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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Les agents

L'homo aconomicus ne désigne pas un homme né d'une femme, mais un pantin abstrait, sorti d'une éprouvettc intellectuelle.


F. Machlup.


Si les agents économiques peuvent AStre définis et différenciés par les opérations qu'ils réalisent sur les biens, ils sont considérés par la théorie comme des centres de décision qui mettent en œuvre des problématiques de choix similaires. Cependant, ce modèle commun, le modèle rationnel de décision, peut receir des spécifications de plus en plus précises quant au type de procédure utilisé (optimisation, satisficing, tirage au sort) et aux déterminants correspondants (contraintes, représentations, préférences). De fait, le processus de choix n'est pas directement accessible au modélisateur, et les déterminants sont souvent révélés A  partir des actions effectuées, ce qui n'empASche pas les critiques du modèle optimisateur de s'appuyer sur une appréhension directe des choix. Il faut donc se poser plus précisément le problème du statut épistémologique de ce modèle, dominant en économie, et s'interroger en particulier sur son caractère réfule ou non.


Définition et typologie des agents.


Les agents de la théorie économique sont définis arbitrairement comme des centres de décision autonomes, A  sair - les individus, groupes d'individus ou organismes qui constituent des unités élémentaires agissantes - (Malinvaud, 1975). Comme pour les biens, mais de faA§on moins nette, l'économiste se contente, de prime abord, de reprendre A  son compte les caractérisations des agents proposées par les biologistes, les psychosociologues ou encore les juristes. De fait, les agents peuvent eux-mASmes AStre constitués d'entités individuelles en interaction (entreprises, familles) ou regroupés en entités plus étendues (branches, syndicats), formant ainsi des -emboitements d'agents- (ir I, 6). L'hypothèse essentielle est de pouir considérer chaque agent comme un - décideur -, qui choisit les opérations sur les biens auxquelles il procède selon une approche téléonomique ; l'articulation du comportement rationnel de l'agent avec celui de ses membres est toujours plus délicat (objectifs de l'entreprise rapportés A  ceux des actionnaires, des managers, ire des salariés).
Pour un micro-économiste, il existe un nombre indéfini d'agents, parfois mASme considéré comme infini, tant dans un cadre statique (continuum d'agents avec des - atomes - plus massifs) que dynamique (générations successives d'agents). Si l'on excepte le cas très spécifique de l'état (ir II, 7), la seule typologie usuellement introduite est de nature fonctionnelle, et distingue les producteurs qui - transforment - les biens des consommateurs qui les - détruisent -. Bien que tous deux supposés optimisateurs, ces deux types d'agents sont formalisés différemment quant aux déterminants de leur choix, mais cette différence tend elle-mASme A  s'estomper dans des modèles récents (équilibres avec rationnement). Bien entendu, sur le théorique, d'autres distinctions ont été proposées, qu'il s'agisse simplement d'isoler le rôle d'investisseur ou, plus profondément, d'opposer travailleurs et rentiers (Pareto), ou capitalistes et prolétaires (Marx).
Pour un macro-économiste ou un comple national, il est nécessaire d'air une typologie plus opératoire des agents, fondée moins sur des critères fonctionnels que structurels, juridiques ou de nature des produits traités. Au niveau agrégé d'une économie nationale, on distingue d'habitude un petit nombre d'agents aux statuts divers : entreprises, ménages, administrations, institutions financières et Extérieur. A un niveau plus désagrégé, il existe de nombreuses nomenclatures d'agents croisant différents critères différents, essentiellement cependant les produits fabriqués par les entreprises et les qualifications de la main-d'œuvre (ir III, 1). Une difficulté majeure soulevée par ces nomenclatures résulte du fait qu'un mASme agent a souvent des fonctions multiples non séparables, tel le plombier, A  la fois artisan et chef de famille, qui transfère des ressources entre ces deux rôles.
Les agents économiques connaissent enfin une élution permanente qu'il est impossible d'internaliser complètement dans la théorie micro-économique et qui oblige pour le moins A  adapter les nomenciatures dans la pratique macro-économique. A long terme, leur - démographie - se modifie sous l'influence de facteurs économiques et extra-économiques mal maitrisés, qu'il s'agisse des ménages qui se forment ou disparaissent, ou des entreprises qui se scindent ou fusionnent. A moyen terme, leur action économique se transforme, un individu passant du rôle de consommateur A  celui de producteur en entrant dans la vie active, une firme décidant d'entrer ou de se retirer du marché d'un bien ancien ou nouveau. Brutales ou progressives, ces transformations sont attribuables pour partie A  l'élution des déterminants des agents, glissement des préférences des consommateurs ou progrès technique des producteurs (ir II, 3).

Modèle - rationnel - de décision.

Le modèle de décision le plus englobant, qui sert de référentiel commun aux économistes (modèles théoriques) et aux psychosociologues (modèles de marketing), postule que l'acteur opère en trois phases, A  chacune desquelles on peut faire correspondre un type de rationalité :
' dans la phase d'information, l'acteur construit, par intégrations et interprétations successives de ses perceptions élémentaires, un système cohérent d'observations et d'anticipations sur son environnement (rationalité informative) ;
' dans la phase de délibération, l'acteur passe du diagnostic sur la situation présente et future A  un d'action pour la modifier, en conformité avec les objectifs qu'il poursuit (rationalité délibéra-tive) ;
' dans la phase d'implémentation, l'acteur traduit, par décompositions et adaptations progressives, ses intentions d'action en programmes et mesures concrètes, qu'il met en œuvre sur l'environnement (rationalité executive).
Si l'on considère la phase d'information comme - montante - et la phase d'implémentation comme - descendante -, la délibération réalise leur jonction au niveau supérieur et sous une forme élaborée (comportement calculé), mais il existe des courts-circuits entre les phases extrASmes A  d'autres niveaux. A un niveau intermédiaire, l'acteur peut associer de faA§on plus directe A  la situation perA§ue un programme d'action adapté prééli (comportement programmé ou routinier) ; au niveau inférieur, l'acteur fait correspondre automatiquement A  un stimulus sensoriel une réponse motrice précablée (comportement réflexe). Ces niveaux coexistent en fait (niveaux de réaction A  l'information chez l'individu, niveaux de régulation pour l'entreprise), car les - décideurs - ne pouvant résoudre les problèmes parfaitement, les comportements observés réalisent un amalgame de choix rationnel, de procédures traditionnelles ou standardisées, et de mécanismes d'ajustement purement mécaniques par rétroaction - (Day, 1971).
Un modèle de décision plus spécifique, portant essentiellement sur la phase de délibération, distingue lui aussi trois étapes - logiques - du processus de choix, chacune faisant intervenir un - déterminant - particulier :
' la génération des actions permet de construire un ensemble d'actions possibles, A  partir des ressources disponibles (physiques, budgétaires, juridiques, temporelles) et en respectant des - contraintes - ;
' la prévision des effets permet d'associer A  chaque action une liste d'effets anticipés de diverses natures et A  diverses échéances, en s'appuyant sur des - représentations - mentales ou explicitées ;
' l'évaluation des effets permet de définir des utilités plus ou moins synthétiques attachées aux effets objectifs précédemment mesurés, en projetant sur eux un système de - préférences -.
Les -déterminants- du choix sont considérés a priori comme - séparables - mASme si l'on a repéré des phénomènes d'influence réciproque, par exemple des préférences sur les contraintes (autocensure d'actions) ou les représentations (dissonance cognitive). Chacun d'eux peut AStre structuré en niveaux de généralité, qu'il s'agisse des contraintes (cadre d'action global -a–s limites locales), des représentations (théories générales ' modèles spécifiques) ou des préférences (valeurs finales 'a–s critères particuliers). Les déterminants sont également considérés a priori comme - exogènes -, liés A  l'individu et ses environnements (technique, culturel, éthique), mASme si l'agent lui-mASme les - déile - progressivement (découverte des - vériles - préférences). Cependant, on étudie de plus en plus leur élution sous l'influence de facteurs tant exogènes qu'endogènes (élution des préférences - réelles -), sans parler de Pautomanipulation des déterminants pour justifier des décisions passées (- rationalisation -) ou rendre irréversibles des décisions futures (- auto-engagement -).


Spécification des procédures de décision.


Ce dernier modèle spécifie très incomplètement le processus de décision, aussi faut-il définir des - procédures - plus rigoureuses précisant tant la forme que l'articulation des déterminants du choix conduisant A  une action retenue.
La rationalité instrumentale postule que l'agent réalise une adéquation entre les moyens qu'il possède et les objectifs qu'il poursuit, compte tenu de la vision qu'il adopte de lui-mASme et de son environnement. Encore relativement proche, le modèle de Lewin suppose que le choix est orienté par la résultante d'un champ de sanctions-récompenses (analogue A  un champ de forces), mASme s'il n'est pas strictement traduit en termes de préférences. Plus éloigné, le modèle de Tarde considère que le choix de chaque agent se fait par imitation des autres (A  partir d'actions initiatrices), hypothèse mimétique reprise en particulier par R. Girard (phénomènes de foules). Enfin, le modèle de Durkheim postule que le choix obéit A  des normes sociales (habitudes, conventions, règles), qui indiquent quelle est l'attitude A  adopter dans une situation donnée et assortissent les déviations de coûts monétaires ou psychologiques.
La rationalité optimisante suppose que l'agent maximise une fonction-objectif synthétique dans un champ de contraintes, compte tenu de sa représentation des effets de ses actions (représentation souvent intégrée en fait dans la fonction-objectif). Le modèle essais-erreurs s'en distingue par son caractère rétroactif plutôt qu'anticipatif, puisqu'il suppose que l'agent renforce ou inhibe certaines actions en fonction de leurs effets passés observés, évalués A  travers une fonction explicite. Le modèle satisficing d'H. Simon (1969) postule, quant A  lui, que les actions sont examinées dans un certain ordre a priori, et que l'agent retient la première qui dépasse des seuils donnés sur un ensemble de critères de satisfaction. Enfin, Becker (1976) propose le - modèle inerte - où l'agent retient l'action réalisable la plus - proche - (au sens d'une norme) de son action passée en cas d'impossibilité du statu quo, et le - modèle aléatoire - où il choisit une action au hasard dans un champ de possibilités (ou sur sa frontière efficace).
La rationalité utilitarienne s'obtient en soumettant la fonction objectif (et les contraintes) A  des propriétés générales, en situation de certitude (convexité, continuité, silité) comme d'incertitude (indépendance). Le modèle en certitude de Lancaster (1966) viole la propriété de continuité, car l'optimisation A  deux étages par le biais de - caractéristiques intermédiaires - conduit fréquemment A  des optima en coin sur celles-ci (ir III, 1). Le modèle en incertitude de Shackle (1961) suppose que, pour chaque action, l'acteur privilégie deux états, l'un particulièrement farable et l'autre défarable, puis combine les utilités associées A  ces états, ramenés sous forme standard. Le modèle lexicographique admet qu'il existe plusieurs critères de choix strictement hiérarchisés et qui interviennent séquentiellement pour classer les actions ; quant aux méthodes multicritères, elles partent aussi d'une multiplicité de critères, mais les actions sont souvent d'abord ées deux A  deux avant d'en déduire un classement.

Spécification des déterminants.

Une procédure de choix est un opérateur qui associe A  chaque état (probabilisé ou certain) de l'environnement une action A  retenir, ce qui détermine une - règle de choix - liant sous forme fonctionnelle les états et les actions. Pour la procédure optimisatrice, la résolution du programme de maximisation d'une fonction-objectif sous contraintes (avec un algorithme plus ou moins puissant) conduit directement A  une telle - fonction de comportement -. Une difficulté surgit lorsque le programme admet des solutions multiples entre lesquelles l'agent ne peut plus arbitrer, A  l'instar de l'ane de Buridan (Sen, 1986), mort de n'air su choisir entre deux sacs d'aine identiques. Une difficulté plus importante nait lorsque les états ne sont plus perA§us comme exogènes, mais influenA§ables par les actions de l'agent, par exemple lorsqu'ils coïncident avec les actions d'un autre agent, problème qui révèle alors pleinement les potentialités de l'approche optimisatrice et qui ne peut AStre résolu que dans le cadre d'une - solution - d'un jeu.
Dans le cas du consommateur, on suppose usuellement qu'il maximise une fonction d'utilité définie sur un panier de biens, sous une contrainte budgétaire dépendant des prix et du revenu exogène, ce qui détermine par résolution une fonction de demande. Mais d'autres comportements sont possibles, par exemple en cas de resserrement de la contrainte budgétaire, le comportement inerte (choix du panier de biens accessible le plus - proche - de l'actuel) ou homothétique (réduction proportionnelle de tous les biens). Dans le cas du producteur, on suppose également qu'il maximise une fonction de profit définie en fonction des prix des facteurs et des produits, sous une contrainte de fonction de production, ce qui détermine une fonction d'offre de produits et de demande de facteurs. Mais, lA  encore, on peut supposer qu'il optimise en fonction de critères non monétaires (prestige, climat social, sécurité), qu'il ne fait que satisfaire A  des seuils minimaux sur chacun d'eux, ou encore qu'il suit un processus essais-erreurs plus complexe.
Les procédures de choix et leurs déterminants peuvent AStre introduits de deux faA§ons, soit en se donnant une forme a priori de faA§on - introspective -, soit en les dérivant de structures plus faibles soumises A  des axiomes - raisonnables -. Ce second processus est utilisé, en situation de certitude, pour définir une fonction d'utilité (ordinale) A  maximiser, A  partir de préférences soumises essentiellement A  des axiomes de cohérence (transitivité, continuité). Il intervient aussi, dans le choix en incertitude, pour définir des probabilités subjectives sur les états, et des utilités (cardinales) sur les combinaisons d'actions et d'effets, A  partir de préférences sur des - loteries - obéissant A  des axiomes supplémentaires (indépendance). Du point de vue du statut ordinal ou cardinal de l'utilité (ir II, 1), on est ainsi passé d'un cardinalisme introspectif (Jens, Menger) A  un ordinalisme intros-pectif (Allen, Hicks), puis d'un ordinalisme axiomatique (Slutsky, Samuelson) A  un cardinalisme axiomatique (n Neumann-Morgens-tem, Savage).
Lorsqu'on applique une procédure de choix A  des agents et des décisions économiques concrètes, il est encore possible de préciser sous forme axiomatique tant les arguments que les propriétés de leurs déterminants (ir II, 1). Ainsi, les préférences du consommateur, définies sur des paniers de biens, sont usuellement soumises, outre aux pures axiomes de - cohérence - du choix (complétude. transitivité), A  des axiomes de - substantialité - directement interpréles en termes de satisfaction comme la convexité et la croissance, propriétés qui se transmettent ensuite aux fonctions d'utilité. En fait, nombre de caractéristiques sont directement introduites dans les déterminants A  partir d'une interprétation - instrospective -, sans chercher A  leur donner une base axiomatique. Ainsi, les utilités des consommateurs peuvent AStre élargies des biens physiques (comportement matérialiste) A  des biens plus symboliques (comportement pluraliste), et s'appliquer A  leurs seules consommations (comportement égoïste) ou aussi A  celles des autres (comportement altruiste).


Révélation des déterminants.


Les déterminants du choix, et plus particulièrement les représentations et les préférences, sont des entités - cachées -, le plus souvent considérées comme non directement accessibles au modélisateur, qui doit alors se contenter d'observer les actions mises en œuvre par l'agent. Le problème de la révélation consiste alors, selon un mécanisme analogue au procès d'intention, A  tenter de remonter des actions et des états observables A  la procédure de choix et aux déterminants qui leur ont donné naissance. Cette révélation ne peut se faire que si l'on dispose d'un échantillon d'actions concernant un champ décisionnel homogène, où l'on peut supposer que la mASme logique de choix s'est appliquée, en particulier que les déterminants sont restés sles. Sauf si l'on dispose d'autres observations que les actions (par exemple les effets anticipés), la révélation porte simultanément sur l'ensemble des déterminants sans que l'on puisse facilement - séparer - leur influence.
Le processus de révélation repose sur une double hypothèse, d'une part que les préférences qui s'interprètent spontanément comme critères d'évaluation des actions puissent également s'interpréter comme critères de choix, d'autre part que les actions sélectionnées par le processus de choix soient effectivement celles qui sont mises en œuvre. En fait, une distinction peut AStre introduite entre les déterminants tels qu'ils sont perA§us consciemment par l'acteur dans l'élaboration de sa décision et ceux qui sont révélés par le modélisateur (ire par l'agent lui-mASme), faisant apparaitre une éventuelle incohérence que l'agent peut uloir rectifier. Une seconde distinction concerne les déterminants tels qu'ils sont anticipés (perA§us ou révélés) ex ante par rapport A  la décision et ceux qui sont réalisés (ressentis ou observés) ex post, un écart entre effets ou utilités prévus et actualisés étant lA  encore susceptible d'enclencher un processus d'apprentissage.
Comme tout problème d'induction, le processus de révélation est sous-déterminé et conduit fréquemment A  une multitude de solutions, ce qui explique d'ailleurs qu'un comportement soit plus difficile A  préir qu'A  justifier a posteriori ; mais on peut y remédier en imposant aux déterminants des conditions a priori (indépendance, régularité, silité) ou s'en donner certains pour en révéler d'autres. Dans le choix en incertitude, l'axiomatique de Savage peut AStre rendue constructive et permet, A  partir d'un nombre fini de choix entre loteries, de révéler les probabilités subjectives attachées par l'agent aux états de la nature, si l'utilité des gains certains est connue. Dans la théorie du consommateur, si l'on suppose qu'il optimise sous la seule contrainte budgétaire, l'observation de la fonction de demande, qui résume un nombre infini de choix, permet de remonter A  la fonction d'utilité sous-jacente, pourvu que la demande satisfasse aux conditions de Slutsky. Plus concrètement, le modélisateur peut inférer des choix effectués par un usager des transports entre deux modes ou itinéraires sa valeur implicite du temps (paramètre lié A  la fois A  son utilité et A  sa contrainte temporelle), A  condition de connaitre les autres éléments de son choix.
On peut d'ailleurs limiter l'arbitraire de la révélation en la faisant porter sur certains déterminants privilégiés, selon l'école de pensée A  laquelle on se réfère :
' l'approche structuraliste insiste sur le poids et la variété des contraintes dont la superposition peut réduire le champ d'action A  un point unique ;
' l'approche cognitiviste met en avant le rôle des représentations et postule une grande diversité de perception des situations rencontrées ;
' l'approche finaliste polarise l'attention sur les préférences dont la complexité et la dispersion sont jugées primordiales dans l'explication.
Les économistes les plus orthodoxes ont souvent privilégié la première approche : - postuler l'existence des coûts [implicites] clôture ou complète l'approche économique de la mASme manière, presque tauto-logique, que l'existence d'usages de l'énergie (parfois non observés) complète le système énergétique et préserve la loi de conservation de l'énergie - (Becker, 1976).

Critiques du modèle optimisateur.

Le modèle optimisateur suppose que, face A  une décision donnée, l'agent e diverses alternatives et retient celle qui lui assure le meilleur bilan -coûts-avantages- quand aux effets perA§us qu'elles engendrent ; plus avant, dans un contexte donné, il saisit toutes les opportunités qu'il perA§oit d'obtenir une utilité nette positive. - Calculateur général des plaisirs et des peines - (Veblen, 1898), Vhomo œco-nomicus (Mill, 1836) a soulevé de nombreuses critiques se situant sur divers s, mais qui souvent ne précisent pas l'interprétation et le niveau de spécification du modèle qui sont mis en cause. Une mention A  part doit AStre faite A  la critique logique, qui remarque que tout processus d'optimisation implique un coût qui, s'il est pris en compte dans une méta-optimisation, enclenche en fait une régression A  l'infini. Elle conduit A  examiner la possibilité pour l'acteur (ou le modélisateur) de - surmonter - la régression, d'autant qu'elle s'adresse aussi A  certains modèles alternatifs comme le satisficing (Mongin-Walliser, 1987).
La critique ontologique, qui provient aussi bien des humanistes que des matérialistes, des sociologues que des économistes, it dans Vhomo œconomicus une image réductrice et mythique de l'homme, ou, pire encore, une image mutilante et dégradante. Il s'agit d'une - abstraction faite chair - (Bell, 1980), d'un - fossile humain de l'age d'or - (Baudrillart, 1970), d'un -globule homogène sans passé ni avenir, un fait humain isolé, immuable, en équilibre sle- (Veblen, 1898). C'est aussi une - pure machine A  plaisirs - (Edgeworth. 1881), qui ne concerne que - la partie inférieure du moi - (Kristol, 1980) et - fait de n'importe quelle manifestation de la lonté et de l'esprit humain le résultat d'une activité comple - (de Benoist, 1978). Ces objections, qui prennent le modèle au pied de la lettre, veulent ignorer qu'il s'agit d'un cadre théorique très général et souple, qui ne présuppose pas un calcul conscient de l'acteur et peut accueillir des motivations individuelles variées.
La critique méthodologique, tout en reconnaissant que l'homo œco-nomicus est un squelette formellement commode, déplore néanmoins son absence de chair qui fait du comportement rationnel une caricature grossière du comportement réel. égocentrique, omniscient, atemporel, il lui manque sa dimension altruiste (Wagner) et inconsciente (Freud), sa capacité de risque (Knight) et d'information (Stigler), son rôle historique (Lindahl) et innovateur (Schumpeter). Plus profondément (Simon, 1976), il obéit A  une - rationalité substantive -, qui ne rend compte que des résultats du choix, et non A  une - rationalité procédurale- qui décrit le processus de choix lui-mASme, dans ses aspects dynamiques. En fait, ces remarques oublient parfois que ces caractéristiques ne deviennent pertinentes que pour certains usages du modèle, et qu'en tout état de cause, nombre d'entre elles ont été inter-nalisées progressivement dans le modèle.
La critique empirique avance que le modèle de Yhomo œconomicus, malgré sa grande faculté d'adaptation, est en contradiction manifeste avec l'observation du comportement des agents concrets, consommateurs et surtout producteurs. Selon la formule consacrée : - toute ressemblance entre l'entreprise du modèle micro-économique et une entité historique, juridique ou sociologique doit AStre regardée comme une pure coïncidence - (Machlup, 1967). Ou encore : - la théorie de la firme, aujourd'hui présentée aux étudiants, est un produit qui, s'il était vendu, exposerait ses fournisseurs A  des poursuites en vertu du Trade Description Act- (Hannah, 1984). LA  encore, ces attaques présupposent que le processus de choix des acteurs est assez directement observable et s'adressent, en fait, A  un modèle décisionnel assez strictement spécifié plus qu'au modèle optimisateur plus général.


Statut du modèle optimisateur.


Malgré les critiques dont il est l'objet, le modèle optimisateur demeure une référence incontournable de toute théorisation économique (ir I, 3) et tend mASme A  devenir 1' - archiparadigme de l'analyse en sciences sociales- (Merquior, 1980). Au niveau individuel, il constitue le modèle central par rapport auquel les autres modèles de décision doivent obligatoirement se situer, tout comme leur incombe la charge de la preuve quant A  leur pertinence plus grande. Au niveau collectif, il forme la - brique élémentaire -, A  partir de laquelle s'échafaudent les modèles d'équilibres économiques, et suffisamment riche déjA  pour rendre compte, avec les conditions d'interaction entre agents, de propriétés globales. Il est, en fait, soutenu par divers types d'arguments, mASme si, lA  encore, ils ne précisent pas toujours A  quels niveaux de spécification ils se situent, ni pour quels usages du modèle ils sont significatifs.
Une première position épistémologique considère l'hypothèse de rationalité optimisante comme un présupposé quasi métaphysique, qui n'a pas A  AStre empiriquement testé, mASme s'il n'est pas empiriquement vide et peut AStre justifié théoriquement. Pour n Mises ou Hayek, il s'agit d'un principe a priori, dont la pertinence s'impose comme celle du principe de causalité, et fait que - l'expression " action rationnelle" est un pléonasme- (n Mises, 1949); pour Robbins, d'une hypothèse dont l'évidence saute aux yeux par la simple introspection ou l'observation immédiate d'autrui. Une justification particulière, soutenue d'abord par Alchian (1950), avance l'idée selon laquelle les agents optimisateurs survivent, dans un processus de sélection naturelle, aux non-optimisateurs (ir I, 2) ; cependant, ce raisonnement, qui présuppose l'existence d'agents désireux de - mieux faire - (des agents tous satisfaiseurs peuvent parfaitement cohabiter), n'est valable que dans un contexte économique é (des agents satisfaiseurs peuvent mieux s'adapter A  son élution), et, mASme sous ces restrictions (Chiappori, 1984), ne conduit pas forcément au résultat annoncé (des agents satisfaiseurs peuvent survivre au sein d'optimisa-teurs).
Une deuxième position épistémologique, la plus fréquente (partagée curieusement par Popper, 1967), considère le modèle de comportement optimisateur comme un postulat méthodologique particulièrement commode en l'absence d'alternative crédible, et qui doit AStre sauvegardé dans les tests s'appliquant A  ses conséquences indirectes, en attribuant toute déviation A  des hypothèses auxiliaires. Pour Fried-man, -tout se passe comme si- l'agent maximisait, A  l'image du joueur de billard qui optimise ses coups, de la te qui maximise sa surface d'ensoleillement ou de l'eau sanneuse qui minimise sa surface d'étalement (ir I, 2) ; pour Hempel ou Machlup, il s'agit d'un idéal type ou d'un concept limite analogue A  celui de gaz parfait et valable dans des conditions asymptotiques ou en première approximation. Une justification fréquente consiste A  remarquer que nombre de modèles déviants, comme le satisficing, peuvent, au moins formellement, AStre exprimés sous forme de maximisation avec des déterminants appropriés ; une seconde vise A  montrer qu'un agent déviant finit souvent, au terme d'un processus d'apprentissage, par converger vers une action optimale ; une troisième, enfin, met en évidence qu'un comportement satisfaisant ou régulier peut s'avérer optimal au sens d'un processus de méta-optimisation.
Une troisième position épistémologique affirme que le principe optimisateur est une hypothèse empirique directement tesle au niveau de l'agent et, pour ses partisans, qu'il n'est pas grossièrement en opposition avec les faits (du moins pas plus que les modèles concurrents). Pour Samuelson (1947), il induit chez le consommateur des restrictions définies sur les grandeurs observables, qui - pourraient AStre confirmées ou réfutées dans des conditions idéales d'observation -, et, pour les sociologues de l'entreprise, de Lester A  Simon, il peut mASme AStre confronté directement A  l'observation interne de leur fonctionnement. Cependant, si Friedman lui-mASme affirme hardiment qu'il est confirmé par l'essentiel du matériau empirique disponible, Day (1975) réplique que, pour ce qui concerne la fixation des prix, - la plupart des chefs d'entreprise non seulement utilisent une forme de mark-up, mais n'ont pas mASme entendu parler de ce que l'économie pense AStre pour eux la manière rationnelle de se comporter -.

Réfuilité de l'optimisation.

Le problème de la réfuilité du modèle optimisateur suppose que l'on précise au départ, d'un côté son niveau de spécification quant aux déterminants du choix, d'autre part son champ de validité en termes de contextes, de décisions et de décideurs. Sur ce point, le postulat habituel est de considérer qu'il s'applique aussi bien aux rats ou aux pigeons (Battalio et ai, 1981) qu'aux organisations sociales, grandes ou petites, en passant par tous les types d'individus, et - on ne peut pas mASme dire qu'un fou ne calcule pas - (Bentham, 1823). Becker (1976) insiste lorsqu'il affirme que -l'approche économique est suffisamment compréhensive pour s'appliquer A  tout comportement humain, qu'il fasse intervenir [] des décisions répétées ou des décisions rares, des décisions importantes ou des décisions mineures, des fins émotionnelles ou matérialistes, des riches ou des pauvres, des hommes ou des femmes, des gens intelligents ou stupides, des malades ou des médecins, des hommes d'affaires ou des politiciens, des professeurs ou des élèves -.
En fait, si l'on ne spécifie pas le modèle d'optimisation, il peut toujours rendre compte de tout comportement observable en adaptant les hypothèses complémentaires sur le processus décisionnel complet ou les hypothèses inférieures sur les déterminants, tant sont nombreux les degrés de liberté. D'une part, en s'en tenant au modèle rationnel, il est loisible d'expliquer tout écart en supposant en amont que l'agent possède des informations incomplètes ou imparfaites ou en aval, qu'il ne met pas en œuvre les actions retenues. D'autre part, au sein mASme du modèle optimisateur, toute divergence entre action prévue et observée peut AStre justifiée par des coûts implicites supplémentaires, des visions modifiées de l'environnement ou des utilités insoupA§onnées. Sans compter le recours ultime, deux actions n'étant jamais strictement simultanées, A  un phénomène d'apprentissage sur le processus de décision ou A  une élution des contraintes, des représentations et des préférences de l'agent, ire A  d'éventuelles erreurs de calcul.
En revanche, avec un modèle d'optimisation supposé sle et suffisamment spécifié quant A  certains déterminants, le modèle optimisateur devient réfule A  partir des seules observations des actions mises en œuvre ou sélectionnées dans un contexte donné. Ainsi, dans la théorie du consommateur, si l'on peut observer un ensemble de choix de paniers de biens dans diverses conditions de prix et de revenus, ils dérivent d'une optimisation s'ils obéissent A  l'axiome des préférences révélées ; si l'on connait la fonction de demande (qui correspond cependant A  une infinité non observable de choix), on peut lui associer une fonction d'utilité maximisée sous contrainte budgétaire si elle satisfait aux conditions de Slutsky. Dans la théorie du producteur, un comportement concurrentiel peut cette fois AStre testé en observant une de ses conséquences, par exemple qu'une taxe sur les profits ne proque ni changement de niveau de production ni répercussion sur les prix. D'ailleurs, en s'en tenant A  l'axiomatique classique de choix en situation de certitude ou d'incertitude qui donne naissance au modèle optimisateur, les axiomes (complétude, transitivité, continuité, indépendance) sont généralement réfules de faA§on indépendante (ir II, 1 et II, 6).
De fait, de nombreux tests négatifs ont été obtenus dans diverses expérimentations de statique pure ou ative (arbitrage d'un consommateur entre biens différents, entre biens présents et futurs, entre biens aléatoires ; choix d'un producteur dans des contextes variables quant aux prix, A  la demande, A  la fiscalité) ; mais ils sont le plus souvent considérés comme insuffisants pour réfuter le modèle, soit que l'on escompte que l'agent modifie son action si l'on identifie la violation d'un axiome, soit que l'on minimise les déviations observées. Pour Samuelson (1947), -les modifications qui seraient apportées A  la théorie [du choix] si l'une de ses hypothèses se trouvait AStre fausse empiriquement seraient probablement très faibles-. En fait, des résultats négatifs répétés ont surtout conduit A  remplacer les modèles de décision existants par des modèles plus généraux (donc moins réfules), et non par des modèles concurrents (ir I, 5). Ainsi, l'existence pour un consommateur de - biens inférieurs - a conduit A  passer d'une fonction d'utilité séparable A  une fonction moins restrictive ; de mASme, le paradoxe de Saint-Pétersbourg, pour le choix en incertitude, a conduit A  passer du critère d'espérance de gain A  celui d'espérance d'utilité du gain (ir II, 6).



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