVI. Règle pour connaitre d'abord si ce que nous ferons sera contre la loi de nature, ou non. XXVII. Les lois de nature n'obligent que devant le tribunal de la conscience. XXVIII. Qu'on ole quelquefois les lois de nature, par une action que les autres lois permettent. XXIX. Que les lois de nature sont immuables. XXX. Que celui est juste qui tache d'accomplir les lois de nature. XXXI. Que la loi de nature et la loi morale sont une mASme chose. XXXTI. D'où ent donc que ce qui a été dit de la loi de nature, n'est pas le mASme que ce que les philosophes enseignent touchant les vertus. XXXIII. Que la loi de nature n'est pas loi A  parler proprement, sinon en tant qu'elle est contenue dans la sainte écriture.
I. La deuxième loi de nature, qui dérive de cette fondamentale, que nous avons tantôt posée en l'article II du chapitre II, est qu'il faut garder les conventions qu'on a faites, et tenir sa parole. Car il a été montré ci-dessus, que la loi de nature ordonne, comme une chose nécessaire A  procurer la paix, qu'on se fasse transport de certains droits les uns aux autres, ce qui se nomme un pacte, toutes fois et quantes que ce dont on est demeuré d'accord se doit exécuter A  quelque temps de lA . Or est-il certain que cela fait beaucoup A  l'élissement de la paix, en tant que mettant nous-mASmes en exécution ce dont on est convenu, nous montrons bon exemple aux autres, et que les pactes seraient fort inutiles, si on ne les accomplissait. Puis donc que l'observation de la foi promise est très nécessaire A  se procurer le bien de la paix, la loi de garder les pactes sera un précepte de la loi naturelle.
II. Il n'y a en ceci aucune exception A  faire des personnes avec lesquelles nous contractons, comme si elles ne gardent point leur foi aux autres, ou mASme n'estiment pas qu'il la faille garder, et sont entachées de quelque autre grand défaut Car celui qui contracte avec elles, dès lA  montre que tout ce qu'il y a A  reprendre en elles ne lui semble pas digne d'empAScher son action : et ce serait d'ailleurs une chose contre le bon sens, que de faire de gaieté de cœur une formalité inutile. C'est tomber en contradiction que de dire qu'un contrat n'est pas A  observer, et ne laisser pas cependant de le faire ; car en contractant on avoue tout le contraire. Mais pour éter une telle absurdité, il faut ou garder la foi promise A  qui que ce soit sans exception, ou ne pas la promettre, c'est-A -dire ou déclarer ouvertement la guerre, ou maintenir une paix assurée et inolable.
III. Faire une injure, c'est proprement fausser sa parole, ou redemander ce qu'on a donné. Elle consiste en quelque action, ou quelque omission. L'une et l'autre se nomment injustes ; de sorte que le mot d'injure signifie la mASme chose qu'une action ou une omission injuste, et toutes deux emportent une infraction de quelque accord. En effet, il semble que ce nom d'injure a été donné chez les Latins A  cette sorte d'action ou d'omission, A  cause qu'elle est faite sine jure, hors de tout droit, dont le transport avait été fait A  autrui par celui qui fait, ou qui manque A  faire quelque chose. Il y a beaucoup de rapport, A  mon as, entre ce qu'on tient pour injure dans le cours de la e, et ce qu'on nomme absurde dans l'école. Car de mASme qu'on dit, que celui qui est contraint par la force des démonstrations de nier une assertion, qu'il avait auparavant soutenue, est réduit A  l'absurde ; celui aussi, qui, par une faiblesse d'esprit, fait, ou laisse A  faire une chose qu'il avait promise tout autrement dans son contrat, commet une injure, et ne,tombe pas moins que l'autre en cette espèce de contradiction, que l'Ecole a nommée absurdité. Car, en accordant qu'une telle action sortira A  effet, il a voulu qu'elle se fit : et en ne la faisant pas, il témoigne qu'il veut tout le contraire ; ce qui est vouloir, et ne pas vouloir en mASme temps, contradiction honteuse et manifeste. Je dirais donc volontiers, que l'injure est une certaine absurdité qui se commet en la conversation ; tout ainsi que l'absurdité est une espèce d'injure qui se fait en la dispute.
IV. De lA  il s'ensuit* qu'on ne peut faire tort A  une personne, si on n'avait point auparavant contracté avec elle, si on ne lui avait, par quelque pacte, donné ou promis quelque chose. C'est pourquoi on met bien souvent de la différence entre le dommage et l'injure. Si un maitre commande A  son valet, qui lui a promis obéissance, de compter quelque argent, ou de faire quelque autre présent A  une certaine personne qu'il a ene de gratifier ; lorsque le valet manque A  la commission, il cause du dommage A  ce troisième-lA , et ce n'est qu'A  son maitre A  qui il fait une injure. De mASme, en une lle, si quelqu'un nuit A  un autre avec qui il n'avait point fait de pacte, A  la vérité il lui cause du dommage en ce mal qu'il lui fait ; mais l'injure, A  parler sainement, redonde sur celui qui a le gouvernement des affaires publiques, et qui y exerce la plus haute magistrature. Car, si celui qui a reA§u le dommage se plaignait de l'injure, l'autre pourrait lui répondre - pourquoi vous plaignez-vous de moi ? - Suis-je tenu de faire selon votre fantaisie, plutôt que selon la mienne, puisque je n'empASche pas que vous fassiez A  votre volonté, et que la mienne ne vous sert pas de règle ? Qui est un discours auquel je ne trouve rien A  redire, lorsqu'il n'est point intervenu de pactes précédents.
* [Qu'on ne peut faire tort, etc.] -Le nom d'injustice a une signification relative A  la loi ; celui d'injure a du rapport A  la loi, et A  une certaine personne particulière. Car ce qui est injuste, est tel envers tous. Mais une injure peut toucher un autre, sans me toucher aussi. Elle ne regarde quelquefois aucun particulier, mais seulement le public. Il y en a où le public, ni le particulier, n'ont rien A  dire, mais où Dieu seul est offensé. C'est proprement la force du pacte et le transport du droit, qui fait qu'une certaine personne, plutôt qu'une certaine autre, reA§oit une injure. De lA  ent qu'en toutes les lles du monde, la police laisse aux particuliers la liberté de rompre, ou défaire exécuter la teneur des contrats. Mais les dommages publics, les infractions des lois politiques, ne sont pas laissés de mASme : car les larcins, les meurtres et les autres crimes ne sont pas punis selon la volonté de ceux contre qui ils ont été commis, mais selon les lois élies. De sorte qu'une injure ne peut AStre faite A  quelqu'un, qu'après qu'on lui a cédé quelque droit.-
V. Ces noms de juste et d'injuste, comme aussi ceux de justice et d'injustice, sont équivoques : car ils signifient choses diverses, suivant qu'on les attribue aux personnes ou aux actions. Quand on les applique aux actions justes, juste signifie le mASme que fait A  bon droit, et injuste, tout au contraire de l'équité. Celui qui a fait quelque chose justement est nommé innocent, et ne mérite pas pour cela seul le titre de juste ; comme celui qui a commis une injustice est nommé coupable, plutôt qu'injuste. Mais quand ces termes sont appliqués aux personnes, AStre juste signifie le mASme que se plaire aux actions justes, s'étudier A  rendre la justice, et l'observer partout ponctuellement. Au contraire, AStre injuste se dit d'une personne qui méprise la justice, et qui ne la mesure pas A  ses promesses, mais A  sa commodité présente. Par ainsi, il y a différence entre la justice, ou l'injustice, qui se trouvent en l'ame d'une personne, dans le fonds de ses mœurs, et celles qui se voient dans une action, ou dans une omission mauvaise. Et comme il peut échapper A  un homme juste une infinité d'actions injustes, il en peut aussi sortir de justes d'une personne injuste. Cela étant, on peut nommer juste, un homme qui fait des actions justes, A  cause que les lois les commandent, et qui n'en commet d'autres que par infirmité. Mais on doit appeler injuste, celui qui n'agit justement que par la crainte qu'il a des peines que les lois imposent et qui, en faisant des actions injustes, suit la pente de ses mauvaises inclinations.
VI. On distingue d'ordinaire la justice des actions en deux espèces, en la commutative, et en la distributive, dont on dit que la première suite la proportion arithmétique, et l'autre la géométrique : que celle-lA  se pratique aux échanges, aux ventes, aux achats, aux emprunts, aux restitutions, aux louages, aux arrentements, et en telles autres actions de personnes qui contractent ; lA  où la justice commutative nait de la reddition des choses égales A  celles qu'on a reA§ues. Que celle-ci s'exerce en la juste estimation de la dignité et du mérite des personnes ; de sorte que la justice distributive se trouve dans la dispen-sation des biens et des honneurs, que l'on fait A  chacun proportionné-ment A  son mérite. Je reconnais en cela quelque distinction de l'égalité, en sorte qu'il y ait une égalité simplement telle, comme lorsque l'on e deux choses de mASme prix entre elles, une livre A  douze onces d'argent ; et autre égalité qui n'est pas tout A  fait telle ; par exemple, s'il y a mille écus A  distribuer A  cent hommes, et qu'on en donne six cents A  soixante, et quatre cents aux quarante qui restent, il n'y a pas de l'égalité entre ces deux hommes, et toutefois, A  cause qu'il y en a avec ceux A  qui il les faut distribuer, l'un en recevra autant que l'autre, d'où la distribution deendra égale. Cette égalité tombe dans la proportion géométrique. Mais que fait cela au sujet de la justice ? Car, ni si je vends ma marchandise le plus haut que je puis, je ne fais tort A  personne, A  cause que l'acheteur l'a ainsi voulu et me l'a demandée ; ni aussi je n'offense personne, si je donne davantage de ce qui m'appartient A  celui qui en mérite le moins, pourvu que je donne aux autres ce que je leur ai promis : ce que notre Sauveur confirme en quelque part de l'Evangile. Ce n'est donc pas lA  une bonne dision de la justice, mais de l'égalité. Néanmoins il est peut AStre malaisé de nier tout A  fait que la justice ne consiste en quelque égalité, c'est-A -dire en ceci seulement, qu'étant tous naturellement égaux, l'un ne s'attribue pas plus de droit qu'il n'en accorde A  autrui, s'il ne s'en est acquis, par des pactes préalables, quelque prérogative. Ce que je dis en passant contre cette distinction de la justice, bien qu'elle soit reA§ue presque de tous universellement ; afin que personne ne pense qu'une injure soit autre chose que le olement des pactes et de la foi promise, comme je l'aie définie ci-dessus.
VII. C'est une fort ancienne maxime, qu'on ne fait point d'injure A  celui qui veut la recevoir. Mais voyons si nous en pourrons découvrir la vérité par nos principes. Je suppose donc que ce que quelqu'un répute A  injure, ait été fait de son consentement ; il a permis qu'on ait fait ce que les pactes précédents défendaient de faire. Mais puisqu'il l'a ainsi voulu, le pacte a été annulé (comme il appert de l'article XV du chapitre précédent) ; donc le droit d'agir, comme il lui a plu, est retourné A  celui qui s'en est ser ; et, par conséquent, il n'a rien fait contre le droit, ni il n'a point commis d'injure. ()
() XXVI. Peut-AStre que quelqu'un, qui aura remarqué l'artifice avec lequel les règles précédents sont tirées de cette maxime fondamentale de la raison, qui nous porte naturellement A  procurer notre conservation, me dira que la déduction de ces lois est si malaisée, qu'il ne faut pas s'imaginer que le vulgaire les puisse connaitre, et que par conséquent elles ne l'obligeront pas. Car les lois n'obligent, et ne sont proprement lois qu'en tant qu'elles sont connues. A cela je répondrai, qu'il est vrai que l'espérance, que la crainte, la colère, Vavarice, l'orgueil, et les autres perturbations de l'ame empASchent, tandis qu'elles dominent, qu'on ne découvre les lois de nature. Mais au reste qu'il n'y a personne qui n'ait quelquefois de bons intervalles, et qui ne jouisse de quelque sérénité d'esprit. Alors il n'y a rien de si aisé A  qui que ce soit, pour si rude et ignorant qu'il puisse AStre, que de connaitre des lois de nature ; et cela par une méthode bien courte, c'est qu'on se mette en la place de celui envers lequel on est en doute si l'on observera le droit de nature, en ce que l'on veut entreprendre qui le touche. Car on remarquera d'abord que les passions, qui poussaient A  une action, se mettant dans l'autre bassin de la balance, la tiendraient en équilibre, et empAScheront de passer outre. Cette règle non seulement est aisée, mais il n'y a rien de si connu qu'elle, témoin ce dire si commun, -qu'il ne faut point faire A  autrui ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fit A  nous-mASmes.-
XXVII. Or, d'autant que la plupart des hommes, par un désir déréglé qui les pousse A  la recherche de leurs commodités présentes, sont peu propres A  observer toutes ces lois de nature, quoiqu'ils les connaissent et les avouent : s'il arrivait que quelques-uns, plus modestes que les autres, s'adonnassent A  cette'équité, et A  cette condescendance que la droite raison leur dicte, sans que les autres fissent le mASme, ils se conduiraient, A  mon as, fort déraisonnablement : car bien loin de se procurer la paix, ils se précipiteraient inconsidérément dans une ruine certaine, et se donneraient en proie A  ceux qui se moquent du bon sens et de la justice. Il ne faut donc pas estimer que la nature, c'est-A -dire la raison, nous oblige A  mettre en œuvre* toutes ces maximes, en cet état où les autres hommes méprisent de les pratiquer. Cependant, nous ne laissons pas d'AStre tenus A  conserver une disposition intérieure de les mettre en usage, toutes fois et quantes que leur pratique nous conduira apparemment A  la fin qu'elles se proposent. Et ainsi il faut conclure que la loi de nature oblige toujours devant le tribunal, comme on parle, de la conscience : mais non pas toujours en l'extérieur, si ce n'est lorsque cela peut se faire en toute sûreté, et sans en encourir de danger.
[Toutes ces maximes.] Voire parmi ces lois il y en a, desquelles l'omission en l'état de nature vaut mieux (pourvu qu'elle ait pour but la paix et la conservation propre) que si on les observait ponctuellement. En ces occasions, enfreindre la loi de nature, c'est en AStre le protecteur. Celui qui emploie toutes sortes de moyens contre ceux qui font le mASme, qui ôte A  ceux qui rassent, ne fait rien contre la justice. Au contraire, pratiquer en temps de guerre ce qui serait tenu en temps de paix pour une action de modestie et de modération, c'est commettre une lacheté, et se trahir soi-mASme. Mais il y a de certaines lois naturelles, dont l'exercice ne cesse point, mASme en temps de guerre. Car je ne comprends pas A  quoi servent A  un homme pour le bien de la paix, et pour la conservation propre, l'ivrognerie et la cruauté, je veux dire cette vengeance qui ne regarde pas un bien avenir. En un mot, dans l'état de nature, il ne faut pas mesurer le juste et l'injuste par les actions, mais par le dessein et la conscience de celui qui les pratique. Ce qu'il faut faire nécessairement, ce qu'on fait en désirant la paix, ce A  quoi on se résout pour la conservation particulière, est toujours fait avec une grande justice. Hors de lA , tous les dommages qu'on cause A  un homme sont autant d'enfreintes de la loi de nature, et de péchés contre la majesté dine.
XXVII. On peut enfreindre les lois qui obligent la conscience, non seulement par une action qui leur est opposée, mais aussi par une qu'elles permettent, s'il arrive que celui qui la commet ait une opinion contraire. Car encore que l'action soit en elle-mASme conforme aux lois, il n'en est pas ainsi de la conscience.
XXIX. Les lois de nature sont immuables et éternelles. Ce qu'elles ont une fois défendu ne peut jamais devenir licite ; et ce qu'elles ont commandé ne peut jamais AStre défendu. Car il n'arrivera jamais que l'orgueil, que l'ingratitude, que l'infidélité ou l'injure, l'inhumanité et les outrages soient des choses défendues, si vous les prenez pour des dispositions intérieures de l'ame, c'est-A -dire si vous les considérez devant le secret ressort de la conscience, où seulement elles obligent et prennent le titre de lois. Mais bien que les actions puissent AStre tellement diversifiées par les circonstances et par les lois ciles, que celles qui ont été justes en une saison deendront injustes en une autre ; et que celles qu'on aura tenues en un temps pour raisonnables, seront estimées absurdes en un autre, néanmoins la raison ne change jamais cette dernière fin que nous avons élie de la paix et de la défense, ni les moyens que nous avons donnés pour y parvenir, c'est A  savoir, ces vertus ou habitudes intellectuelles, qui ne peuvent AStre effacées par la coutume, ni abrogées par la loi cile.
XXX. De tout ce discours il appert, combien les lois naturelles sont aisées A  remarquer : car elles ne demandent qu'un simple, mais vrai et constant effort de la connaitre. Celui qui le contribue doit AStre nommé juste. Car en ce qu'il tache de tout son possible, et s'étudie de régler toutes les actions aux préceptes de nature, il montre clairement la bonne volonté qu'il a dé les accomplir, qui est tout ce A  quoi la nature raisonnable nous oblige. Or celui-lA  mérite le titre de juste, qui a fait tout ce A  quoi il était obligé.
XXXI. Tous les auteurs demeurent d'accord en ce point, que la loi de nature est la mASme que la loi morale. Voyons quelles sont les raisons qui prouvent cette vérité. Il faut donc savoir que ces termes de bien et de mal sont des noms imposés aux choses, afin de témoigner le désir ou l'aversion de ceux qui leur donnent ce titre. Or les appétits des hommes sont très divers, suivant que leurs tempéraments, leurs coutumes, et leurs opinions se rencontrent divers ; comme il est tout manifeste aux choses qui tombent sous le sens, sous le goût, sous l'odorat, ou sous l'attouchement ; mais encore plus en celles qui appartiennent aux actions communes de la e, en laquelle ce que l'un loue et nomme bon, l'autre le blame et le tient pour mauvais ; voire, le mASme homme en divers temps approuve le plus souvent, et condamne la mASme chose. Mais de cette discordance il est nécessaire qu'il arrive des dissenssions, des querelles et des batteries. Les hommes donc demeurent en l'état de guerre, tandis qu'ils mesurent diversement le bien et le mal, suivant la diversité des appétits qui domine en eux. Et il n'y en a aucun qui ne reconnaisse aisément que cet état-lA , dans lequel il se voit, est mauvais, et par conséquent que la paix est une bonne chose. Ceux donc qui ne pouvaient pas convenir touchant un bien présent, conennent en ce qui est d'un autre A  venir ; ce qui est un effet de la ratiocination : car les choses présentes tombent sous les sens, mais les futures ne se conA§oivent que par le raisonnement. De sorte que la raison nous dictant que la paix est une chose désirable, il s'ensuit que tous les moyens qui y conduisent ont la mASme qualité, et qu'ainsi la modestie, l'équité, la fidélité, l'humanité, la clémence (que nous avons démontrées nécessaires A  la paix) sont des vertus et des habitudes qui composent les bonnes mœurs. Je conclus donc que la loi de nature commande les bonnes mœurs et la vertu, en ce qu'elle ordonne d'embrasser les moyens de la paix, et qu'A  juste titre elle doit AStre nommée loi morale.
XXXII. Mais d'autant que les hommes ne peuvent dépouiller entièrement cet appétit brutal, qui leur fait préférer les biens présents (quoique suis infailliblement de plusieurs accidents imprévus) aux futurs, il leur arrive qu'encore qu'ils s'accordent tous en la louange des vertus mentionnées, toutefois ils ne demeurent pas d'accord de leur nature, et de ce en quoi chacune d'elles consiste. Car dès qu'une bonne action de quelqu'un déplait A  un autre, celui-ci lui impose le nom du ce auquel elle a quelque rapport : comme au contraire les méchancetés pour lesquelles on a de la complaisance sont revAStues du nom de quelque vertu qui en approche, et qui en a de l'air, s'il le faut ainsi dire. De lA  ent qu'une mASme action est louée de ceux-ci, et est nommée vertu, pendant que ces autres lui font le procès et la nomment un ce. Mais ce qui est de plus facheux, c'est que les philosophes n'ont jusqu'ici point trouvé de remède A  ce désordre. Car ne prenant pas garde que la bonté des actions consiste en cet égard, et en cette ordination qu'elles retiennent au bien de la paix ; que la malice au rebours et la défectuosité des actions se trouvent en ce qu'elles tendent A  la discorde, ils ont bati une philosophie morale, diverse de la loi morale, et toute pleine de honteuses contradictions. Ils ont voulu que la nature des vertus fût posée dans une certaine médiocrité entre deux ces extrASmes ; et que les ces logeassent au bout de ces extrémités ; ce qui est édemment faux. Car on loue la hardiesse, et on la tient pour une vertu sous le nom de vaillance, quelque extrASme qu'elle puisse AStre, pourvu que la cause en soit approuvée. Pareillement la quantité de ce qu'on donne, grande, petite ou médiocre, n'est pas ce qui fait la libéralité, mais la cause pour laquelle on l'exerce. Ce n'est pas aussi une injustice, si je donne du mien A  un autre plus que je ne dois. Je dis donc que les lois de nature ne sont autre chose que des sommaires et des abrégés de la philosophie morale, de laquelle j'ai touché en cet endroit quelques préceptes, ne m'arrAStant qu'A  ceux qui regardent notre conservation contre les dangers qui naissent de la discorde. Mais il y a divers autres préceptes du bon sens outre ceux-ci, desquels se puisent quantité d'autres vertus excellentes. Par exemple, la tempérance est fondée sur une maxime de la droite raison, A  cause que par l'intempérance on tombe dans des indispositions, et on abrège le cours de la e. La vaillance aussi, qui est une faculté de résister puissamment aux dangers présents, auxquels il serait plus malaisé d'esquiver qu'il n'est difficile de les vaincre, est une vertu qui s'appuie toute sur la raison ; car elle sert de moyens pour la conservation de celui qui use de résistance.
XXXJJI. J'avoue cependant que les lois que nous avons nommées de nature, ne sont pas des lois A  parler proprement, en tant qu'elles procèdent de la nature et considérées en leur origine. Car elles ne sont autre chose que certaines conclusions tirées par raisonnement touchant A  ce que nous avons A  faire ou A  omettre ; mais la loi, A  la définir exactement, est le discours d'une personne qui avec autorité légitime commande aux autres de faire, ou de ne pas faire quelque chose. Toutefois, les lois de nature méritent d'AStre nommées proprement des lois, en tant qu'elles ont été promulguées dans les écritures Saintes avec une puissance dine, comme je le ferai voir au chapitre suivant : or cette sainte écriture est la voix de Dieu tout-puissant et très juste monarque de l'univers.

Le Léathan


Chapitre XXVI Des lois ciles

Par LOIS CIVILES, j'entends les lois que les hommes sont tenus d'observer en tant que membres, non de telle ou de telle République en particulier, mais d'une République. En effet, la connaissance des lois particulières appartient A  ceux qui font profession de l'étude des lois de leurs pays respectifs ; mais la connaissance de la loi cile en général appartient A  tous. L'ancienne loi des Romains était appelée leur loi cile, du mot citas, qui désigne une République. Et les pays qui, ayant été soumis A  l'Empire romain et gouvernés selon cette loi, en conservent encore la partie qu'ils estiment leur convenir, appellent loi cile cette partie pour la distinguer du reste de leurs propres lois ciles. Mais ce n'est pas de cette loi cile que j'ai l'intention de parler ici, mon dessein n'étant pas de montrer ce qu'est la loi ici ou lA , mais ce qu'est la loi : comme l'ont fait Platon, Aristote, Cicéron et plusieurs autres, sans prétendre faire profession de l'étude de la loi.
En premier lieu, il est manifeste que la loi en général n'est pas un conseil, mais un commandement ; qu'elle n'est pas, d'autre part, seulement de celui dont le commandement s'adresse A  un homme préalablement obligé A  lui obéir. Et il n'y a rien de plus dans l'expression de loi cile, sinon la mention de la personne qui ordonne, qui est la persona citatis, la personne de la République.
Cela considéré, je définirai ainsi la loi cile : la LOI CIVILE est pour chaque sujet, l'ensemble des règles dont la République, par oral, par écrit, ou par quelque autre signe adéquat de sa volonté, lui a commandé d'user pour distinguer le droit et le tort, c'est-A -dire ce qui est contraire A  la règle et ce qui ne lui est pas contraire.
Il n'est rien dans une telle définition qui ne soit très clair dès le premier abord. Chacun voit, en effet, que certaines lois s'adressent A  tous les sujets en général, d'autres A  telles pronces en particulier, certaines A  des professions particulières, d'autres enfin A  des indidus particuliers ; et qu'elles sont lois, par conséquent, pour chacun de ceux A  qui le commandement est adressé, et pour nul autre ; et aussi, que les lois sont les règles du juste et de l'injuste, rien n'étant réputé injuste, qui ne soit contraire A  quelque loi ; et de mASme, que nul ne peut faire des lois, sinon la République, car c'est A  la République seule que nous sommes assujettis ; et enfin, que les commandements doivent AStre signifiés par des signes adéquats, parce qu'on ne saurait pas, autrement, comment leur obéir. Tout ce qui peut AStre déduit de cette définition par une consécution nécessaire doit donc AStre reconnu pour vrai. Or, j'en déduis ce qui suit :
1A° Le législateur, dans toutes les Républiques, est le souverain, et lui seul, qu'il s'agisse d'un indidu, comme dans une monarchie, ou d'une assemblée, comme dans une démocratie ou une aristocratie. Le législateur est en effet celui qui fait la loi ; or la République seule prescrit et ordonne l'observation de ces règles que nous appelons loi : la République est donc le législateur. Mais ce n'est que par son représentant, c'est-A -dire par le souverain, que la République est une personne et a la capacité de faire quoi que ce soit : le souverain est donc le seul législateur. Pour la mASme raison, nul ne peut abroger une loi faite, si ce n'est le souverain : en effet, une loi n'est abrogée que par une deuxième loi qui interdit de mettre la première A  exécution.
2A° Le souverain d'une République (qu'il s'agisse d'une assemblée ou d'un indidu) n'est pas assujetti aux lois ciles. En effet, ayant le pouvoir de faire les lois et de les repousser, il peut quand cela lui plait se libérer de cette sujétion en repoussant les lois qui le dérangent et en en faisant de nouvelles : il était donc libre dès auparavant. Il est libre en effet, celui qui peut AStre libre quand il le veut. Et aucune personne ne peut AStre obligée envers elle-mASme, car celui qui peut obliger peut aussi libérer de cette obligation et celui qui n'est obligé qu'envers lui-mASme n'est donc pas obligé.
3A° Quand un long usage acquiert l'autorité d'une loi, ce n'est pas la longueur du temps écoulé qui fait son autorité mais la volonté du souverain signifiée par son silence (le silence en effet est parfois l'indice d'un consentement) ; et cet usage ne reste loi qu'aussi longtemps que le souverain garde le silence A  son sujet. Par conséquent, si le souverain, impliqué dans un litige relatif A  un point de droit, fonde sa position, non sur sa volonté présente, mais sur les lois antérieurement faites, la durée écoulée ne sera pas opposable A  son droit, et le litige devra AStre jugé selon l'équité. En effet, beaucoup d'actions et de sentences injustes restent sans AStre censurés pendant une durée qui excède toute mémoire d'homme. Mais nos légistes considèrent que les coutumes ne sont loi que lorsqu'elles sont raisonnables, et que les mauvaises coutumes doivent AStre abolies. Or le jugement de ce qui est raisonnable et de ce qui doit AStre aboli appartient A  celui qui fait la loi, c'est-A -dire au souverain, qu'il s'agisse d'une assemblée ou d'un monarque.
4A° La loi de nature et la loi cile se contiennent l'une l'autre, et sont d'égale étendue. En effet, dans l'état de pure nature, les lois de nature, qui consistent dans l'équité, la justice, la gratitude, et les autres vertus morales qui dépendent de ces premières, ne sont pas proprement des lois (je l'ai dit plus haut, A  la fin du chapitre XV), mais des qualités qui disposent les hommes A  la paix et A  l'obéissance. C'est une fois qu'une République est élie (et pas avant) qu'elles sont effectivement des lois, en tant qu'elles sont alors les commandements de la République, et qu'en conséquence elles sont aussi lois ciles : c'est en effet le pouvoir souverain qui oblige les hommes A  leur obéir. En effet, pour déclarer, dans les différends qui opposent les particuliers, ce qui est équité, ce qui est justice, ce qui est vertu morale, et pour rendre ces exigences contraignantes, il faut des ordonnances du pouvoir souverain, et des chatiments prévus pour ceux qui les enfreindraient : ces ordonnances sont donc une partie de la loi cile. La loi de nature est donc, dans toutes les Républiques du monde, un partie de la loi cile. Et réciproquement, la loi cile est une partie des préceptes de la nature : en effet, la justice, autrement dit l'exécution des conventions et le fait de rendre A  chacun ce qui lui reent, est un précepte de la loi de nature ; or tout sujet d'une République s'est engagé par convention A  obéir A  la loi cile (que la convention ait été passée mutuellement entre les sujets, ce qui est le cas lorsqu'ils s'assemblent pour créer un représentant commun, ou indiduellement par chacun avec le représentant lui-mASme, ce qui est le cas quand, réduits par la force des armes, ils promettent obéissance pour obtenir la e sauve, l'obéissance A  la loi cile est donc également une partie de la loi de nature. La loi cile et la loi naturelle ne sont pas des espèces de loi différentes, mais des parties différentes de la loi : une partie de celle-ci, écrite est appelée loi cile ; l'autre, non écrite, est appelée loi naturelle. Mais le droit de nature, c'est-A -dire la liberté naturelle de l'homme, peut AStre amoindri et restreint par la loi cile : et mASme, la fin de l'actité législative n'est autre que cette restriction, sans laquelle ne pourrait exister aucune espèce de paix. Et la loi n'a été mise au monde A  aucune autre fin que celle de limiter la liberté naturelle des indidus, de telle faA§on qu'ils puissent, au lieu de se nuire mutuellement, s'assister et s'unir contre les ennemis communs.
5A° Si le souverain d'une République réduit une population qui a vécu sous des lois écrites différentes, et qu'il la gouverne ensuite selon ces mASmes lois selon lesquelles elle était gouvernée précédemment, ces lois sont néanmoins les lois ciles du vainqueur, non celles de la République vaincue. Le législateur en effet n'est pas celui par l'autorité de qui les lois ont été faites A  l'origine, mais celui par l'autorité de qui elles continuent maintenant d'exister comme lois. Aussi, quand il existe diverses pronces dans l'empire d'une mASme République, et des lois diverses pour ces différentes pronces, lesquelles lois sont communément appelées les coutumes de chaque pronce particulière, on ne doit pas entendre que ces coutumes tiennent leur force de la Seule longueur du temps écoulé ; mais qu'elles étaient jadis des lois écrites, ou publiées de quelque autre faA§on comme les décrets ou les statuts des souverains de ces pronces ; et qu'elles sont maintenant des lois, non en vertu d'une prescription due au temps, mais par les décrets des souverains présents. Mais si une loi non écrite est généralement observée dans toutes les pronces d'un empire, et qu'aucune olation de l'équité ne résulte de son emploi, cette loi ne peut AStre autre chose qu'une loi de nature qui oblige uniformément tout le genre humain.
6A° Etant donné, donc, que toutes les lois, écrites et non écrites, tiennent leur autorité et leur force de la volonté de la République, c'est-A -dire de la volonté de son représentant (lequel est le monarque dans une monarchie, et l'assemblée souveraine dans les autres Républiques) : on est en droit de se demander d'où procèdent ces opinions qui se rencontrent dans les ouvrages de légistes éminents de plusieurs Républiques, et qui, directement ou par voie de conséquence, font dépendre le pouvoir législatif de simples particuliers ou de juges subalternes. Telle cette opinion, que la common low n'a pas d'autre censeur que le Parlement : ce qui n'est vrai que dans le cas où un Parlement a le pouvoir souverain, et ne peut AStre réuni ou dissous qu'autant qu'il le juge bon. En effet, si quelqu'un d'autre possède le droit de le dissoudre, il possède aussi celui de le censurer, et par conséquent de censurer ses actes de censure. Si donc ce droit existe, le censeur des lois n'est plus le parlamentum, mais le rex in parlamento. Mais dans le cas où le Parlement est souverain, il pourra bien convoquer des pays qui lui sont assujettis, des hommes aussi nombreux et aussi sages qu'on voudra, pour quelque cause que ce soit : personne ne croira pour autant qu'une telle assemblée s'est acquis par lA  un pouvoir législatif. Ou cette autre opinion, que les deux armes de la République sont la force et la justice, la première résidant chez le roi, et la deuxième étant déposée entre les mains du Parlement. Comme si une République pouvait se maintenir, dans laquelle la force résiderait dans des mains que la justice n'aurait pas autorité pour commander et gouverner.
7A° Que la loi ne puisse jamais AStre opposée A  la raison, nos légistes l'admettent ; ils admettent aussi que ce n'est pas la lettre, qui s'accorde avec l'intention du législateur, qui est la loi. Et cela est vrai. Mais le doute porte sur ce point : quel est celui dont la raison sera reA§ue comme loi ? Cela ne peut s'entendre d'aucune raison particulière (il y aurait en effet autant de contradictions dans les lois qu'il en est dans les Ecoles), ni mASme, pour user de la formule de Sir Edward Coke, d'une raison (telle qu'était la sienne) amenée par l'art A  son point de perfection, A  force d'étude, d'observation et d'expérience. Il peut se faire en effet qu'une longue étude multiplie et confirme des jugements erronés : quand on batit sur un fondement trompeur, plus on batit, plus grande est la ruine ; il y a donc, et il subsistera nécessairement, de la discordance dans les raisons et les décisions d'hommes qui ont consacré A  l'étude et A  l'observation autant de temps et autant de soin les uns que les autres. Aussi la loi ne procède-t-elle pas de cette fiais prudentia ou sagesse des juges subalternes, mais de la raison de cet homme artificiel que nous étudions ici, c'est-A -dire de la République et de ses commandements. Car la République étant, en son représentant, une personne unique, il ne saurait surgir facilement de contradictions au sein des lois ; et s'il en est, la mASme raison est apte A  les éliminer en les interprétant ou en les modifiant. Dans toutes les cours de justice, c'est le souverain (qui est la personne de la République) qui juge. Le juge subalterne doit avoir égard A  la raison qui a poussé son souverain A  faire telle loi, de telle manière que sa sentence s'accorde avec cette raison : dans ces conditions la sentence prononcée est celle du souverain ; s'il n'en est pas ainsi, la sentence est celle du juge, et est injuste.
8A° La loi étant un commandement, et un commandement consistant dans le fait que celui qui commande exprime ou manifeste sa volonté par oral, par écrit, ou par quelque autre indice adéquat, on comprendra aisément que le commandement de la République n'est loi que pour ceux qui ont le moyen d'en prendre connaissance. Pour les faibles d'esprit, les enfants et les fous, il n'est pas de loi, pas plus que pour les animaux. Ils ne peuvent pas davantage mériter les épithètes de juste ou d'injuste : ils n'ont pas en effet le pouvoir de passer des conventions ni d'en comprendre les conséquences, et par conséquent ils n'ont jamais pris sur eux d'autoriser les actions d'un souverain, comme doivent le faire ceux qui se créent une République. Et de mASme que ceux que la nature ou un accident a privés de la connaissance de la loi en général, tout homme qu'un accident quelconque ne provenant pas de sa faute a privé du moyen de prendre connaissance de quelque loi particulière est excusé s'il ne l'observe pas : A  proprement parler, cette loi n'est pas loi pour lui. Il est donc nécessaire de considérer ici quels indices ou signes sont adéquats pour faire connaitre quelle est la loi, autrement dit quelle est la volonté du souverain (aussi bien dans une monarchie que dans toute autre forme de gouvernement).
D'abord s'il existe une loi qui oblige tous les sujets sans exception, et qui ne soit pas écrite ni publiée de quelque autre manière en des endroits où ceux-ci pourraient en prendre connaissance, c'est une loi de nature. En effet, tout ce que les hommes doivent reconnaitre comme loi non pas sur les paroles d'autrui mais chacun d'après sa propre raison, doit AStre quelque chose qui s'accorde avec la raison de tous : or aucune loi ne saurait AStre dans ce cas, si ce n'est la loi de nature. Les lois de nature n'ont donc aucun besoin d'AStre publiées ou proclamées ; elles sont en effet contenues dans cette unique sentence, approuvée par tout l'univers : ne fais pas A  autrui ce que tu estimes déraisonnable qu'un autre te fasse.
Deuxièmement, s'il existe une loi qui n'oblige que les hommes d'une certaine condition, ou qu'un seule indidu, et que cette loi ne soit pas écrite ou publiée par oral, c'est aussi une loi de nature, et elle est connue par les mASmes signes ou indices qui distinguent des autres sujets ceux qui sont placés dans ces conditions. En effet, toute loi qui n'est pas écrite, ou publiée de quelque manière par le législateur, ne peut AStre connue par aucune autre voie que la raison de celui qui doit s'y soumettre : c'est donc non seulement une loi cile, mais aussi une loi naturelle. Par exemple, si le souverain emploie un ministre public sans lui donner d'instructions écrites sur ce qu'il doit faire, celui-ci est obligé de prendre comme instructions les prescriptions de la raison. Ainsi, s'il institue un juge, il faut que celui-ci prASte attention au fait que sa sentence doit s'accorder avec la raison de son souverain : et celle-ci étant toujours réputée coïncider avec l'équité, il est tenu A  celle-ci par la loi de nature. Ou bien, s'il est ambassadeur, il doit, pour tout ce qui n'est pas contenu dans ses instructions écrites, prendre pour instructions ce que la raison lui prescrit comme étant le plus favorables aux intérASts de son souverain, publics ou privés. Ces instructions de la raison naturelle peuvent toutes AStre englobées sous le seul nom de loyauté [Fidelity], qui désigne une des branches de la justice naturelle.
Si on laisse de côté la loi de nature, il est de l'essence de toutes les autres lois d'AStre portées A  la connaissance de ceux qui seront obligés d'y obéir, soit par la parole, soit par l'écriture, soit par quelque autre acte connu comme émanant de l'autorité souveraine. En effet, on ne peut comprendre quelle est la volonté d'autrui qu'A  partir de ses paroles ou de ses actes, ou par une conjecture inférée A  partir de son but et de son intention : but et intention qui, s'agissant de la personne de la République, sont toujours censés conformes A  l'équité et A  la raison. Dans les temps anciens avant que récriture ne fût d'un usage courant, les lois étaient souvent mise en vers, afin que le peuple inculte, prenant plaisir A  les chanter ou A  les réciter, les garde plus aisément en mémoire. Cest pour la mASme raison que Salomon recommande A  chacun de lier les dix commandements A  ses dix doigts. Quant A  la loi que Moïse donna aux Israélites lors du renouvellement du Pacte [Covenant], il leur ordonne de l'enseigner A  leurs enfants, en en parlant A  la maison et en chemin, en se couchant et en se levant ; de l'inscrire sur les montants et les portes de leurs maisons ; et d'assembler tout le peuple, hommes, femmes et enfants, pour en entendre la lecture.
Mais il ne suffit pas que la loi soit écrite et publiée : il faut aussi qu'il existe des signes édents qu'elle émane de la volonté du souverain. En effet, il peut arriver que les particuliers, quand ils ont ou pensent avoir la force nécessaire pour mener A  bien leurs injustes desseins et les conduire en toute sûreté au terme assigné par leur ambition, publient comme des lois ce qui leur plait, sans l'assentiment, ou contre la volonté de l'autorité législatrice. a n'est donc pas seulement indispensable que la loi soit signifiée, mais aussi qu'il existe des signes adéquats indiquant son auteur et son autorité. Qui est l'auteur, c'est-A -dire le législateur, cela est censé AStre connu dans chaque République de faA§on manifeste : c'est en effet le souverain, lequel ayant été institué par le consentement de chacun, est censé AStre adéquatement connu de chacun. Encore que l'ignorance et l'insouciance de la plupart des hommes soient telles qu'une fois effacé le souvenir de la première institution de leur République ils n'examinent pas en qui réside le pouvoir par lequel ils sont ordinairement défendus contre leurs ennemis, protégés dans leurs travaux, et rélis dans leurs droits quand il leur est fait quelque tort : étant donné néanmoins que personne, examinant la chose, ne peut la traiter comme matière A  discussion, on ne peut en aucun cas s'excuser en alléguant qu'on ne savait pas où résidait la souveraineté. Or c'est un précepte de la raison naturelle, et par conséquent une édente loi de nature, que nul ne doit affaiblir le pouvoir dont il a lui-mASme réclamé, ou consciemment reA§u, une protection contre autrui. Donc, sur la question de savoir qui est le souverain, nul ne saurait élever aucun doute, quoi que les méchants puissent lui suggérer, sans en porter personnellement la faute. C'est dans la mise en édence de l'autorité émanée du souverain que réside la difficulté. Et la solution de celle-ci dépend de la connaissance tant des recueils officiels que des conseils, ministres et sceaux publics, choses par lesquelles toute loi est adéquatement authentifiée.
Je dis authentifiée, et non pas autorisée ; l'authentification ne concerne en effet que l'attestation et l'enregistrement de la loi, et nullement son autorité, laquelle réside seulement dans le commandement du souverain.
Par conséquent, si quelqu'un est impliqué dans un litige qui soulève la question de savoir si un acte est un tort aux termes de la loi de nature (autrement dit, de la commune équité), la sentence du juge auquel son mandat donne autorité pour connaitre de telles causes authentifie adéquatement la loi de nature pour ce qui touche A  ce cas particulier. En effet, encore que l'as de celui qui fait profession de l'étude de la loi soit utile pour éter les disputes, ce n'est malgré tout qu'un as : c'est le juge qui, après audition du litige, doit dire aux gens quelle est la loi.
Mais si le litige soulève la question de savoir si un acte est un tort ou un crime au regard de la loi écrite, il est loisible A  chacun, s'il le veut, en recourant aux recueils des lois, soit par lui-mASme, soit par l'intermédiaire d'autrui, d'AStre adéquatement informé, avant de causer ce tort ou de commettre ce crime, du point de savoir si c'est une cau-sation de tort ou non. Et mASme, il doit en user ainsi : en effet, quand un homme doute si l'action qu'il entreprend est juste ou injuste, et qu'il peut s'informer s'il le veut, il est illicite d'accomplir cette action. De mASme, si quelqu'un estime qu'on lui a fait tort, dans un cas prévu par la loi écrite (qu'il peut consulter et étudier, soit par lui-mASme, soit par l'intermédiaire d'autrui), et qu'il se plaigne avant de consulter la loi, il agit injustement, laissant voir qu'il est enclin, plutôt qu'A  revendiquer ses droits, A  importuner autrui.
Si un litige met en question l'obéissance A  un fonctionnaire public, son autorité est adéquatement authentifiée quand on a vu son mandat revAStu du sceau public, et qu'on a entendu la lecture, ou quand on aurait pu s'informer de ce mandat si on l'avait voulu. En effet, chacun est obligé de s'efforcer au mieux de ses moyens de s'informer de toutes les lois écrites qui peuvent concerner ses actions futures.
Une fois le législateur connu et les lois adéquatement rendues publiques par des textes écrits ou par la lumière naturelle, une autre condition très importante, doit encore AStre remplie pour qu'elles soient obligatoires. Ce n'est pas en effet dans la lettre que réside la nature de la loi : c'est dans ce qu'elle contient, ce qu'elle veut dire : autrement dit, dans l'interprétation authentique de la loi, qui n'est autre que la pensée [sensé] du législateur. L'interprétation de toutes les lois dépend donc de l'autorité souveraine, et les interprètes ne peuvent AStre personne d'autre que ceux qu'aura institués le souverain, A  qui seul les sujets doivent obéissance. Autrement, l'astuce d'un interprète peut faire exprimer A  la loi une pensée contraire A  celle du souverain, et par ce moyen l'interprète deent lé



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