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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Vers la neutralité de la pensée économique ?



Vers la neutralité de la pensée économique ?
Le lecteur attend peut-AStre ac quelque spéciale curiosité la partie de ce livre qui doit AStre consacrée aux doctrines les plus modernes. Il a hate sans doute de savoir sous quelle forme l'héritage des dirses traditions que nous avons évoquées s'est cristallisé pour notre siècle. En ce cas le présent chapitre le décevra. La tache qu'impliquerait son déloppement excède la témérité dont je me sens capable. Le recul nous manque encore pour savoir dégager judicieusement les grandes lignes de la pensée économique moderne. L'histoire est l'étude du passé, non celle du présent. Plus il y a de documents, moins elle est facile A  faire. Il n'est pas de meilleurs auxiliaires de l'historien que le feu, les souris et le temps, qui choisissent pour lui, parmi les œuvres d'une époque, celles qui devront passer A  la postérité.


Aussi bien, du point de vue de l'histoire des doctrines proprement dites, doutons-nous que la période qui commence en 1870 présente autant d'intérASt que celle qui l'a précédée. Elle a connu un grand essor de la théorie économique rationnelle ; elle a fait faire des progrès considérables A  la science économique positi ; mais de moins en moins d'auteurs ' semble-t-il ' s'y sont préoccupés d'intégrer une explication vraiment scientifique des phénomènes économiques A  quelque conception vraiment large et générale de l'homme et du monde. Une brè esquisse nous suffira pour illustrer cette perspecti.


L'essor moderne de la théorie économique

L'économie théorique a été renoulée par la décourte en 1871 de la notion d'utilité marginale. Cette décourte ' chose curieuse ' trois auteurs l'ont faite A  peu près simultanément, en trois pays différents, et tout A  fait indépendamment les uns des autres : l'Anglais Stanley Jevons, le FranA§ais Léon Walras (qui enseignait A  Lausanne), et le professeur viennois Karl Menger. Un individu qui consomme plusieurs doses successis d'un mASme bien économique trou A  la consommation de chacune d'elles une satisfaction décroissante ; or c'est la satisfaction que procure la dernière dose consommée ' la moins utile ' qui détermine la valeur du bien. Tel est le principe qui domine toute la théorie économique moderne. Il renoulle toutes les perspectis de la pensée économique. Les controrses désormais n'ont plus de raison d'AStre, qui opposaient jusqu'alors les partisans de la valeur-utilité (comme Jean-Baptiste Say), les partisans de la valeur-travail (Ricardo) et les partisans de la valeur-rareté (Auguste Walras). Il n'y a plus A  choisir entre ces différents fondements de la mesure de la valeur, puisqu'un seul concept les inclut tous les trois. L'utilité marginale, c'est en effet une mesure psychologique de la valeur ; mais qui dépend de la quantité de produits consommés ; laquelle dépend elle-mASme de leur coût (dont le travail en eux incorporé constitue un élément). A partir de la décourte du principe marginaliste (1), on peut considérer comme résolu le problASme de la valeur. Et la théorie économique est dotée d'un instrument nouau, aux destinées incalculables : l'analyse A  la marge.
Il s'en faut cependant que toutes les virtualités de la décourte de l'utilité marginale aient été du premier coup déployées. Chacun de ses trois innteurs est A  l'origine d'une école d'économistes.
Celle de Walras, que l'on appelle sount - école de Lausanne - se caractérise essentiellement par l'emploi de la méthode mathématique ' et plus précisément de l'algèbre ' en économie politique. A peine Walras a-t-il posé le principe du fondement subjectif de la valeur, qu'il abandonne toute considération psychologique pour étudier objectiment comment se définit l'équilibre du marché. Un économiste qui ne connaissait pas encore le principe de l'utilité marginale ' le FranA§ais Augustin Cournot ' avait imaginé déjA  d'appliquer les mathématiques A  la théorie - des richesses -. Walras va mettre le marché en équations. Il élira qu'il y a autant d'équations que d'inconnues et que par conséquent l'équilibre du marché est déterminé. On peut estimer que les équations de Walras illustrent l'équilibre économique plutôt qu'elles ne le démontrent, et que les mathématiques lui fournissent un langage plutôt qu'une méthode. Mais ce langage, l'école de Lausanne professe qu'il convient essentiellement A  l'étude des phénomènes économiques, qui sont des phénomènes quanti-fiables : offres, demandes, prix. Et le recours A  l'algèbre est nécessaire si l'on ut pouvoir exprimer des relations fonctionnelles, des relations d'interdépendance, et non pas des relations causales. Prenons par exemple la question des rapports entre le coût et le prix. Les classiques enseignent que le coût est la cause du prix ; Menger et son école, que le prix est la cause du coût. Grace A  l'algèbre, les économistes de l'école de Walras peunt écrire que le coût égale le prix, sans préjuger comment cette égalité s'élit, ni par quelles relations, réciproques ou A  sens unique.
Par rapport A  l'ensemble des doctrines continentales du xix1 siècle l'œuvre de Walras marque un retour A  la théorie abstraite et donc aux classiques anglais. Walras hérite de leur méthode déducti et de leur notion d'un équilibre statique ; mais il ne partage ni leur conception de la science, ni leur philosophie individualiste. Du point de vue épistémologique et métaphysique, Wal-ras serait A  rapprocher de l'idéalisme scientifique d'un Henri Poin-caré, ac lequel il a correspondu et qui l'a encouragé dans son entreprise. Du point de vue pratique, il n'est pas libéral, mais réformiste. Comme théoricien sans doute, A  l'instar des classiques, il se borne A  l'étude du marché parfait de concurrence. Mais il professe par ailleurs des idées coopératistes et socialisantes, qui n'ont rien de très original, et qui ne se raccordent pas clairement A  sa théorie de l'équilibre économique. Walras s'est peu préoccupé de réunir l'art A  la science économique en une - doctrine -.
Le successeur de Walras dans sa chaire de Lausanne est aussi bien le continuateur de son œuvre : l'Italien (fils d'une FranA§aise) Vilfredo Pareto. Mathématicien comme Walras, Pareto s'est efforcé d'affranchir la théorie économique de tout postulat psychologique, et donc de construire une théorie pure des richesses qui se passe totalement de toute théorie de la valeur (qui soit wert-frei, comme diront les Autrichiens). Il s'agit de partir non plus d'une mesure subjecti des utilités, mais de la constatation objecti de préférences qui se traduisent par des choix. C'est dans cette intention que Pareto substitue des - lignes d'indifférence - aux courbes d'utilité que traA§ait Walras. D'autre part, tandis que Walras n'avait étudié que l'hypothèse de l'économie de marché ' qu'il paraissait croire seule susceptible d'analyse scientifique ' Pareto élargit le domaine de la théorie pure. Il en construit une des - systèmes socialistes -. Il entend démontrer que beaucoup de catégories du régime capitaliste se retrouraient nécessairement en régime socialiste, en particulier l'intérASt du capital. Mais Pareto, qui a donné A  la construction de l'école mathématique une précision théorique jusqu'alors inconnue, qui a joué A  fond le jeu théorique, reste en fin de compte sceptique sur la capacité de son propre système A  rendre compte du réel. On a beau multiplier les - approximations successis -, la vie ne se laisse pas aisément embrasser de nos rigides instruments d'analyse intellectuelle. La théorie économique ne saisit qu'une portion ' et non pas tant s'en faut la plus importante ' de la réalité humaine. Elle rend compte de ce que serait l'activité des hommes s'ils agissaient toujours logiquement. Mais ' Pareto en est de plus en plus frappé ' la plupart des actions humaines sont des actions - non logiques -. Elles relènt de - résidus - psychologiques irrationnels, qui donnent naissance A  des - dérivations - fallacieuses. Pareto se complait A  dénoncer partout la logique de l'habitude et celle de la passion, A  mettre en lumière le rôle des sentiments, des mythes, des superstitions dans la vie et dans l'histoire. Il possède une érudition classique, philosophique, historique inable. Dans sa retraite de Céligny, non loin de Genè, il consacre toutes ses journées A  l'étude et A  la méditation. Il ne reste pas cantonné dans l'économie théorique : il conA§oit une doctrine générale, qui s'exprime surtout dans son Traité de sociologie de 1916. Elle respire la passion de la science définie comme une attitude d'objectivité pure, d'impassibilité totale, d'impartialité systématique. Pareto affecte de jouer le rôle du spectateur attentif et désintéressé qui assiste de très haut aux remous de l'histoire humaine. Tandis qu'il répudie toute connaissance autre que purement - scientifique -, il abandonne aux - résidus -, aux sentiments, aux passions le domaine de l'action (2). Et lui qui se défend de toute - mystique - montre une grande faur pour le fascisme italien ' non moins extérieure, mais non moins décidée que celle de Maurras pour le catholicisme. Et donc Pareto, auquel l'économie pure doit l'essentiel de ses modernes progrès, adhère A  un moument volontariste, et qui tend A  réduire l'autonomie du domaine économique, et A  le subordonner ! Non plus chez Pareto que chez Walras, la théorie économique ne commande la doctrine ni ne s'y laisse aisément intégrer.
Et pourtant la théorie mathématique de l'équilibre économique général ' c'est-A -dire le genre qu'ont innté Walras et Pareto ' présente peut-AStre plus d'intérASt doctrinal, pédagogique et philosophique, que de fécondité scientifique. Je doute un peu que l'on parvienne jamais ' par la méthode la plus abstraite appliquée A  la réalité la plus complexe (3) ' A  faire beaucoup de chemin dans la voie d'une connaissance plus exacte de la réalité économique. En revanche, le maniement des grands schèmes généraux de l'équilibre constitue sans doute pour l'économiste débutant une indispensable gymnastique intellectuelle. Et l'existence anomalique d'une économie politique pure, mathématique
' alors qu'aucune autre science de l'homme ne songe A  revAStir cette forme ni A  user de ce langage ' pose A  l'épistémologie comme A  la philosophie du déterminisme et de la liberté un problème captivant, leur ouvre de passionnantes perspectis.


Tandis que Walras, après avoir posé le principe de la valeur égale A  l'utilité du dernier besoin satisfait, s'oriente tout de suite rs l'étude objecti des mécanismes du marche, l'école de Vienne, qui procède de Karl Mengcr, cherche A  approfondir l'analyse psychologique de la valeur. Elle repousse le langage mathématique, qui ne peut traduire que des phénomènes de masse. Elle se propose de disséquer les mobiles intimes de la conduite économique individuelle. Au lieu que Walras considère les phénomènes économiques sous l'angle de la quantité (offres, demandes, prix, coefficients de fabrication, etc.), l'école autrichienne use de catégories qualitatis (utilité, désutilité, succédanéité, complémentarité, etc.). Cependant que Walras entend remplacer en économie politique la notion de cause par celle de fonction, les Autrichiens analysent la genèse psychologique des actes économiques.
Ce n'est point toutefois par rapport A  l'école de Lausanne que celle de Vienne a d'abord cherché A  se définir elle-mASme. Historiquement, elle procède d'une double réaction. Sur le méthodologique d'abord, une réaction contre l'école historique allemande (4) : en face du relativisme de Schmoller, Menger entreprend une vigoureuse réhabilitation de la théorie économique ; et donc des classiques anglais. Puis en un second temps, sur le théorique, il réagit contre les classiques anglais : A  rencontre de la valeur-travail ; et du principe du prix naturel déterminé par le coût de production, il affirme le caractère subjectif de la valeur.
La valeur vient de l'homme et non des choses. Elle reflète la satisfaction que leur consommation nous procure, non la quantité de facteurs productifs qu'exige leur fabrication. Pour Karl Menger, la valeur des facteurs de la production (c'est-A -dire le taux des salaires, de l'intérASt, de la rente) n'est qu'un reflet de celle des produits, alors que selon la théorie classique anglaise, c'était la valeur des produits qui dépendait des facteurs productifs en eux incorporés.
Chez les classiques la valeur descend ; pour les marginalistes autrichiens elle remonte. On peut dire que l'école de Lausanne s'oppose aux classiques comme Einstein ou mASme Newton A  l'astronomie antique ; et que l'école autrichienne a renrsé la théorie classique de la valeur déterminée par le coût de production comme Galilée le système de Ptolémée.
Pourtant, au fur et A  mesure que progresse l'école autrichienne, l'affirmation du caractère subjectif de la valeur passe au second ; et l'on assiste surtout A  une extension progressi de l'emploi du raisonnement A  la marge, dans toutes les branches de la théorie économique.
C'est par lA  que se caractérise l'œuvre de von Wieser, lequel étend A  la théorie de la productivité des facteurs le principe mar-ginalistc qui présidait depuis Menger A  celle de l'utilité des produits. Alors la théorie de l'utilité marginale cesse de s'opposer A  celle qui mesure la valeur par le coût de production. Le coût et l'utilité sont comme les deux lames d'une mASme paire de ciseaux. La valeur d'un produit égale A  la fois son utilité marginale et son coût marginal de production : les mécanismes du marché règlent le volume de la production de telle faA§on que l'une et l'autre coïncident.
Wieser ure la transition entre la première et la seconde école de Vienne. La pente qui va de l'une A  l'autre ressemble fort A  celle le long de quoi l'école de Lausanne elle aussi évolue de Walras A  Pareto. Les néo-marginalistes (5) ' que les travaux de M. FranA§ois Perroux rendenl accessibles au public franA§ais ' se proposent d'abord, comme Pareto, d'affranchir la théorie économique de tout postulat philosophique. A l'origine, le marginalisme viennois avait les mASmes sources philosophiques que le classicisme anglais. La doctrine économique de Menger et de Bôhm-Bawerk était un prolongement du benthamisme (6), plus authentique encore que la théorie anglaise elle-mASme. Ce qui est benthamien dans le classicisme, c'est le principe de l'harmonie des intérASts, c'est Adam Smith : antérieur A  Bentham et qui l'a inspiré. En revanche celui parmi les classiques que les benthamites ont le plus poussé, Ricardo, professe une théorie de la valeur qui n'est rien moins qu'hédonistique. Et cela s'explique sans doute parce que Ricardo n'est point philosophe. En substituant l'utilité marginale A  la quantité de travail comme principe de la valeur, Menger et Bôhm-Bawerk avaient corrigé cette inconséquence. La théorie économique viennoise semblait liée A  la psychologie hédonistique, A  l'arithmétique des plaisirs, A  la psycho-physique, A  toutes ces efflorescences de l'atomisme benthamien que les psychologues modernes ne regardent plus que comme des pièces de musée. En somme les théories économiques les plus modernes s'appuyaient sur les théories psychologiques les plus vieillies. II était certes permis de penser que la mesure des plaisirs et des peines, impropre A  fonder une psychologie générale et plus encore une morale, conservait ou retrouvait cependant une sorte de validité réfugiée dans ce domaine inférieur de l'activité humaine qu'est l'activité économique. Mais ac plus d'apparence, on pouvait aussi bien insinuer que les économistes, qui sont sount gens de peu de culture générale, étaient tout simplement en retard sur les progrès de la psychologie. Les néo-marginalistes (7) ont tenu A  parer A  ce soupA§on possible. Ils ont voulu montrer que la théorie économique marginaliste n'impliquait aucun postulat hédonistique. De mASme que Pareto avait substitué des lignes d'indifférence aux courbes de rareté de Walras, de mASme les néo-marginalistes substituent des échelles de préférence aux mesures de l'utilité que pratiquaient les premiers marginalistes (8).
A l'instar aussi bien de Pareto, la seconde école de Vienne élargit le domaine de la théorie économique, au-delA  et au-dessus de l'hypothèse du marché de concurrence. Elle s'efforce de construire une théorie économique - fondamentale - qui serait applicable A  tous les régimes économiques - pensables - : substrat omnivalent de toute économie réelle ; ensemble des notions, des catégories, des fonctions, des lois économiques irréductibles, qui seraient communes au capitalisme, au socialisme, au corporatisme, A  tous les systèmes et A  toutes les situations imaginables.
Enfin Karl Menger et Bôhm-Bawerk étaient, comme les classiques, libéraux. Pour eux l'économie de marché, seule susceptible d'analyse scientifique, était aussi seule conforme aux enseignements de la science. Leur théorie économique avait des intentions manifestement apologétiques. Les néo-marginalistes au contraire se défendront vigoureusement de tirer de leurs analyses théoriques aucune conclusion d'art économique. Il ne s'agit plus pour eux de prour que la libre concurrence engendre le maximum d'ophelimité (9) et le maximum de justice. Et qu'est-ce d'ailleurs que le maximum social d'ophelimité. dès lors que les échelles d'utilités des différents individus sont incommensurables ? Qu'est-ce que la justice, si la valeur est subjecti ? La théorie économique se dépouille ac les néo-marginalistes de tout caractère normatif et de tout finalisme. Elle devient neutre en morale et en politique, comme en psychologie. Elle vise A  l'objectivité pure. La seconde école de Vienne est une école scientifique. Elle n'a plus ' elle prétend en tout cas de plus avoir ' de doctrine.
Le troisième groupe de théoriciens issus de la décourte de 1871, c'est l'école anglaise, c'est-A -dire principalement l'école de Cambridge. Un grand nom la domine : celui d'Alfred Marshall. Mais les Anglais qui tiennent si fort aux traditions répugnent A  l'orthodoxie. De Pigou A  Robbins (10) et de Hawtrey A  Keynes, les dirgences sont nombreuses : elles ne portent pas seulement sur des points de doctrine particuliers, mais sur les tendances générales. Et de l'école anglaise on peut encore rapprocher tout le courant qui se rattache aux Etats-Unis A  John Bates Clark, et en Scandinavie A  Wicksell et A  Myrdall (11).
La plupart des économistes anglais ' A  la suite d'Alfred Marshall ' refusent d'opposer l'utilité marginale A  la construction classique. Pour eux le marginalisme n'est qu'un perfectionnement du système de Ricardo et de Stuart Mill. Les Anglais de l'école de Cambridge recourent volontiers aux mathématiques. Mais de préférence A  l'algèbre ils utilisent la géométrie, non seulement comme mode de uration de la théorie, mais comme méthode de raisonnement. Les Principes d'économie politique de Marshall, qui ont paru en 1890, sont remplis de ures de géométrie. Courbes d'utilité marginale, courbes de coûts marginaux, de coûts moyens, de coûts totaux, de demandes, d'offres, de recettes marginales, tels sont les instruments de raisonnement des auteurs anglais. Et les différentes courbes ainsi utilisées délimitent des surfaces qui ont elles-mASmes une signification économique. Cette substitution de la géométrie A  l'algèbre témoigne chez les économistes anglo-saxons d'un souci de parler aux yeux plutôt qu'A  l'esprit, et de fournir une vision suggesti de l'équilibre économique, au lieu d'en démontrer seulement l'existence au bout d'un long raisonnement discursif.
Le souci du concret inspire constamment la démarche intellectuelle des économistes anglais. Pour eux l'économie politique mASme théorique est appelée A  guider la politique économique. Le but de leurs travaux, c'est toujours plus ou moins de trour les recettes du welfare, du bien-AStre des hommes. 11 s'agit beaucoup moins de contempler les harmonies économiques unirselles ou de définir l'équilibre économique général, que de découvrir certaines lois de détail, directement applicables A  l'interprétation du réel et A  l'action sur le réel. Pour cela, il ne faut pas acheter une précision théorique superflue au prix d'une complication excessi des hypothèses ou d'une élévation trop grande du point de vue. C'est A  un tel souci que répond sans doute la méthode chère A  Marshall dite de - l'équilibre partiel -. Elle consiste dans l'étude d'un problème limité, dont on ne retient que les données les plus directes et les plus importantes, en supposant arbitrairement les autres immobiles et neutres. C'est ainsi qu'on analysera l'effet d'un droit de douane sur les grains importés en Angleterre en supposant qu'il fait varier seulement la quantité et le prix du grain consommé et produit en Angleterre : donc en négligeant les répercussions qu'il entraine par le jeu de la succédanéité et de la complémentarité sur l'offre et la demande des autres marchandises. C'est ainsi encore que fréquemment, pour dresser la courbe des demandes d'un produit, on suppose que l'utilité marginale de la monnaie ne varie pas quelle que soit la quantité de ce produit qu'achète l'individu ou la collectivité étudiés. Pour pratiquer cette méthode ac fruit, on est amené A  raisonner sur des secteurs étroits du champ de l'activité économique : sur un individu, sur une entreprise, sur une année. On peut alors, sans trop trahir la réalité, négliger un certain nombre de facteurs, et dégager des relations simples et approximatis entre le petit nombre de ceux qui restent dans ces conditions prépondérants.


Une autre caractéristique des Anglais, qui reflète encore leur répugnance A  l'abstraction pure, c'est que volontiers ils intègrent aux hypothèses de la théorie économique des données sociologiques, ou des données irrationnelles de la psychologie collecti, telles que par exemple l'attachement des ouvriers au montant nominal de leurs salaires, et d'une faA§on générale l'importance du prix exprimé en monnaie. Tandis que Walras se place ' du moins au point de départ de sa construction ' dans l'hypothèse du troc, les Anglais font toujours internir la monnaie dans leurs raisonnements, et lui prAStent un rôle actif et primordial. C'est dans le domaine de la monnaie, du crédit et de la politique monétaire et bancaire que les théoriciens anglais ont fait faire A  la science économique le plus de progrès. Et les vues noulles qu'ils apportent se recommandent par la finesse plus que par la rigueur. L'opinion, les oscillations d'humeur du public jouent un grand rôle pour la pensée économique anglaise. Une telle tendance est particulièrement nette chez un Keyncs, qui fait de l'anticipation des bénéfices ou des pertes A  nir l'un des facteurs des courbes d'offre et de demande qui sernt de base A  sa théorie de l'équilibre.
Par sa méthode essentiellement déducti, par son langage mar-ginaliste, par l'essentiel aussi bien de ses conclusions, l'école anglaise se rapproche étroitement de celle de Lausanne et de celle de Vienne. Elle s'en distingue en revanche par ce contact qu'elle garde toujours ac la réalité concrète, et qui reflète sur notre terrain les tendances générales de l'esprit anglo-saxon. Grace A  sa méthode de l'équilibre partiel, A  son souci constant des conclusions pratiques, l'école anglaise échappe au soupA§on de stérilité qui pèse sur la théorie mathématique de l'équilibre général, et sur les subtiles disputations des professeurs viennois. Et les théoriciens de l'école anglaise n'ont pas, A  l'instar de Parelo et des néo-marginalistes autrichiens, délibérément tenté de purger leur science de tout arrière- philosophique. Ils ne sont pas assez systématiques, ils sont trop traditionalistes pour cela. Mais ils n'ont guère de préoccupations philosophiques. Leur doctrine ' qui reste la plupart du temps sous-entenduc ' n'est ni bien profonde ni bien noulle : c'est encore l'hédonisme humanitaire et le déterminisme optimiste d'Adam Smith. Les progrès modernes de la théorie ont conduit l'Angleterre A  de nombreuses et précieuses recettes d'art économique, principalement dans le domaine monétaire ; ils n'ont point informé une doctrine noulle, au large sens que nous donnons A  ce mot.
L'essor considérable des études théoriques, l'élaboration d'une théorie économique noulle, unirselle, indiscutée ' bien que des nuances subsistent entre les écoles ' est sans doute le trait caractéristique essentiel de la période qui s'est écoulée entre la décourte du principe de l'utilité marginale et notre temps. Beaucoup de théoriciens pensent mASme ac l'Anglais Hicks que la construction de la théorie économique pure n'est pas loin d'AStre terminée. Gardons-nous de les en croire trop vite ! Il n'y a pas cent ans que déjA  Stuart Mill disait la science économique presque achevée : seule l'école classique anglaise approchait de sa fin. Partisans et critiques avaient sans doute épuisé toutes les virtualités de ses catégories et de ses hypothèses. Une fois que l'on a complètement labouré un champ clos, il faut changer de terrain ; une fois que l'on a poussé la discussion d'un problème jusqu'A  l'enfermer en des sophismes qui le rendent insoluble, il faut de nouau brouiller les sectiunes. Le monde attend l'économiste de génie qui bientôt peut-AStre s'en chargera.


LE DéVELOPPEMENT MODERNE DE LA SCIENCE éCONOMIQUE POSITIVE

Les études économiques se sont encore déloppées, au cours de la période moderne, dans une autre direction. Grace aux progrès de la documentation statistique et des méthodes d'élaboration des statistiques, une économie positi s'est constituée, dont il nous faut maintenant évoquer les traits. Tandis que les écoles théoriques visent A  faire de l'économie politique une science rationnelle, celles dont nous allons maintenant parler l'ont voulu constituer en science expérimentale sur le modèle des sciences de la nature. Il s'agit d'éliminer le raisonnement de la discipline économique, de la faire reposer exclusiment sur la constatation de séquences régulières de phénomènes économiques. L'ambition scientifique des économistes positivistes dépasse celle de l'école historique allemande ; ils ne visent pas seulement A  enregistrer des faits, mais A  découvrir des lois, des relations générales et nécessaires entre les phénomènes. Seulement, ces lois, ils se prétendent borner A  les constater, sans chercher A  les comprendre ni A  les expliquer.
L'économie positi a deux grands foyers de culture : la France et les Etats-Unis. En France, elle procède essentiellement de la tradition positiviste d'Auguste Comte, dont la sociologie durk-heimienne est directement inspirée. Aux Etats-Unis, elle se rattache A  l'influence de l'école historique allemande, qui depuis 1880 est prépondérante outre-Atlantique.
En France, le plus grand nom de l'économie positi est celui de FranA§ois Simiand (12). Philosophe et non pas économiste de formation, Simiand professait un déterminisme scientiste et un monisme épistémologique qui devaient le conduire A  traiter des sciences sociales A  la manière des sciences de la nature. C'est sans doute pour faire la preu de la fécondité d'une méthode dont sa philosophie affirme la vocation unirselle qu'il s'est engagé dans les études économiques. Deux phénomènes surtout l'attirent parce que l'étude purement objecti des faits y semble susceptible de conduire A  des conclusions certaines que jamais le raisonnement n'eût suffi A  fonder : l'influence de la production de l'or sur les prix, et la conjoncture. En FranA§ois Simiand. l'homme est socialiste, syndicaliste, conseiller de la CGT. C'est lA  le domaine de l'action : du sentiment. Mais l'économiste conclut statistiques en main que les grès et l'action syndicale sont sans influence nole sur l'évolution des salaires, laquelle obéit A  d'autres lois. On sent qu'une préoccupation de méthode hante Simiand A  chaque pas de sa recherche. Il n'a qu'une idée préconA§ue : celle de n'en pas avoir. Sa doctrine, c'est qu'il ne faut plus de doctrines en économie politique.
L'école positiviste américaine bénéficie d'un outillage statistique et d'une ambiance de laboratoire inconnus en Europe. Elle a pour chef Weslcy C. Mitchell. C'est de l'activité scientifique de Mitchell qu'est issu le Comité de Harvard dont les efforts pour prévoir les crises économiques ont déclenché toute une série de controrses et inspiré ' non pas toujours heureusement, mais comme il est facile A  ceux qui disposent de recul pour juger de se montrer sévères ! ' la politique monétaire des Etats-Unis entre les deux guerres. Les différents - Instituts de Conjoncture - qui ont été fondés en différents pays ' celui de Berlin, qu'anime le porfesseur Wagemann ; celui de Louvain qu'illustre le nom du professeur Baudhuin ; enfin le dernier en date, l'Institut de Conjoncture franA§ais confié A  M. Sauvy (13) ' procèdent de cette influence.
Les économistes positifs d'outre-Atlantique sont beaucoup moins préoccupés que leurs émules de l'Ancien Continent de faire la philosophie de leur méthode. Ils n'ont point comme eux l'habitude de présenter leurs recherches positis comme des arguments contre l'économie rationnelle. Pour eux, il n'y a pas d'opposition entre la théorie et la science expérimentale (14). Les mathématiques sernt A  élaborer les statistiques tout comme A  préciser les conditions théoriques de la formation des prix et de l'équilibre des marchés. Par leur intermédiaire, il faut viser A  opérer la jonction de la théorie et de la science expérimentale, dont les démarches respectis ne sont point parallèles, mais conrgentes. Henry Ludwell Moore cherche A  construire une - économie synthétique - ; une telle ambition est celle, aussi bien, des économètres.
En attendant, théorie et science positi économiques modernes se rencontrent en ceci, qu'elles tendent l'une et l'autre A  se passer de tout postulat philosophique, et A  dépouiller tout élément subjectif. Ce n'est lA  certes qu'une tendance. Jamais une pensée ne saurait AStre tout A  fait timentée ni tout A  fait impersonnelle. Mais l'objectivité pure est ce que théoriciens et économistes positifs modernes s'accordent A  tenir pour l'idéal A  poursuivre. Ils ne cherchent pas A  s'exprimer eux-mASmes dans leurs travaux économiques, mais A  enrichir la science de noulles décourtes, qui puissent ensuite passer dans le patrimoine consolidé d'une discipline exacte et commune.


DéCLIN DE LA DOCTRINE ?

Ainsi beaucoup d'économistes modernes se défendent d'avoir une doctrine, ou bien avouent leur impuissance A  la formuler. Plutôt que des disciples, ils forment des élès : qui leur doint une méthode plutôt qu'une orientation idéologique. Cantonnés dans la théorie pure ou les travaux scientifiques précis et impartiaux, ils abandonnent volontiers aux autodidactes ou aux profanes le domaine des réflexions générales ou des grandes controrses. Lisez le beau petit livre de G. Pirou sur Les Doctrines économiques en France depuis 1870 : vous n'y trourez, parmi tant d'auteurs étudiés, qu'une minorité infime d'économistes professionnels. Et c'est pourquoi peut-AStre la plupart des doctrines modernes ne font guère que prolonger, en les adaptant plus ou moins A  d'autres conditions historiques, celles du passé. Elles intègrent rarement les apports récents de la science économique. Les auteurs de doctrines ' qui pullulent, mais de nos jours sont sount des philosophes (15), des publicistes, des journalistes ou des hommes d'action, et non point des économistes ' les ignorent le plus sount. Il semble qu'il se soit produit, depuis trois générations, une sorte de séparation entre les savants d'une part, de l'autre les penseurs et les hommes d'action. Cela peut-AStre a servi momentanément les progrès de la science, mais tend A  stériliser la doctrine (16).


La plupart des chefs et des doctrinaires du socialisme moderne ont presque tout ignoré des progrès récents de la science économique et de la théorie marginaliste. Ils se contentent ordinairement de thèses très superficielles, sans solide fondement économique, sans grande portée doctrinale. Pendant ce temps, des auteurs plus ou moins extérieurs au moument socialiste, comme Lederer, Karl Landauer, Dickinson, M. Robert Mossé se sont proposé d'édifier une théorie économique du socialisme. Ac eux le socialisme devient une construction logique A  partir d'un faisceau d'hypothèses particulières (étatisation des biens capitaux, ification de la production) ; donc une branche de la science plutôt qu'une doctrine. Contre eux MM. Ludwig von Mises, Hayek, Halm ont essayé de démontrer le caractère logiquement boiteux de tout système intermédiaire entre le communisme intégral et l'économie de concurrence bilatérale ; et qu'A  défaut d'un marché libre des produits, des facteurs productifs, et des biens capitaux, les préférences des consommateurs ne peunt aucunement s'exprimer, ni orienter la production. Ces intéressantes controrses sont restées méconnues des hommes qui occupent l'avant-scène de la pensée socialiste. Depuis Karl Marx (prolongé par Lénine) on ne saurait dire qu'aucune grande doctrine socialiste ait vu le jour. Si ce n'est peut-AStre celle de M. Henri de Man ? Mais elle s'appuie encore sur le marxisme dont elle prend le contrepied, et qu'elle s'efforce A  dépasser.
Le libéralisme de type classique a survécu A  la théorie de Smith et de Ricardo. Mais rares et isolés sont les auteurs qui comme M. Ludwig von Mises ou M. Walter Lippmann, se sont préoccupés de fonder la doctrine de l'abstention de l'Etat sur la théorie économique moderne, ou de l'adapter aux conditions noulles qu'entraine l'extension spontanée du monopole privé.
Parmi les - écoles intermédiaires -, on pouvait distinguer, avant la guerre de 1914, des réformistes, des solidaristes, des coopéra-tistes, des chrétiens sociaux A vrai dire, il s'agit lA  de courants plutôt que de doctrines A  proprement parler. En tout cas, la base scientifique de ces dirs témoins de l'aspiration rs une - tierce solution - est restée extrASmement ténue. Les auteurs de ces dirses écoles ont rarement eu des connaissances économiques approfondies. Ou bien ils se sont abandonnés A  quelque opportunisme sans contenu intellectuel, ou bien ils s'en sont tenus A  des schèmes doctrinaux qui procédaient de principes moraux et juridiques, et ne parnaient pas A  rejoindre la réalité économique.
Et sans doute, dans le secteur des - doctrines intermédiaires - un effort beaucoup plus sérieux du point de vue scientifique a été fait entre les deux guerres. Le corporatisme, issu de préoccupations essentiellement politiques et prolongé de réalisations dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles répondent fort mal aux intentions proclamées, a cependant trou parmi les économistes des défenseurs qui se sont efforcés de lui donner l'aspect d'une doctrine économique élaborée. Certes ni Gottfried Fcder, l'auteur des dix-huit points du programme économique du parti national-socialiste, ni mASme Ugo Spirito, le théoricien du régime économique fasciste italien, ne sont des économistes. Mais en Italie et en Allemagne, des professeurs, économistes qualifiés, ont entrepris de construire une doctrine économique corporatiste, intégrée A  une philosophie générale (Weltanschauung), et appuyée sur la théorie économique la plus moderne. Luigi Amoroso, par exemple, a construit la théorie pure du corporatisme, ac les instruments d'analyse du néo-marginalisme. Mais fascisme et national-socialisme ' dans la mesure où on peut leur définir une pensée organique ' sont des philoso-phies de l'histoire et des philosophies politiques plutôt que des doctrines économiques. L'un et l'autre préconisent d'ailleurs la subordination de l'économie au politique, professent un relativisme intégral en matière économique, nient l'existence des lois économiques naturelles et voudraient réduire notre discipline A  n'AStre qu'un art. Ce sont des doctrines anti-économiques.
En France, tous les anciens courants doctrinaux ont continué d'avoir leurs représentants, A  la pensée plus ou moins teintée d'éclectisme et pour autant quelque peu décolorée ' plus ou moins adaptée aussi aux progrès de la théorie et aux modifications de structures économiques. Mais ce ne sont lA  que des replatrages. Un nom peut-AStre vient A  l'esprit du lecteur, celui de Georges Sorel dont l'œuvre émerge en cette période où ' relatiment au siècle précédent ' l'économie politique franA§aise manque manifestement de relief. La pensée de Sorel, apôtre de la violence, théoricien du mythe social, doctrinaire du moument et de l'action révolutionnaires, est un mélange de marxisme et de bergsonisme. Elle reflète surtout un vigoureux tempérament. Elle doit peu A  l'économie politique. Pour beaucoup Sorel est un maitre de vie ; on en ferait déjA  plus difficilement un maitre A  penser. II n'est pas un auteur de doctrine économique.
Depuis la crise de 1929, la secousse subie par le capitalisme, le déloppement de l'interntion de l'Etat ont provoqué un courant d'opinion en faur d'une formule noulle, A  vrai dire assez mal définie : - l'économie dirigée -. Dans un livre de 1934 (17), M. Noyelle a proposé une doctrine - directionniste -. M. Noyelle commence par faire la critique interne de l'- utopie libérale -, qui repose sur quatre principes : l'intérASt personnel, la liberté, la concurrence, la responsabilité. Construction boiteuse, car l'intérASt personnel peut fort bien inciter les hommes A  user de leur liberté pour limiter la concurrence et éviter la responsabilité. Laissé A  ses seules forces, le système n'est pas équilibré. L'Etat intervient alors nécessairement. En fait, M. Noyelle montre qu'en 1933 ni la production, ni la monnaie, ni le crédit, ni le commerce international, ni la fixation des salaires ne sont abandonnés A  l'automatisme du marché ; mais qu'ils sont dirigés. Non pas certes en rtu d'une doctrine systématique, mais pour répondre A  des nécessités empiriques. En admettant qu'elle ait jamais été réalisée, l'utopie libérale est morte. Est-ce A  dire qu'il lui faille substituer le socialisme ? Chimère, dit M. Noyelle. Les hommes ne sont point assez disciplinés ni la machine gournementale assez perfectionnée pour qu'un ordre autoritaire puisse AStre totalement substitué A  l'initiati privée, et un mobile de service social au mobile de l'intérASt personnel. Contentons-nous donc du compromis que d'eux-mASmes les faits ont suscité entre l'utopie libérale et la chimère socialiste. Délivrons-nous de la soif du système. La réalité est trop complexe et trop mobile, pour se laisser plier aux plus ingénieux de ceux que nous pourrions imaginer. Conservons ce complexe d'initiati individuelle, d'association privée, d'initiati étatique qui s'est spontanément institué. Mais n'adhérons point seulement au régime que les faits ont forgé : prenons l'orientation qu'ils nous révèlent. Directionnisme : M. Noyelle entend signifier par lA  qu'il accorde le préjugé favorable A  toute mesure noulle d'économie dirigée que les besoins de la pratique viendraient A  suggérer ; mais qu'il se défend d'adhérer A  aucun préconA§u. Le livre de M. Noyelle envisage donc le problème économique A  la fois en fonction de la théorie, de l'histoire, de la réalité présente et d'une philosophie personnelle.
Il est temps maintenant de clore et de conclure cette brè revue A  vol d'oiseau ' nécessairement très arbitraire et incomplète (18). En général, les économistes du troisième cycle ont enrichi considérablement nos connaissances techniques relatis A  la monnaie, au crédit, aux problèmes du commerce international, A  la conjoncture, A  l'art de la politique économique. Mais peu d'auteurs A  notre époque se sont senti l'audace d'intégrer une interprétation d'ensemble de la vie économique A  une conception générale de l'homme et du monde. On chercherait peut-AStre vainement parmi les œuvres des soixante dernières années une très grande doctrine économique, A  la fois philosophiquement profonde et scientifiquement féconde. Comme la philosophie, il semble que l'économie politique trarse une sorte d'éclipsé des systèmes. La source serait-elle donc tarie des évangiles économiques, tels que furent jadis l'œuvre des physiocrates, celle des saint-simoniens, celle de Marx?
L'émiettement des connaissances a été une condition des progrès de la science. Il en est aussi la ranA§on. Il ne constitue pas en soi un progrès. La doctrine sans doute a précédé la science, car l'idée de l'autonomie des dirses disciplines intellectuelles est relatiment récente. Mais la science ne saurait détrôner la doctrine. Il s'avère sount fécond, mais il reste toujours artificiel d'isoler les domaines. La spécialisation n'est qu'un procédé de recherche et de classification des connaissances. Il importe aux hommes de refaire sans cesse leur synthèse intellectuelle, constamment enrichie de nouaux apports, et modifiée pour les intégrer.







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