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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Le héros et la culpabilité pénale

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Le héros et la culpabilité pénale
L'injustice est la référence constante des grandes créations mythiques et littéraires. Mais A  la racine de l'injustice, il y a la faute, et le sentiment de la culpabilité procure le double avantage de montrer quelles conséquences entraine toute injustice dans la psychologie typique de son auteur, comme de révéler, plus abstraitement encore, la nature intrinsèque de la faute dont elle est issue.



Les conséquences peunt se présenter symboliquement sous l'aspect des ombres ou des lumières.
Des ombres, lorsque le sentiment s'épaissit de toute l'opacité du remords, de l'irréparable avoir-fait, et atteste de la présence indélébile d'une faute qui condamne A  jamais le héros, s'il perA§oit une lueur de justice, A  s'enfoncer dans les ténèbres sans fin de ses tourments. Le Créon de ï'Antigone de Sophocle est peut-AStre le premier A  éprour cette douleur subite et définiti où il mesure la vanité de vouloir commander le retour d'un passé qui l'écrase. Il est trop tard quand il se ravise et comprend que la mort qu'il a permise a déjA  fait son œuvre autour de lui.
Le thème ressurgit dans le -ce qui est fait est fait- de Lady Macbet ou dans l'amère constatation que -nos actes nous suint- de La Reine morte. Il hante d'ailleurs les poètes tragiques du XIXe. Il envahit Lautréamont, et Baudelaire le reprend pour se regarder A  la fois comme -la victime et le bourreau-. Et, A  l'arrière-, l'on y discerne, non pas seulement les gouffres infernaux des imaginaires complaisants (de Poe A  Swedenborg), mais un vieux mythe néo-platonicien et émanatiste : celui de la déchéance souffrante du Dieu qui s'offre dans sa création, et qui, passant de l'unité au multiple, perd son identité et ne peut qu'AStre saisi lui-mASme par le remords d'avoir succombé au geste de créer. Baudelaire se représente ce Dieu dans la -joie de descendre - : il se livre en somme A  une prostitution sacrée qui consiste A  embrasser la totalité de l'AStre et qui suscite peu après le dégoût de cet abandon originel (comp. P. Emmanuel).
Comment, dès lors, la créature pourrait-elle A  son tour ne pas AStre portée par d'analogues élans rs la vie, par le don incessant d'elle-mASme, et comment pourrait-elle ne pas se trour prise par l'angoisse de l'aliénation et de la compromission ac ce qui diffère d'elle et la dégrade, étant vouée A  subir un chatiment divin par transfert, et A  supporter une peine identique A  celle de Sisyphe ? Commettre de noulles fautes et réenclencher sans cesse la mécanique de l'injustice semblera denir un processus inélucle selon ce mythe de la chute sous-jacent où les hommes s'enchainent au destin des dieux eux-mASmes repentants Et il est vrai que les récits épiques du registre mésopotamien fourmillent, dès avant la Bible, d'exemples de dieux jaloux d'avoir créé les hommes, de dépendre de leurs choix et de leurs caprices qui humilient leur dignité ; ces hommes ont beau s'éler, ils ne les égalent pas et ils leur prount l'erreur de les avoir fait naitre, une erreur que les hommes élissent mieux encore en se manifestant plein de défiance et désireux de s'approprier tout pouvoir (tel l'oiseau céleste Anzu dérobant la lette des vies au dieu Enlil qui prenait son bain!).
Dans la perspecti baudelairienne, cependant, se profile une doctrine originale, A  la fois thomiste et pascalienne, de la conrtibilité ou rérsibilité des extrASmes qui repose sur la solidarité du bien et du mal, au sens où l'un des deux termes est nécessairement relatif A  l'autre et où le second est enclin A  rejoindre le premier, s'il en désigne une partie indûment autonomiste ou s'il correspond au manque de la totalité dont il a démembré l'unité (comp. Cl. Mauriac sur Jouhandeau).
La ngeance divine, la peine d'une théodicée, comme l'expose Bourdaloue (dans son sermon sur la -fausse conscience- pour l'Ant - 1705) après s. Bernard, peut AStre d'enténébrer la conscience, de l'empAScher d'AStre rétrospecti, et de lui enler la possibilité mASme du remords, et de susciter en somme l'auglement sur ses propres erreurs. La culpabilité ressentie ouvre déjA  les voies de la justice.
Que l'on ne puisse pas se dégager du sentiment de culpabilité engendré par l'injustice peut aussi bien apparaitre dans une autre dimension où la théologie d'une absence de pardon, d'une carence de rémission ou de rédemption s'impose. La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne est caractéristique de cet esprit de fermeture où le mal immobilisé doit produire les mASmes fossilisations du remords dans la conscience pécheresse, sans qu'il soit pour autant prASté au repentir une quelconque -efficace- suivant l'optique d'une justice que Dieu attribue A  l'homme dans le mystère de sa Grace. Chez Kafka, A  sa faA§on, la représentation latente du Tout Autre ac lequel aucune médiation ne semble autorisée, claustré dans son onirique citadelle inaccessible, peut aboutir A  cette mASme notion de la vanité d'une suite de la faute et des regrets qu'elle provoque.
En revanche, la voie rs un dépassement s'esquissera selon le schéma d'une justice plutôt inhérente et non plus imputée qui ouvre au coupable la possibilité du rachat, de la compensation de sa faute, A  trars cette acti accusation interne ou auto-accusation qui trarse les torpeurs du remords (Bernanos ou Greene), mais qui débouche sur les reconquAStes de la liberté d'un moi moral et voulant. Ce qui projette quelques lumières apaisantes sur le sentiment de la culpabilité. Il s'agit donc d'un sentiment qui va AStre l'instrument, non d'une Grace divine qui en sa gratuité ballotte jusqu'au bout dans les incertitudes le héros découragé, mais d'une action courageuse de l'esprit A  la recherche d'une vérité purificatrice par son unique témoignage, car elle seule peut stimuler la liberté de renouer ac la justice. Et certes cette liberté retrouvée pousse A  l'au, A  la dénonciation, comme c'est le cas chez Dostoievski. Mais, par son système de responsabilité, le droit joue principalement le rôle attendu de l'ultime intermédiaire salvifique dans ce chemin rs la justice morale.
Dans ce prolongement, la femme incarne sount la justice (v. notre Persona, in fine), et l'amour de Sonia incitera Raskolnikov A  rencontrer le juge. Mais les taches plus pratiques sont dévolues A  l'homme : Aliocha aidera son frère Dimitri A  fuir le bagne pour lequel il ne l'estime pas prASt. En réalité, la peine prononcée doit parnir A  faire émerger -l'image de la divinité- obscurcie en l'homme (Sounirs de la maison des morts) : la personne en sa pureté primiti d'imago dei doit pouvoir surgir et triompher de la nature historique et contingente de l'homme de la Chute, de l'homme coupable; - l'homme nouau - doit s'affirmer par la re-connaissance (ou - noulle naissance-) de cette connaissance de la faute qui entache -l'homme ancien- (v. Nicéphore Studite A  partir de Paul). Ainsi s'éloigne-t-on des refus d'assumer la faute en alléguant la perpétuité de son mal et la fatalité de l'injustice qu'elle reflète, ou en osant affirmer, comme le fera Tolstoï (Résurrection), qu'elle ne peut lucidement AStre diagnostiquée, ni donc AStre jugée !
L'auto-accusation marque déjA  le début de cette accusation publique par laquelle le coupable se libère de la faute qu'il extériorise, objectivise et -juge- en la disant et en assumant corrélatiment une responsabilité A  caractère juridique devant l'instance chargée de recevoir sa confession. La procédure judiciaire et répressi fondée sur le système de responsabilité prend par lA  le relais de la démarche morale de reconnaissance de la faute qui conduit A  tirer celle-ci des ombres de la conscience où elle s'enferme pour l'exposer aux lumières de la parole dans l'espace social. Et la liberté sert d'assise A  tous ces actes. C'est l'exercice de la liberté qui commande l'identification de la faute et c'est elle qui préside A  l'énoncé de son contenu A  l'adresse des témoins requis par la justice.
Mais avant que le magistrat n'intervienne, il y eut le prAStre exorciste. Dans l'ancienne Mésopotamie, il préparait le rituel et la liturgie des rites expiatoires destinés A  accueillir le coupable et A  lui permettre d'extirper sa faute et de la rendre manifeste. Chasser ainsi le mal, le mamitu, supposait l'au A  tous. Et l'on sait comment cette pratique s'est ensuite répandue, autant dans le monde conntuel d'Occident que dans celui du droit. Les moines cisterciens furent eux-mASmes soumis A  ces épreus collectis visant A  un examen d'auto-critique sous le contrôle de leurs frères. L'idée essentielle qui guida cependant toujours la conduite accusatoire fut de ne s'en remettre qu'A  l'appréciation d'un tiers arbitre, impersonnel et objectif, et simplement médiateur de la vérité A  l'aune de laquelle la faute peut AStre mesurée. Il ne s'agissait pas par conséquent d'autoriser au commentaire, au voyeurisme, ni aux épanchements et aux débordements exhibitionnistes ou au subjectivisme d'une libido dominandi avide de s'accaparer un pouvoir sur autrui. Des règles précises, que les siècles ont éprouvées, ont sans cesse prénu contre ces déviations.


Dans la culture gréco-romaine, le mythe orphique (v. Eliade, Boy-ancé, Grimai) donne lieu A  des interprétations semblables. Orphée, fondateur du droit et de la cité, entreprend une prédication sur la justice que rappelle les récits virgiliens (v. notre Humanisme, t. I). Mais ce n'est pas un hasard si la perception du juste comme totalité ne s'impose A  lui qu'après que l'erreur ou l'injustice ait été commise qui est sans cesse de ramener le tout A  la partie, et s'il doit symboliquement - descendre aux enfers - qui le précipitent dans la douloureuse purification de ses fautes. Le héros de justice n'est pas lui-mASme A  l'abri de l'injustice et de la faute. Or passé le moment d'une prise de conscience qui l'oblige A  assumer une noulle fois le mal, comme si l'amertume plus constructi de l'- attrition- devait suivre le mécontentement radical de la - contrition -, voici le héros libéré et meilleur témoin du juste. Il ne craint plus que des obstacles extérieurs A  lui sans appréhender le chatiment divin. Il donne en somme l'exemple de l'itinéraire A  prendre : la faute (la partie qui s'autono-mise contre le tout, et dont le signe devient l'abstrait nominaliste, fictif et sans réfèrent, v. notre - L'argent ou la justice aux enfers -, in nos Essais ph. dr.) ne le voue pas au royaume des ombres, mais c'est bien elle qui lui permet d'en sortir. Le parcours suivi marque une avancée par dépassement et kata-base, dirigé rs un - après -, rs une situation -post-lapsaire-, typique de l'apollinisme, alors que le dyonisisme implique au contraire la recherche d'une ana-base, et une sorte de refus de toute libération par purgation acti ou par katharsis (comp. Eliade, Guenon). La tendance dyonisienne est en effet de s'enfoncer dans une nostalgie souffrante et privée d'issue ou de lumière accessible, ce que compenseront sans succès les abandons ou les exutoires d'une subjectivité orgiastique et déréglée.
L'apollinisme orphique amène, selon nous, A  justifier ainsi les institutions d'un droit qui intègre la culpabilité dans la dimension onto-cogniti du -sens- et qui la situe dans un mécanisme de responsabilité apportant la réponse volontaire au mal. A l'opposé, le dyonisisme et l'esprit d'anabase font basculer dans l'artificialisme conntionnaliste (néo-empiriste, néo-utilitariste), par incapacité d'assumer la vie, c'est-A -dire l'incarnation. Un certain bouddhisme du détournement de l'incarnation est tout proche, qui envahira la pensée germanique du XIXe, déjA  imbue de logique rationaliste et saturée de philologie orientale. Le nihilisme nietzschéen, surtout, n'est pas loin non plus, où sera démontré l'AStre suffisant d'un - denir- en lui-mASme -innocent-, où sera prônée la volonté de s'en tenir A  la forme du vouloir (Willensmacht), laquelle est susceptible de recevoir n'importe quel contenu de la vie qui s'écoule mais qui n'a aucune fin et n'est qu'illusion Ce que récuse A  la vérité le nietz-schéisme, c'est tout sens d'une culpabilité possédant un réfèrent ontologique en un arrière-monde des valeurs; il n'a ainsi d'autre but que de stimuler, parfois malgré lui, la vision pragmatiste et radicalement sceptique d'un droit technicisé, d'un droit A  produire, d'un droit fait de moyens, de structures et de systèmes, dans lequel la responsabilité pénale est d'autant plus rigide et menaA§ante qu'elle vaut selon l'unique exigence conséquentialiste, celle de la seule conformité des actes A  leurs effets, en usant de tous les moyens nécessaires A  valoriser ces derniers.
La Verantwortungsethik de Weber renoulée par l'analytisme contemporain aura compris sur ce point la leA§on. La responsabilité sans faute du juriste technicien nait de ce nihilisme d'un -sans fond- nietzschéen qui rejoint les orientations du dyonisisme, frappé d'une impuissance tragique face A  la vie de l'AStre : A  la vie tout court. D'où le transfert de la vie sur les fictions, sur les artifices qui font oublier l'AStre (v. le Gai savoir). Dans le mythe d'Er, Platon enseigne certes la doctrine de l'oubli, aux sources du Léthé. Mais, dans la perspecti apollinienne, il ne s'agit pas d'un oubli immédiat : l'oubli recherché conditionne A  l'inrse la reprise de l'action quand s'achè le cycle des douleurs et des peines qui ont affligé le coupable, afin qu'une lumière se dévoile A  l'horizon de sa conscience enténébrée un moment par le remords : afin qu'il s'engage dans une issue positi et ne se morfonde pas dans les ruminations stériles qui pourraient prendre un accent masochiste.
C'est en net contraste ac ce moument libre de reconnaissance de la faute que se dessinent, sous un profil littéraire et esthétique -mais par emprunt A  l'histoire concrète de pratiques indignes -, les modes de révélation extrinsèques d'une faute plus imaginaire que réelle, facteur d'une responsabilité plus imposée que déduite. Il suffit de rappeler le thème si constant de l'usage arbitraire et forcené de la -question- et du calcul des -quart- et -cinquième- de preu. Les pamphlets et polémiques déchainés par Voltaire et Diderot en ont témoigné, mais c'est sans doute l'un des premiers romans italiens, L'histoire de la colorie infame d'Alessandro Manzoni, qui restitue le mieux cette atmosphère de suspicion, une atmosphère qui enloppe le crime et qui laisse le champ ourt aux sévices -bien intentionnés- et aux pires manipulations de la conscience; l'- untore - gratuitement accusé d'avoir semé la mort en répandant une substance porteuse de la peste sera le bouc-émissaire qui dispensera d'avoir A  élir certaines responsabilités étatiques dans la diffusion du fléau le plus dévastateur.
Mais l'on voit bien aussi comment fonctionne le mécanisme provoqué de l'auto-critique chez les héros sur lesquels s'exercent d'autres types de pressions plus subtiles et intérieures et que l'idéologie condamne A  se croire sans cesse en tort devant les instances auxquelles ils ont pourtant consacré un dévouement exemplaire (chez Plisnier, Koestler, Malraux).
L'on se retrou dès lors aux antipodes de ce sentiment de faute que n'occulte pas la liberté du héros quand, hors de toute influence, il reconnait son crime, et quand il ne se referme pas sur lui-mASme, mais s'engage dans une action de dépassement, une action réparatrice A  laquelle le droit ou, plus exactement, le procès peut servir de cadre. Le jugement d'Oreste dans Les Euménides (v. notre Ph. jur. europ.) en donne l'illustration la plus complète. Oreste trarse la phase du dénouement difficile de ses contradEictions et de la représentation anticipée de sa faute encore potentielle ; puis se sachant disposé A  assumer une telle culpabilité, il en mesure toute la portée du point de vue d'une autre culpabilité, celle de Clytemnestre et d"Egisthe qu'il estime supérieure A  la sienne; d'où sa confiance en une justice hiérarchisante, qui, tout en le reconnaissant auteur et responsable de son matricide, ne le soustraiera pas moins A  sa peine, car elle obéit A  une mesure d'égalité proportionnelle et rétributi plus large que le simple talion
La pensée grecque qui s'introduit déjA  sur la scène tragique permet de poser très vite ainsi le problème de la nature et des composantes ou de la consistance de la faute.

Substantiellement, la faute des héros apparait toujours comme une atteinte du principe d'AStre, comme une lésion de la paternité fondamentale des individus et des choses, et comme une rupture d'ac leur ordre de vie. Ce n'est nullement fortuit si dans Les frères Karamazov Dostoievski va jusqu'A  y voir en somme une récidi de la faute d'origine, de l'attitude luciférienne qui est de chercher A  rivaliser ac le Créateur. La faute, conclut-il , est dans le refus de -regarder Dieu comme un Père-. Il s'agit bien lA , dirons-nous, du refus de la personne, icône du Père, ou du prosôpon sous la nature, et sous toute nature, nature humaine ou nature des choses.
Mais il est possible d'analyser le rapport du sentiment et de la raison, du thumos et de la phronésis, tel que les poètes tragiques nous suggèrent de le délopper (v. notre Ph. pol.). Les héros portés au mal (Xerxès, Polynice, Créon, Jason) comprendront rapidement que leur tort a été de se préférer eux-mASmes au bien de la cité ou de leur peuple, et que toute faute réside dans cette perception partielle qui fait coïncider l'objet représenté ac son propre intérASt; elle suppose l'adéquation de l'éthique ac une eudémonologie de l'égoïsme immédiat, sans que le regard de la conscience accepte de s'élargir au-delA  des limites du moi pour saisir une unirsalité dans l'AStre. Il semble pourtant clair que chacun possède cette lumière, cette intuition de l'esprit qui l'ajuste A  la vérité de cet AStre, une -vérité qui parle sans détours-, comme l'affirme Euripide. Mais la volonté le cède aux appétits singuliers et elle empASche sa reconnaissance. La raison contaminée par l'imagination produit des représentations secondes qui se démarquent de la connaissance première donnée A  l'esprit (comp. chez A. Smith, v. notre Meta, et Eth.). La faute est donc cogniti, mais fondée sur une volonté qui a consommé la scission ac une autre connaissance. Elle .est cette erreur inexcusable, ou qu'il est impardonnable de n'avoir pas pris les moyens nécessaires de dissiper, que les juristes préciseront dans leur taxinomie des fautes. Et c'est pourquoi, pour le faire oublier, elle sombre dans les méandres des rationalisations a posteriori et auto-justificatrices, dans les inépuisables pharmakon sophôn.


Le héros fautif est par lA  victime de ce qui caractérise déjA  le péché de la Genèse, d'une convoitise qui le porte A  s'approprier les critères de l'AStre et de la valeur, d'une démesure dans l'orgueil qui le pousse A  se substituer A  la divinité de référence. Et c'est pour expier, en quelque sorte, cette faute primiti qui souille la race des hommes tout entière, qu'il est conduit A  ne jamais pouvoir exprimer lui-mASme son héroïcité qu'A  trars certains actes coupables et porteurs des mASmes signes de l'injustice, mASme s'il les dépasse en vue d'un bien plus grand. Ainsi Gilgamesh, roi dlJruk, en vient A  tuer, sans doute inutilement, le géant Humbaba qui hantait la forASt des cèdres, et ainsi décuple-t-il de violence contre le taureau céleste que la déesse Ishtar lui envoie par dépit d'AStre insuffisamment désirée de lui Cependant, le théologien rappellera qu'il est une première alliance cosmique et un baptASme créaturel qui tient A  l'état mASme de -personne- et qui fait de l'homme en tant qu'homme le témoin natif d'un principe de justice précédant toutes les expressions culturelles et antérieur A  tous les mythes (v. la - grace suffisante - selon Clément d'Alexandrie, Protreptique, et A  propos de la rencontre des Indiens d'Amérique, in notre Meta, et Eth., 15).
La faute présente peu A  peu le caractère de denir fatale et d'AStre accomplie A  l'imitation d'une faute initiale qui est donc - la faute des autres - et non celle qui est susceptible de s'inscrire d'emblée comme erreur dans l'esprit du héros par le jeu de sa liberté. Le héros hérite d'une telle faute, et ce n'est qu'en l'assumant qu'il manifeste son tempérament héroïque : ce n'est qu'en la réutilisant, et en recommettant A  son tour des fautes structurellement analogues auxquelles il sait ne pouvoir échapper, qu'il s'élè A  cette dimension qui fait participer en lui l'homme A  la divinité. Tout le sens de la théodicée mythique se joue lA .
Le Dieu de colère se ngerait-il ? C'est bien la justice divine qui s'abat sur les hommes dans l'-après- de la faute originelle, et qui atteint au cœur les héros eux-mASmes. L'homme juste n'y échappera pas, avant Job plongé dans la déréliction totale, puisque dès les premiers poèmes babyloniens (v. E. Dhorme, H. Pirenne, Eliade), il s'expose aux malédictions divines les plus cruelles, malgré son innocence avérée et le don de sa vie aux autres. Et cette théodicée sera sount représentée par une littérature d'inspiration profondément luthérienne (Lagerlôf, Lagerkvist) sur le mode (très néo-scottiste) de l'œuvre de la volonté de Dieu, et de l'interntion de la surnature transcendante ou de la Grace. C'est Dieu seul qui en l'occurrence impute justice A  l'homme de mASme qu'il laisse le mal accéder A  lui; c'est uniquement Dieu qui peut A  terme rétribuer des mérites qu'il juge d'après la foi ou la confiance, en dehors de la ronde infernale des chatiments, du mal et mASme des guerres dont la portée régénératrice marque le cheminement progressif et contradictoire d'une idée du juste, comme l'explique Lagerkvist dans Le Bourreau (anal, dans La Sibylle).
Ce qui vérifiera cet aspect fatal de la culpabilité, et, corrélatiment, le fait qu'elle ne débouche sur aucune justice, si ce n'est sur celle décidée par Dieu, et qu'elle ne comporte donc que des ombres que seule la -justice des deux- de l'Apocalypse (21) peut refouler, c'est l'impuissance typique qui affecte le remords.
Le remords cesse de désigner la faute comme la non-reconnaissance d'une connaissance acquise relatiment A  la vérité d'une situation vécue. Il ne montre plus qu'il serait possible de compenser cette non-reconnaissance par l'action qui en promeut de nouau le sens et qui intègre la perception partielle de la faute dans la perception du tout. Il n'est pas cette obscure - idée de l'acte - A  reconcevoir et A  repénétrer de l'esprit pour s'en libérer, dont parle Lalle A  propos de Scheler (Le sens de la souffrance, préf.). Point ici d'illusoire rattrae. De faA§on très nominaliste, aucune idée ne survit A  l'acte, et le remords marque une projection gratuite de la sensibilité émue mais emportée par l'imaginaire et la fiction. C'est d'ailleurs en ces termes que Spinoza et Luther ont été les impitoyables dénonciateurs des phantasmes que crée le remords dans la conscience en lui permettant de croire que ses représentations sont des - idées - et que ces idées ont un réfèrent ou un objet réel, tandis qu'elle se noie dans ses rASs complaisants
Le Créon de Sophocle (v. supra) atteste déjA  d'un remords qui traduit cet état douloureux d'anéantissement de tous les espoirs. Mais il faut aller plus loin. La fonction mécanique du bourreau, de la peine juridiquement prononcée, ou tout simplement de la mort, ésectiune dès lors les analyses et la notion mASme d'une action rétribu-ti humaine fondée sur des clartés de raison. La souffrance est un passage auquel chacun se résigne dans l'humilité devant le mal et le refus de prétendre pouvoir indiquer le bien. Le fait mASme de disserter sur le mal ou la mort, d'entreprendre le moument judicatoire de la conscience, de croire que la compréhension peut susciter un ordre de justice capable de rendiquer des qualités empruntées A  Sa Justice, sera A  la limite le meilleur moyen de faire adnir ce que l'on ut s'épargner A  soi-mASme ou aux autres. Selma Lagerlôf décrit ainsi son Charretier de la mort comme un personnage que remplace d'autant plus aisément celui qu'il effraye et qui évoque sans cesse sa présence cachée : le fantôme A  la faux mythique. Tout connaissance est portée A  l'échec. Etre témoin, c'est finalement se préparer A  AStre victime. Et voici l'Ankou des légendes celtiques qui A  peine nommé sort de sa nuit et s'atle ac les vivants dont l'heure a sonné.
Que la connaissance fuit la faute, que la faute suscite tout au plus la perplexité devant l'incompréhensible, peut cependant n'accuser que la distance qui sépare l'humain du divin et peut n'AStre qu'un effet de cette faute première, A  caractère théologal et non pas éthique, que l'espèce humaine a accomplie A  l'égard de Dieu. Quand le -juste souffrant- mésopotamien s'écrit: -la faute que j'ai commise, je ne la connais pas-, c'est une telle faute invisible et matricielle ancrée en tout homme qu'il indique du doigt, en la mettant en rapport ac le mal sans contrepartie apparente qu'il subit. Il convient implicitement de n'AStre lui-mASme A  l'origine d'aucune faute, mais de devoir supporter un mal pour une faute générique et génétiquement transmise qui constitue un tribut A  payer au divin. N'en ira-t-il pas de mASme en toute perspecti hébraïque du respect du Tout Autre, de la révérence A  un ineffable logos dont on désespère de l'incarnation et des médiations possibles? Joseph K. non plus ne sait pas pourquoi une main mystérieuse l'abandonne A  un droit procédural que le droit signifiant a déserté.


En revanche, la faute collecti que tout un peuple a commise, mais que beaucoup déclarent en son sein n'avoir pas mASme pu -connaitre-, peut réiller intensément un sentiment de culpabilité de mASme nature, imbu du péché de la Genèse, si l'on en croit Jung instruisant le procès du nazisme et de certaines complicités individuelles et institutionnelles (Essai sur le drame contemporain); or ce sentiment se trou justifié par la conception mASme de l'erreur inexcusable, entretenue par une volonté fascinée et irradiée par le mal déjA  produit; il doit donc déboucher sur la mise en cause d'une responsabilité juridique qui est le seul mode de conrsion et de dépassement réparateur de la faute. Tout en prônant la responsabilité, une psychanalyse freudienne (dont s'inspire encore l'approche du Dr Hesnard, L'unirs morbide de la faute) eut volontiers, excusé la faute comme sécrétion du Surmoi et facteur d'inhibition encombrant, lA  où la perspicacité jungienne décèle le mécanisme d'une faute par passivité consentante et contagion, et donc complicité ; cette faute ne s'explique que par le poids de l'inconnu héréditaire qui affecte le genre humain, ce poids qui a été lourdement aggravé par un complexe d'infériorité (dérivé du complexe adamique) engendrant ensuite tous ses déchainements passionnels et agressifs et déterminant une soif de domination. Il n'est, pour s'en convaincre, que de relire quelques chapitres inquiets de La Montagne magique.
Il resterait A  reprendre gestes épiques ou récits mythiques qui attestent cette relation ambigiie de la culpabilité et de lliéroïcité comme étant un reflet de la condition créaturelle de l'homme historiquement déchu, dans l'état où l'homme se retrou après cette faute d'origine qui appartient pratiquement A  tous les horizons religieux d'un vieux fond monothéiste ou pré-monothéiste (comp. Hor-nung sur l'Egypte).
Le généricisme idéaliste et rationaliste est responsable d'un portrait du héros qui exclut toute participation A  la faute et au mal. Nous en traitons A  propos de l'homme juste qu'analyse si lucidement Sciacca (v. chapitre suivant). Le héros comme le saint de Greene (La puisssance et la gloire, Le fond du problème) ou simplement l'interprète bernanosien des événements (v. Les enfants humiliés, Les grands cimetières sous la lune) est un AStre partagé, vivant tragiquement son écartèlement et sa déchirure. Car le juste n'est possible qu'A  partir de l'injuste, s'il n'est pas un juste angélique et divin, ou le juste - prosopologique - pur de lTiésychasme orthodoxe et anti-humaniste dont rASnt les moines illuminés sur les routes de Novgorod, hantés par les images de la transuration, par l'icône de la présence totale du divin. Et l'injuste n'oriente rs le juste que parce qu'il en est une participation manquée, parce qu'il traduit la partie autono-misée qui s'est émancipée d'une totalité plus vaste. La thématique baudelairienne pourrait A  cet égard réapparaitre en surimpression.
La réaction d'un théatre d'inspiration plus ou moins janséniste, de Racine (Phèdre) A  Montherlant (Port-Royal, Le Maitre de Santiago), pourrait de mASme en témoigner, en ce qu'elle n'épargne impitoyablement aucun doute ni aucun tourment de conscience au héros, pour éviter d'en faire le héros d'une chrétienté pélagienne et d'une aristocratie décadente ou de parade, héros néo-stoïcien qui se vautre dans l'amour-propre et contamine de sa subjectivité satisfaite son sens de la justice ou de l'honneur, quand il n'étale pas ses mérites, sa charité et ses oraisons. Sans doute le jansénisme a-t-il introduit le germe d'un éclatement de la nature en prénant bien avant la psychanalyse sur les flux d'égoïsme profonds et impénétrables qui en trarsent tous les états jugés les meilleurs (Nicole), mais cette épuration salutaire n'a pas coupé la nature de la personne, et elle n'a nullement jeté la suspicion sur la faculté des héros de réaliser leur destin, mASme si l'injustice les guette autant que le juste les aspire rs le dépassement. Rien ici de semblable A  la dévaluation radicale de la Réforme et de Hegel (qui e encore sur Antigone) ; rien de son pessimisme qui en fait un pélagianisme renrsé.
Mais ce sont surtout les plus vieilles épopées et les mythes les plus archaïques de l'unirs occidental hellénique, latin et celtique qui prount cette singulière solidarité entre l'injuste et le juste. Pour une raison qu'il faudra toujours rechercher dans l'humanité blessée, qu'il ne saurait entièrement reler de sa faute primiti, il n'est guère de héros qui ne doi en passer par quelques méfaits délictuels ou quelques imperfections criminelles (et Phèdre se séparera du Polyeucte de Corneille). Telle est la situation du héros avant qu'un Dieu ne puisse l'admettre A  l'égal de lui-mASme, comme pouvant AStre -premier dans la ligne du bien et de la justice- eut dit Molina - quoique ce soit alors le divin qui agisse en lui par délégation.
La Gautressaga, rédigée en vieil islandais, comme la Gesta Dano-rum, composée au XIIe par Saxo Grammaticus (v. Dumézil) relate ainsi les mésantures de Starkadr ou Starcatherus dont la vie héroïque et riche en actes de bravoure et de justice sera jalonnée d'actions abominablement meurtrières, auxquelles il ne pourra guère résister et qui s'opéreront presque A  son insue comme pour réaliser la promesse des dieux ' la promesse ou plutôt la justice rétributi, commutati et égale, qui a été le résultat d'une concertation dialectique ou du pacte né d'une joute oratoire entre les deux principaux dieux : Borr et Odin Ainsi Starkadr tuera-t-il, comme par jeu, ac des viscères animales, son ami d'enfance le roi norvégien Vikarr, qui nait d'AStre tiré au sort parmi ses troupes pour AStre sacrifié A  la ille d'un combat. Son ascendance l'exposait, il est vrai, A  devoir n'AStre pas tout A  fait transparent moralement vis-A -vis des dieux, puisqu'il était lointainement issu des œuvres d'un monstre ayant enlevé une princesse qui jouissait d'une protection divine.
Mais, de mASme, Héraclès, le héros de l'ordre et de la paix publique dont l'efie se répand sur les premières céramiques attiques et dont les hymnes olympiques vantent les exploits, périra peu après son adultère sous les brûlures de la tunique de Nessus et sur le bûcher dressé pour mettre fin A  ses souffrances. Et dans l'histoire des Labdacides, des descendants de Laios jusqu'A  Oedipe et Antigone, c'est enfin ce mASme problème du rapport de la justice A  la faute qui est constamment abordé ; mais, comme la Tragédie selon nous le révèle (v. notre Ph. pol.), il ne s'agit nullement de suivre les filiations de généalogie psychanalytique d'une faute intra-familiale, mais de scruter et d'élir le lien métaphysique qui unit l'homme au principe de l'AStre et de la cité et qui accorde en lui l'élément faible A  l'élément fort.
La faute propre du héros n'est pas encore A  interpréter directement comme si elle fournissait l'occasion exploile d'un dépassement rs la justice. Le héros accède A  la justice dans le tout, mais sa faute en est indépendante : elle traduit la retombée et la chute dans la partie, la déperdition des forces qui est consécuti A  leur concentration. En fait, il semble que l'ordre des fautes et l'ordre des actions s'ignorent d'autant mieux que les fautes viennent précisément ainsi après les actes justes.
Mais nous pouvons sans doute oser parler d'une évolution de la lucidité immanente A  la conscience mythique et esthétique. Les ordres que nous ons préciseront et harmoniseront progressiment leur similitude ou analogie dans l'unité, une unité qui leur était sous-jacente dès le début. Et la faute sera utilisée comme l'instrument de la non-faute, la perception fragmentaire comme une médiation de la perception d'ensemble. C'est ainsi que les créations les plus tardis, celles par exemple de notre littérature de ce siècle, quand elles témoigneront de la faute du héros comme passage ou transition rs le juste, expliciteront plus qu'elles n'introduiront un sens qui était intuitiment diffus dans le langage symbolique millénaire.





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