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ECONOMIE

L'économie, ou l'activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Les tontines ou mille maniÀres de faire caisse commune

La tontine, forme originale d'épargne et de crédit mutuel, se pratique entre amis ou collègues. Elle est devenue une source de financement essentielle de l'économie informelle des pays en ie de développement.

LA DéCENNIE 70 a commencé avec le lancement, par le Bureau international du travail, du Programme mondial pour l'emploi. Les recherches qui ont suivi dans les pays en ie de développement ont mis l'accent sur l'importance du secteur informel, qui n'est pas simplement une ie de passage, un phénomène appelé A  disparaitre. Il a son dynamisme propre, il s'appuie sur une réelle lonté d'entreprendre, il crée des emplois, certes non recensés, et il se finance par lui-mASme. Car l'épargne informelle finance l'économie du mASme nom. Cette épargne informelle était bien connue, notamment en Afrique. Mais elle ne fait l'objet d'une analyse scientifique que depuis quelques années. On connaissait certes des pratiques originales rencontrées ici ou lA  par quelques chercheurs, plus ethnologues qu'économistes, plus sociologues que financiers. Leurs travaux consistaient le plus souvent en des monographies, pleines d'intérASt certes, mais qui tenaient davantage de l'anecdote. Des recherches plus systématiques menées depuis quelques années font apparaitre des pratiques dont la diversité, l'originalité et l'importance surprennent les spécialistes du développement.
La tontine a préexisté A  l'usage de la monnaie. Dans les sociétés traditionnelles où la solidarité était très forte, les habitants d'un village se groupaient pour effectuer les travaux des champs. Ils travaillaient tous ensemble dans le champ de chacun, A  tour de rôle. Ils réparaient le toit des maisons l'un après l'autre, au lendemain de la tempASte. Et ils creusaient tous ensemble la tombe d'un défunt. Ces pratiques qui existaient autrefois en Occident se sont maintenues dans les pays en ie de développement. Et elles se sont adaptées quand la monnaie s'est répandue. On parle aujourd'hui de -tontines-. Le mot est né en France au XVTTf siècle. Un banquier napolitain, Tonti, a vendu A  Louis XV une idée ingénieuse pour se procurer de l'argent. L'Etat émet des emprunts qu'il ne rembourse jamais - quelle aubaine ! -, mais il verse chaque année la totalité de l'intérASt correspondant A  ceux des souscripteurs qui survivent jusqu'A  ce que le dernier décède. L'Etat est alors libéré de sa dette ! Souscrire A  un tel emprunt permettait donc de s'assurer une rente pour la vie. La formule avait d'autant plus de succès que chacun espère toujours vivre plus longtemps que les autres, et bénéficier d'année en année d'un intérASt grandissant Il y eut ainsi de nombreuses tontines en France, particulièrement pendant la Rélution (la tontine des sans-culottes !).


Tous débiteurs, tous créanciers

On ne sait toujours pas comment cette expression a survécu, puisqu'elle caractérise aujourd'hui des pratiques répandues dans bien des pays en ie de développement. Il s'agit pourtant de tout autre chose. Prenons un exemple très simple. Une douzaine de personnes se réunissent chaque mois et versent chacune une somme identique, par exemple l'équivalent de 100 francs. C'est la cotisation. 1200 francs sont donc disponibles, que les douze participants nt -lever- A  tour de rôle. Le premier est avantagé, puisqu'il va verser 100 francs et aussitôt receir 1200 francs, qu'il remboursera pendant les onze mois suivants. Les autres le sont de moins en moins. Le dernier ne l'est pas du tout, puisqu'il a versé 100 francs chaque mois et doit attendre la fin de l'année pour récupérer la totalité de ses cotisations. Le cycle est alors terminé. Au total, les participants ont tous versé et récupéré 1200 francs. Us ont tous été, A  des degrés divers, débiteurs ou créanciers les uns des autres. La tontine apparait ainsi comme un mécanisme original d'épargne et de crédit qui, sur le financier, peut devenir rapidement complexe. Elle repose sur des relations très étroites entre les participants, qui ne se groupent que parce qu'ils se connaissent bien, dans le village, dans le quartier, au bureau C'est pourquoi les defaillances sont rares : ne pas verser sa cotisation revient A  s'exclure du groupe. Les membres se rencontrent souvent, ils discutent de leurs problèmes, comme de l'utilisation que va faire de son argent celui dont le tour arrive. A la fin du cycle, ils organisent parfois une petite fASte, en décidant de continuer, éventuellement avec d'autres. Tous ensemble ils nomment un responsable qui est souvent le plus ancien, celui en lequel ils ont le plus confiance. Ils décident de l'affectation des tours de chacun. Ce peut AStre chaque fois celui qui en a le plus besoin. Quand plusieurs sont en concurrence, c'est le responsable qui décide. Les tours peuvent aussi AStre déterminés dès le départ. Us peuvent AStre tirés au sort, chaque fois ou dès le début du cycle. Il arrive que certains préfèrent attendre les derniers tours : ils s'obligent A  épargner, et ils trouvent lA  un prétexte pour ne pas répondre aux fréquentes sollicitations de la famille ou des amis.
Ces tontines ont été observées dans une quarantaine de pays africains, où elles ont de multiples appellations, selon les pays, les régions, les ethnies L'esussu est très répandu au Bénin et au Nigeria, mais aussi dans les pays isins avec le susu, l'asussu, l'osussu On parle de l'ikub en Ethiopie, du wari moni en Côte d'Iire, du kélé en Guinée Le likelemba est répandu dans toute l'Afrique centrale, au Zaïre comme au Zimbabwe, il devient parfois le chi-lemba, l'ibilemba On ne compte plus les appellations locales, ni les pays concernés. Ces pratiques ont mASme gagné récemment la Mauritanie et le Maroc. Mais elles ne sont pas exclusivement africaines. On en trouve en Amérique latine. On en trouve surtout en Asie : les chitt en Inde et le cheetu au Sri Lanka ne sont pas autre chose, ni l'arisan en Indonésie, le paluwagan aux Philippines, le kutu en Malaisie, le kye en Corée ou le hui au Vietnam Le Japon jusqu'au début du siècle a connu le ko, et les tontines largement répandues depuis des siècles en Chine sont toujours pratiquées partout où sont installées des minorités chinoises, A  Paris comme ailleurs.


Un capital mobile et souple

Ces pratiques peuvent AStre un peu différentes d'un pays ou d'une région A  l'autre, mais le principe est toujours le mASme : l'épargne et le crédit sont associés d'une faA§on A  la fois étroite et éphémère. Les créances et les dettes des uns et des autres sont dénouéesrapidement, il n'y a pas d^accumulation financière sur une longue période. Mais il y a une incitation certaine A  l'épargne de la part d'une population qui s'abstient de consommer au jour le jour la totalité de son revenu. Et il y a une affectation d'une partie de cette épargne A  des dépenses de consommation, d'une partie A  des dépenses d'investissement. Le partage est difficile A  élir, mais l'argent des tontines est largement employé A  financer une activité productrice, dans le commerce, dans l'artisanat, dans la prestation de services, dans la microentreprise industrielle partout où le principal souci est de disposer d'un peu d'argent pour financer la rotation des stocks ou l'achat d'un petit matériel rapidement amorti. Dans les pays en ie de développement, l'horizon est étroit. Les petites entreprises sont gérées moins en fonction de leurs résultats que du flux de liquidités qu'elles engendrent. Elles utilisent peu de capitaux fixes, c'est le capital circulant qui est le plus important et qui doit augmenter pour qu'elles tournent et s'étendent. Elles n'ont pas recours au crédit bancaire. C'est l'épargne du chef d'entreprise, de sa famille, de ses amis qui procure les quelques capitaux nécessaires. Cette épargne, A  un moment ou A  un autre, passe dans les tontines qui, de cette faA§on, contribuent au financement de l'entreprise informelle. C'est aussi pour cela qu'on parle de finance informelle. On ne dispose d'aucune information exhaustive puisque ces opérations se font sans intermédiaire et ne sont pas déclarées. Elles ne sont assorties d'aucun intérASt ; les créances ne rapportent rien, les dettes ne coûtent rien. La tontine n'a pas de personnalité juridique, et elle peut s'interrompre A  la fin de chaque cycle. H n'y a pas de conditions préélies, pas de contrôle des autorités monétaires. Mais cet informel est parfaitement organisé. La mécanique, efficace, n'engendre guère de difficultés ; le système répond exactement aux besoins des uns et des autres. La raison en est toute simple : ces pratiques d'épargne et de crédit reposent sur des relations personnelles entre les participants, pour lesquels, en Afrique surtout, l'épargne est moins une opération effectuée par chacun dans le temps - on met de l'argent de côté pour soi et pour plus tard - qu'une opération effectuée avec des proches A  un moment donné ' on se retrouve ensemble et on se partage, l'espace de quelques mois, l'argent que l'on a. La finance informelle est de la finance personnalisée, et elle est de la finance sur mesure. Cette personnalisation extrASme des relations entre les membres confère aux tontines une extraordinaire souplesse. C'est pourquoi des formes plus élaborées sont apparues ici et lA 
Les tontines sont souvent couplées avec une caisse de secours, financée par une cotisation supplémentaire, qui permet de venir en aide aux participants dans le besoin. Ou avec une caisse de crédit qui permet d'accorder un prASt, avec intérASt cette fois, A  certains membres qui en ont besoin, ire A  des non-membres. Les intérASts perA§us sont partagés A  la fin du cycle. De telles tontines, déjA  largement répandues au Cameroun et au Nigeria, semblent se développer au Ghana et au Bénin Les fonds disponibles sont parfois attribués A  chaque tour par une procédure d'enchères. Le produit des enchères est ensuite réparti entre les participants, selon des formules diverses, parfois très sophistiquées.
En définitive, chaque participant paie ou perA§oit un intérASt différent. Ces formules sont largement pratiquées dans les communautés chinoises, mais aussi par les Bamilékés au Cameroun. Elles commencent A  l'AStre dans des pays isins.

Les nouvelles formes de tontines
Les tontines peuvent AStre organisées par un gérant qui rassemble des partenaires qui ont besoin de crédit - ils seront les premiers servis - et d'autres qui souhaitent au contraire placer leurs liquidités - ils attendent plus longtemps leur tour. On rencontre en Inde ou en Amérique latine des gérants de plusieurs tontines dont c'est l'activité principale. Ils trouvent leur rémunération en s'attribuant les fonds dès le premier tour. La tontine devient une activité d'entreprise. Les pratiques financières informelles, de par leur souplesse, peuvent s'adapter bien plus facilement que les banques. Elles sont un terrain privilégié pour des innovations de tous genres qui renforcent peu A  peu leur efficacité financière sans réduire brutalement leur efficacité sociale. Le succès d'une autre forme de tontines est A  cet égard éloquent. Dans de nombreux pays africains, les habitants d'un village ou d'un quartier peuvent mettre leur argent en sécurité auprès d'une personne qui a toute leur confiance : un chef religieux, un ancien fonctionnaire, un commerA§ant qui gère bien ses affaires. Ce -garde monnaie- accepte des versements ponctuels, non réguliers, qu'il s'engage A  rendre A  la demande ou pour un usage convenu au préalable. Il ne verse pas d'intérASt sur ces dépôts, et il n'en perA§oit pas malgré le service de sécurité qu'il rend de cette faA§on. Une enquASte de grande envergure, effectuée au Niger en 1986, a révélé l'importance de ces pratiques que l'on rencontre dans beaucoup de pays isins, de mASme qu'en Inde ou au Bangladesh.
Cette activité s'est peu A  peu transformée. Aujourd'hui le garde monnaie n'attend plus chez lui, il va au-devant de ses clients, en parcourant les rues chaque jour ou en allant sur les marchés. A chacun des clients qui se propose de lui verser régulièrement une somme fixée, il remet une sectiune qui contient autant de cases que de versements prévus (le plus souvent 31 ou un multiple de 31). A chaque versement il coche une case. A la fin du mois, ou quand toutes les cases sont cochées, il rend les sommes reA§ues, en conservant pour lui un versement sur 31. C'est le prix du service de sécurité que le -tontinier- a rendu A  chacun. C'est ainsi qu'on l'appelle, sans qu'on sache pourquoi, car on ne peut parler cette fois de tontine. Il n'y a pas d'association entre les clients du tontinier, ils ne sont pas débiteurs et créanciers les uns des autres, ils versent un intérASt, et ils le versent tous. Le tontinier n'est pas un intermédiaire entre ses clients, il est lui-mASme le partenaire de toutes les opérations. Mais, comme dans les tontines, les flux d'argent sont dénoués rapidement, le trente et unième jour, ou le soixante-deuxième Il arrive souvent que le tontinier rembourse avant l'échéance : il rembourse dix versements le quinzième jour, dix autres dix jours plus tard il gère de cette faA§on la liquidité de ses clients. Comme dans les tontines, la confiance est primordiale. .. et elle doit l'AStre d'autant plus que le tontinier parfois rembourse plus qu'il n'a reA§u : quinze versements des le dixième jour, ire trente versements dès les premiers jours. Dans ce cas, il prASte A  certains clients l'argent des autres, il accorde des crédits A  partir des dépôts qu'il a reA§us, et il aide ses clients non plus seulement A  gérer leurs liquidités, mais A  étendre leur commerce ou A  développer leurs affaires. Lui aussi doit air confiance en eux.

Les tontiniers, banquiers ambulants
Des enquAStes récentes ont révélé le rôle grandissant de ces banquiers ambulants au Bénin et au Togo, en rapport avec les difficultés qu'ont rencontrées les banques. L'expansion de leurs opérations n'est pas sans leur poser A  eux aussi quelques problèmes. Le nombre plus élevé de leurs clients, le montant plus important des ressources collectées rendent la gestion plus difficile, et la concurrence plus sévère entre les tontiniers eux-mASmes. C'est pourquoi ils ont entrepris de s'organiser en constituant au Togo une mutuelle, au Bénin une association. Ils peuvent ainsi fixer les conditions de leur activité, mieux informer leur clientèle, garantir la sécurité des versements, faciliter la formation des nouveaux venus, et mASme instituer un mécanisme de refinancement. Les banquiers ambulants sont devenus un nouveau corps de métier reconnu légalement. Jamais une telle élution n'aurait pu AStre imaginée il y a quelques années. La capacité d'adaptation des tontiniers comme celle des tontines est A  peu près sans limites. La finance informelle n'est certainement pas optimale pour faire face aux besoins de financement des pays en ie de développement. Mais elle est la mieux adaptée au secteur informel qui, pour l'instant, est le vivier des cations de jeunes entrepreneurs comme des créations d'emplois. Son élution peut AStre une condition essentielle A  la transformation des économies. Les cinquante années d'échec relatif que les banques ont connues, en Afrique notamment, laissent-elles ouvertes d'autres ies ?



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