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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en œuvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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Les décisions efficaces

LES PERSONNES EFFICACES ne prennent pas beaucoup de décisions. Elles se concentrent sur les plus importantes. Plutôt que de - résoudre des problèmes -, elles s'efforcent de penser stratégie, vue d'ensemble. Les quelques décisions importantes, elles tachent de les aborder au niveau conceptuel le plus élevé. Dans une situation donnée, elles recherchent les constantes. La rapidité du processus de décision ne les impressionne donc pas tellement; au contraire, elles ient dans la virtuosité A  manipuler des masses de données le symptôme d'une pensée négligée. Elles veulent sair de quoi il s'agit vraiment, A  quelles réalités sous-jacentes elles ont A  faire face. Elles s'attachent au résultat, non A  la technique, préfèrent se montrer sérieuses/qu'astucieuses.
Les gens efficaces savent dans quel cas une décision doit s'appuyer ' sur des principes et dans lequel il faut la prendre avec pragmatisme, en fonction des données immédiates. La décision la plus délicate, ils le savent, consiste A  séparer le bon compromis du mauvais, et ils ont appris comment distinguer l'un de l'autre. Ils savent que l'étape la plus longue du processus ne consiste pas A  prendre la décision, mais A  mettre celle-ci en application. Tant qu'une décision n'a pas - dégénéré - en travail, ce n'est pas une décision, c'est au mieux une bonne intention. Qu'est-ce que cela signifie ? Que si la décision doit se situer au niveau conceptuel le plus élevé, l'action, elle, doit AStre menée aussi près que possible du terrain et AStre aussi simple que possible.
Le moins connu des grands dirigeants industriels américains, Théodore Vail, fut peut-AStre aussi le décisionnaire le plus efficace de toute l'histoire économique du pays. PDG du Bell Téléphone System de 1910 (un peu avant) aux années 1920, Vail en a fait la plus grande comnie privée du monde, et l'une des plus prospères entreprises de croissance.
Alfred Sloan Jr, qui a fait, lui, de la General Motors la plus grande machine industrielle du monde, a atteint le sommet en 1922, quand la carrière de Vail touchait A  sa fin. C'était un homme très différent du premier, et l'époque aussi était différente. Mais la décision A  laquelle le nom de Sloan reste attaché pour toujours, l'organisation décentralisée de la General Motors, est du mASme style que celle qu'avait prise Théodore Vail chez Bell Téléphone.
Comme Sloan l'a raconté dans son livre My Years with General Motors, la comnie se présentait en 1922 comme une fédération lache regroupant des barons quasi-indépendants. Chacun de ceux-ci dirigeait une entreprise qui, peu d'années auparavant, était encore sa propriété personnelle - et continuait de la gérer comme si elle lui appartenait.
En prenant après la fusion la tASte de la comnie, Sloan comprit qu'il n'avait pas A  résoudre un problème spécifique et A  court terme, mais un problème générique, celui du big business.


Le processus de décision

L'importance des décisions prises par Vail et Sloan ne tient pas A  leur nouveauté, ni aux controverses qu'elles ont soulevé. Elle découle de cinq traits principaux :
1. Ils ont compris clairement que leur problème était générique, qu'il ne serait résolu qu'en recourant A  une règle générale, A  un principe.
2. Ils ont défini les caractéristiques que la solution recherchée devait revAStir, les - conditions aux limites -.
3. Ils ont réfléchi A  fond A  ce qui serait bon, A  la solution qui satisferait pleinement les dites caractéristiques, avant de porter leur attention sur les compromis, les adaptations et les concessions qu'ils allaient deir faire pour que la décision soit acceple.
4. Ils ont intégré A  leur décision l'action qui devrait s'ensuivre.
5. Ils ont prévu aussi l'effet en retour qui validerait l'efficacité de la décision une fois mise A  l'épreuve des faits.
Tels sont les éléments d'un processus de décision efficace.

Quatre types de circonstances
Les questions que se pose le décisionnaire efficace sont d'abord : Ai-je affaire A  une situation générique, ou A  un cas exceptionnel ? L'événement s'est-il répété souvent, ou résulte-t-il d'une circonstance particulière, A  traiter comme telle ? Le générique, il faut le traiter par une règle générale, un principe ; le circonstanciel, on ne peut que le traiter en tant que tel, lorsqu'il survient.
En toute rigueur, il convient de distinguer non pas deux, mais quatre types de situations différents.
Il y a d'abotd le vérile problème générique, dont l'événement circonstanciel n'est qu'un symptôme.
La plupart des problèmes que rencontre un cadre dans son travail sont de cette nature. Les problèmes de stocks, par exemple, n'appellent pas des - décisions - dans l'entreprise, mais des adaptations. C'est un problème générique. 11 en va de mASme, encore plus, avec le quotidien de la production.
En général, les responsables de la production et de la sécurité doivent résoudre des centaines de problèmes chaque mois. Mais quand on en fait l'analyse, on constate que la plupart ne sont que des symptômes - des manifestations d'une réalité fondamentale sous-jacente. L'ingénieur ou le contrôleur travaillant dans son coin d'usine ne peut pas s'en rendre compte. Il observera régulièrement, par exemple, des fuites aux joints des canalisations chaudes, mais le problème générique n'apparaitra qu'en analysant pendant plusieurs mois la charge totale de l'unité. On constatera alors que les températures et les pressions sont trop élevées pour l'équipement existant et qu'il convient de renforcer toutes les liaisons de tuyauterie. Tant que cela ne sera pas fait, les responsables perdront énormément de temps A  colmater des fuites, sans maitriser réellement la situation.
Il y a aussi le problème qui ne se pose qu'une seule fois dans telle ou telle entreprise, mais qui en réalité est bien un problème générique.
La comnie A  qui une autre firme, plus grande, fait une offre de fusion ne recevra plus jamais une telle proposition si elle accepte la première. Pour cette comnie-lA , son comité exécutif et ses cadres, la situation est unique. Mais c'est aussi, bien .sûr, une situation générique, que l'on retrouve sans cesse ailleurs. Décider si on va l'accepter ou non exige que l'on recoure A  quelques règles générales. Et que l'on jette un regard sur l'expérience des autres.
Ensuite, il y a l'événement vérilement unique, exceptionnel.
La panne énergétique qui a plongé dans l'obscurité, en novembre 1965, tout le Nord-Est américain, du Saint-Laurent A  Washington, était un accident parfaitement exceptionnel, A  en croire les premières explications données. De mASme que la tragédie de la Thalidomide, qui a vu naitre tant de bébés mal formés au début des années 1960. La probabilité de ces événements, nous disait-on, est de un contre dix millions ou cent millions. Un tel enchainement de dysfonctionnements n'a pas plus de chances de se reproduire que, par exemple, la désintégration atomique de la chaise où je suis assis.
Les événements vérilement uniques, cependant, arrivent rarement. S'il s'en produit un malgré tout, il convient de se demander: S'agit-il vraiment d'une exception, ou de la première manifestation d'une réalité d'un nouveau genre ?
Dans ce dernier cas l'on a affaire A  la quatrième et dernière catégorie d'événements relevant du processus de décision.
Nous sans bien, par exemple, que la panne énergétique du Nord-Est comme la tragédie de la Thalidomide n'étaient que les premières occurrences de dysfonctionnements susceptibles de se renouveler, compte tenu de l'élution des techniques modernes, si l'on n'y apporte pas de solutions génériques.
Tout événement non strictement unique appelle donc une solution générique. Il demande l'application d'une règle générale, d'une politique, d'un principe. Une fois le bon principe mis au point, toute manifestation de la mASme situation peut se traiter pragmatiquement, c'est-A -dire en appliquant la règle au cas particulier. L'événement strictement unique, lui, doit AStre traité A  part; on ne saurait définir une règle pour l'exceptionnel.
Le décisionnaire efficace prend tout son temps pour déterminer avec laquelle de ces quatre situations il est aux prises. Il sait qu'il prendra une mauvaise décision si son choix n'est pas le bon.
L'erreur la plus fréquente, et de loin, consiste A  traiter une situation générique comme s'il s'agissait d'une série d'événements uniques, autrement dit d'agir pragmatiquement par manque de vue d'ensemble, de principe. Cela conduit inévilement A  la frustration et A  l'impuissance.


Caractéristiques de la décision

lie deuxième élément important du processus de décision, c'est une description claire du résultat A  obtenir. Quels objectifs la décision doit-elle viser ? Quels buts minimaux atteindre ? A€ quelles conditions doit-elle satisfaire ce que les scientifiques appellent - conditions aux limites - ? Pour AStre efficace, une décision doit répondre A  de telles conditions; elle doit AStre cohérente avec sa visée.
Plus les conditions aux limites seront énoncées avec concision et clarté, et plus la décision aura de chances d'AStre efficace, d'accomplir ce pour quoi elle a été prise. Réciproquement, des conditions aux limites mal définies priveront presque A  coup sûr la décision de toute efficacité, aussi brillante qu'ait été sa formulation.
La question des limites est généralement posée sous la forme suivante: A€ quel niveau se situent les minima indispensables pour résoudre le problème ? Lorsque Alfred Sloan prit le commandement de la General Motors en 1922 en supprimant l'autonomie des chefs de division, il s'était probablement demandé, lui: Est-il possible de répondre dans les conditions actuelles aux nécessités de l'entreprise l Et sa réponse, A  l'évidence, avait été négative. Les conditions aux limites de son problème exigeaient vigueur et responsabilité de la part des principaux dirigeants, mais aussi l'unité du contrôle central. Elles appelaient la solution d'un problème structurel, non un arrangement entre personnalités différentes. Et c'est ainsi, en retour, que sa solution


a pu tenir.

La personne efficace sait que toute décision qui ne satisfait pas aux conditions aux limites est inefficace et inappropriée. Elle pourrait mASme se révéler pire qu'une décision satisfaisant A  des conditions aux limites erronées. Certes, elles sont toutes deux mauvaises ; mais la seconde peut AStre récupérée, elle reste une décision efficace. La première, au contraire, n'engendrera que des ennuis.
En fait, y ir clair sur les conditions aux limites est indispensable pour sair si une décision doit AStre abandonnée. Mais c'est nécessaire aussi pour identifier entre toutes les décisions possibles la plus dangereuse: celle qui pourrait ' simple possibilité ' bien marcher A  condition que tout aille bien par ailleurs. Une décision de cette sorte parait marquée au coin du bon sens; mais si l'on réfléchit aux spécifications qu'elle doit satisfaire, on constate toujours qu'elles sont incompatibles entre elles. Il n'est pas impossible qu'elle soit couronnée de succès, c'est seulement extrASmement improbable. L'ennui, avec les miracles, ce n'est pas après tout qu'ils se produisent si rarement, c'est qu'on ne puisse pas compter sur eux.
L'exemple parfait est donné par la décision du président Kennedy ordonnant en 1961 le débarquement de la baie des Cochons. Une spécification consistait évidemment A  renverser Castro. Mais en mASme temps il y avait une autre spécification: ne pas laisser penser que les forces des états-Unis intervenaient dans une autre république d'Amérique. Que la seconde spécification fut absurde, que personne au monde n'ait pu ir un seul instant dans l'opération un soulèvement spontané des Cubains, cela n'entrait pas dans son raisonnement. Pour les dirigeants politiques américains en place, une apparence de non-intervention paraissait une condition légitime, ire nécessaire, mais les deux spécifications n'auraient été compatibles que si l'ile tout entière s'était soulevée immédiatement contre Castre', paralysant complètement l'armée cubaine. Cela n'était peut-AStre pas impossible, mais en tout cas fort improbable dans un état policier. Il fallait donc abandonnet complètement le projet, ou bien alors mettre en action toute la puissance américaine afin de réussir le débarquement.
Que l'erreur du président Kennedy soit, due, comme il l'a affirmé, au fait qu'il ait - écouté les experts -, ce n'est pas lui manquer de respect que de le contredire. L'erreur fut de ne pas réfléchir clairement aux conditions aux limites que la décision devait satisfaire, de refuser d'affronter une réalité déplaisante, A  sair que prendre une décision répondant A  deux spécifications différentes et fondamentalement incompatibles ce n'est pas décider, c'est attendre un miracle.
Pour autant, on ne saurait tirer uniquement des - faits - les spécifications, les conditions aux limites d'une décision importante. Il y faut aussi du jugement, de la prise de risque.
Tout le monde peut prendre une mauvaise décision - en fait, tout le monde en prendra une un jour. Mais personne n'est obligé de prendre une décision qui, A  l'évidence, ne satisfait pas les conditions aux limites.


La bonne décision

On doit commencer par chercher ce qui est bon, plutôt que ce qui est acceple (et encore moins qui a raison), précisément parce qu'A  la fin on devra toujours accepter un compromis. Si l'on ne sait pas ce qui est bon, compte tenu des spécifications et des conditions aux limites, on ne saura pas distinguer le bon compromis du mauvais - et on finira par accepter le mauvais.
J'ai appris cela en 1944 A  l'occasion de ma première mission importante de consultant, l'étude de la structure et de la politique de management de la General Motors Corporation. Alfred Sloan Jr, alors président et directeur général de la comnie, me conqua dès le début dans son bureau pour m'avertir: - Je ne us dirai pas quoi étudier, quoi écrire et A  quelles conclusions aboutir. ça, c'est tre tache. Je us donne une seule instruction: écrire ce que us croyez bon, comme us l'entendez. Ne us souciez pas de notte réaction. Ne us demandez pas si cela nous plaira ou pas. Et surtout ne us préoccupez pas des compromis qui pourraient se révéler nécessaires pour faire adopter s recommandations. Pas un seul cadre dans cette comnie n'ignore comment on peut faire tous les compromis imaginables, et cela sans air besoin de us le demander. Mais aucun ne pourra faire le bon compromis si us ne lui avez pas dit. auparavant ce qui est bon. - Tout cadre aux prises avec une décision devrait tenir ces paroles écrites devant lui en lettres de feu.
Car il existe deux sortes de compromis. La première est exprimée par le vieux proverbe: la moitié d'un pain vaut mieux que pas de pain du tout. La seconde se trouve dans le jugement de Salomon, fondé sur cette évidence que la moitié d'un bébé vaut moins que pas de bébé du tout. Dans le premier cas, les conditions aux limites restent satisfaites: la fonction du pain est de nourrir, et un demi-pain reste une nourriture. Un demi-bébé, en revanche, ne satisfait pas les conditions aux limites, car un demi-bébé n'est pas un enfant vivant et plein de pro-messes, c'est un cadavre coupé en deux.
Cela ne sert A  rien, c'est perdre son temps que de se demander ce qui est acceple, et ce qu'on ferait mieux de taire afin de ne pas proquer de résistance. Les craintes qu'on cultive ne se réalisent jamais, et les objections auxquelles on n'a pas pensé éclatent soudain et créent des obstacles quasi-insurmonles. Autrement dit, on n'a pas intétASt A  se demander pour commencer: Qu'est-ce qui est acceple ? Si on se lance sur cette question, on perd généralement de vue les choses importantes et toute chance d'ahoutir A  une solution efficace ' et surtout A  la bonne solution.


Passer A  l'action

Convertir la décision en action : tel est le quatrième élément du processus de décision. Réfléchir aux conditions aux limites est l'étape la plus difficile, mais convertir la décision en une action efficace est en général celle qui prend le plus de temps. Pourtant, une décision n'aura d'efficacité que si elle s'inscrit dès le début dans une action.
En fait, une décision n'est pas réellement prise tant que quelqu'un n'a pas reA§u la charge et la responsabilité de la réaliser par étapes spécifiques. Dans le cas contraire, elle reste du domaine des bonnes intentions.
C'est une erreur qu'on it souvent dans les chartes politiques, les déclarations d'intentions des entreprises: elles oublient de dire comment elles nt passer A  l'action. Personne n'est spécifiquement chargé de les traduire en faits. Pas étonnant si le personnel les juge avec cynisme, soupA§onnant la direction de n'en uloir rien faire en réalité.
Convertir une décision en action exige que l'on réponde A  quelques questions précises : Qui doit air A  connaitre de cette décision ? Quelle action faut-il entreprendre ? Qui doit en AStre chargé ? Et que doit AStre cette action, si on veut que les personnes en charge soient capables de la mener ? On néglige trop souvent la première et la dernière question - avec des résultats désastreux.
Une histoire devenue légendaire parmi les spécialistes de recherche opérationnelle illustre bien l'importance de la première question - qui doit air A  connaitre de la décision? Voici plusieurs années, une grande entreprise d'équipements industriels décida de cesser de produire un certain modèle. Il s'agissait d'un modèle standard depuis des années dans une ligne de machines-outils, et il y en avait encore beaucoup en service. On décida par conséquent de continuer A  le vendre pendant trois ans aux possesseurs du vieil équipement, A  titre de remplacement, puis de cesser de le fabriquer et de le vendre. Les commandes de ce modèle-lA  baissaient depuis des années, mais elles rebondirent d'un coup parce que les usagers ulaient se prémunir pour le jour où il ne serait plus disponible. Personne, cependant, ne s'était posé la question nA° 1, et personne par conséquent n'avait averti l'employé chargé d'acheter les pièces entrant dans la fabrication de la machine; il avait pour instruction d'en acheter dans une proportion donnée avec les ventes courantes ' et ces instructions ne furent pas modifiées. Lorsque finalement on arrASta la fabrication du modèle, la comnie avait en stock suffisamment de pièces pour soutenir la production pendant encore huit ou dix ans - stock qui affecta lourdement son bilan.

L'effet en retour
La décision doit finalement préir un feed-back, une information en retour destinée A  tester en permanence, sous la leA§on des événements, les attentes qu'elle avait suscitées.
Les décisions sont prises par des hommes, et les hommes sont faillibles; dans le meilleur cas, leurs œuvres ne durent pas longtemps; la décision la meilleure a de grandes chances de se révéler finalement mauvaise, et la plus efficace finira par AStre obsolète.
Lorsque le général Eisenhower fut élu président des états-Unis, son prédécesseur Harry Truman remarqua : - Pauvre Ike ! Quand il était général, il donnait des ordres et ceux-ci étaient exécutés. Maintenant il va s'installer dans un grand bureau, il va donner un ordre et du diable si quelque chose va en résulter. -
Pourquoi - du diable - ? Un président n'a pas moins d'autorité » qu'un général. Mais les organisations militaires ont expérimenté depuis longtemps la futilité de la plupart des ordres, et ont organisé l'information en retour qui les assurera de leur exécution. Elles savent depuis longtemps qu'aller se rendre compte par soi-mASme est le meilleur des feed'backs. Les rapports - tout ce sur quoi un président peut s'appuyer d'habitude - ne servent pas A  grand chose. Toutes les armées du monde savent depuis longtemps qu'un officier, après air donné un ordre, va constater de ses propres yeux s'il a été exécuté. Au minimum il enverra l'un de ses adjoints, mais ne se fiera jamais aux informations données par le destinataire de l'ordre. Non qu'il n'ait pas confiance en lui, mais l'expérience lui a appris A  se méfier des communications.
C'est pour cette raison qu'on attend d'un chef de bataillon qu'il aille goûter la soupe servie A  ses hommes. Bien sûr, il pourrait lire le menu et se faire apporter tel ou tel plat, mais non : il faut qu'il aille au mess et prélève un échantillon dans la marmite du simple soldat.
Depuis l'avènement de l'ordinateur tout cela est encore plus important, parce que le décisionnaire, selon toute vraisemblance, va se trouver encore plus loin du théatre de l'action. S'il ne reconnait pas comme allant de soi qu'il vaut mieux pour lui aller ir sur place, il sera de plus en plus coupé de la réalité. Tout ce que peut faire un ordinateur, c'est traiter des abstractions. Et on ne peut se fier aux absttac-tions qu'en les confrontant constamment aux réalités concrètes, sous peine qu'elles ne us égarent.
Aller se rendre compte par soi-mASme est aussi la meilleure faA§on, sinon la seule, de vérifier si les hypothèses sous-tendant la décision sont toujours valides, ou bien sont devenues obsolètes et doivent AStre repensées. Et il faut toujours s'attendre A  ce qu'une hypothèse, tôt ou tard, devienne obsolète. La réalité ne se tient jamais tranquille bien longtemps.
Il est nécessaire d'organiser l'information pour obtenir l'effet en retour. Les rapports et les chiffres sont utiles, mais A  moins de batir son feed-back par confrontation directe avec la réalité - c'est-A -dire de s'imposer la discipline d'aller ir par soi-mASme ' on se condamne A  un dogmatisme stérile, et donc A  l'inefficacité.

Les opinions viennent avant les faits
Une décision, c'est un jugement. Un choix entre plusieurs possibilités - rarement un choix entre le bien et le mal. Au mieux, un choix entte - presque bon - et - probablement mauvais -, mais plus souvent un choix entre deux ies d'action dont aucune ne peut AStre démontrée meilleure que l'autre.
Beaucoup de livres traitant de la prise de décision conseillent de trouver d'abord les faits. Mais les décideurs efficaces savent qu'on ne part pas de faits, on part d'opinions. Celles-ci, bien sûr, ne sont rien d'autre que des hypothèses non vérifiées, et donc sans valeur tant qu'elles n'auront pas été conftontées A  la réalité. Pour déterminer ce qu'est un fait, il faut d'abord choisir des critères de pertinence, concernant notamment l'instrument de mesure approprié. Tel est le pit de toute décision efficace, et en général son côté le plus controversé.
Dernier point: la décision efficace ne découle pas d'un consensus sur les faits, comme le soutiennent tant d'auteurs. L'accord sous-tendant la bonne décision nait de l'affrontement d'opinions divergentes, de leur conflit, et d'un examen approfondi de possibilités concurrentes.
Recueillit d'abord les faits, ce n'est pas possible. Le fait n'existe pas tant qu'on n'a pas défini ses critères de pertinence. Un événement n'est pas en soi un fait.
Les gens partent inévilement d'une opinion ; leur demander de rechercher d'abord les faits n'est mASme pas souhaile. Ils ne manqueront pas de faire ce que chacun, de toute faA§on, n'a que trop tendance A  faire : chercher les faits corroborant la conclusion A  laquelle ils sont déjA  parvenus. Et personne n'a jamais manqué de trouver les faits dont il a besoin. Le bon statisticien le sait, et se méfie de tous les chiffres : l'homme qui les a trouvés, il peut le connaitre ou non, mais dans les deux cas il est suspect.
La seule méthode rigoureuse, la seule qui nous permette de mettre une hypothèse A  l'épreuve de la réalité, se fonde sur la conviction que les opinions viennent en premier, et que c'est très bien ainsi. C'est la seule faA§on de ir qu'on part d'hypothèses non vérifiées ' le seul point de départ valable, en management comme en sciences. Les hypothèses, on sait quoi en faire : on ne les discute pas, on les teste. On découvre alors lesquelles tiennent le coup et métitent donc d'AStre prises sérieusement en considération, et lesquelles sont éliminées dès la première observation expérimentale.
L'homme efficace encourage l'expression des opinions. Mais il demande aussi A  ceux qui les expriment de réfléchir A  ce que l'- expérience - - c'est-A -dire l'affrontement de leut opinion avec la réalité -devrait démontrer. Il demande par conséquent : Qu'ans-nous besoin de sair pour tester la validité de cette hypothèse ? Quels faits pourraient venit corroborer cette opinion ? Et il ctée l'habitude ' en lui et chez ses collègues ' de penser A  ce qui doit AStre examiné, étudié, testé, et de le dire. Il exige de quiconque formule une opinion qu'il prenne la responsabilité de définir les données factuelles A  rechercher, celles auxquelles on peut s'attendre.
Ici, la question cruciale est sans doute : Quel est le critète de pertinence ? Le plus souvent, il dépend de l'instrument de mesure approprié A  l'objet du débat et A  la décision en préparation. Chaque fois que l'on analyse la faA§on dont a été ptise une décision réellement efficace, réellement bonne, on constate que la recherche de cet instrument a demandé beaucoup de réflexion et de travail.
Le décisionnaire efficace présume que la faA§on traditionnelle de mesurer n'est pas la bonne. Si elle l'était, il n'y aurait pas dans la plupart des cas besoin d'une décision: un simple ajustement suffirait. La faA§on traditionnelle de mesurer reflète une décision passée. Si l'on éprouve le besoin de la changer, c'est normalement l'indication qu'elle n'est plus pertinente.
LA  encore, la meilleure méthode pour repérer la bonne faA§on de mesurer c'est d'y aller ir et de chercher le feed-back dont il est question plus haut - l'effet en retour précédant la décision.
Dans la plupart des problèmes se rapportant au personnel, les événements se mesurent en - moyennes -, telles que le nombre moyen d'accidents ayant donné lieu A  absence pour cent salariés, le pourcentage moyen d'absentéisme sur l'effectif total ou le pourcentage des congés-maladie. Mais le cadre qui va ir par lui-mASme constatera vite qu'il a besoin d'un instrument de mesure différent. Les moyennes sont utiles A  la comnie d'assurances, mais ne font pas sens pour les décisions portant sur la gestion du personnel, et sont en réalité trompeuses.
La grande majorité de tous les accidents se produisent dans un ou deux endroits de l'usine. L'essentiel de l'absentéisme est le fait d'un seul service. MASme les absences pour maladie, on le sait maintenant, ne se distribuent pas comme une moyenne, mais sont concentrées sur une petite partie du personnel, par exemple les jeunes femmes célibataires. Une action qui s'appuierait sur des moyennes ' par exemple la camne traditionnelle de sécurité ' ne produirait pas les résultats souhaités, et pourrait mASme aggraver les choses.
Repérer l'instrument de mesure approprié, ce n'est donc pas un exercice de mathématiques. C'est un jugement comportant une prise de risque.
Chaque fois qu'on doit prononcer un jugement, il convient de disposer d'alternatives entre lesquelles choisir. Un jugement qui ne peut s'énoncer que par oui ou par non, ce n'est pas un jugement du tout. On ne peut espérer découvrir le vérile enjeu que si diverses possibilités sont en présence.
Les personnes efficaces, par conséquent, s'attachent A  disposer de méthodes de mesure alternatives - de faA§on A  pouir choisir celle qui convient.


Cultiver les désaccords

Tant qu'il ne dispose pas de solutions alternatives, l'esprit est enfermé. C'est principalement pour cette raison qu'un décisionnaire efficace néglige le deuxième commandement des manuels traitant de la prise de décision ' créer le consensus ' et s'efforce au contraire de proquer dissensions et désaccords.
Le genre de décisions que doit prendre un cadre ne s'adoptent pas par acclamations. Elles n'acquièrent leur poids que précédées d'un débat entre vues opposées, d'un dialogue entre points de vues différents, d'un choix entre divers jugements. La règle numéro un, en matière de prise de décision, c'est qu'on ne décide rien tant qu'il n'y a pas eu désaccord.
Devant l'un de ses comités de direction, on raconte qu'Alfred Sloan s'était ainsi exprimé : - Messieurs, je tiens pour acquis que us AStes complètement d'accord sur la présente décision. - Et chacun d'approuver du bonnet. - Alors, poursuivit M. Sloan, je suggère que nous reprenions la discussion lors de notre prochaine réunion, afin de nous donner le temps de trouver des arguments contre et peut-AStre de mieux comprendre de quoi il s'agit exactement. -
Sloan, c'est sûr, ne se décidait pas - A  l'intuition -. Il insistait toujours sur la nécessité de mettre les idées A  l'épreuve des faits, de ne pas commencer par la conclusion puis de chercher les faits qui la confortent. Mais il savait aussi qu'une bonne décision vient après l'expression de désaccords sur la question envisagée.
Pourquoi attacher tant d'importance aux désaccords ? Pour trois
raisons.
Premièrement, c'est le seul garde-fou empASchant le décisionnaire de tomber prisonnier de l'organisation. Chacun, en effet, attend quelque chose de lui. Chacun plaide sa propre cause - parfois avec une parfaite bonne foi - cherchant A  incliner la décision en sa faveur. C'est vrai aussi bien pour le président des Etats-Unis que pour l'ingénieur débutant proposant une modification de dessin. La seule faA§on d'éviter la prison des plaidoyers égoïstes et des idées préconA§ues, c'est de s'assurer de désaccords argumentes, documentés, réfléchis.
Deuxièmement, le désaccord seul peut fournir des alternatives A  une décision. Or une décision sans alternative ressemble au coup de dés désespéré d'un joueur, si bien pesée soit-elle en apparence. Il reste toujours très probable qu'elle se révèle mauvaise ' soit parce qu'elle était mauvaise dès le début, soit que les circonstances l'aient rendue telle. Si, au cours du processus de prise de décision, on a réfléchi A  diverses autres possibilités, on pourra se retourner, retomber sur quelque chose qui a déjA  été pensé, étudié, compris. En l'absence d'alternative, on en sera réduit A  patauger tristement lorsque la réalité aura mis la décision en échec.
Enfin et surtout, on a besoin du désaccord pour stimuler les imaginations. On n'a pas forcément besoin d'imagination pour trouver la solution A  un problème. Mais cela ne vaut que pour les mathématiciens. Dans toutes les matières où règne l'incertitude - et c'est de celles-lA  que traitent les cadres, qu'ils relèvent de la sphère politique, économique, sociale ou militaire - on a besoin de solutions - créatives -, capables de créer une situation nouvelle. Cela veut dire qu'on a besoin d'imagination ' d'une nouvelle manière, différente, de perceir et de comprendre les choses.
L'imagination de qualité, j'en conviens, est une ressource peu abondante. Pas aussi rare, cependant, qu'on le croit généralement, mais elle a besoin en tout cas d'AStre stimulée et mise au défi, sous peine de rester virtuelle et inemployée. Le désaccord, surtout si on l'oblige A  s'exprimer de faA§on raisonnée, réfléchie, documentée, constitue A  mon avis le stimulus le plus efficace.
Le décisionnaire efficace, par conséquent, organise les désaccords. Cela l'empASche de se faire coincer par des idées plausibles, mais fausses ou incomplètes. Cela lui fournit des alternatives entre lesquelles choisir avant de décider, l'aide A  sortir du brouillard lorsque la décision se révèle inefficace ou erronée A  l'exécution. Et cela stimule les imaginations, la sienne et celles de ses collègues. Le désaccord fabrique de l'exact avec du plausible, et la bonne décision avec la connaissance exacte.
Le décisionnaire efficace n'estime pas d'entrée de jeu que telle action proposée est la bonne, et que toutes les autres sont par conséquent mauvaises. Ni que l'autre a tort et que lui a raison. Il commence par chercher pourquoi d'autres que lui ne sont pas d'accord.
Les gens efficaces savent, bien sûr, que le monde est plein d'imbéciles et de faiseurs d'histoires. Mais ils ne croient pas pour autant qu'AStre en désaccord avec ce qu'ils considèrent, eux, comme clair et évident soit le fait d'un idiot ou d'un mauvais esprit. Ils savent qu'A  moins de preuve contraire il convient de tenir le dissident pour quelqu'un de raisonnablement intelligent et impartial. Si celui-ci aboutit néanmoins A  une conclusion A  l'évidence erronée, c'est parce que, faut-il croire, il it la réalité d'une faA§on différente et s'est attaqué A  un autre problème. L'homme efficace se demande toujours, par conséquent: Qu'est-ce que ce type a bien pu ir, en supposant après tout sa position tenable, rationnelle, intelligente ? L'homme efficace se soucie d'abord de comprendre. C'est alors seulement qu'il tache de distinguer le bon du mauvais.
Dans un bon cabinet d'acats, on demande au débutant frais émoulu de la faculté de préparer la meilleure plaidoirie possible pour l'adversaire. Ce n'est pas seulement la chose intelligente A  faire avant d'élir le dossier de son propre client (on peut imaginer, après tout, que l'acat d'en face connait son métier lui aussi); c'est aussi la meilleure formation pour un jeune acat. Cela le dissuade de penser - Je sais que j'ai raison - et l'oblige A  réfléchir A  ce que l'autre partie doit sair, considérer ou tenir pour probable pour former sa propre conviction. Cela lui montre comment ir les deux dossiers comme des alternatives. Alors seulement pourra-t-il comprendre réellement la cause qu'il doit défendre, et démontrer au tribunal que la sienne, d'alternative, est meilleure que celle de l'autre partie.


Une décision est-elle vraiment nécessaire?

Finalement, il reste au décisionnaire efficace A  se demander: Une décision est-elle réellement nécessaire ? Parmi toutes les possibilités il y a toujouts celle de ne rien faire.
Décider est un acte chirurgical, une intervention sur le système, et comporte par conséquent un risque de choc. On ne prend pas une décision inutile, pas plus qu'un bon chirurgien n'intervient si ce n'est pas nécessaire. Les décisionnaires comme les chirurgiens ont des styles différents, certains sont plus radicaux ou plus conservateurs que d'autres, mais tous sont en gros d'accord sur ce point.
Il faut prendre une décision lorsque la situation risque de dégénérer si on ne fait rien. Le mASme raisonnement s'applique face A  une opportunité. Si l'occasion est intéressante, et risque de disparaitre si l'on n'agit pas avec décision, alors on agit ' et du mASme coup on modifie radicalement la situation.
A€ l'inverse, il existe des situations dont on peut penser sans optimisme excessif qu'elles se résoudront d'elles-mASmes si on ne fait rien. La question est alors : Que se passera-t-il si on ne bouge pas ? Si la réponse est que cela va s'arranger tout seul, on ne s'en mASlera pas. De mASme lorsqu'on a un ennui sans grande importance, peu susceptible de modifier sensiblement la situation.
Ils sont rares, les cadres qui comprennent cela. Un contrôleur de gestion qui préconise, dans une situation financière désespérée, une réduction drastique des coûts, se montrera rarement incapable de négliger des erreurs mineures qui ne font rien A  l'affaire. Il aura vu, par exemple, que les dépenses ont dérivé principalement dans le service des ventes et de la distribution et travaillera efficacement et intelligemment A  les réduire, mais il va se discréditer, lui et tout son travail, en tempérant parce que dans une usine par ailleurs efficace et bien gérée il a repéré deux ou trois vieux employés qui ne servent plus A  grand chose. Si on lui objecte que licencier ces quelques semi-retraités ne changera rien, il rejettera l'argument comme immoral: - Les autres acceptent des sacrifices, dira-t-il, pourquoi cette usine-lA  devrait-elle ignorer l'impératif d'efficacité ? -
Quand tout sera terminé, l'organisation oubliera vite qu'il a sauvé l'entreprise, mais tous se souviendront, et A  juste titre, de la vendetta menée contre ces pauvres diables. Le droit romain disait déjA , il y a deux mille ans, de minimis non curat praetor (le magistrat ne s'occupe pas des bagatelles) - mais nombre de décisionnaires ignorent encore ce précepte.
La grande majorité des décisions se situent entre ces deux cas extrASmes. Le problème qui se pose ne va pas se régler tout seul, mais ne va pas dégénérer non plus, sans doute, en affection maligne. L'opportunité qui se présente n'apporte qu'une améliotation, A  défaut d'une réelle innovation, mais elle reste assez intéressante. Autrement dit si on ne fait tien on n'en mourra pas, mais si on agit on s'en trouvera peut-AStre mieux.

En pareil cas, le décisionnaire efficace e l'effort nécessaire, et les risques de l'action, aux risques de l'inaction. Aucune formule magique ne donne la bonne solution, mais devant un cas concret les consignes A  observer sont en général assez nettes pour que la décision soit facile. Voici ces lignes de conduite:
» Agir si, au total, le bénéfice attendu dépasse largement le coût et le risque.
» Agir ou ne pas agir, mais ne pas esquiver la question ni recourir A  une cote mal raillée.
Le chitutgien qui n'enlève que la moitié des amygdales ou de l'appendice risque autant une infection ou un choc que s'il avait fait son travail jusqu'au bout. Et il n'a pas soigné le malade, au contraire, il a aggrave sa condition. Ou il opère, ou il n'opère pas. De mASme, le décisionnaire efficace agit, ou n'agit pas. Il n'agit pas A  moitié. Cela, c'est A  coup sût une erreur, et la seule faA§on certaine de ne pas satisfaire aux spécifications minimales, aux conditions aux limites minimales.
Et ilA . La décision est maintenant prASte. On a examiné attentivement les spécifications, exploré les alternatives, pesé les risques et les avantages. On sait tout. Dès lors, raisonnablement, le type d'action A  entreprendre apparait clairement. Parvenue A  ce point, la décision se prend vérilement - toute seule -.
Et c'est souvent A  ce moment-lA  que la plupart des décisions achoppent. Soudain, il parait évident qu'elle ne va pas AStre agréable, populaire, facile. Qu'elle demande autant de courage que de jugement. Il n'y a pas de taison intrinsèque que les médicaments aient si mauvais goût - mais en général ils l'ont, quand ils sont efficaces. De mASme, il n'y a pas de raison intrinsèque que les décisions soient déplaisantes ' mais la plupart le sont, quand elles sont utiles.
Il y a une chose que le travaillent du sait efficace, dans ce cas, doit sair évitet, c'est de céder A  la clameur - Faisons une autre étude -. Cela, c'est le recours du poltron, et le poltron connaitra mille morts, tandis que le brave n'en connait qu'une. Devant l'objection, le cadre efficace se demande : Y a-t-il la moindre raison de penser qu'une étude de plus produise quoi que ce soit de nouveau ? Que ce nouveau a des chances d'AStre pertinent ? Et si la téponse est - non - - cas général - le décisionnaire efficace n'autorise pas une autre étude. Il ne gaspille pas le temps de gens valables afin de camoufler sa propre indécision.
Mais en mASme temps il ne va pas précipiter sa décision avant d'AStre sûr de bien la comprendre. Comme tout adulte raisonnable et expérimenté, il a apptis A  prASter attention A  ce que Socrate appelait son - démon - - la ix intérieure qui murmure au plus profond de lui: - Fais attention. - On ne renonce pas A  faire ce qu'il faut pout la seule raison que c'est difficile, désagréable ou effrayant. Mais on doit s'abstenir, ne serait-ce qu'un moment, si on se trouve mal A  l'aise, troublé, soucieux sans trop sair pourquoi. - Je m'arrASte toujours quand les choses me paraissent floues -, c'est ce que dit l'un des meilleurs décisionnaires que je connaisse.
Neuf fois sur dix, on constatera que cette gASne tient A  quelque détail stupide. Mais la dixième fois, on réalise soudain qu'on a négligé la donnée la plus importante du problème, qu'on a fait une gaffe élémentaire ou qu'on a mal jugé, sur un point ou sut un autre. La dixième fois, on se téveille subitement au milieu de la nuit et on réalise -comme Sherlock Holmes dans la fameuse nouvelle ' que - la chose la plus importante, c'est que le chien des Baskerville n'a pas aboyé -.
Cela dit, le décisionnaire efficace n'attend pas longtemps -quelques jours, au plus quelques semaines. Si durant ce délai le - démon - n'a tien dit, alors il agit avec rapidité et énergie, que cela lui plaise ou pas.
Le travailleur du sair n'est pas payé pour faire ce qui lui plait. Il est payé pour faire ce qu'il faut faire ' le plus souvent dans le cadre de sa fonction spécifique, qui est de prendre des décisions efficaces.
II en résulte que la prise de décision ne peut plus rester l'apanage du très petit groupe de la direction générale. D'une faA§on ou d'une autre, tous les travailleurs du sair dans l'organisation, ou presque tous, devront soit devenir eux-mASmes des décisionnaires, soit jouer au moins un rôle actif, intelligent et autonome dans le processus de décision. Ce qui était naguère une fonction hautement spécialisée, exercée par un organisme étroit et généralement clairement défini ' les autres se coulant dans le moule des habitudes et des usages - devient rapidement la tache normale, ire quotidienne, de chaque unité particulière dans la nouvelle institution sociale, l'organisation A  grande échelle du sair. De plus en plus, l'aptitude A  prendre des décisions efficaces détermine l'efficacité pure et simple de chaque travailleur du sair, du moins s'il occupe une position de responsabilité.



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