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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Gérer une crise de liquidité internationale : le problème d'économie politique



Gérer une crise de liquidité internationale : le problème d'économie politique
Depuis le début de juillet 1997 et jusqu'en octobre, l'évolution de la crise en Asie du Sud-Est a été marquée par un curieux flottement quant A  son orientation, A  l'ampleur des risques qu'elle comportait et aux réponses qu'elle appelait au niveau national et international. Ainsi, en Thaïlande, puis en Malaisie, aux Philippines et en Indonésie, l'abandon des ancrages de change n'a aucunement ouvert sur une silisation progressive. Les marchés sont restés extrASmement volatiles, de vagues consolidations étant suies de larges déflagrations sur l'ensemble des places régionales (le 24 juillet, le 14 août, etc.). Les politiques monétaires ont eu peu d'effets et, progressivement, les systèmes bancaires nationaux ont commencé A  émettre des bruits sinistres : désorganisation des marchés interbancaires, fortes tensions sur les taux courts, appels de liquidité, déplacement de la base de dépôts. On a su plus tard que, dès cette époque, les enjeux décisifs s'étaient déplacés sur ce interne A  chaque pays, l'insilité régionale étant en large mesure une réflexion de l'affaissement lent des systèmes bancaires nationaux.


La réunion annuelle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire A  Hong Kong, du 23 au 25 septembre, a témoigné des incertitudes de cette phase intermédiaire, qui a précédé une nouvelle aggravation de la crise internationale, A  partir de novembre. L'évolution en Asie du Sud-Est est certes au centre de toutes les attentions : le FMI a déjA  négocié un gros programme de silisation avec la Thaïlande et plusieurs pays montrent des signes de faiblesse, les réponses des banques centrales n'ayant que peu d'effet sur les marchés. L'inquiétude des policy-makers régionaux est donc très ve, bien que les autorités du G7 et du FMI semblent considérer que l'affaire est globalement sous contrôle et que la bonne stratégie ne fait pas de doute.
Les Etats-Unis, et notamment le département du Trésor, ont d'ailleurs préempté immédiatement l'enjeu politique, afin d'ajuster la doctrine officielle en matière de gestion des crises internationales : mobilisation financière massive, rôle central du Fonds monétaire, politique monétaire restrictive, restructuration des banques, enfin défense de la libéralisation - ordonnée - des mouvements de capitaux qui deent un objectif officiel du FMI. Face A  cette pression le projet mal ficelé d'un Asian Monetary Fund, mis en avant par le Japon afin de gérer la crise au régional, ne résistera pas plus de deux jours.
Le fait majeur que l'on retient de la réunion de Hong Kong est cependant la sous-estimation complète de la crise et de ses développement prochains. La désilisation en cours de l'Indonésie et de la Corée est passée inaperA§ue, les dirigeants russes ont reA§u de nombreux lauriers pour leurs réformes courageuses et le Brésil était encore tout illuminé de sa résistance sans faille A  la crise mexicaine de 1994-l995. A€ la fin septembre 1997, le consensus est qu'on avait affaire A  une crise sérieuse, dont les implications dépassaient celles de l'épisode Tequila, mais qui restait un problème régional.
Le démenti est venu exactement un mois plus tard. Le 23 octobre, un krach de grande ampleur A  la Bourse de Hong Kong a fait plonger de 23 % l'indice de référence HangSeng. Cela marque la date exacte A  laquelle on est passé d'une crise régionale A  une vraie crise internationale, qui a touché olemment l'ensemble des marchés internationaux. Hong Kong est en effet le principal marché boursier régional après Tokyo, la sixième place A  l'échelle internationale, aux côtés de laquelle les Bourses de Bangkok ou de Jakarta font ure d'aimables kermesses llageoises.
Dès les jours suivants, ce choc s'est répercuté sur l'ensemble des marchés émergents, mais aussi A  Wall Street, qui a perdu 7,2 % le 27 octobre, sui par les places européennes. Mais, au centre de l'économie mondiale, le choc est bref : on n'est ni en 1890 ni en 1933. Les marchés centraux se reprennent dès les semaines suivantes et bénéficieront largement de la crise jusqu'A  l'automne 1998 : non seulement le reflux des capitaux soutient les prix d'actifs, mais les banques centrales, en particulier la Fed, ont sui une politique de taux délibérément accommodante afin d'éter d'accentuer les tensions internationales. En revanche, A  la périphérie on observe tous les signes classiques d'une réévaluation générale des risques d'investissement : hausse des taux d'intérASt et des primes de risque, baisse des marchés obligataires et boursiers, durcissement des conditions d'accès au crédit international, pression sur les régimes de change.
Dans beaucoup de pays les politiques économiques sont mises sous pression. En Russie, la Banque centrale a été incapable, pendant tout le mois de novembre, d'émettre aucun titre de dette publique sur son marché domestique, ce qui a marqué la première étape vers le défaut de paiement d'août 1998. Au Brésil, quelques jours après le choc A  Hong Kong, les autorités doublent les taux d'intérASt, A  43 %, et annoncent un vaste programme de consolidation budgétaire, de l'ordre de 2,2 % du PIB. Ce pays, sans relation forte avec l'Asie du Sud-Est, est donc contraint de réduire ses objectifs de croissance et de resserrer brutalement son policy mix, contribuant ainsi, A  son tour, A  un ralentissement global de l'actité et du commerce international.

La crise en Corée

La crise que subit la Corée dans les semaines suivantes ouvre la seconde phase de la contagion, après un premier épisode centré exclusivement sur l'Asie du Sud-Est. Elle représente le modèle quasi parfait d'une crise de liquidité internationale, qui a porté sur les seuls engagements en deses de ce pays, sans que les paiements internes soient largement atteints : c'est la différence principale avec la Thaïlande, l'Indonésie et mASme la Malaisie.
Cette crise atteint aussi une économie d'une tout autre taille, qui montrait toutefois depuis le début de 1997 des signes de faiblesse manifestes. A€ l'arrière-, comme en Thaïlande, on pouvait discerner une crise latente du - modèle de développement asiatique -, dont la Corée a présenté longtemps un des tout meilleurs exemples : niveaux très élevés d'épargne, d'investissement et de croissance, rôle structurant du secteur exportateur, liens de dépendance réciproques entre l'Etat et les grands conglomérats privés (les chaeboh), assurance informelle du risque privé par la puissance publique, fragilité des bilans privés.


Une microéconomie précapitaliste ?

Comme en Asie du Sud-Est, au lieu que l'ouverture financière ait été accomnée d'un resserrement de la discipline microéconomique, elle a au contraire accentué les traits les plus dangereux de la microéconomie coréenne, dans un cadre où les garde-fous institutionnels ont été en partie retirés. Alors que les banques étaient traditionnellement des institutions faibles, coincées entre l'Etat et les chaebols, elles ont usé de leurs nouvelles marges de manœuvre pour s'endetter massivement A  l'étranger, tout en fonctionnant toujours comme un simple conduit pour financer l'investissement (Dooley et Shin, 2000).
A€ partir de 1994, elles se sont donc lancées dans une course aux parts de marche, dans une économie où les décisions d'investissement restaient orientées par la recherche de parts de marché et d'économies d'échelle plutôt que par des objectifs de renilité anticipée du capital. Simplement, il fallait que les chaines de production industrielle trouvent en ex post des débouchés, l'expertise technologique du pays assurant une bonne qualité de la production après importation de la technologie '. Et, en cas de problème, tout le monde savait bien que jamais l'Etat n'avait laissé tomber une entreprise majeure ou une banque : cela explique que le pays détenait A  la veille de la crise le record mondial d'endettement des entreprises, ramené aux fonds propres (A  354 %)2. Dès 1996, l'apparition de surcapacités massives et la réduction précipitée des cash flows vont donc atteindre des structures financières très vulnérables dans l'industrie et, immédiatement, dans les banques3.
L'amorce de la crise proprement dite illustre exactement la description donnée par Krugman (1998) : en janer 1997 la Milite sèche du chaebol Hambo, sans soutien public, a été largement perA§ue comme le signal d'un affaiblissement sinon d'un abandon de la politique de garantie publique des risques privés. Le message est confirme dans les mois suivants par la faillite de neuf des trente principaux chaebols, dont Kia en juillet 1997 : ce cas aura un impact particulier en raison de son appartenance A  l'aristocratie de l'industrie coréenne, censée la plus protégée. Dès le printemps, les investisseurs et créditeurs étrangers ont donc commencé A  réévaluer leurs risques d'investissement, ce qui s'est traduit pas un resserrement des conditions d'accès des agents coréens aux marchés de capitaux internationaux : premières sorties de capitaux, rationnement accru de nombreux segments d'entreprises, augmentation des primes de risque appliquées aux emprunts et émissions du secteur privé, principalement par les banques japonaises et américaines4.
Conséquence, alors mASme que l'exubérance régnait toujours sur les marchés internationaux, alors que l'attaque contre le baht était encore peu sible, de nombreuses filiales A  l'étranger de banques coréennes se sont trouvées incapables de rembourser leurs crédits échus. Ne pouvant les soutenir, leurs maisons mères se sont retournées vers les pouvoirs publics : dès le premier semestre, la Banque de Corée a dû mobiliser A  cette fin près de 3 milliards de dollars de réserves officielles (sur 34 milliards en début d'année). Traité comme une simple réallocation d'actifs, ce soutien ne s'est pas reflété toutefois dans une baisse des réserves officielles publiées : comme la Banque de Thaïlande, la Banque de Corée a dissimulé ses premières interventions, face aux tensions montantes, ce qui ne fera qu'amplifier ensuite la mauvaise surprise des investisseurs et du FMI.


De l'appel au Fonds monétaire au - FMI plus -

Le passage de la crise latente A  la crise de liquidité ouverte suit immédiatement le krach de Hong Kong, le 23 octobre. Très te, la pression sur le change, sur la dette privée et la Bourse coréennes s'accentue et, dès le début de novembre, les autorités monétaires mettent en place un sui en continu des marchés internationaux et de la liquidité bancaire ; une première baisse du rating international est annoncée par Standard and Poor's le 24 octobre. Dès les premières semaines de novembre, les banques internationales généralisent leur refus de refinancer les lignes de crédit échues. Elles ne corrigent pas nécessairement leur appréciation sur les - fondamentaux - coréens, mais elles réagissent au comportement perA§u de leurs pairs, selon une logique classique de panique A  la Diamond et Dybvyg (1983) dans laquelle se dissolvent A  la fois l'information produite par les marchés et la capacité des agents A  l'exploiter.
Le point de rupture est atteint A  la mi-novembre. Le glissement du won s'accentue en dépit des interventions de la Banque centrale, qui soutient aussi les opérations offshore des banques coréennes, toujours de manière secrète. Le 17, le taux de change dépasse 1 000 wons par dollar, contre 915 wons A  la fin septembre, et 844 au début de l'année. Le 19, après plusieurs suspensions des transactions, la bande de fluctuation du change est élargie de 2,25 % A  10 % et, le lendemain, le change rejoint en une demi-heure son nouveau cours cher, A  1 139 wons par dollar. Le vendredi 21, après la fermeture des marchés, ayant perdu l'espoir de tenir jusqu'A  la prochaine élection présidentielle, le 18 décembre, le gouvernement annonce qu'il fait appel au FMI. Peu surpris par la nouvelle, puisque des discussions précises étaient en cours depuis le début du mois, celui-ci envoie immédiatement une équipe A  Séoul.
Il semble qu'au cours de la semaine suivante un premier accord ait échoué, notamment sur la question du cadrage macroéconomique pour 1998 et du traitement A  chaud des banques insolvables. Des sources coréennes font également état d'interventions tardives de la direction du FMI et des autorités américaines et japonaises pour ajouter au programme des mesures d'ouverture commerciale et financière. Toujours est-il que le gouvernement, qui avait ensagé initialement un accord A  l'horizon de trois A  quatre semaines, décide face A  l'urgence de contourner le Fonds et de joindre directement la Réserve fédérale, le 25 novembre : il lui révèle le montant exact des réserves de change disponibles, fait état d'un risque d'illiqui-dité A  très court terme et demande A  l'administration américaine d'intervenir auprès du Fonds pour accélérer les négociations.
Ce qui est fait. Le lundi matin 1er décembre, Dad Lipton, sous-secrétaire d'état américain aux Affaires financières internationales, arrive A  Séoul et dès le mercredi 3 un accord est conclu, qui est entériné le lendemain par le conseil d'administration du Fonds monétaire. Une première tranche de 5,6 milliards de dollars est versée immédiatement, une seconde tranche de 3,6 milliards étant prévue pour le 18 du mASme mois. A€ ce moment, le change est A  1 200 wons par dollar. Comme prévu, ce programme de 58,4 milliards de dollars (dont 21,1 apportés par le FMI) est fondé sur la priorité A  la silisation du change, une politique monétaire très serrée, l'annonce d'une restructuration énergique du système financier et un large programme de libéralisation commerciale et d'ouverture aux investissements directs5.
L'échec est quasi immédiat. Le change atteint 1 465 wons le 9 décembre, puis 1 600 wons le 12, dans un contexte où les tensions sur la liquidité interne font craindre une crise systé-mique. Dans les jours suivants, les sorties de capitaux atteignent jusqu'A  1 milliard de dollars par jour. Le 16, la Banque centrale passe officiellement en régime de change flottant et le jeudi 18, jour de l'élection présidentielle, les réserves mobilisables de la Banque de Corée ne sont plus que de 3,9 milliards. Le 23, quand l'élection du nouveau président, issu de l'opposition, est officialisée, le taux de change atteint son niveau le plus bas, A  1 960 wons. Les estimations courantes indiquent que 14 A  15 milliards de dollars ennent A  échéance avant le 31 décembre, puis A  nouveau 10 milliards dans les six premiers jours ouvrables de janer 1998.
Il est difficile, pour rendre raison de l'échec rapide du premier programme coréen, d'élir un ordre précis des causes du sauve-qui-peut : l'écart toujours problématique entre le montant affiché des ressources mobilisées par le FMI et celles qui sont libérées immédiatement ; une situation internationale très insle, avec l'accélération de la crise indonésienne et des tensions fortes en Russie ; l'incertitude propre aux derniers jours de la camne électorale, dominés par une surenchère entre les candidats ; les ventes massives de titres des investisseurs locaux contraints par la crise de liquidité interne ; la divulgation dans la presse du montant réel des réserves de change mobilisables. Il semble éli aussi que les investisseurs ont surréagi aux réformes annoncées le 4 décembre, qui donnaient l'image d'une crise beaucoup plus structurelle qu'ils ne le pensaient auparavant. On a ici le cas le plus convaincant d'une crise perA§ue comme une pure panique et qui s'accentue brutalement lorsque le gestionnaire de crise formule un diagnostic beaucoup plus grave : cela précipite une recoordination des anticipations autour d'un jugement beaucoup plus pessimiste quant aux perspectives de silisation de l'économie.


Un élément décisif distingue toutefois la crise coréenne des épisodes, a priori ables, en Thaïlande et en Indonésie : elle a porté exclusivement sur les paiements extérieurs, c'est-A -dire sur les engagements en deses, et A  aucun moment elle ne s'est transformée en une crise monétaire interne, mettant en question les paiements en monnaie locale, entre les banques et a fortiori entre les entreprises coréennes. Le marché monétaire a certes été exposé A  des tensions olentes et il s'est entièrement recentré sur la Banque centrale en raison du risque perA§u de contrepartie. Cela étant, il n'y a pas eu de rupture systémique et les injections de monnaie de réserve dans le système bancaire n'ont représenté que 6,9 % du PIB, soit beaucoup moins qu'en Thaïlande et en Indonésie (31,9 % et 22 % respectivement, selon Jeanne et Wyplosz, 2001). Pour une bonne part cela renvoie A  la solidité des institutions monétaires, qui ont réussi les interventions en dernier ressort, mais aussi au fait que la population ignorait largement l'ampleur de la crise : non seulement elle n'a pas déplacé sa base de dépôts, ce qui est un facteur majeur de tensions, mais elle n'avait pas non plus le droit de la transférer A  Tétranger.
Le comportement des différentes classes d'agents, confrontés A  une panique apparemment incontrôlable, est éclairé enfin par un épisode secondaire, resté peu connu : au début de la semaine du 15 décembre, trois jours avant l'élection présidentielle, alors mASme que les banques étrangères présentes A  Séoul étaient occupées uniquement A  évacuer tous les fonds disponibles, leurs dirigeants ont engagé des discussions informelles afin d'élir un de silisation de l'économie et de renégociation de la dette. Ces - prénégociations -, tenues uniquement au local, réunissaient les principales institutions américaines, européennes et japonaises, dans le cadre de l'Association des banques étrangères, A  l'initiative de la First Chicago Bank. Elles ont abouti A  un projet formalisé le 22 décembre, assez able A  l'accord qui sera signé finalement, le 29 janer, A  New York.
Cette tentative n'aura aucune suite, une fois que le G7 et les sièges centraux des banques auront repris l'initiative, dans les jours suivants ; il est douteux d'ailleurs qu'elle ait eu de quelconques chances de succès, compte tenu des énormes moyens qui seront alors mobilisés. Toutefois, en soi, l'émergence de cette initiative privée et le projet relativement complet auquel elle a abouti montrent que les agents engagés le plus directement dans la panique ont identifié un intérASt privé A  bloquer la panique, et la nécessité, pour cela, de suspendre en partie la règle de marché pour laisser place A  une négociation formalisée.
De fait, la stratégie qui a permis finalement d'éter le défaut de paiement unilatéral a été élaborée A  peu près au mASme moment par le Trésor américain, indépendamment semble-t-il du Fonds, qui avait largement perdu l'initiative. Le lundi 22 décembre, Dad Lipton rencontre le nouveau président élu et lui transmet des informations apparemment beaucoup plus précises sur la situation du pays que celles qu'il avait reA§ues du gouvernement sortant. Il lui présente également les propositions de l'administration américaine qui, aussitôt acceptées, sont rendues publiques le 24 décembre par un communiqué du G7. Ce - FMI plus - ne modifie par le programme du 4 décembre sur le économique, mais accélère les déboursements du FMI et des pays du G10. afin de libérer en tout 10 milliards de dollars en deux semaines. En outre, on met en place un mécanisme de coordination international devant conduire rapidement A  une situation de moratoire volontaire sur la dette échue : le but est de gagner un répit de un A  trois mois pour négocier une extension A  moyen terme de l'ensemble des échéances dues en 1998.
La mise en place du dispositif a été engagée le lundi 22 par une réunion d'information entre la Réserve fédérale de New York et six banques américaines de premier rang ; le 24, la Fed leur a demandé expressément un gel des retraits, alors que se mettait en place, en deux A  trois jours, un mécanisme de surveillance multilatéral des sorties de capitaux hors de Corée, au niveau de l'ensemble du G10. Techniquement deux canaux d'information permettaient de contrôler presque en temps réel l'évolution de la position de liquidité globale du pays. D'une part, en Corée, la Banque centrale et le FMI collectaient et vérifiaient quotidiennement toutes les demandes de remboursement de crédits reA§ues par les trente-cinq banques locales, en provenance de leurs quelque sept cents banques créditrices dans le monde. Symétriquement, les banques centrales du G10 suivaient ligne par ligne les encours de chacune de leurs banques résidentes envers la Corée. Les deux sources d'information pouvaient alors AStre confrontées lors de conférences téléphoniques quotidiennes, organisées par la Fed de New York.
Ce dispositif permettait d'identifier A  l'avance chaque contrevenant potentiel au moratoire, A  charge ensuite pour chaque banque centrale d'- avoir des discussions - avec lui. La divulgation partielle de l'information privée, qui allait bien au-delA  des règles habituelles en la matière, se réalisait donc d'abord au niveau des institutions nationales, puis sur le multilatéral, chaque banque centrale ne connaissant que les encours agrégés des autres pays et la liste des contrevenants. Toutefois, A  aucun moment il n'y a eu de contrainte formelle, de type légal ou réglementaire, exercée sur les banques créditrices : la condition première A  leur participation était que le non-retrait des crédits soit volontaire et qu'il n'y ait pas de rupture des contrats privés. Cela aurait en effet impliqué, du fait des règles prudentielles en gueur, la formation de très larges prosions pour pertes qui auraient eu un impact immédiat sur les profits et les valorisations boursières.
Comment s'analyse l'économie politique sous-jacente A  cette grande opération de contrôle de la panique ? D'abord, pendant toute la phase de convergence vers le moratoire, le secrétaire d'Etat au Trésor américain, Robert Rubin, a apparemment exercé une pression très ferme sur l'ensemble des acteurs, notamment sur les banques commerciales. Le FMI et la Réserve fédérale ont joué en deuxième main, fournissant une partie de la logistique. En revanche, les autres gouvernements du G7 ont été très peu actifs. En France, par exemple, des contacts ont eu lieu dès le 23 décembre, mais la première réunion entre les banques et le Trésor n'a eu lieu que le 5 janer, quand la phase aiguA« de la crise était achevée. Cela n'est pas nécessairement un signe d'inefficacité, bien que les Américains se soient plaints du retard des FranA§ais, mais cela indique surtout qu'on se contentait de suivre une stratégie définie ailleurs.
Côté coréen, cette crise a été résolue alors mASme que la ctoire du candidat de l'opposition, Kim Dae-jung, A  l'élection présidentielle créait une situation inédite dans un pays dominé jusqu'au début des années quatre-ngt-dix par des régimes militaires plutôt rudes (le président élu avait été condamné A  mort au début des années quatre-ngt, puis gracié après l'intervention des états-Unis). Qui plus est, l'entrée en fonctions officielle de la nouvelle équipe a eu lieu seulement le 25 février, ce qui a imposé une cohabitation relativement longue des deux équipes présidentielles et un double accord sur toutes les décisions stratégiques.
Enfin, sur le privé, William Rhodes, de la Citibank, a pu raconter ensuite comment les banques américaines et européennes ont d'abord donné un accord de principe pour soutenir l'opération, A  la condition que les banques japonaises, de loin les plus engagées, s'engagent les premières. Celles-ci mettant en avant le mASme préalable, l'impasse tactique n'a été dépassée que par la parole personnelle donnée par W. Rhodes aux banques japonaises qu'elles seraient suies immédiatement, dès lors qu'elles donneraient leur accord6.
Pour résumer, on a donc créé en quelques jours un mécanisme informel de coordination, initié et supersé par les autorités publiques du G7, qui ont elles-mASmes accepté le rôle prééminent de cet acteur politique en dernier ressort - le gouvernement américain. Parallèlement, la participation du secteur privé au moratoire a été obtenue par l'intervention très ferme des pouvoirs publics, mais aussi par la mobilisation des banques privées les plus puissantes, qui ont assumé un rôle de leader ou de primus inter pares. Au-delA , une règle exceptionnelle de divulgation et de centralisation de l'information privée, imposée par les acteurs publics et collectée par un mécanisme hors marché, a permis de crédibiliser fortement cet engagement des banques commerciales. Le succès a été rapide : au cours des dix derniers jours de décembre, le taux de renouvellement des crédits coréens est passé de 10 % A  90 %. En somme, c'était F autoréalisation en marche arrière, l'arrASt progressif des retraits de capitaux réduisant très te l'incitation A  fuir.


épilogue : la renégociation de la dette, en janer 1998

Sitôt une réponse apportée A  l'urgence, mais A  la seule initiative des banques internationales (en l'occurrence la banque J. P. Morgan), treize institutions de premier , dont cinq américaines, ont engagé avec des représentants coréens des négociations en vue d'une restructuration A  moyen terme de la dette venant A  échéance en 1998. Il s'agissait donc ici d'une opération privée : le Trésor américain était présent mais ne participait pas aux discussions, son objectif affiché étant d'obtenir au plus te un accord qui limite la période d'incertitude sur les marchés - sans se prononcer sur son contenu.
Dans un premier temps, les débats ont porté sur un présenté par J. P. Morgan, qui reposait sur la conversion de 15 milliards de dette bancaire en obligations émises par l'état coréen, A  laquelle devaient s'ajouter 10 milliards d'argent frais. Soutenu par l'ensemble des banques américaines, ce projet s'est vu opposer un refus très net des Coréens puis, progressivement, de la presse internationale, des banques européennes, mais aussi apparemment du Fonds monétaire : le lien entre le refinancement de la eille dette et l'appel A  de nouveaux fonds semblait multiplier inutilement les risques de marché ; surtout, la procédure d'enchères adoptée aurait eu pour effet de geler pendant plusieurs années, sur un emprunt massif, des taux d'intérASt fixés quelques semaines après une quasi-cessation de paiements. On pouvait craindre aussi que le retour de la Corée sur les marchés, A  des taux élevés, élisse une référence très défavorable pour les émissions ultérieures, tant privées que souveraines, par d'autres pays dans la région.
Cette opposition a conduit A  l'abandon progressif du de J. P. Morgan et A  la discussion d'une proposition déposée par la Société Générale A  la mi-janer, qui serra de base pour l'accord final du 28. Celui-ci a conduit A  refinancer sur un A  trois ans, et sous garantie publique, 24 milliards de dette échue en 1998 '. L'accord final a conclu sur un taux d'intérASt compris enlre 225 et 275 points de base au-dessus du Libor, selon la durée du refinancement, ce qui marque une différence appréciable avec la première proposition. Les Coréens avaient certes demandé 150 points de base, mais la procédure d'enchères prévue par J. P. Morgan aurait donné, selon les estimations du moment, un spread de 800 A  900 points. Ainsi, action collective et intérASt privé n'interdisent pas de passer très te d'une opération - volontaire - de restauration du bien public, A  une stratégie absolument opportuniste d'extraction maximale de profit : l'écart de rémunération entre le cadre J. P. Morgan et celui qui a été finalement décidé aurait représenté entre 1,3 et 1,5 milliard de dollars de paiements d'intérASt supplémentaires par an, soit enron 2 % des recettes fiscales coréennes de 1998.
Finalement, le 8 avril, l'émission complémentaire de 9 milliards de dollars prévue par l'accord, réduite A  4 milliards, a été réalisée par Goldman Sachs, qui avait conseillé gratuitement le gouvernement pendant les négociations de l'hiver. La demande de titres atteindra 12 milliards de dollars, pour un taux d'intérASt de 355 points de base. La Corée avait donc réussi son retour sur les marchés et, de moins de 5 milliards de dollars en décembre 1997, les réserves de change mobilisables vont passer A  près de 50 milliards un an plus tard, grace A  un excédent courant de 12,5 % du PIB en 1998. Entre ces deux dates, comme en Thaïlande, en Malaisie ou au Mexique, le règlement de la crise internationale a laissé place A  une récession interne extrASmement rapide (- 6,7 % sur le PIB en 1998, - 15 % au premier semestre sur la production industrielle). Dans le mASme temps, le gouvernement est intervenu massivement dans le secteur bancaire et industriel, afin de résoudre les problèmes structurels laissés par la crise et de tenter de corriger les incohérences structurelles qui, au microéconomique, avaient été A  l'origine de la crise.


Corée vs Mexique



Des contrepoints remarquables

Dans le grand inventaire des crises financières internationales, le cas de la Corée présente une étroite parenté avec celui du Mexique, en 1995. On peut ainsi rapprocher des niveaux de développement relativement avancés, le passé protectionniste et autoritaire des deux pays, leur poids géopolitique, enfin leur entrée récente dans l'OCDE : le préalable d'une libéralisation complète des mouvements de capitaux A  court terme souligne la proximité, certes un peu gASnante, entre cette promotion dans le club des pays développés et l'occurrence de la crise (six mois dans le cas du Mexique, un an pour la Corée). Mais le déroulement de la crise, le comportement des acteurs et l'intervention internationale montrent aussi un jeu de convergences et de contrastes d'autant plus significatifs qu'ils se démarquent d'un mASme constat de départ : celui d'une pure crise de liquidité extérieure, ne mettant en question ex ante ni la solvabilité de l'Etat ni celle des acteurs privés8.
Dans les deux cas, pour commencer, la crise est amorcée par des chocs exogènes a priori banals, qui ont accru brusquement le risque perA§u d'investissement (assassinats politiques et soulèvement du Chiapas au Mexique, faillites de chaebols en Corée). Cela a précipité un premier reflux de capitaux A  l'issue d'une longue période d'accès facile aux marchés (premiers semestres 1994 et 1997, respectivement), cet infléchissement étant accentué dans le cas mexicain par la remontée des taux obligataires internationaux. On est donc ici plutôt dans une phase d'ajustement ou de dégonflement progressif d'une bulle spéculative. Toutefois, les autorités ont refusé de resserrer leur politique monétaire, afin de protéger la croissance et un système bancaire fragile, cela dans un enronnement politique tendu : une élection présidentielle décisive (août 1994 et décembre 1997) devra aussi AStre prolongée d'une longue période de transition (respectivement jusqu'en décembre 1994 et février 1998).
Résultat, les réserves officielles ont été drainées, ce qui a rendu de plus en plus difficile la défense des régimes d'ancrage glissant, suis depuis plusieurs années (Helpman et al, 1994 ; Rhee et Song, 1999). Cela a ouvert la voie A  une dynamique de ruée autoréalisatrice qui ne portait plus tant sur la liquidité des banques commerciales que sur les réserves de la Banque centrale. L'élargissement des bandes de fluctuation du change (21 décembre 1994, 19 novembre 1997), alors que les réserves de change se réduisaient A  quelques milliards de dollars, a accentué l'anticipation d'un défaut de paiement, et donc le retrait panique des investisseurs. Puis, très te, A  la différence de l'Italie, de la Suède ou de la Grande-Bretagne en 1992, le flottement complet (22 décembre et 16 décembre) a été sui lui aussi d'un nouvel effondrement : le change atteint très rapidement des niveaux sans commune mesure avec les variables macroéconomiques classiques et impose une vaste opération de sauvetage international.


Au Mexique comme en Corée, un premier du Fonds monétaire rencontre alors un échec rapide, qui précipite la montée en première ligne des états-Unis (29 janer 1995, 24 décembre 1997). Ces derniers (en fait les mASmes hommes, A  la tASte du département du Trésor) parennent in extremis A  éter le défaut de paiement, notamment par une mobilisation massive de fonds publics (47,8 milliards de dollars au Mexique, 58,4 milliards en Corée), complétée par une large garantie des investissements privés par le pays en crise. Les parallèles entre les deux expériences se prolongent dans l'après-cri se : retour rapide dans les marchés internationaux de capitaux (quatre et trois mois respectivement), récession brève mais très brutale, intervention publique A  large échelle dans les banques.
Au total, ces crises de liquidité extérieure ont porté le Mexique et la Corée bien au-delA  du cadre standard des crises de change, A  la fois par l'ampleur du choc subi et par le déploiement d'instruments internationaux qui a été nécessaire pour la contenir. Il s'agit bien, ainsi, de - crises du xxie siècle -, dans lesquelles un rôle majeur reent aux mouvements de capitaux A  court terme, A  la fois dans l'émergence d'une bulle spéculative et dans son éclatement. Toutefois, au Mexique pas plus qu'en Corée on n'a ajouté A  la crise de liquidité externe une crise de liquidité interne : dans le premier cas, les banques ont connu une crise grave, qui a précipité des injections répétitives de capitaux publics, mais elle a émergé plusieurs mois après la crise de change (Krueger et Tornell, 1999). Dans le second, les tensions ont été fortes, tant sur le des banques que des entreprises, mais la vague d'accidents de paiement et de faillites ne s'est pas prolongée, ce qui suggère qu'il n'y a pas eu d'extension de défauts tactiques (graphique 4).
Ce relatif succès, é A  l'expérience mexicaine, renvoie notamment A  la préservation des canaux de collecte et de transfert de l'information, entre les sphères publique et privée : le soutien aux banques coréennes a pris la forme d'injections de liquidité contrôlées, reposant sur une information précise des besoins de chaque institution. Dès le printemps 1997, les crédits en deses de la Banque centrale ont été alloués aux banques commerciales, ligne de crédit par ligne de crédit, la bonne utilisation des ressources étant de nouveau vérifiée, en expost. Cela limitait étroitement la possibilité pour les banques de contribuer A  une fuite incontrôlée des capitaux. Ensuite, dès le début de 1998, les institutions qui ont bénéficié de ce soutien ont dû s'engager sur un échéancier précis de remboursement des fonds reA§us, qu'elles ont souvent anticipé en raison des taux d'intérASt très élevés qui leur étaient imposés. Contrairement A  la Thaïlande et l'Indonésie, le soutien en liquidité n'a pas été une source de socialisation des pertes ou de redistribution incontrôlée de la richesse.
Cette capacité remarquable A  contrôler l'aléa moral ne reposait pas, toutefois, sur une - discipline de marché -, A  la définition problématique. Tant la capacité de réaction des régulateurs que la centralisation de l'information ont reposé in fine sur des institutions et des règles d'interaction entre le public et le privé qui étaient très formelles, mais aussi très archaïques. Elles relevaient d'une gouvernance de type hiérarchique, héritée d'un régime dirigiste, voire de commandement économique, que les réformes libérales des dix dernières années n'avaient que partiellement entamée : de fait, on a restauré des formes anciennes d'intervention des institutions publiques qu'une déréglementation plus radicale aurait sans doute détruites.
Le mASme constat se retrouve si l'on considère la structure de marché sur laquelle s'est appliquée cette gestion de crise particulière, qui était a priori beaucoup plus favorable en Corée qu'au Mexique. En 1995, la panique a porté principalement sur des titres négociés sur des marchés secondaires très larges, notamment des bons du Trésor indexés sur le dollar (les Teso-bonos), détenus par un très grand nombre de banques internationales, d'investisseurs privés, de trésoriers d'entreprises ou de comnies d'assurance. En 1997. au lieu de ces milliers d'investisseurs de marché, soumis A  des incitations et des contraintes de gestion très divergentes, trente-cinq banques coréennes faisaient face A  enron sept cents banques internationales : le nombre plus limité des opérateurs concernés, leur plus grande homogénéité, leurs relations particulières avec leurs banques centrales respectives ouvraient la voie A  une intervention beaucoup plus aisée des régulateurs publics. En ce sens, l'expérience coréenne relevait certes d'une crise de liquidité présentant des caractères nettement autoréalisateurs, mais elle s'inscrivait dans un cadre institutionnel d'intermédiation, qui rappelait plutôt les crises des années quatre-ngt.

L'économie politique de la gestion de crise : du multilatéralisme A  l'unilaléralisme
Les épisodes mexicain et coréen éclairent aussi les conditions dans lesquelles peut prendre forme une action collective multilatérale destinée A  contrôler une crise contagieuse, et comment en particulier peut AStre traité le problème du"- partage du fardeau - (burden-sharing) : soit l'inclusion du secteur privé dans la résolution de la crise, par opposition au problème d'aléa moral qu'implique toute opération de sauvetage inconditionnel (bail-out). Ici, les oppositions entre les deux cas de ure sont lfrappantes.
D'un côté, en 1995, les banques internationales ont été associées A  hauteur de 3 milliards de dollars au de soutien au Mexique, mais quelques semaines plus tard elles se sont retirées unilatéralement, après que les marchés ont commencé A  se calmer. On a pu alors accuser le G10 et le Fonds monétaire d'avoir simplement assuré, en ex post et aux frais des contribuables, les prises de risque inconsidérées des opérateurs privés. L'accusation sera renouvelée lors de tous les grands programmes de 1997 et 1998, bien que, au moins dans le cas de la Corée, elle mérite un peu plus d'attention. Il est certes vrai que dans ce cas le FMI et le G7 ont mobilisé des ressources financières énormes, que les contrats privés n'ont pas été rompus, que le risque de défaut a été repris par l'état coréen et que les investisseurs n'ont pas perdu d'argent sur leurs placements obligataires et leurs crédits (contrairement aux placements boursiers).
Le dispositif d'ensemble a été cependant beaucoup moins asymétrique qu'en 1995 : l'interruption -volontaire- des sorties de capitaux s'est réalisée par la suspension des mécanismes de marché et la recoordination des investisseurs selon une procédure négociée. Et pour atteindre ce résultat, on a vu qu'un degré non négligeable de pression ou de marchandage a été exercé sur eux.
A€ la fin de décembre 1997, le gouvernement américain et le Fonds ont ainsi indiqué clairement aux banques privées que la renégociation de la dette privée A  court terme conditionnait le déblocage des tranches successives de fonds multilatéraux. Puis le mécanisme de sui des sorties de capitaux a fait réémerger, A  l'échelle internationale, ces relations très particulières qui s'élissent au niveau national lorsque le gouvernement, les banques centrales et les banques commerciales entrent dans ces régions de clair-obscur, propres aux crises systé-miques, où l'on voit fluctuer régimes de règles et interventions discrétionnaires, contraintes de fait et suspension volontaire du droit privé, initiative politique et action intéressée. On entrait ainsi dans une structure de jeu reposant in fine sur l'échange d'engagements réciproques, dont le but était de restaurer un bien collectif menacé par la décoordination : une action collective élie par l'acteur public et balisée par un certain nombre de règles tranchait ainsi avec l'intervention A  sens unique de 1995 : celle-ci s'apparentait beaucoup plus directement A  une action en dernier ressort, de type unilatéral et inconditionnel [Aglietta et de Boissieu, 1998).
La coordination entre acteurs publics, A  l'échelle internationale, présente elle aussi une divergence intéressante. En 1995, l'administration Clinton a fait porter ses plus gros efforts sur le Congrès américain, qui s'opposait A  l'utilisation de fonds publics pour renflouer l'état mexicain. In extremis, le Trésor a pu mobiliser 20 milliards de dollars du Silisation Exchange Fund. mais la lacheté (il n'y a pas eu de vote au Congrès) sera chèrement payée : ce fonds échappera ensuite largement A  l'exécutif et sera utilisé de manière beaucoup plus limitée en 1997-l998. Pourtant, le - rendement politique - des fonds américains a été beaucoup plus important en Corée, où ils représentaient 8,5 % des crédits mobilisés (5 milliards de dollars), contre 40 % au Mexique (20 milliards de dollars). Contrairement A  l'intuition habituelle, il n'y a donc pas nécessairement de proportionnalité entre la capacité de mobilisation politique et les moyens financiers mis en œuvre - une leA§on illustrée de manière répétitive par l'Union européenne, mais en sens inverse.
Ce paradoxe renvoie au cadre d'action collective dans lequel s'est inscrite la mobilisation de ressources stratégiques, qui avait montré beaucoup de faiblesse en 1995. Ainsi, le 31 janer 1995. lorsque le président Clinton a annoncé le programme de 58 milliards de dollars, échafaudé au cours des précédentes ngt-quatre heures, il a inclus un crédit de 10 milliards de la Banque des règlements internationaux, qui coordonnait les contributions des banques centrales du G10, notamment ses membres européens. Or, A  ce moment-lA , aucun accord n'avait été obtenu avec ces derniers, qui apprendront la nouvelle par les agences de presse. Qui plus est, les Américains ont saisi d'emblée les recettes pétrolières mexicaines pour garantir leurs propres apports financiers (elles devaient passer A  travers un compte spécial ouvert A  la Réserve fédérale de New York). Corollaire, les banques centrales européennes et japonaise étaient contraintes de oler une règle d'or qui veut, depuis le xixc siècle, qu'elles ne prAStent que contre le meilleur collatéral. Tous les observateurs ont vu alors un lien direct entre cette démarche confuse et. quelques jours plus tard, la rupture d'une eille règle du Fonds monétaire : lors du vote au Conseil sur le crédit au Mexique, un quart des actionnaires représentés se sont abstenus (dont la Grande-Bretasne. l'Allemagne et les Pays-Bas)9.
Par contraste, l'opération de recoordination de la fin de 1997 montre un extraordinaire exercice de leadership. La réinstitution de l'ordre des marchés internationaux a reposé sur la formation par les états-Unis d'un acteur très homogène, qui a assumé la présence d'un bien public international et qui a institué prosoirement les marchés internationaux comme l'objet de son intervention unilatérale. Et cela n'a été possible qu'en asserssant. d'un point de vue opérationnel, les grandes banques centrales qui sont devenues pour un temps l'infrastructure sous-jacente A  l'action de cet opérateur. L'enjeu central était ici le mécanisme ad hoc de collecte de l'information par lequel on a suspendu prosoirement les règles habituelles d'échange entre les banques privées et leurs autorités de régulation, tant du côté des créditeurs que de celui des débiteurs. La complexité de ce dispositif de collecte de l'information, comme l'utilisation stratégique qui en a été faite, ont donc très peu A  voir avec cette information immanente, ant au-dessus des salles de marché, et que poursuivaient au mASme moment les - spécialistes du risque -, A  grands coups de filets A  papillons.
Cette opération magistrale n'est pas allée sans défaillance. On raconte ainsi comment Robert Rubin a appelé au petit matin le Trésor franA§ais pour se plaindre du retrait d'une ligne de 100 millions de dollars par la Société Générale ; or, A  ce moment-lA , au tout début de l'opération, seul le Fonds monétaire pouvait détenir cette information, a la Banque de Corée : cela tend A  indiquer qu'il y aurait eu un court-circuit imprévu dans les flux d'information. On a également fait état de la circulation, entre banques américaines, d'information commerciale collectée par la Fed et portant sur les engagements de divers concurrents, incluant le volume des lignes de crédit et le nom des emprunteurs finaux.
Ces deux incidents ont toutefois une signification différente. Dans le dernier cas, des acteurs privés anticipaient sur le retour A  la règle normale, par une stratégie opportuniste qui, de fait, mettait en question la crédibilité de l'ensemble de l'opération : une logique de concurrence faisait irruption dans une coordination négociée. Dans le premier cas, en revanche, l'acteur politique A  l'origine de l'opération - le gouvernement américain - a apparemment enfreint la règle prosoire de circulation de l'information, qu'il avait lui-mASme écrite, mais qu'il voyait menacée. Le politique ou l'action unilatérale refaisait surface ponctuellement, au plus haut niveau, pour pallier l'éventuelle défaillance d'une procédure de coordination jugée fragile.
A€ travers ces deux expériences, l'exercice du pouvoir américain a pris deux formes successives, aux résultats opposés. D'abord, il y a eu la mobilisation d'une puissance de fait, ou d'une capacité d'action qui était déjA  lA , dans un sens presque logistique. Elle a conduit A  des interventions de type discrétionnaire et unilatéral : le Fonds monétaire en a fait les frais en janer 1995 et en décembre 1997. Cette action a réussi tant bien que mal au Mexique, mais en Corée elle a échoué immédiatement. Dès lors, une capacité d'action publique internationale a été rélie par les Etats-Unis, en jouant beaucoup plus sur les relations entre les différents acteurs. Une structure d'action collective a pu AStre élie qui a brisé la situation de type - dilemme du prisonnier - dans laquelle étaient enfermés A  la fois les banques privées, les autorités coréennes et les gouvernements du G7. Cela a ouvert la voie A  la recoordination de la fin décembre 1997 et au rélissement de l'ordre des marchés, comme bien public.
Si les Etats-Unis ont une capacité de projection sans égale, elle n'est jamais aussi puissante que lorsqu'elle réussit A  mobiliser des acteurs disposant de ressources propres, qu'ils pourront apporter dans un jeu coopératif. Dans ce cas, l'enjeu central est de fonder l'action collective en instituant cette règle du jeu et en la défendant si nécessaire, mASme si elle reste prosoire. A€ défaut, l'action unilatérale atteint rapidement ses limites. Il est frappant qu'au Mexique et en Corée, dans un premier temps, une action collective faible a produit par une sorte d'économie politique fatale la stratégie la moins contraignante pour le secteur privé : en un mot, l'ouverture d'un grand bureau de change A  l'enseigne du G10 et au bénéfice de l'internationale des investisseurs. En revanche, A  la fin décembre 1997, seule l'émergence d'un acteur public fort A  l'échelle internationale a permis de sortir de cette logique de garantie inconditionnelle et d'imposer un - partage du fardeau -, c'est-A -dire un autre rapport entre le bien public et l'intérASt privé.



Corée vs LTCM

La mASme problématique est réapparue, quelques mois après l'épisode coréen, cette fois-ci, au cœur du système financier international, A  Wall Street. Une coordination informelle des banques commerciales sous l'aile de la Banque centrale, l'enjeu stratégique constitué par l'information, la présence d'un risque systémique majeur rapprochent directement ces deux crises. Ici aussi, l'anticipation du défaut prochain d'un acteur de tout premier , en l'occurrence le hedge fund LTCM (Long Tcrm Capital Market), va imposer des tensions très fortes aux marchés, sur lesquels des réactions de panique vont commencer A  s'amorcer avant que l'intervention des pouvoirs publics bloque le risque systémique. Celle-ci a été toutefois beaucoup plus légère et rapide qu'en Corée, et elle n'a pas imposé une pression explicite des régulateurs sur les institutions financières : en particulier, celles-ci n'ont pas été contraintes A  rendre publique une information privée, bien que cet enjeu ait été au cœur de la crise A  Wall Street.
LTCM n'était pas un investisseur parmi d'autres sur les marchés internationaux. Depuis sa création, en 1994, il était un des plus gros fonds d'arbitrage en actité, un des plus réputés pour ses performances passées, un de ceux, également, dont les dirigeants bénéficiaient de la réputation la plus flatteuse : deux ou trois stars de Wall Street (dont le patron et fondateur, John Meriwether), un ancien gouverneur adjoint de la Réserve fédérale (Dad Mullins), les deux prix Nobel d'économie 1997 (Myrton Scholes et Robert Merton). Les actionnaires du fonds appartenaient aussi au Gotha de la finance internationale : de grandes banques d'investissement, leurs dirigeants (A  titre personnel) et mASme une banque centrale (la Banque d'Italie).
Cette aimable comnie était en outre réunie dans le véhicule financier le plus opaque et le plus mal régulé qui soit. LTCM n'était pas coté sur marché, ce qui limitait ses obligations en matière de diffusion d'information, et mASme parmi ses pairs il se distinguait par les indications particulièrement maigres qu'il fournissait sur ses stratégies d'investissement. Ses soixante-quinze contreparties ont ainsi financé des positions créditrices énormes, sans jamais disposer de données précises sur le volume total de ses engagements ou sur son exposition aux différents risques de marché : le seul prestige du fonds et de ses dirigeants a désarmé ce dernier leer de contrôle extérieur.
Conséquence logique de cette capacité A  multiplier les prises de risque, LTCM opérait avec un leer d'endettement maximal. En moyenne les hedge funds opéraient dans les années précédentes avec un rapport des capitaux propres aux actifs de 1 A  2, tandis que les dix plus gros fonds connus, mobilisant des capitaux propres supérieurs A  100 millions de dollars, présentaient un leer supérieur A  10 au début de 1998. LTCM, quant A  lui, avait alors un leverage de 1 A  28, qu'il avait accru au début de l'année en remboursant un tiers de sa base de capitaux sans réduire son actif. En consolidé, celui-ci représentait 128 milliards de dollars, tandis que ses engagements notionnels sur les marchés dérivés étaient évalués, en termes bruts, A  près de 1 300 milliards de dollars.
LTCM, en un mot, c'était le degré zéro de la - bonne gouvernance - et le sommet du cronyism. Aussi, A  la nouvelle de sa défaillance, de la Corée A  l'Indonésie la réaction a été immédiate : après avoir subi depuis un an des leA§ons moralisantes sur la corruption et la collusion d'intérASts en Asie, ce naufrage spectaculaire a édemment enthousiasmé le public.

L'histoire d'une faillite remarquable
Pour autant ce fonds n'a été ctime ni du défaut de l'état russe sur sa dette en rouble, le 17 août, ni, plus généralement, de la crise de marchés émergents. Il n'était pas présent en Russie et ses positions sur les marchés A  risques (places émergentes et junlc bonds) ne représentaient que 20 % de son actif. Son vérile fonds de commerce consistait A  identifier, sur les marchés les plus développés, des décalages souvent infimes entre les cours de différentes catégories d'obligations, par rapport A  des relations observées sur longue période ou A  une évolution attendue A  moyen terme. Puis des positions massives étaient prises sur ces marchés pour tirer parti de l'élimination attendue de cette marge : c'est le convergence trade. Le désastre a été causé par l'effondrement d'un énorme empilement de tels paris financiers, qui supposaient tous une mASme évolution vers des taux obligataires plus bas dans les économies développées.
Ici est entrée en scène la crise russe, qui a infirmé prosoirement ce scénario : pendant quelques semaines, les primes de risque sur les taux obligataires italiens, esnols et portugais se sont brusquement tendues, avant de reprendre leur convergence vers les taux de référence allemands, au cours des semaines précédant le passage A  l'Union monétaire européenne, le 1er janer suivant. Un phénomène able a été observé simultanément sur nombre de marchés bien cotés, mais étroits et donc peu liquides - Scandinae, Canada. Nouvelle-Zélande, etc. -, mais aussi aux obligations privées. C'est donc la déation systématique par rapport aux scénarios ensagés qui a été la cause directe de la faillite de LTCM.
Sa base de capital extraordinairement étroite n'a pas résisté A  la perturbation : non seulement les plus-values sont devenues des moins-values, mais le déclin de la liquidité des marches, au regard des positions énormes prises par le fonds, a freiné considérablement toute stratégie de repli ordonné et de réallocation du portefeuille vers des marchés mieux préservés. Après avoir bien géré la première année de crise internationale, LTCM avait perdu 15 % de son capital entre janer et juillet 1998, puis 52 % A  la fin août. Cela créait les conditions d'une ruée des créanciers sur les collatéraux de LTCM, able A  la ruée sur les réserves de la Banque de Corée, mais dont les conséquences auraient vraisemblablement été bien pires, du fait de la liquidation simultanée de très nombreuses lignes d'investissement sur de nombreux marchés.
Au-delA , le déroulement de la crise proprement dite est bien connu". Le 2 septembre, les dirigeants du fonds ont envoyé une lettre A  leurs actionnaires demandant des apports en capital ; trois banques dominantes de la place ont été chargées de ce placement, sans obtenir de résultat - Goldman Sachs, Merrill Lynch et J. P. Morgan. Les rumeurs sur les difficultés du fonds se sont alors répandues A  Wall Street, tandis que ses conditions de refinancement se détérioraient : accroissement des collatéraux, appels de marges, réduction des encours acceptés par les contreparties. Puis, A  partir de la mi-septembre, les marchés eux-mASmes ont été progressivement désilisés par les rumeurs d'une faillite prochaine, susceptible de déclencher une liquidation massive des multiples positions du fonds, une ruée sur ses collatéraux et donc des problèmes de liquidités chez ses multiples contreparties.
Tenue au courant des problèmes de LTCM depuis le début du mois, la Réserve fédérale de New York (FRBNY), qui est en charge de la régulation des marchés de capitaux, a rencontré ses dirigeants le 20 septembre pour prendre la mesure de ses difficultés, des risques systémiques encourus et des voies possibles pour éter un défaut. Ce jour-lA , on estimait que la sure du fonds n'était plus assurée que pour trois jours, sa base de capital étant réduite A  600 millions de dollars : cela représentait près de 90 % de pertes depuis le début de l'année et impliquait un ratio d'endettement de 1 A  167. Après qu'un investisseur privé eut manifesté prosoirement son intérASt (Warren Buffet), un accord a finalement été trouvé le 23, par lequel un consortium des seize banques internationales les plus engagées a apporté 3,6 milliards de dollars de capitaux frais. La part des actionnaires initiaux au capital social de LTCM a été réduite de 90 %, tandis que les gestionnaires du fonds restaient en place pour assurer sa liquidation, sous la surveillance des nouveaux propriétaires. L'ensemble de l'opération a été rendu public le mASme jour.
Contre des attaques assez olentes, soulignant A  tort un risque d'aléa morall2, le gouverneur de la FRBNY, tout comme Alan Greenspan, ont répété A  de nombreuses reprises que leur intervention n'a reposé sur aucun apport de fonds publics et aucune garantie financière par la puissance publique. Cette dernière est intervenue pour recoordonner les créditeurs, face A  l'émergence d'un risque systémique majeur, ce qui ne s'assimile ni A  un bail-out aux frais du contribuable, ni A  l'intervention d'un prASteur en dernier ressort : il s'agit plutôt d'une résolution de faillite A  grande tesse, hors procédure judiciaire {out-of-court seulement), selon une logique de solidarité de place. Elle se rapproche plus, pour cette raison, de l'expérience coréenne que du cas mexicain, sans pour autant avoir nécessité une intervention aussi énergique et structurée qu'en décembre 1997.
Comment analyser de manière plus précise l'action de ce gestionnaire de crise, qui n'a rien prASté, qui est resté apparemment silencieux, mais dont l'intervention a été décisive ? Comme dans le cas du sauvetage de la Corée, un rôle stratégique est revenu A  la collecte et A  la centralisation de l'information, jusque-lA  éparpillée entre les opérateurs de marché. Mais au lieu de prendre une forme relativement dure, qui intégrait un degré de pression publique, cette condensation de l'information privée est restée ici très informelle. Dans un premier temps, le gouverneur de la FRBNY a discuté de l'évolution de la crise, selon un régime normal de circulation de l'information entre acteurs publics et privés (- par une communication franche et ouverte avec les acteurs clés du marché-, McDonough, 1999). Puis, une intervention directe est apparue nécessaire pour sortir la recapitalisation privée du dilemme du prisonnier où elle se trouvait.
Cela est passé par une redistribution volontaire mais exceptionnelle de l'information stratégique, A  l'initiative du secteur privé : - Le 18 [septembre], une des banques qui travaillaient avec LTCM pour lever des capitaux frais a demandé aux dirigeants du fonds si elle pouvait partager l'information dont elle disposait avec nous [la FRBNY]. Les dirigeants de LTCM ont répondu qu'ils préféreraient présenter directement cette information eux-mASmes et ils m'ont appelé pour organiser cet exposé - (McDonough, ibid. ) Lors de la réunion bilatérale qui a sui, le 20, dans les locaux de LTCM, les représentants de la Banque centrale - ont compris l'impact que les positions de LTCM avaient déjA  sur les marchés dans le monde et le fait que le volume de ces positions étaient bien plus grand que ne l'imaginaient les opérateurs -.
Malgré leur insertion étroite dans les marchés, ajoutée A  des négociations continues avec LTCM, les acteurs majeurs de la place n'avaient donc pas pris la mesure d'un risque systé-mique imminent : cela les oppose aux succursales coréennes des banques internationales qui avaient réussi, brièvement et sans suite pratique, A  élir une action collective en dépit de la ruée sur les réserves officielles. A contrario, le fonctionnement des marchés et l'opacité des opérations de LTCM, autorisée notamment par son statut social exceptionnel, n'ont pas permis A  New York d'extérioriser ni d'agréger l'information nécessaire pour identifier ce risque majeur.
En somme, quelques jours avant que la coordination de marché ne se dénoue dans une crise systémique. cette information stratégique n 'existait pas du tout - sinon dans les comptes de LTCM. C'est finalement ce dernier qui a précipité l'intervention de la Réserve fédérale et lui a dévoilé son information privée qui, rendue publique, a permis d'ouvrir la voie A  la phase ultime du sauvetage. En Corée, le mASme déroulement a été observé, qui a conduit A  l'extcrnalisation de l'information contenue dans les bilans privés. Deux difficultés se sont toutefois rajoutées. D'une part, le cadre international de la crise a demandé que l'on coordonne de manière ad hoc différents régulateurs de crise nationaux - les banques centrales. Cela a posé en soi un problème sérieux, une fois que l'acteur multilatéral qui en principe avait la charge de cette action collective a échoué - le FMI.
D'autre part, A  Wall Street, la sortie du dilemme du prisonnier n'a pas demandé l'intervention informelle quoique très ferme des acteurs publics auprès des acteurs privés déants : A  partir du moment où le problème d'information était résolu, les intérASts privés ont reconvergé sinon de manière spontanée, en tout cas de leur seule initiative conjointe. Ils ont réli alors la silité du bien public constitué entre eux, tandis que l'acteur public se retirait au second . Cela a été très bien décrit par Alan Greenspan : - Les créditeurs et les contreparties ont calculé que la valeur de LTCM, et donc celle de leurs propres avoirs, serait supérieure A  terme si la liquidation de son portefeuille était réalisée de manière ordonnée que si elle faisait l'objet d'une vente panique (fire sale). Et compte tenu de la volatilité actuelle des marchés et de l'humeur capricieuse des investisseurs, il est apparu tout A  fait approprié, d'un point de vue de politique publique, de donner une attention particulière (a spécial premium) A  une résolution en bon ordre - (Greenspan, 1999). Le régulateur a donc réli les conditions pour que l'intérASt commun soit A  nouveau perceptible par les agents et les conduise A  une solution ordonnée de la crise.
Telle serait, par hypothèse, la différence entre une panique émergente, mais bloquée in extremis, et la décoordination effective des agents, telle qu'on l'a observée en Corée. Dans ce cas, la nécessité pour les régulateurs d'exercer une pression forte et d'apporter des ressources financières considérables reflétait l'impossibilité de résoudre le dilemme du prisonnier par la seule diffusion de l'information relative aux risques encourus A  court terme.
Au bout du compte, toutefois, les acteurs privés n'ont pas montré A  New York une bien meilleure capacité A  prendre la mesure d'une crise systémique émergente et A  s'élever au-delA  de leurs intérASts les plus immédiats. Les instruments de gestion de risques les plus puissants, les règles les plus rigoureuses, les meilleures structures de gouvernance et de supersion ne modifient pas radicalement l'ambivalence entre une relation de concurrence et la défense collective de l'ordre des transactions. On peut AStre très technique et très puissant, on n'en reste pas moins un automate sociologique, surtout lorsque l'air des marchés bre d'une panique imminente.





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