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narratologie comparée des mythes et des marques icon

MARKETING

Le marketing, parfois traduit en mercatique, est une discipline de la gestion qui cherche à déterminer les offres de biens, de services ou d'idées en fonction des attitudes et de la motivation des consommateurs, du public ou de la société en général. Il favorise leur commercialisation (ou leur diffusion pour des activités non lucratives). Il comporte un ensemble de méthodes et de moyens dont dispose une organisation pour s'adapter aux publics auxquels elle s'intéresse, leur offrir des satisfactions si possible répétitives et durables. Il suscite donc par son aspect créatif des innovations sources de croissance d'activité. Ainsi l'ensemble des actions menées par l'organisation peut prévoir, influencer et satisfaire les besoins du consommateur et adapter ses produits ainsi que sa politique commerciale aux besoins cernés.


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Le doute des narrateurs : évolution du récit des mythes et des marques

L'orateur Isocrate, enron quatre siècles après Homère, faisait ainsi l'analyse de l'évolution des récits mythiques : - Homère a rédigé les mythes des affrontements et des guerres des demi-dieux ; les tragiques ont transformé ces mythes en action, si bien que nous n'en sommes plus seulement les auditeurs, mais aussi les spectateurs. -
Aujourd'hui, Isocrate dirait volontiers que les médias ont changé les marques et qu'il faudrait inventer une nouvelle forme de récit.
Quand le Savon de Marseille opte pour une stratégie de marque, il deent le - Petit Marseillais -, réduisant sa taille, prenant des couleurs, et vantant son authenticité : - Le Petit marseillais, il dit vrai. - Le tout en presse magazine avec photo du produit sur fond de galets et de sable. Plus tard, changeant de média et - passant A  la télé -, le - Petit Marseillais - dévoile une femme aux seins nus caressés par le célèbre savon : - Le Petit Marseillais, le petit savon qui prend du plaisir A  vous faire une beauté ! -
Changement de médias, changement de récit : les différents narrateurs font évoluer la marque jusqu'au sens mASme des produits et de leur histoire.
En résistant A  de tels bouleversements, les marques démontrent leur pérennité et leur modernité. Il n'y aurait pas mythe s'il n'y avait adapilité.
Selon Suzanne Saïd : - Si le mythe reste vant, c'est précisément parce qu'il est plastique et qu'il est toujours susceptible d'AStre remodelé et réinterprété pour s'adapter aux circonstances.13 -
Toute la difficulté pour le publicitaire ou le directeur de marque est de parvenir A  intégrer les variantes nécessaires - dans la ligne de tradition, de respecter un jeu réglé de thèmes, d'associations, de rapprochements et de contrastes en dehors desquels le message cesserait d'AStre intelligible-. Ce que dit Jean-Pierre Vernant dans Mythe et société en Grèce anciennea„¢ s'adapte bien aux marques.
Il n'y a pas de marque, pas d'innovation sans provoquer le doute du narrateur.
Quelles que soient la force de la marque, la solidité de son ancrage sur son territoire économique et imaginaire, il ent un temps où l'on s'interroge. Où aller, jusqu'où, quelles options prendre ? Telles sont les questions inéles que l'enronnement extérieur ou l'- interne - conduisent A  se poser. Des exemples de ce temps du doute du narrateur se trouvent dans tous les secteurs d'actité. Plus le mythe est grand, plus forte est la marque, plus le narrateur est tenté par l'immobilisme pour ne - rien casser -. Un slogan, une musique trop longtemps répétés sans évolution conduisent inexorablement une marque A  son déclin. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain ?

Kronenbourg

La marque Kronenbourg avait une communication traditionnelle axée sur l'Alsace et les valeurs franA§aises du terroir. Un marketing de masse la présentait comme une bière de grande consommation.
Ces dernières années, le marché européen de la bière a connu une érosion de la consommation dans le grand public et dans le circuit des - CHR - (cafés, hôtels, restaurants). La naissance d'un marketing personnalisé a fait apparaitre sur le marché des bières de spécialité et des bières de terroir aux origines très - exotiques -. La marque Kronenbourg s'est retrouvée encerclée et surtout banalisée, sans caractère distinctif émergent. Sa communication a pris le parti d'exprimer ce flottement. - K, la bière qui en est un - joue sur deux s. Un glissement d'identité de Kronenbourg A  K annonce le changement d'état cil de la bière. Surtout, la marque se pose en - cas - et ent en débattre sur la place publique. La bière qui est un K interpelle le public sur son propre questionnement, dans l'attente de pistes qui peuvent se révéler des impasses. La marque leader est au cœur du doute, et déclare avec humour qu'elle n'a plus rien A  dire. Un an plus tard, Kronenbourg s'appelait désormais la - Kro -.
Cette faA§on d'envoyer un signe de détresse et de proximité renvoie A  l'ambiguïté de la communication publicitaire : - La fonction de communication de masse de la publicité ne lui ent donc pas de ses contenus, de ses modes de diffusion, de ses objectifs manifestes, mais de sa logique mASme ne renvoyant pas A  des objets réels, A  un monde réel, A  un référentiel, mais d'un signe A  l'autre, d'un objet A  l'autre, d'un consommateur A  l'autre.15 - La - Kro - qui est un K fait passer un signe de complicité culturelle, une faA§on d'occulter - ou de dédramatiser - la banalisation du produit et le flottement de la marque.
Lorsqu'une marque se tourne vers le public pour comprendre sa propre problématique et chercher un souffle créateur, elle inverse les rôles. Il n'a jamais été dans le rôle du public, le - destinataire - du récit mythique, d'AStre le confident du héros. C'est lui qui donne les ordres. Attention, danger !


Le luxe, ou comment sortir d'un mythe é ?


Un grand nombre de marques de luxe sortent du temps du mythe en s'ouvrant A  des lignes de produits ou A  des marchés qu'elles n'avaient encore jamais investis : la couture, le parfum, les bijoux, les accessoires, la maroquinerie avec des succès divers. Le lancement du parfum C'est la e de Christian Lacroix a été un échec relatif en dépit d'un budget important. Pourquoi ce -jus- n'a-t-il pas rencontré son public ? Le mystère demeure. La société Dupont, qui reste leader du marché mondial du briquet, est passée du briquet au stylo, A  la maroquinerie pour hommes et femmes, et développe maintenant une ligne de prASt-A -porter féminin. Le public suivra-t-il, est-ce cohérent par rapport A  l'histoire et A  l'image de la marque ? La marque Cartier évoque désormais tout un - monde Cartier - avec de la maroquinerie, des foulards, de la joaillerie, les lignes déclinées des Musts, et un parfum. L'ouverture récente de la - Maison de Cartier - dédiée aux arts de la le montre sa volonté d'élargir son univers. Les joailliers comme Van Cleef et Boucheron lancent leur parfum. Guerlain, dans le sillage des parfums et cosmétiques, signe des sacs, des foulards, des garnitures de toilette, des peignes et des brosses. Ces élargissements de ligne sont au cœur du temps. Les narrateurs doutent de la force originelle de leur mythe. Ils cherchent A  s'en évader. Sans doute ces univers conduisent-ils inélement A  vouloir offrir tout ce qui évoque l'art de vre franA§ais et A  faire un peu de tout. La tendance des marques de luxe reent au total look, alors mASme que le temps est A  l'éclectisme.
L'extension de marque, le brand stretching, est au cœur des décisions. Est-il toujours légitime ?
La fonctionnalité des appartements et le manque d'espace jouent également en défaveur de tels objets décoratifs, sans négliger la déstructuration des repas, qui relègue les - réceptions - dans un passé lointain. Traditionnellement, les produits des arts de la le étaient associés aux listes de mariage. Les nouveaux couples vent hors mariage plusieurs années et s'équipent dans des styles -jeunes - qui leur correspondent. Lorsque ent le temps du mariage, leur demande est nettement orientée vers des produits de loisirs. Pour toutes ces raisons, les marques des arts de la le, et plus largement celles du luxe, tentent de poursuivre leur récit A  tatons.


Lalique, Christofle


René Lalique a été au cœur de la Belle époque un artiste de grand renom. - Personne comme lui, reconnaissait Vever lui-mASme, ne sait mettre en valeur un cabochon défectueux, une perle baroque par le seul art de la monture.16 - A€ l'Exposition de 1925, dans la grande période des Arts décoratifs, les pièces de Lalique étaient parmi les plus remarquées. Ses bijoux sont aujourd'hui dans les collections privées et les musées. Son entreprise s'était progressivement spécialisée dans les arts de la le et les objets de décoration provenant de l'artisanat d'art du verre.
Lorsque, au début des années 1990, Lalique fait une extension de gamme vers les bijoux pour contrer le désintérASt du public A  l'égard de ses spécialités des arts de la le, cette tentative de brand stretching (extension de marque) se révèle passionnante, mais décevante en termes de chiffre d'affaires. Danièle Eicher, ancienne directrice de la communication de Lalique, raconte : - La diversification était logique et légitime par rapport A  l'histoire. L'idée de Lalique était de faire des univers pour ne pas tout concentrer financièrement sur les arts de la le, qui ne sont plus générateurs de profit. Mais on ne peut pas'mettre les bijoux au milieu des vases et des verres, il faut recréer des univers féminins, des espaces bijoux. Lalique a créé une ligne très large de bijoux allant de moins de 1 OOO francs jusqu'A  des bracelets et colliers atteignant 10 000 francs. A l'international, quand on veut du French style, on va chez Chanel, Hermès, peut-AStre pas chez Lalique, qui a une autre image. Les comportements des consommateurs restent très mystérieux dans ces gammes de prix. -
Christofle connait ces mASmes interrogations sur son sens profond, malgré son musée et une reconnaissance mondiale de son art. La valeur d'usage des produits a décliné, et quand seule subsiste la valeur d'image, elle ne se traduit pas en nombre de consommateurs et en volume de vente. La marque Christofle s'était lancée dans l'aventure de la joaillerie et de l'horlogerie, confortée par des conseils et des études. Les bijoux en argent, les chaines, les montres semblaient s'appuyer sur l'histoire et remontaient aux racines de l'entreprise. La diversification avait pris une part importante dans le magasin de la rue Royale, presque transformé en joaillerie. Mais les journalistes n'ont pas accroché et le public n'a pas sui, pas compris. Alors que parents et grand-parents achetaient traditionnellement leurs ménagères chez Christofle, la rupture d'univers était trop importante. L'expérience n'a pas été renouvelée, mais la question reste posée : comment sortir d'un secteur menacé et avec quels risques ?
Ces marques qui avaient gagné leur temps héroïque et mythique en les fondant sur un artisanat d'art sont également dans la phase d'interrogation sur les choix de communication et de narration. Elles sont emprisonnées dans des produits et un positionnement qui ne sont plus en prise directe avec leur époque. Certaines marques de luxe, contrairement aux marques de la grande consommation, ont quelquefois tendance A  oublier qu'une marque est d'abord une part de marché et de la valeur ajoutée. Sans consommateur, une marque meurt. Lalique comme Christofle peuvent pourtant conquérir de nouveaux clients.
Tout est affaire d'adaptation au public sé et de communication avec ce public.
Pour que les plus grands mythes grecs parennent A  nous sans trop d'interruptions, synonymes de rupture et quelquefois d'abandon définitif, certains narrateurs grecs n'hésitèrent pas A  adapter A  leur public les récits les plus sacrés.
On nommerait sans doute cela de nos jours du - marketing éditorial -.
L'industrie du cinéma en est coutumière.
On connait l'origine de la guerre de Troie. Hélène, femme de Ménélas, roi de Sparte, en Grèce, deent la maitresse de Paris. Elle le suit A  Troie.
Un adultère ?
La famille royale de Troie, en Asie Mineure, venait d'offenser une famille royale de Grèce. Choc de cilisations, guerres et destruction
Trois siècles après Homère, Sparte est au sommet de sa gloire. La cité tient le leadership en Grèce. Cette histoire d'illustres ancAStres adultères et cocus est bien gASnante ! Stésichore, narrateur d'alors, ne recule pas devant les innovations. 11 reent sur la légende d'Hélène, et raconte que Paris n'en avait emmené A  Troie que le fantôme.
Ce thème plaisait naturellement beaucoup plus aux Spartiates. Leur honneur était sauf et Paris, un balourd.
Lorsqu'un top model A  la taille de guASpe avale goulûment une énorme pizza McCain dans un spot TV, le public est médusé. La manipulation n'est sans doute pas plus grande que celle des anciens Spartiates.
Ne serait donc réellement vraisemblable que ce que le public est prASt A  entendre ?
Les marques-mythes, quand elles ont bien compris leur propre sens, ce qui les a fait réussir dans le temps de l'héroïsme et durer dans le temps de la sagesse, doivent se souvenir de l'extensibilité possible des frontières. Surtout lorsqu'elles ont l'audace d'étendre leur territoire, comme Bic ou Swatch.
Aucun mythe n'a pu s'installer durablement sans nouveaux conteurs, sans de nouvelles formes d'écriture.
Aucune marque ne peut vre sans s'adapter. Elle traverse nécessairement une crise de conscience ou de marché. Le doute s'installe chez le narrateur avec son cortège d'interrogations et d'incertitudes.
Pour René Dessectiunes, le père des idées claires et de la méthode, - la plupart de nos jugements sont conditionnés par l'habitude. Notre connaissance est faite d'opinions qui, du reste, s'opposent souvent entre elles. Pour entreprendre la recherche de la vérité, il faut donc, une fois, en sa e, douter de toutes choses où l'on aperA§oit le moindre soupA§on d'incertitude.17 -
Ce n'est pas renier sa puissance que d'avouer ses interrogations. La marque doit-elle se diversifier, se séparer de ses acquis, tenter l'aventure des extensions de gamme ? Avec quelle légitimité et quelle antériorité ? Le public suivra-t-il ? Est-ce cohérent par rapport A  l'histoire et A  l'image ? Quels choix de communication, quel impact sur la perception du public ? N'est-ce pas trahison du sens ? Quel sera la réaction de l'auditeur-consommateur ? Ces questions assaillent le - directeur de marque -, le - narrateur - actuel du mythe.
Le doute du narrateur existe bel et bien. L'honnASteté intellectuelle exige de la reconnaitre, mASme si Jacqueline de Romilly, expert s'il en est de l'évolution de l'histoire mythologique de la Grèce, de son actualité, nous donne sans doute la méthode dans une jolie métaphore : - Dans une telle histoire, le contact avec le texte est souvent perdu ; mais périodiquement, l'on y reent. On peut constater l'espèce du renouveau que chaque fois ce retour au texte peut apporter : c'est un peu le principe du marcottage.18 -
Converse a vendu en France un million de paires de baskets en 2003 et devrait bien - s'endormir - pour 15 ou 20 ans pour, dans une génération, réveiller A  nouveau sa eille Ail Star. Une nouvelle histoire de la marque s'écrira alors.
Malgré un luxe de précautions, et une accumulation d'indices vraisemblables, on ne peut empAScher une marque de eillir, de - sortir du marché -.
Les marques touchant les arts de la le se retrouvent dans cette situation.
Alors le doute envahit le narrateur, malgré les outils du diagnostic dont il dispose.
Bouger ? Oui.


Mais où ?

Cependant, rien n'est pire que l'immobilisme et pour qu'ils nous parennent, les mythes grecs ont toujours été adaptés.



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