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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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La victime lésée - la sanction de la violation de la règle de droit

' C'est sans doute A  ce titre que l'originalité du droit international de la responsabilité apparait le mieux. Mais c'est aussi lA  où ce droit est historiquement le plus marqué : en effet, les solutions traditionnelles ne correspondent plus guère aux besoins et aux réalités de la société internationale contemporaine.
En droit interne et, en vertu de l'existence d'un - état de droit -, toute victime d'un dommage a le droit et la possibilité d'en demander réparation dent les tribunaux A  rencontre de l'auteur de l'acte illicite. Le droit international ne connait rien d'aussi systématique. La raison en est que la société internationale - classique - née A  partir du xvie siècle se composait exclusivement d'Etats, le droit applicable étant alors de type inter-étatique. Dès lors, la responsabilité internationale n'était qu'une affaire d'Etat A  Etat. Tout dommage était imputé A  l'Etat, tandis que la victime apparaissait toujours, elle aussi, comme un Etat. Autrement dit, si la victime était un individu ou s'il y ait atteinte A  un intérASt privé, celle-ci n'ait, en tant que telle, aucun remède ; elle deit obtenir la protection diplomatique de son Etat national qui allait alors évoquer l'affaire au niveau international contre l'Etat auteur du dommage.
Cet - écran étatique - fut omniprésent jusqu'A  la fin de la première guerre mondiale. Depuis, il a tendu A  se dissiper quelque peu au fur et A  mesure que l'individu apparaissait comme un sujet du droit international. A la limite il disparait complètement lorsque les personnes privées reA§oivent un droit d'action directe dent des tribunaux internationaux (voir supra, nA° 1003).
Sans doute, un tel mécanisme de la responsabilité classique limitée aux Etats devenait difficilement applicable pour une institution internationale. Celle-ci pouit-elle AStre autonome en la matière ou, au contraire, deit-elle compter sur la nécessaire médiation de ses membres en tant qu'Etats pour obtenir réparation ?
Cet - écran étatique - ne s'est ici jamais appliqué : il a en effet été admis que les institutions internationales, en raison de leur personnalité internationale propre, pouient obtenir directement réparation des préjudices éventuellement subis par elles.
Il convient ainsi d'isoler plusieurs - cas de ures - selon que la victime est un Etat, une institution internationale ou une personne privée.


A ' La victime Etat ou institution internationale.


' La situation juridique de ces - personnes morales de droit public - est identique sur ce point. Etat et institution internationale ont A  leur disposition de très nombreux moyens diplomatiques et juridictionnels pour assurer le respect de leurs droits éventuellement violés par un autre Etat ou institution.


B ' La victime personne privée.


' Si une personne privée subit un préjudice de la part d'un Etat ou d'une institution internationale en raison d'une violation du droit international, elle ne peut, en général, qu'exceptionnellement en obtenir directement réparation dent les tribunaux internationaux. Le contentieux doit AStre - évoqué - soit par l'Etat national qui exercer sa - protection diplomatique -, soit par l'institution internationale qui alors exercer sa - protection fonctionnelle - au profit de ses agents. Toutefois, il existe maintenant une tendance croissante A  accorder A  l'individu un - droit d'action directe -, sans passer par cette institution rétrograde mais classique et encore bien vinte du droit international qu'est la - protection diplomatique -.
(On notera que l'atteinte A  des intérASts privés - étrangers - constitue ' et de loin ' la plus grande source du contentieux international ; pour une analyse claire et contemporaine, voir International Law of State responsibility for injuries to aliens, R.B. Lillich, éd., University Press of Virginia. 1983).

1 ' L'élétion du conflit par l'Etat national : la protection diplomatique.

a) Un fondement fictif: le droit propre de l'Etat national de la victime privée.

' Telle est la vision classique, coutumière du droit international en la matière. Elle est sans doute critiquable car elle est source d'injustices. En renche, elle est commode dans la mesure où les différends juridiques pourront se trouver A  la fois limités et aisément circonscrits.
Le préjudice subi par une personne privée et résultant d'une violation du droit international ne donne pas en soi un droit A  la victime d'obtenir réparation. En renche, - son - Etat national peut prendre - fait et cause - pour elle et - endosser - sa réclamation. Ce faisant, le conflit appartient alors A  l'ordre international et il devra AStre tranché sur la base du droit international, dans la mesure où, désormais, il opposer deux Etats.
Autrement dit, l'Etat qui exerce sa protection diplomatique A  l'égard d'un de ses nationaux victime d'un manquement au droit international de la part d'un autre Etat ou d'une organisation internationale utilise sa compétence personnelle afin de - faire loir - son droit propre qui est de veiller au respect du droit international A  l'égard de ses nationaux.
Ce fondement classique et largement illusoire de la protection diplomatique a été, depuis longtemps, posé par la Cour de La Haye qui ne s'en est jamais départie. Il a été également reconnu comme tel par les juridictions de l'ordre interne.

' Dans l'affaire Mavromatis, la Grèce prétendait obtenir réparation de la Grande-Bretagne pour violation des droits d'un de ses nationaux en Palestine, A  l'époque sous mandat anglais. La Cour admit, contre la thèse anglaise, la prétention grecque dans les termes suints : - Un différend international est un désaccord sur un point de fait ou de droit, une opposition de thèses juridiques ou d'intérASts entre deux personnes ; tel est certainement le caractère du litige qui sépare actuellement la Grande-Bretagne et la Grèce ; cette dernière fait loir son droit propre A  ce que son ressortissant, M. Mavromatis, qui aurait été traité par les autorités palestiniennes ou britanniques d'une manière contraire A  certaines obligations internationales dont le respect s'imposait, obtienne de ce fait une indemnité de Sa Majesté britannique -. Et la Cour poursuiit ainsi : - C'est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l'Etat A  protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils n'ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire internationale, cet Etat fait, A  vrai dire, loir son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international - (arrASt nA° 2, exception préliminaire, 30 août 1924, sér. A, p. 12).

' Par la suite, la Cour de La Haye n'allait jamais plus se départir de cette attitude. Elle deit AStre confirmée, par exemple, dans l'affaire des emprunts serbes et brésiliens de 1929 (sér. A, 20 et 21) et surtout dans l'affaire dite des chemins de fer de Panevezys-Saldustikis de 1939 (sér. A/B, nA° 76, p. 16) où elle deit reprendre expressis verbis, les termes utilisés par l'arrASt Mavromatis.
La C.IJ. deit ici encore suivre les analyses de sa dencière : voir par exemple l'affaire Nottebohm (Rec. 1955, p. 24) ou l'affaire de la Barcelona Traction (Rec. 1970, pp. 4344).

' La Cour de cassation franA§aise, dans un arrASt récent et fort intéressant, deit s'exprimer dans des termes quasiment identiques A  ceux utilisés par la C.P.J.I. dans les affaires Mavromatis et des chemins de fer de Panevezys-Saldustikis. Selon la Cour de cassation : - Lorsqu'il exerce la protection diplomatique de ses nationaux, l'Etat fait loir le droit propre qu'il a de faire respecter, en la personne de ses ressortissants, le droit international - (Cass. 1a"¢ Ch. civ. 14 juin 1977, S.E.E.E. c/ République socialiste fédérative de Yougoslavie - Etat franA§ais et autres, Rev. crit. DIP, 1978, 710, note L. Dubouis). Toutefois, la Cour de cassation deit tirer de cette séparation des deux droits ' celui propre de l'Etat et celui de l'individu ' une conséquence particulière qui montre bien le fondement fictif du mécanisme de la protection diplomatique : - Dès lors, affirme la Cour de cassation, l'accord diplomatique par lequel le gouvernement franA§ais accepte la limitation de la dette d'un gouvernement étranger envers un ressortissant franA§ais ne prive pas ce dernier de l'exercice des voies de droit découlant du contrat passé par lui - (voir sur ce point la note critique du professeur Dubouis).

' On pourra, sur ce mécanisme, faire les remarques générales suintes.
Ce mécanisme classique d' - endossement - par l'Etat national est potentiellement injuste pour l'individu. En effet, l'Etat national peut s'abstenir de le protéger ou peut aboutir, pour des raisons d'Etat, A  un accord partiel qui ne satisfasse pas l'individu lésé. Et c'est bien l'hypothèse dont la Cour de cassation eut A  connaitre dans son arrASt précité de 1977. Ceci explique que la Cour ait admis que la société en cause lésée pouit toujours continuer A  faire loir ses droits et, A  cette fin, utiliser les voies de recours qui lui étaient offertes, nonobstant l'exercice par la France de sa protection diplomatique qui, par son action, n'ait pas - épuisé - tous les droits de son ressortissant ; autrement dit, la Cour de cassation reconnut - l'indépendance - de ces deux catégories de droits ' ceux de la personne privée lésée et ceux de l'Etat national ' ainsi que celle des moyens aux fins d'obtenir satisfaction. Mais une telle dualité d'actions n'est pas toujours possible, mASme si elle est souhaile (voir pour une opinion contraire et plus -classique- l'article précité du professeur Dubouis).
En l'espèce, une telle possibilité demeurait ouverte au bénéfice de la société franA§aise, car il s'agissait d'un litige né A  propos de l'exécution d'un contrat passé avec l'Etat yougoslave et qui contenait une clause d'arbitrage.
Ce mécanisme peut également se révéler dangereux dans la mesure où il est susceptible de constituer au profit de l'Etat qui - élève le conflit - un prétexte pour - intervenir dans les affaires intérieures - de l'Etat auteur du fait illicite et du dommage. Et telle est d'ailleurs la raison pour laquelle de nombreux Etats du tiers-monde ont protesté depuis longtemps, A  commencer par les pays de l'Amérique latine dès le XIXe siècle, contre cette institution de la protection diplomatique. Dans ces conditions, l'exercice de la protection diplomatique peut AStre analysé comme compliquant la solution du litige.
En renche, il faut noter l'aspect positif du système en ce sens qu'il est de nature A  limiter le nombre de tels conflits internationaux. Cette procédure de la protection diplomatique sert en quelque sorte de - filtre - et permettre de ne retenir que les litiges, les réclamations qui sont sérieuses et bien fondées.

b) Les conditions d'exercice de la protection diplomatique.

' Il existe deux conditions fondamentales A  l'exercice de la protection diplomatique par l'Etat : la première touche A  la nationalité de la victime et la seconde A  son comportement.

I. ' La protection de l'Etat A  l'égard de ses seuls nationaux.

' L'exercice de la protection diplomatique étant lié aux compétences personnelles de l'Etat (voir supra, nA° 885 et s.), celui-ci ne pourra donc protéger que ses seuls nationaux, personnes physiques ou morales.
Ce principe général a été posé par la Cour permanente de justice internationale dans son arrASt du 23 février 1939 déjA  cité entre l'Estonie et la Lituanie dans l'affaire des chemins de fer de Panevezys-Saldustikis. La Cour ait, en effet, précisé : - Ce droit (d'exercer sa protection diplomatique) ne peut nécessairement AStre exercé qu'en faveur de son national, parce que, en l'absence d'accords particuliers, c'est le lien de nationalité entre l'Etat et l'individu qui seul donne A  l'Etat le droit de protection diplomatique - (sér. A/B, nA° 76, p. 16).


a) La protection diplomatique des personnes physiques.


' Le principe est que l'Etat ne peut exercer sa protection diplomatique A  l'égard d'un autre Etat ou d'une institution internationale qu'en faveur de ses seuls nationaux ; il ne cède qu'en cas de convention spéciale contraire.
Ce principe a été appliqué traditionnellement par la jurisprudence internationale. C'est ainsi que, dans l'affaire des propriétés religieuses au Portugal qui opposa la France, l'Esne et la Grande-Bretagne au Portugal, ces trois pays ne furent admis par la Cour permanente d'arbitrage A  protéger que leurs seuls nationaux dont les biens aient été expropriés par le Portugal, A  l'exclusion des nationaux de pays tiers (sentence du 2 septembre 1920, R.S.A., vol. I, p. 7 et s.).
Toutefois, un tribunal statuant en équité pourra éventuellement accepter une dérogation A  ce principe qu'un Etat pouit AStre amené A  exercer sa protection diplomatique en faveur du ressortissant d'un Etat tiers. Ce fut d'ailleurs ce que décidèrent les arbitres dans l'affaire dite du - I'm atone - qui opposa les Etats-Unis au Canada. Les commissaires acceptèrent que le Canada puisse accorder sa protection diplomatique et recevoir A  ce titre des indemnités de la part des Etats-Unis au profit de la famille d'un marin franA§ais qui se trouit sur ce bateau qui ait été coulé par les autorités douanières américaines au moment de la prohibition pour transport illicite de boissons alcoolisées (R.S.A., vol. III, 1613).
En conséquence, il ne saurait y avoir de protection diplomatique pour tes apatrides. On ne peut s'empAScher ici de noter l'injustice de cette solution, mASme si elle s'explique par des principes classiques (voir pour un exemple de ce type, l'affaire Dickson Car Wheel CA° qui opposa les Etats-Unis au Mexique, in Whiteman, Digest, vol. I, p. 36 et s. ; R.S.A., vol. IV, p. 669).

' Toutefois, la mise en oeuvre de ce principe selon lequel un Etat ne peut protéger que ses seuls nationaux ne cesse de poser des difficultés en ce qui concerne l'appréciation du lien de nationalité.

' Cette nationalité, tout d'abord, doit AStre - effective - pour AStre opposable A  l'Etat tiers A  rencontre duquel un autre Etat prétend exercer sa protection diplomatique. Telle était ' on s'en souviendra ' l'hypothèse de l'affaire Nottebôhm qui opposa le Liechtenstein au Guatemala dent la C.IJ. en 1955. En l'espèce, la Cour estima que la nationalité accordée par le Liechtenstein A  Nottebôhm n'étant pas effective, celle-ci n'était pas opposable au Guatemala faute d'AStre conforme aux prescriptions du droit international. Dans ces conditions, le lien de nationalité étant - fictif -, le Liechtenstein ne possédait pas le titre requis pour exercer sa protection diplomatique A  l'encontre du Guatemala en faveur du sieur Nottebôhm.

' L'individu lésé ne doit pas avoir A  la fois la nationalité de l'Etat réclamant et celle de l'Etat auteur du dommage. On vise ici les cas de double nationalité où l'individu lésé a donc la nationalité de l'Etat où le dommage s'est produit et, en mASme temps, la nationalité de l'Etat qui prétend en obtenir réparation. Le principe en a été posé dans l'affaire Canero qui opposa l'Italie au Pérou dent la Cour permanente d'arbitrage. Canero ait la double nationalité italienne et péruvienne et, en conséquence, les arbitres estimèrent que l'Italie n'était pas fondée dans ces conditions A  exercer sa protection diplomatique au bénéfice du sieur Canero contre le Pérou (sentence du 3 mai 1912, texte in R.G.D.IJP., 1913, p. 328-333).
On notera également que la Cour internationale de justice, dans son Avis consultatif du 11 avril 1949 dans l'affaire dite du Comte Ber-nadotte, reconnut l'existence de cette exception et remarqua: -La pratique généralement suivie selon laquelle un Etat n'exerce pas sa protection diplomatique au profit d'un de ses nationaux contre un Etat ,qui considère celui-ci comme son propre national - (p. 186). Sans, doute, la Cour ne précisa-t-elle pas formellement qu'il s'agissait lA  d'une règle coutumière, bien que les mots employés - pratique généralement suivie - fassent penser qu'il en soit ainsi.
Cependant, une évolution nole s'est produite au cours de ces dernières années en matière de protection diplomatique des doubles nationaux. De nombreuses décisions arbitrales ont fait application A  cette situation de la jurisprudence Nottebôhm sur la nationalité effective : elles ont fait préloir la nationalité effective et ont ainsi permis A  l'Etat réclamant de l'invoquer pour protéger son national contre l'Etat de nationalité - secondaire -. Ainsi dans l'affaire Florence Mergé décidée le 10 juin 1955, la Commission de conciliation italo-américaine deit dégager les principes suints : - Le principe fondé sur l'égalité souveraine des Etats, qui exclut la protection diplomatique en cas de double nationalité, doit céder dent le principe de nationalité effective, chaque fois que cette dernière nationalité est celle de l'Etat réclamant. Mais il ne doit pas céder quand cette prédominance n'est pas prouvée - (R.S.A. T. XIV, p. 239) (voir aussi pour des applications récentes, B. Leurent, Problèmes soulevés par les demandes des doubles nationaux dent le Tribunal des différends irano-américain, R.C.D.I.P., 1985, 273 et 477).

' Le changement de la nationalité de la victime ou de ses ayants droit pose de redoules problèmes lorsqu'il s'agit d'apprécier l'existence de ce lien de nationalité. Quand, en effet, cette nationalité doit-elle exister pour justifier l'exercice de la protection diplomatique par l'Etat réclamant ? Cette nationalité peut, A  l'évidence, changer. D'où l'importance de la question. Cette nationalité peut AStre appréciée A  des moments extrASmement divers : soit A  la date du fait générateur du dommage, soit A  la date de la signature de la convention de réparation, soit enfin A  la date du jugement par le tribunal international. Il faut noter que la jurisprudence a beaucoup évolué sur ce point. Au début, elle adopta un principe très strict, A  savoir celui de la - continuité de la nationalité -. Ce qui voulait dire que la nationalité de la personne victime du dommage deit exister du début jusqu'A  la fin, la victime dent AStre un ressortissant de l'Etat réclamant depuis la naissance du fait générateur jusqu'A  la date du jugement rendu par le tribunal. Par la suite, la jurisprudence s'est assouplie et elle a admis que la possession de la nationalité lors de la signature du compromis ou de l'accord relatif aux modalités de la réparation était suffisante, ce qui venaient A  abandonner l'idée de la continuité de la nationalité. Ce changement de jurisprudence internationale s'est produit lors de l'affaire précitée dite des veuves du - Lusitania - décidée par la Commission mixte germano-américaine, le 1er novembre 1923 (R.S.A., vol. VII, p. 32 et s.). Cette commission, élie par un traité spécial entre les deux pays, était chargée de se prononcer sur les réclamations américaines A  l'encontre de l'Allemagne ant l'entrée en guerre des Etats-Unis. Le Lusitania, navire britannique coulé par la marine allemande, ait A  son bord un grand nombre de ressortissants américains. Par la suite, certaines veuves des personnes qui se trouient sur le Lusitania aient acquis une autre nationalité. Les Etats-Unis pouient-ils également protéger ces veuves qui ne possédaient plus la nationalité américaine et qui aient pris la nationalité d'un pays tiers ? Si l'on adoptait la solution traditionnelle, la réponse était négative. Toutefois, en l'espèce, la Commission accepta cette protection diplomatique pour toutes les veuves qui possédaient la nationalité américaine lors de la signature du traité entre les Etats-Unis et l'Allemagne instituant la procédure d'arbitrage. Une telle solution, moins stricte et plus libérale, est équile car elle dans le sens de l'intérASt des victimes et de leurs ayants droit.

La protection diplomatique des personnes morales.

' Deux cas sont ici A  envisager : d'une part la protection de la société en tant qu'entité, en tant que personne morale ; et ensuite celle des individus en tant qu'actionnaires de cette société.

' La reconnaissance progressive du droit de protection diplomatique au profit des sociétés en tant que personnes morales.
La solution s'est dégagée lentement et elle est due A  la jurisprudence internationale de la deuxième moitié du xrx- siècle. Initialement, en effet, les sociétés, en tant que personnes morales, ne pouient pas AStre protégées par le biais de la protection diplomatique par leur Etat national.
En renche, maintenant, il s'agit d'un principe bien admis de l'ordre international selon lequel les sociétés en tant que telles peuvent AStre protégées par le biais de la protection diplomatique. Ce principe a été reconnu dans l'affaire souvent citée de la Barcelona Traction, qui opposa l'Esne A  la Belgique. Dans son arrASt de 1970, la C.I.J. s'exprimait de la faA§on suinte : - S'agissant d'actes illicites, dirigés contre une société A  capitaux étrangers, la règle générale de droit international n'autorise que l'Etat national de cette société A  formuler une réclamation - (Rec. 1970, p. 46).
On rappellera qu'il n'existe pas de droit international des sociétés et donc que la qualification du lien de nationalité se fait nécessairement par renvoi A  l'ordre national interne. C'est d'ailleurs ce qu'a reconnu la Cour dans l'affaire de la Barcelona Traction. En l'espèce, la Cour estima que la Belgique n'ait pas qualité pour protéger cette société Barcelona Traction alors mASme que ses nationaux en possédaient le - contrôle -. La C.IJ. élimina donc, en matière de nationalité des sociétés, le critère du contrôle. Elle n'en retint, par conséquent, que deux autres, A  savoir : le lieu d'incorporation (qui est le critère, en général, adopté par les pays de common law) et celui du siège social (qui est la solution retenue par les pays de droit civil). Ce faisant, la Cour estima qu'en l'espèce seul le Canada ait compétence pour exercer sa protection diplomatique, dans la mesure où la Barcelona Traction était incorporée dans ce pays.

' La reconnaissance exceptionnelle du droit de protection diplomatique au profit des actionnaires pris ut singuli.
Initialement, il n'existait pas non plus de protection diplomatique possible des actionnaires pris en tant que tels.
LA  encore, l'évolution a été due A  la jurisprudence internationale de la deuxième moitié du XIXe siècle. C'est ainsi que la protection diplomatique des actionnaires d'une société étrangère fut reconnue pour la première fois, semble-t-il, dans une affaire Ruden, qui opposa les Etats-Unis au Pérou (sentence rendue le 28 février 1870 ; voir le texte in La Pradelle et Politis, vol. II, p. 589-593).
Par la suite, une certaine pratique conventionnelle internationale allait admettre que les actionnaires puissent AStre individuellement protégés, A  côté de la société ; autrement dit, dans ces cas, il fut admis que l'on pouit - percer le voile social - et protéger les individus ayant conclu le pacte sociétaire (voir par exemple l'article 297 a) du Traité de Versailles ou l'article 78, A§ 4, b) du traité de paix avec l'Italie de 1947).
Or il s'agit lA  de règles spécifiques du droit conventionnel et il serait aventureux d'affirmer que l'on est en présence d'un principe général du droit international. La C.I.J. en a d'ailleurs jugé ainsi dans l'affaire précitée de la Barcelona Traction de 1970 (Rec. 1970, p. 47).


II. ' Le comportement de la personne lésée.


' Le comportement de l'individu lésé peut affecter de deux manières les conditions d'exercice de la protection diplomatique par son Etat national et la rendre mASme éventuellement, A  la limite, - irreceble -.
L'individu lésé, d'une part, doit avoir les - mains propres - ; il doit aussi avoir - épuisé - toutes les voies de recours internes.

La règle des - mains propres - (- Clean hands -).

' L'individu pour qui l'Etat exerce ou prétend exercer sa protection diplomatique ne doit pas lui-mASme avoir eu une - conduite blamable -. S'il en est ainsi, ce type de conduite atténuer la responsabilité éventuelle de l'Etat tiers A  qui une violation du droit international est reprochée, soit mASme elle l'exonérer complètement en rendant la protection diplomatique irreceble ou, si l'on préfère, non fondée.

' Des hypothèses de ce genre se présentent lorsque l'individu en cause a violé le droit interne du pays auteur du dommage. Il en fut ainsi, par exemple, dans l'affaire Ben Tilett qui opposa la Grande-Bretagne A  la Belgique A  la fin du siècle dernier (voir R.G. D.I.P. 1899, 46). Dans cette affaire, il s'agissait d'un syndicaliste anglais, Ben Tilett, qui se rendit en Belgique, A  Anvers, prendre la parole lors d'une réunion syndicale interdite, et cela malgré les mises en demeure des autorités belges. Ben Tilett passa outre ; il fut arrASté et renvoyé en Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne prit fait et cause pour Ben Tilett, demanda réparation A  la Belgique pour ce qu'elle pensait AStre une violation du droit international ; l'arbitre débouta la Grande-Bretagne en raison de la violation par Ben Tilett du droit belge. En bref, il n'ait pas les - mains propres -.

' Des hypothèses de ce genre se présentent également lorsque l'individu en cause a violé une règle fondamentale du droit international, comme par exemple des actes portant atteinte A  la neutralité des Etats par des actions de contrebande de guerre C'est ainsi que, dans l'affaire du - Virginius - (Moore Digest, II, p. 895 et s.) qui opposa l'Esne aux Etats-Unis, ce navire qui ait obtenu par fraude la nationalité américaine se livrait A  la contrebande d'armes au profit d'insurgés cubains. Il fut saisi en haute mer par un navire de guerre esnol, conduit A  Cuba, et tous les passagers furent jugés pour piraterie et exécutés. Dans l'absolu, l'Esne était en droit d'agir comme elle le fit. Toutefois, si une indemnité, en l'espèce, fut accordée A  la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis A  raison de l'exécution des marins anglais ou américains, ce fut parce que l'administration de la justice ait été défectueuse de la part des autorités esnoles locales. Cependant, la responsabilité de l'Esne se trou atténuée dans la mesure où les individus en cause se livraient A  un trafic international illicite.

L' - épuisement - des recours internes.

' Ant de pouvoir exercer sa protection diplomatique, l'Etat réclamant doit s'assurer que son national lésé a bien épuisé toutes les voies de recours gracieuses ou contentieuses existantes A  rencontre de l'Etat tiers auteur du dommage et qui auraient été organisées par l'ordre interne dé ce pays.
Il s'agit lA  d'une règle coutumière du droit international qui a été reconnue depuis longtemps par la jurisprudence internationale. C'est ainsi que,- dans l'affaire qui opposa, en 1939, l'Estonie A  la Lituanie (chemins de fer de Panevezys-Saldustikis ; C.PJ.L, sér. A/B, nA° 76) puis surtout dans l'affaire dite de l'Interhandel qui opposa les Etats-Unis A  la Suisse dent la C.IJ. en 1959, la Cour reconnut formellement le caractère coutumier de cette règle. Dans la dernière espèce, elle s'exprima selon les termes suints : - La règle selon laquelle les recours internes doivent AStre épuisés ant qu'une procédure internationale puisse AStre engagée est une règle bien élie du droit international coutumier. Elle a été généralement observée dans des cas où un -Etat prend fait et cause pour son ressortissant dont les droits auraient été lésés dans un autre Etat, en violation du droit international. Ant de recourir A  la juridiction internationale, il a été considéré, en pareil cas, nécessaire que l'Etat où la lésion a été commise puisse y remédier par ses propres moyens, dans le cadre de son ordre juridique - (Rec. 1959, p. 27).
La Cour internationale de justice appliqua également ce principe dans l'affaire Ambatielos de 1953 (Rec. 1953, p. 19) qui opposa la Grande-Bretagne A  la Grèce ou dans celle de l'Anglo-Iranian de 1952, qui opposa la Grande-Bretagne A  l'Iran.

' Il faut aussi noter que ce principe de l'épuisement des recours internes est consacré par la pratique internationale conventionnelle. C'est ainsi, par exemple, que la Convention européenne des droits de l'homme de 1950, dans son article 26, précise que la Commission ne peut AStre saisie par un individu se plaignant de la violation d'un de ses droits conventionnellement garantis, qu'après épuisement des recours internes - tels qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus -.
On notera également que ce principe de l'épuisement des recours internes a été également consacré par la résolution 1803 de l'Assemblée générale des Nations Unies relative A  la - souveraineté permanente sur les ressources naturelles - dans son article 4.


' Les raisons de cette règle apparaissent clairement :


' Il s'agit tout d'abord d'éviter la multiplication des différends internationaux; autrement dit, on est lA  en présence d'une règle d'économie du contentieux international.

' Il s'agit encore d'une règle de bon sens qui touche A  la bonne administration de la justice. En effet, tout Etat est supposé avoir un système judiciaire complet et objectif. Dans ces conditions, c'est d'abord dans l'ordre interne que l'individu doit trouver A  la fois ses juges naturels et des remèdes adéquats ; et ce n'est qu'en cas d'échec qu'il peut y avoir élétion du conflit au niveau international.

' Toutefois, il existe des atténuations A  cette règle. D'une part, il peut AStre décidé d'y déroger par convention expresse contraire. D'autre part, cette règle ne joue pas lorsqu'il n'y a pas de recours locaux A  épuiser, soit qu'il n'existe pas de voies de droit ouvertes A  l'individu lésé, soit que celles-ci apparaissent A  l'évidence comme - illusoires - en raison du mauis fonctionnement bien connu de la justice de ce pays. C'est ce que formula d'une manière condensée un ancien Secrétaire d'Etat aux Etats-Unis au xix- siècle, Hamilton Fish, en affirmant : - Un réclamant, dans un Etat étranger, n'est pas tenu d'épuiser la justice quand il n'y a pas de justice A  épuiser -.
Toutefois, cette règle n'est pas toujours d'un maniement aisé, et il est parfois difficile de déterminer A  partir de quand les recours internes ont été réellement épuisés. Pour un exemple concret de ce type de difficultés, particulièrement redoules dans le cadre d'un Etat fédéral en raison de l'existence de procédures judiciaires A  - plusieurs niveaux - et fort complexes, on ne peut que renvoyer aux faits de l'affaire précitée de l'Interhandel entre les Etats-Unis et la Suisse.

c) Les procédures d'exercice de la protection diplomatique.

' L'examen de cette question s'articule autour de deux propositions : d'une part, l'Etat possède une entière liberté pour la déclencher; d'autre part, il possède également une entière liberté dans le choix des moyens A  employer.
Enfin, un dernier problème ' mais celui-lA  controversé ' se pose relativement fréquemment au cas où un individu, dans un contrat passé avec un Etat tiers, renoncerait A  demander la protection diplomatique de son Etat national. Dans une telle hypothèse, cette renonciation A  la protection diplomatique est-elle licite sur le international quand elle émane de l'individu ?

' i) Le libre choix de l'Etat dans le déclenchement de la protection diplomatique.
On est ici en présence d'un pouvoir entièrement discrétionnaire appartenant A  l'Etat puisque celui-ci, on le rappelle, fait loir son - propre droit - et non celui de son ressortissant.
Ce point a été réaffirmé dans les termes les plus clairs par la Cour internationale de justice dans l'affaire de la Barcelona Traction de 1970 : - L'Etat, dit la Cour, doit AStre considéré comme seul maitre de décider s'il accordera sa protection, dans quelle mesure il le fera et quand il y mettra fin. Il possède, A  cet égard, un pouvoir discrétionnaire dont l'exercice peut dépendre de considérations, d'ordre politique notamment, étrangères au cas d'espèce. Sa demande n'étant pas identique A  celle du particulier ou de la société dont il épouse la cause, l'Etat jouit d'une liberté d'action totale - (Rec. 1970, p. 44).

' Une telle solution peut se révéler manifestement injuste pour la personne privée lésée. Mais celle-ci, en vertu des règles générales du droit international examinées précédemment, ne saurait trouver un remède quelconque dans l'ordre international (voir l'arrASt de la Barcelona Traction précité, p. 44). La personne privée lésée pourra éventuellement ' mais exceptionnellement ' trouver un remède dans l'ordre interne. Ainsi l'article 112 de la Constitution de Weimar de 1919 reconnaissait un tel droit aux citoyens allemands A  rencontre de leur gouvernement. Mais, A  notre connaissance, cette solution est restée unique. Si l'on prend le cas de la France, par exemple, le refus par le gouvernement franA§ais d'exercer sa protection diplomatique au profit d'un national franA§ais, individu ou société, dont les intérASts auraient été lésés A  l'étranger, constituerait un - acte de gouvernement -. Sur ce point, il existe une jurisprudence ancienne et constante.
Une solution identique existe aux Etats-Unis où le gouvernement fédéral a toujours dénié le droit de ses ressortissants A  AStre systématiquement protégés A  raison de leurs activités internationales, de leur présence ou de leurs investissements dans des pays étrangers.

II. ' Le libre choix par l'Etat des moyens d'exercice de la protection diplomatique.

' Ce point deit AStre clairement mis en lumière par la C.IJ. dans l'affaire précitée de la Barcelona Traction. La Cour affirmait en effet : - Dans les limites fixées par le droit international, un Etat peut exercer sa protection diplomatique par les moyens et dans la mesure qu'il juge appropriés, car c'est son droit propre qu'il fait loir - (Rec. 1970, p. 44). On notera, lA  encore, que c'est toujours la mASme explication qui est donnée pour justifier ce libre choix par l'Etat'des moyens d'exercice de la protection diplomatique, A  savoir que delui-ci fait loir - son propre droit - et non celui de son ressortissant lésé : ceci veut dire que ces moyens peuvent AStre soit le recours A  des procédures diplomatiques (voir infra, nA° 1370 et s.), soit le recours A  des procédures coercitives dans la mesure où celles-ci sont licites (voir infra, nA° 1304 et s.), soit enfin le recours A  la juridiction internationale, arbitrage ou juge international, ce qui est relativement peu fréquent. La C.IJ. deit relever ces différentes - options - dans l'affaire de la Barcelona Traction dans les termes suints : - L'action judiciaire internationale n'est qu'un des moyens dont disposent les Etats quand ils invoquent leur droit d'exercer la protection diplomatique - (Rec. 1970, p. 45).

III. ' La renonciation A  la protection diplomatique : la clause Calvo.

' Il ne s'agit pas ici d'examiner le droit de l'Etat de ne pas exercer sa protection diplomatique, voire d'y renoncer expressément par convention internationale. Tout Etat a la possibilité de renoncer par convention internationale A  l'exercice de son droit de protection diplomatique puisque, lA  encore, rappelons-le, c'est toujours son droit propre que l'Etat fait loir. C'est ainsi, par exemple, que l'article 27 de la Convention B.I.R.D. de 1965 relative au règlement des différends portant sur les investissements internationaux, prévoit que les parties contractantes renoncent A  l'exercice de leur protection diplomatique en cas de clause compromissoire soumettant le différend en cause au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (C.I.R.D.I.). L'hypothèse est ici entièrement différente. Il s'agit des cas où, conventionnellement, les personnes privées se sont engagées auprès d'un Etat tiers A  ne pas invoquer la protection diplomatique de leur Etat national.

' Cette renonciation émanant de personnes privées est-elle lable sur le du droit international ?
Cette clause de renonciation est souvent appelée - clause Calvo -, du nom d'un professeur de droit et ministre des Affaires étrangères argentin de la fin du xixe siècle. Pour justifier cette clause de renonciation insérée dans les contrats passés entre les étrangers et les pays latino-américains, Calvo s'appuyait sur deux considérations. D'une part, les Etats étant libres, indépendants et souverains, ne doivent souffrir aucune ingérence de la part des Etats tiers : autrement dit, pour lui, tout exercice de la protection diplomatique constitue une modalité d'interférence dans les affaires intérieures d'un Etat par un pays tiers. D'autre part, pour Calvo ' c'était lA  sa deuxième raison ', les étrangers ne sauraient bénéficier sur le territoire du pays où ils résident que des droits et privilèges qui sont accordés aux nationaux. Ne bénéficiant par hypothèse que du traitement national et non d'un régime privilégié quelconque, il est dès lors normal que les étrangers ne puissent avoir de remèdes autres que ceux offerts par les seules autorités locales.
Les buts poursuivis par cette clause de renonciation A  la protection diplomatique sont évidents. En effet, dans le passé, la protection diplomatique ait été accordée souvent de faA§on très libérale, voire abusive, par des pays européens A  leurs ressortissants résidant dans les pays latino-américains ; de la sorte, ceux-ci y voyaient une institution - coloniale -, impérialiste, utilisée pour justifier des interventions dans leurs affaires intérieures qui pouient, A  la limite, dégénérer en opérations militaires. Il en alla ainsi du blocus des côtes vénézuéliennes en 1902. Cette - clause Calvo - ait donc directement pour objet de lutter contre de tels abus.
Le juge mexicain Padilla Nervo expliqua fort bien la position de nombre de pays du tiers-monde en la matière dans son opinion individuelle lors de l'affaire de la Barcelona Traction en 1970 : - L'histoire de la responsabilité des Etats, en matière de traitement des étrangers, est une suite d'abus, d'ingérences illégales dans l'ordre interne des Etats faibles, de réclamations injustifiées, de menaces et mASme d'agressions militaires sous le couvert de l'exercice de droits de protection, et de sanctions imposées en vue d'obliger un gouvernement A  faire les réparations demandées - (Rec, p. 246). Ce mASme juge ait développé des arguments analogues dent la C.D.I. en 1957 lors de l'examen du projet de convention sur la - Responsabilité internationale de l'Etat pour les dommages causés sur son territoire A  la personne et aux biens étrangers - ; pour lui, les règles de la responsabilité internationale des Etats élies au xixe siècle l'aient été - non seulement sans référence aux petits Etats mais contre eux - et n'apparaissaient que comme des instruments de relations inégales entre les Grandes Puissances et les Etats faibles, ayant récemment acquis leur indépendance ' c'est-A -dire pour l'essentiel les pays latino-américains.
Les pays latino-américains n'ont cessé de faire de la - clause Calvo - un de leurs principaux - cheux de bataille - et nombre d'entre eux en ont fait une obligation constitutionnelle : ainsi on la trouve insérée A  l'article 27 de la Constitution mexicaine de 1917, A  l'article 19 de la Constitution du Honduras de 1926, ou A  l'article 17 de la Constitution péruvienne, etc.

' La pratique internationale relative A  la lidité de cette - clause Calvo - est pour le moins contradictoire :

' Si l'on s'en tient A  la théorie classique en matière de responsabilité internationale selon laquelle l'Etat qui exerce sa protection diplomatique fait exclusivement loir son - droit propre -, on doit alors conclure A  la nullité de cette - clause Calvo -. En effet, en bonne logique, une personne privée ne saurait renoncer A  un droit qui ne lui appartient pas et qui, de surcroit, est une prérogative d'Etat, inhérente A  sa souveraineté. Telle est d'ailleurs la tendance dominante si l'on se réfère A  la doctrine ou A  la pratique des Etats (notamment américaine). Une telle condamnation peut également AStre inférée de la jurisprudence de la Cour de La Haye.

' Mais il existe aussi un certain nombre d'arbitrages qui ont reconnu la licéité internationale de la - clause Calvo -. Il en alla ainsi de certaines décisions de la Commission générale d'arbitrage instituée en 1923 entre les Etats-Unis et le Mexique. On peut citer deux affaires où les commissaires ont expressément reconnu la lidité internationale de cette - clause Calvo - (North American Dredging C, 1926, R.S.A., vol. IV, p. 26 et s. ; International Fisheries CA°, 1931, R.S.A.. vol. IV, 691).

' Il semble cependant que, dans des cas-limites, comme ceux envisagés par les deux espèces décidées par la Commission générale d'arbitrage entre les Etats-Unis et le Mexique, la - clause Calvo - puisse jouer un certain rôle non pas en tant que telle, mais accessoirement comme de nature A  constituer une exemption, ou au moins une atténuation A  l'exercice de la protection diplomatique ; ainsi le non-respect d'une telle clause par la personne privée lésée pourrait servir d'élément de preuve pour démontrer que celle-ci n'ait pas les - mains propres - ou s'était abstenue d'épuiser les recours internes.

2 ' L'élétion du conflit par une institution internationale : la protection fonctionnelle de ses agents.

' Lorsque l'individu lésé par un manquement au droit international impule soit A  un Etat, soit A  une institution internationale tierce, est un agent ou un fonctionnaire d'une institution internationale, celle-ci peut exercer A  son profit sa - protection fonctionnelle -. Elle peut faire loir, A  l'égard de l'auteur du fait illicite dommageable, son - propre droit - au respect du droit international dans la personne de ses agents ou fonctionnaires.

a) La protection fonctionnelle de ses agents est inhérente aux pouvoirs de toute institution internationale (voir aussi supra, nA° 972).

' Telle est la solution générale dégagée par la C.I.J. dans l'affaire Bernadotte souvent citée de 1949. On se rappelle ici les faits de l'espèce : le Comte Bernadotte ait été nommé médiateur des Nations Unies en Palestine, en 1948, et, peu de temps après, il ait été assassiné par des individus non identifiés mais relent du gouvernement israélien. L'Organisation des Nations Unies ait-elle compétence pour demander au profit de son agent et de ses ayants droit une réparation adéquate A  IsraA«l, cet Etat ayant été reconnu responsable de cette action dommageable ? La Cour donna, on s'en souvient, une réponse positive A  cette question. D'après la C.I.J., l'O.N.U., et on peut ici généraliser son propos A  toutes les Organisations internationales, a une compétence de protection fonctionnelle qu'elle est en droit d'exercer au profit de ses agents. Il y a lA  une compétence inhérente aux buts et aux missions de l'institution en cause.

' On est ici en présence d'une nouvelle application particulière de la théorie des - pouvoirs implicites - que nous avons rencontrée plusieurs fois (voir supra, nA° 966 et s.). La Cour a, en effet, reconnu que l'O.N.U. ait qualité pour - exercer dans une certaine mesure une protection fonctionnelle de ses agents - ; que celle-ci était - nécessairement impliquée dans la Charte - et qu'elle dépendait A  la fois - du caractère des fonctions confiées A  l'Organisation - et de la - nature des missions de ses agents -. Cette protection appropriée dont bénéficie l'Organisation internationale doit contribuer A  lui assurer - un exercice efficace et indépendant de ses fonctions - en mASme temps qu'elle doit - procurer A  ses agents un appui effectif - et qu'elle garantit ainsi - leur indépendance - dans l'exercice de leurs fonctions (Rec. 1949, p. 182-l83).

b) Le fondement : le - droit propre - de l'institution en cause.

' Il faut ici procéder par analogie. Les mécanismes de la responsabilité internationale précédemment analysés au titre de la protection diplomatique des Etats sont ici transposables, toutes proportions gardées, aux institutions internationales. La C.I.J., dans son Avis précité de 1949 {affaire Bernadotte) l'a fortement marqué : - Quand {l'Organisation) demande réparation A  raison d'un manquement A  ses obligations, elle invoque son propre droit, le droit de voir respecter les obligations assumées envers elle En demandant une réparation fondée sur le préjudice subi par son agent, l'Organisation ne représente pas son agent; elle affirme son propre droit, le droit de garantir le respect des engagements contractés envers l'Organisation - (Rec, 1949, p. 184).
Si cette compétence de - protection fonctionnelle - au profit de leurs agents trouve son fondement dans le - droit propre - des institutions internationales, il en de mASme des modalités de sa mise en ouvre et de ses conséquences. Autrement dit, en appliquant un raisonnement par analogie, il est loisible d'affirmer que les institutions internationales disposent de la mASme liberté que l'Etat dans la mise en ouvre de leur protection fonctionnelle A  l'égard de leurs agents, sauf si des dispositions particulières du statut de ses agents leur faisaient obligation d'intervenir aux fins de les protéger.
Des considérations analogues gouvernent le régime juridique des réparations éventuellement obtenues par une institution internationale A  la suite de l'exercice de son droit de protection fonctionnelle A  l'égard de ses agents.

3 ' Le droit d'- action directe - de la personne privée au international.

' On se contentera ici d'un bref rappel dans la mesure où cette question a déjA  été abordée au titre de la personnalité internationale des individus (voir supra, nA° 983 et s.). Nous avons vu, en effet, que les personnes privées, dans un nombre de cas sans doute limités mais oroissants, aient conventionnellement reA§u le droit de faire loir'' directement ou indirectement ' leurs droits en justice au niveau international. Dans ces cas, les individus peuvent demander le respect de leurs droits aux tribunaux internationaux compétents institués sans passer par le canal de la protection diplomatique des Etats ou de la protection fonctionnelle des Organisations internationales.

' On est ici en présence d'un progrès extrASmement marqué du droit international, d'une amélioration de type qualitatif qui renforce - l'état de droit - en la matière. Si la personne privée peut demander directement ' ou indirectement ' réparation du préjudice subi dent des juges internationaux indépendants, sa situation de sujet du droit international se trouve alors garantie et, partant, mieux assurée. Mais, nous l'avons déjA  signalé, un tel progrès est accueilli avec réticence par les Etats qui tiennent beaucoup A  conserver leur rôle d'écran en empASchant une internationalisation des différends juridiques nés dans l'ordre interne et qui se dénoueraient en dehors de leur contrôle.

' C'est ainsi, par exemple, qu'on rencontre encore des échos d'une telle réticence étatique dans la Convention européenne des droits de l'homme de 1950. Tous les Etats sont encore loin d'avoir accepté le - recours individuel - des particuliers dent la Commission. On notera que, mASme dans cette construction européenne particulièrement originale, les individus ne peuvent pas saisir directement la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg mais doivent passer par un intermédiaire, sans doute indépendant, la Commission européenne des droits de l'homme.

' Dans le mASme sens, les Etats hésitent encore souvent A  accepter systématiquement le recours A  l'arbitrage international pour régler les différends nés lors de l'exécution des contrats conclus avec les personnes privées ; cependant, actuellement, sous l'impulsion notamment de la Convention B.I.R.D. de 1965 souvent citée et de nombreux accords bilatéraux sur la garantie et la protection des investissements privés, ils sont amenés A  accepter ce type de clause compromissoire. En outre, nombre d'Etats, en dépit de leurs options, sont obligés, sous la pression de leurs partenaires - privés -, d'insérer une - clause d'arbitrage - dans leurs contrats internationaux, les parties - privées - en faisant souvent un - sine qua non -. Dans toutes ces instances, les ce-contractants privés possèdent alors un droit d'action directe dent un tribunal international pour obtenir réparation adéquate de la violation de leurs droits.

' Il existe toutefois une exception conventionnelle marquée dans l'ordre international où une personne privée peut directement faire loir ses droits dent des juges internationaux indépendants et permanents ; il s'agit du régime juridique unique institué par le droit communautaire et qui se situe bien souvent A  mi-chemin entre l'ord: interne et l'ordre international. Toutefois, mASme dans le système communautaire, si les individus ont bien le droit de faire loir directement leurs griefs en justice, l'évolution n'est pas encore achevée ; le droit de saisine directe de la Cour de Justice des Communautés européennes par les personnes privées est loin d'AStre total : celles-ci ne possèdent pas en effet de recours individuel contre tous les actes des organes communautaires ; de plus elles n'ont pas le droit d'actionner directement dent la Cour de Luxembourg les Etats membres pour violation de leur part des traités constitutifs ou du droit dérivé.
Il convient également de noter que des personnes privées ' en réalité des sociétés ' peuvent recourir directement A  des arbitres internationaux, éliminant ainsi la nécessité d'obtenir la protection diplomatique de - leur - Etat national. Il en ainsi, soit parce que les Etats leur ont reconnu ce droit par traité (voir infra, nA° 1419 et s.) soit parce qu'elles ont été en mesure d'imposer une clause compro-missoire A  leur co-contractant étatique étranger (voir infra, nA° 1425 et s.).
En bref, l'érosion de la protection diplomatique A  l'évidence de pair avec la reconnaissance aux personnes privées de droits propres qu'elles peuvent faire directement loir dent un juge international.



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