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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Modèles économiques a  l'essai



Mais où est donc passé l'argent investi dans les start-ups du Web ? La plupart des sociétés du secteur sont des gouffres sans fond. Celles qui sont parvenues A  l'équilibre, comme Yahoo ou America Online, se comptent sur les doigts de la main. De plus, elles font des profits ridicules par rapport A  leur stature boursière. Et leur succès n'est pas forcément reproductible : elles ont surtout la chance d'AStre les premières arrivées.


Les seuls business models qui tiennent la route, selon les critères de la bonne vieille économie, semblent AStre ceux de l'Internet rose. Sur cette niche, plusieurs entrepreneurs se sont déjA  fait une place au soleil, ayant amorti leurs investissements de départ et silisé le flux de trafic. Cette industrie méconnue ne bénéficie pas de la folie boursière, morale oblige. Elle représenterait pourtant 10 % du chiffre d'affaires du commerce électronique mondial. Selon une étude de la banque Paribas parue en avril 1999, - les dix sites les plus profiles (60 000 A  70 000 membres en moyenne et des millions de requAStes par jour) enregistrent des taux de renilité de 30 % A  35 % et des taux moyens de croissance de 20 %. Les sites vedettes comme WebPower et com peuvent se targuer de générer respectivement un revenu annuel de cent millions de dollars -.
La majorité des start-ups - .corn - ne peuvent en dire autant. Elles sont parfois quatre ou cinq sur le mASme créneau de commerce électronique, et c'est A  qui perdra le plus de dollars. A€ moins de se reconvertir massivement dans les messageries et les vidéos de charme, ce qui semble peu probable, on voit mal comment ces entreprises résisteront aux premières secousses boursières avec des assises financières si fragiles.
Et pourtant Si un krach doit faucher les jeunes pousses de la netéconomie, il ne déterrera pas le grain enfoui dans le sillon. Certains modèles économiques demeureront, parce que le réseau est lA  pour durer. Toute la question est de savoir les reconnaitre. D'autant plus que les business models de l'avenir restent sans doute A  inventer. Deux tentatives originales, le - gratuit - et les enchères, retiennent toutefois l'attention, parce qu'elles adaptent la philosophie et le fonctionnement du Net2. Faisons le pari que ce sont les prémisses de nouvelles générations d'entreprises Internet pure play3, n'existant que par et pour le réseau.
Mais ant d'examiner ces formules inédites, un petit passage chez Dell s'impose. Ce vendeur d'informatique, qui n'a pourtant rien d'une start-up Internet, est l'un des principaux bénéficiaires de la révolution des technologies de l'information. Cette dernière profite en effet ant tout aux fournisseurs d'infrastructures de télécommunications, de logistique, de matériel et d'applications informatiques. Il n'est pas inutile de le rappeler. Ensuite, Dell a introduit des méthodes commerciales idéales pour une économie en réseau.

Dell, le modèle direct

A€ l'automne 1999, le magazine Fortune a réalisé un classement des personnes de moins de quarante ans les plus riches aux états-Unis4. Michael Dell, le fondateur de l'entreprise éponyme, arriit bon premier, avec un pactole estimé A  21,5 milliards de dollars A  trente-quatre ans. Loin dent Jeff Bezos (Amazon), 5,8 milliards de dollars ; ou David Filo et Jerry Yang (Yahoo), pesant chacun un peu plus de 3 milliards de dollars. Pour s'enrichir, mieux ut fabriquer des ordinateurs que d'AStre une pure net-entreprise.
A€ vrai dire, fabriquer est un bien grand mot pour décrire l'activité de ce commerA§ant. Il se contente d'assembler depuis ses débuts en 1984. A€ l'époque, l'étudiant Michael Dell montait sa petite affaire en cachette de ses parents, dans sa chambre universitaire encombrée de processeurs et de carcasses de micro-ordinateurs IBM en pièces détachées. Il revendait ensuite ces machines A  ses camarades, aux enseignants, aux relations des uns et des autres. Ses machines étaient puissantes, empruntant ici et lA  aux technologies les plus abouties, avec des conurations sans cesse renouvelées. De fil en aiguille, sa réputation a dépassé l'enceinte de l'université. Il s'est mis A  embaucher. Fin 1999, Dell comptait plus de 33 000 salariés répartis dans 34 pays. Son chiffre d'affaires ait atteint 23,6 milliards de dollars. Dell était devenu le deuxième vendeur d'ordinateurs dans le monde, avec 10,8 % des ventes, dent IBM (7,6 %) Aux Etats-Unis, il ait mASme coiffé au poteau le numéro un mondial, l'empereur Compaq, en prenant plus de 17 % du marché et en ne laissant que 15,3 % A  son malheureux ril.
La stratégie de Dell, qui consiste A  devenir un courtier en ordinateurs plutôt qu'un industriel A  la tASte d'un cheptel d'usines, rappelle celle du mutant Cisco. En devenant un nœud vital dans le réseau, l'entreprise limite les investissements en capital et les immobilisations lourdes, puis prélève une plus-lue sur le service. Elle se concentre sur l'activité commerciale, et parvient ainsi A  se passer des intermédiaires pour se rapprocher de son client final. Dans son autobiographie hagiographique6, Michael Dell explique comment est née l'idée de ce système. Il ait été frustré par les réseaux de distributeurs informatiques, incapables de satisfaire les demandes spécifiques des acheteurs, et méconnaissant les produits qu'ils aient en rayon. La philosophie de la vente directe permet au contraire d'assurer un meilleur service au client, ant et après la transaction commerciale, et de lui tailler des machines sur mesure.
Dell vend donc depuis toujours par téléphone et, depuis 1996, sur Internet. Ce nouveau canal de distribution directe représentait déjA  un quart du chiffre d'affaires fin 1999, soit 35 millions de dollars de ventes quotidiennes. Cela fait de l'entreprise texane l'une des principales enseignes de commerce électronique. L'objectif est de réaliser en ligne la moitié des ventes d'ici 2002, et A  terme, la totalité7. Car le Net est le médium idéal pour les clients, expose Michael Dell : - En plus de faire des recherches, de conurer leur ordinateur idéal, de déterminer leur prix, et de commander nos produits en ligne, les clients peuvent utiliser Internet pour vérifier A  quelle étape de la chaine de production se situe leur commande. S'ils ont des questions sur le fonctionnement des appareils, ils peuvent se reporter A  notre e d'assistance, où ils auront accès A  exactement la mASme information que notre propre équipe technique. Internet rend le modèle direct encore plus direct. -
Et c'est un jeu où tout le monde gagne, poursuit l'entrepreneur : - Les bénéfices pour Dell sont tout aussi irrésistibles. Internet s'adresse A  toute notre base de clientèle, ce qui en fait un outil utile pour mieux identifier et cibler les différents segments du marché ; cela ne concerne pas seulement les états-Unis, mais le monde entier. Et Internet nous permet de garder le contrôle de notre structure : le "one to one" signifie que nous pouvons accroitre nos ventes sans augmenter énormément notre masse salariale, parce que nos commerciaux peuvent consacrer plus de temps aux activités A  forte leur ajoutée et se détourner des taches triviales8. - Sans compter que la relation directe avec le client permet de fonctionner - juste A  temps -, afin de limiter le stock A  une semaine. Cela coûte moins cher que d'entreposer du matériel pendant un mois.
Les deux tiers des acheteurs étant des grands comptes, administrations et entreprises, Dell a pu mettre en place assez facilement 15 000 extranets pour passer commande sur mesure. Grace A  cette intégration des utilisateurs dans le circuit de production, on connait précisément les besoins logiciels de chacun, et le logo des clients est gravé sur les ordinateurs dès l'usine. Mais le fabricant, dont la croissance de 56 % en 1999 surclasse haut la main celle de ses concurrents industriels (15 % en moyenne), met désormais le cap sur le marché grand public. Il applique les mASmes recettes de personnalisation A  la masse des consommateurs. Cela n'aurait pas été envisageable sans la technologie du réseau informatique.


Compaq a donc du souci A  se faire. Ce segment de l'offre est sa chasse gardée traditionnelle. Le numéro un mondial a bien tenté de se mettre lui aussi A  la vente directe, afin de regagner du terrain. Mais il souffre du handicap du mutant face au barbare : il lui faut cannibaliser son réseau de distribution existant pour reconquérir le contact avec le client final. Or les revendeurs ont mené une fronde, et Compaq a fait marche arrière. Par conséquent, fin 1999, le constructeur traillait encore avec trois semaines de stocks sur les bras. Il a continué A  perdre de l'argent dans les ventes d'ordinateurs aux entreprises, et le cours de l'action a dégringolé de plus de 40 dollars en janvier 1999 A  moins de 20 dollars en novembre. Le P-DG Eckhard Pfeiffer a été limogé en avril. Son successeur, Michael Capellas, a visiblement décidé d'appliquer la manière forte : - La seule méthode est l'approche brutale, expliquait-il au magazine L'Expansion9 A  la fin de l'année. Nous le disons maintenant clairement au réseau de distributeurs : nous allons faire de la vente directe, parce que le marché l'exige. -
S'il n'y ait que deux leA§ons A  en retenir, ce seraient celle de la gratuité de l'information et celle de la liberté de choix de chacun - ce qui n'est pas sans évoquer les deux philosophies fondatrices de la netéconomie l0. D'une part, la présence de clients avertis et exigeants sur Internet exige qu'on mette un maximum de documentation A  leur disposition afin que chacun dépense son argent en connaissance de cause. Et tarifer ce service, comme c'est la règle sur le Minitel où les minutes de connexion sont chèrement payées, serait une hérésie de nature A  faire fuir la clientèle. L'information est en ligne un bien abondant pour lequel les internautes conA§oivent rarement de mettre la main A  la poche. D'autre part, imposer une gamme d'ordinateurs avec des conurations standards serait un pis-aller sur Internet. L'antage de ce canal de distribution consiste justement dans la possibilité de prendre en compte les désirs de chaque individu. Vendeur et acheteur se rencontrent dans un face-A -face interactif, et cette conversation ouvre l'univers des possibles.
Ces deux philosophies sont également A  l'œuvre dans deux modèles économiques parmi les plus originaux du Web, ceux des fournisseurs d'accès gratuits et des enchères.

Freeserve, le modèle du gratuit

En moins d'un an, la Grande-Bretagne a été submergée par la révolution Freeserve. Ce fournisseur d'accès A  Internet créé A  l'été 1998 est le premier A  avoir proposé l'abonnement gratuit au réseau, les clients ne payant que les frais de télécommunications. L'initiateur de ce service, le distributeur de matériel informatique Dixons Group, n'imaginait pas qu'il allait mettre le feu aux poudres dans son pays et sur le continent. Son innotion a forcé des concurrents de la taille d'America Online UK A  modifier leur modèle économique. L'accroissement de la population des internautes, consécutif A  la baisse des prix, a ensuite éveillé l'intérASt des investisseurs pour les start-ups européennes. Puis, en juillet 1999, alors que Freeserve détenait déjA  28 % du marché de l'accès A  Internet britannique ", elle a été introduite en Bourse simultanément sur le Nasdaq et A  Londres. Son action a gagné 37 % le premier jour, une performance digne des net-entreprises américaines, et sa capitalisation s'est immédiatement élie A  3,3 milliards de dollars. Une gue de spéculation sur les leurs Internet s'est alors levée de ce côté-ci de l'Atlantique.
Dixons a su trouver la bonne formule économique au bon moment et au bon endroit. Sans libéralisation du marché des télécommunications, rien n'aurait été possible, car la concurrence est le mécanisme fondateur du gratuit. L'entreprise s'est alliée avec Energis, un ril de l'opérateur historique britannique BT12. La comnie de télécommunications voit ainsi augmenter son volume de trafic en s'épargnant des efforts promotionnels, le fournisseur d'accès lui assurant des revenus supplémentaires. Energis se rémunère en effet sur les - reversements - de BT, dont elle utilise l'infrastructure. L'ex-mono-pole dispose du seul réseau finement maillé sur tout le territoire national, pour des raisons historiques : c'est donc lui qui bénéficie en première instance de l'augmentation du trafic. Mais la réglementation européenne impose qu'il redistribue une partie de ces gains A  son concurrent. Freeserve ponctionne entre 3 et 9 francs par heure de connexion ces reversementsi, ce qui lui permet d'éponger un peu ses pertes sur les abonnements gratuits. La publicité et le commerce électronique sur son site sont toutefois la première source de revenus du fournisseur d'accès.
Le succès de Freeserve s'explique aussi par la prime médiatique accordée au pionnier, et par la position privilégiée du commerA§ant Dixons. Un ordinateur sur deux vendus en Grande-Bretagne passe par ses magasins. Lorsque les néophytes franchissent le seuil de la boutique pour découvrir Internet, ce qui survient fréquemment en cette période de cybermania, il n'est pas difficile de les conincre de s'abonner A  Freeserve. Enfin, le fournisseur d'accès gratuit est apparu juste au moment où les Britanniques commenA§aient A  se connecter, tout en hésitant dent les coûts de télécommunications induits. Dans un système où la téléphonie locale est facturée A  la durée, et non au forfait comme aux états-Unis, on a intérASt A  surveiller sa consommation. L'abonnement gratuit, en supprimant un poste de dépenses pour les internautes, a fait sauter un verrou psychologique.
Mais ce qui ut en Grande-Bretagne n'est pas forcément vrai ailleurs. Les Américains, dont la problématique est plutôt d'investir dans un deuxième ou un troisième micro-ordinateur connecté A  la maison, n'ont pas fait la fASte A  leurs fournisseurs d'accès gratuit. Le plus connu d'entre eux, NetZero, n'ait rallié que deux millions d'internautes en octobre 1999, après un an d'exercice. Cela n'a pas empASché AltaVista, en 1999, et Excite@home, en 2000, de se lancer A  leur tour dans l'accès gratuit financé par les bannières publicitaires, en utilisant les services d'un intermédiaire nommé lstup.com..
Les Américains ont accordé un peu plus de poids A  l'argument des distributeurs de micro-ordinateurs gratuits ou quasi gratuits. Le champion du genre, la start-up californienne eMachincs, est devenu en mai 1999 le quatrième vendeur de PC aux Etats-Unis en moins de quatre mois d'exercice H. Ses unités centrales fournies sans moniteur coûtaient entre 400 et 600 dollars. Mais ce modèle économique fondé sur la rationalisation des coûts est moins osé que celui de Freeserve. En effet, eMachines est ant tout un courtier en ordinateurs, ce qui lui permet de comprimer ses effectifs et ses frais. Il ne fabrique rien lui-mASme, et fait sous-traiter jusqu'au service après-vente ou au système de facturation. De plus, il ne propose jamais la dernière puce d'Intel, qui coûte cher mais n'apporte rien aux internautes n'utilisant leur terminal que pour se connecter. C'est un soldeur appliquant partiellement les recettes de Dell.
La start-up new-yorkaise Gobi un peu plus loin dans l'expérimentation, en offrant des PC de bonne qualité aux signataires d'un contrat d'abonnement A  Internet de trois ans. En tout, ses clients déboursent 935 dollars. C'est donc une gratuité toute relative, able A  celle que pratiquent les opérateurs de téléphonie cellulaire, A  mi-chemin entre l'opération marketing et la vente A  crédit.
Le modèle de Free-PC ressemble déjA  plus au montage subtil de Frecscrve, puisqu'il ne répercute pas directement le coût du - don - sur l'internaute. L'entreprise crée de la leur en surveillant l'activité des internautes sur le Web, et en exploitant ces données marketing. Mais c'est faire peu de cas de la vie privée de chacun. D'ailleurs, Free-PC, qui ne comptait que 30 000 clients fin novembre 1999, a été alée par son concurrent eMachines.


De toute évidence, la - gratuité - recouvre une foule de modèles économiques, dont la plupart n'ont rien de bien neuf. Les plus intéressants A  ce jour sont ceux qui concourent A  créer puis animer une communauté virtuelle, puisque la cristallisation du trafic est la che de salut des start-ups flambeuses. Depuis les débuts de la nctéconomie, les exemples de services gratuits n'ont donc pas manqué : l'hébergement de es Web, sur Geocities ; la navigation Internet, avec Netscape A  la barre ; la messagerie instantanée, grace A  ICQ ; enfin, l'accès au réseau via Freeserve Chacun de ces acteurs se veut également un portail. Les généreux donateurs d'espace ou de logiciels sur le Net espèrent tous, -A  plus ou moins long terme, capitaliser une audience suffisante pour garantir leur existence.
Ces formules ne fonctionneront pas forcément ad vitam œternam. La fourniture d'accès gratuite, en particulier, est liée A  l'émergence d'Internet dans le grand public. Lorsque le plus grand nombre sera connecté, le - verrou psychologique - du prix de l'abonnement aura sans doute sauté. Cela ne signifie en rien la mort de Freeserve et de ses émules, parce qu'une majorité de clients non payants sont d'ores et déjA  des internautes confirmés, a priori débarrassés des appréhensions du novice. Ils multiplient les prestataires afin de les tester, ou de doubler leur fournisseur habituel.
Par ailleurs, il n'est pas certain que la révolution Freeserve soit adaple A  l'étranger. Tandis qu'en Grande-Bretagne, fin 1999, près de 250 fournisseurs d'accès gratuits aient vu le jour15, l'Allemagne résistait A  cette vogue. En France, malgré des tarifs de - reversement - au fournisseur d'accès bien moins antageux qu'outre-Manche, soit un franc par heure environ, le gratuit ait réussi A  percer. Kingfisher, le groupe britannique qui détient la chaine de distribution d'électroménager Darty, a créé Libcrtysurf avec le groupe de luxe Arnault ; le groupe Bouygues a lancé World Online avec plusieurs partenaires ; l'éditeur de magazines informatiques VNU, la FNAC, le Crédit mutuel, le groupe Serveur, tout le monde s'y est mis. Mais la viabilité de ces entreprises reste douteuse. Les revenus du commerce électronique et de la publicité en ligne ne pèsent pas lourd en regard de leurs dépenses. Et dans ce système de rémunération en cascade, où chacun rogne sur l'assiette étroite des communications locales, il est difficile de dégager les marges nécessaires A  la mise A  niveau des infrastructures. D'une part, l'augmentation du trafic enrichit les intermédiaires ; d'autre part, elle fait peser la menace d'une congestion sur leur réseau. Enfin, la gratuité libère un poison lent, au fur et A  mesure qu'elle se répand : l'infidélité. Puisqu'un fournisseur d'accès ne se paie pas, on en change comme de chemise, sans états d'ame. Par conséquent, les prestataires doivent investir des sommes croissantes dans le marketing et la promotion afin de retenir ces clients volages.
La révolution Freeserve serait-elle en train d'appauvrir globalement toute une branche de l'économie ? MASme le pionnier, qui s'est pourtant diversifié en devenant courtier en ligne et en rachetant d'autres start-ups, ne devrait pas atteindre l'équilibre financier ant 2003, selon ses propres prévisions 16. De deux choses l'une. Soit l'accès gratuit A  Internet est une danseuse pour de grands groupes en mal de vitrine Internet, qui peuvent continuer A  perdre de l'argent sans inquiétude. Soit l'effervescence de l'année 1999 prélude A  une gue de concentrations. Les vrais gagnants de l'industrie du gratuit surgiront alors ' peut-AStre ant de passer A  un autre modèle économique, plus renle.
Néanmoins, l'accès gratuit équiut A  l'adoption du suffrage universel sur Internet : tout le monde dispose d'une chance de se connecter. MASme si les minutes de communication restent A  payer, c'est un symbole. On voit mal comment on reviendrait au cens sur le réseau. La plupart des conquAStes de la gratuité semblent difficilement réversibles, qu'il s'agisse du don d'information pour les médias, de logiciels ou d'espace pour les communautés virtuelles, ou de services pour les commerA§ants électroniques.
On pourrait croire que ces ancées - démocratiques - font marcher les entreprises sur la tASte. Il n'en est rien. Au contraire, une nouvelle logique s'applique. Dans une économie tertiaire, l'information est la première marchandise. Elle n'a pas de prix objectif indexé sur le coût de production. Et comme elle est abondante, on a tendance A  la déloriser. Aussi, chaque facture doit AStre justifiée par une leur ajoutée dans le service et dans la présentation. Des initiatives comme la gratuité, qui sont en fait des montages financiers complexes pour rendre une activité renle sans faire payer directement le consommateur, témoignent des efforts des net-entrepreneurs pour prendre en compte cette contrainte.
A€ l'avenir, les procédures de fixation du prix devraient continuer A  se raffiner et A  se diversifier. Le phénomène des enchères sur Internet illustre cette tendance.


eBay, le modèle des enchères


Au printemps 1999, en pleine envolée des actions Internet, la presse américaine faisait des gorges chaudes du nouveau chouchou de la Bourse : eBay. Le premier site de vente aux enchères en ligne s'affrontait alors avec Amazon dans un duel de titans. La capitalisation du premier, 25 milliards de dollars au mois de mai, ait momentanément dépassé celle du second, 22 milliards de dollars '7. Certains saluaient dans eBay l'avènement du vrai prophète du commerce électronique. Amazon, en aison, manquait d'audace. Jeff Bezos ait simplement transposé la boutique du coin de la rue, avec ses prix étiquetés et son marchand serviable. Qui plus est, l'enseigne du libraire était peut-AStre la plus célèbre, mais eBay était le mieux A  mASme de fidéliser ses clients au sein d'une communauté virtuelle. Car les internautes demeurent facilement connectés une heure durant sur un site d'enchères. Tandis que, pour acheter un livre ou un disque, dix minutes suffisent - trop peu pour développer un sentiment d'appartenance.
Si eBay fait désormais partie de la légende des net-entreprises, au mASme titre qu'Amazon, son fondateur Pierre Omidyar n'appartient pas A  l'espèce charismatique des Jeff Bezos. En 1995, le FranA§ais émigré dans la Silicon Valley s'est contenté d'ouvrir une rubrique d'enchères virtuelles sur sa e personnelle. Il n'ait pas l'intention de révolutionner le commerce électronique. Il prétendait simplement aider sa petite amie A  compléter sa collection de distributeurs de bonbons de la marque Pez, en faisant appel aux internautes.
Il n'était pas dit que les personnes intéressées accepteraient de participer A  des enchères sans commissaire-priseur ni expertises. Mais l'inventeur a imaginé un système rassurant : les vendeurs et les acheteurs émettent des commentaires sur leurs interlocuteurs, puis eBay gratifie d'un point les participants les plus honnAStes, soustrayant aux indélicats. A€ moins 4 points, ils sont radiés du service. En changeant d'adresse e-mail, certes, n'importe qui peut modifier son identité sur Internet. Le risque d'arnaque n'a pas disparu. Mais ces garanties ont suffi pour que les enchères fonctionnent. Constatant le succès de son site, Pierre Omidyar a décidé d'élargir l'éventail de choix. Plus tard, il a laissé les rASnes de la société A  une professionnelle du marketing issue groupe Hasbro, Margaret Whitman.
eBay n'est pas restée seule longtemps sur son créneau. En 1996, l'entreprise était déjA  profile, ce qui n'a pas manqué d'attirer l'attention. Deux ans plus tard, elle dégageait 2,4 millions de dollars de bénéfices sur un chiffre d'affaires s'élent A  47,3 millions de dollars. C'est bien maigre, mais c'est énorme en netéconomie. Cette exception dans un paysage criblé de dettes s'explique par des sources de revenus sûres. eBay prélève une commission sur la mise en vente et sur l'adjudication des objets. Un offreur qui propose un article pour 5 dollars devra d'abord payer 25 cents. S'il vend son bien 20 dollars, il versera en plus un dollar. Contrairement A  d'autres sites d'enchères, celui-lA  est gratuit pour les acheteurs.


C'est après l'introduction en Bourse d'eBay, en septembre 1998, que les sites d'enchères ont commencé A  fleurir. Amazon, America Online, et Yahoo ont monté leur service concurrent en 1999. En Europe, le britannique QXL ou le franA§ais iBazar ont réussi A  se faire un nom dans cette spécialité. Mais ce modèle s'est surtout diffusé et adapté dans le reste de la sphère marchande, avec une grande riété de déclinaisons. Pricelinel8 et Wit Capitall9 ont choisi de pratiquer les enchères inversées pour attribuer qui des billets d'avion, qui des lots d'actions. D'autres ont organisé la négociation entre plusieurs vendeurs et plusieurs acheteurs. L'enchère se transforme alors en bourse d'échanges virtuelle. Certains portails de business to business ont ainsi fait naitre de vériles marchés locaux. Des agents logiciels, tels que ceux développés par Busi-nessBots, rélissent mASme une forme de marchandage A  l'ancienne - mais en automatisant les procédures20.
Enfin, des sites de - méta-enchères - se sont greffés sur ceux qui existaient déjA , poussant jusqu'au bout la logique d'agrégation de contenus et de constitution de portails qui sous-tend le réseau. En septembre 1999, eBay a fini par déterrer la hache de guerre avec une trentaine d'entre eux. I s venaient piocher sans vergogne dans ses données, A  l'aide de robots fouineurs capables de mettre A  jour heure par heure les résultats des enchères menées sur son site. Ce faisant, ils détournaient les acheteurs vers leur propre portail. La plaignante a dénoncé A  la fois le vol d'information et l'encombrement de son site provoqué par ces requAStes automatisées excessivement fréquentes. Mais ni AuctionWatch, ni Bidder's Edge, les plus agressifs de ces méta-commerA§ants, ne se sont plies A  cette injonction, clamant que l'information n'appartenait A  personne en particulier. A€ la fin de l'année, la guerre logicielle faisait rage, eBay tentant de bloquer l'accès sauge A  son serveur - tout en continuant A  négocier avec les rebelles.
Après tout, ces derniers n'aient pas vraiment le choix. Quand une salle de ventes propose trois millions d'objets alors que la plupart de ses riles atteignent péniblement les 100 000, pourquoi les vendeurs et les acheteurs se presseraient-ils ailleurs ? Dans ce modèle économique, le succès au succès. Il n'y a qu'A  voir la brochette d'industriels qui ont dû s'allier pour contrer la mainmise d'cBay sur le secteur des enchères aux particuliers, en septembre 1999. Microsoft, Lycos, Excite@Home, Dell : en tout, une centaine d'entreprises aient mis en commun leurs forces au sein d'une filiale, Fair Market, afin de prendre leur part du gateau dans ce marché d'avenir. Selon l'institut Forrester Research, les enchères en ligne rassembleront 14 millions de vendeurs et d'acheteurs en 2003, pour un volume d'affaires total de 19 milliards de dollars. Les échanges en direction des particuliers représenteront un tiers de cette somme21. Il y a de quoi AStre alléché. Mais, jusqu'ici, Fair Market est demeuré un parfait inconnu, malgré ses parrains prestigieux. Alors qu'eBay caracolait en tASte des commerA§ants électroniques lors des fAStes de NoA«l 1999. Yahoo et Amazon demeuraient ses seuls concurrents sérieux.
En fait, eBay doit plutôt craindre les incertitudes juridiques qui entourent son activité. L'entreprise a déjA  interdit la vente d'armes A  feu sur son site. N'étant pas en mesure de vérifier l'identité des acheteurs, elle aurait pu contrevenir A  la réglementation des états américains. Mais cette initiative ne l'a pas lavée de tout soupA§on. Du foie humain prASt A  transter aux ovules de mannequin de mode, en passant par une équipe d'informaticiens qui vendait en bloc sa force de trail, il s'est exposé d'étranges marchandises sur son site. MASme si eBay a en général prestement retiré l'offre incriminée, elle a écopé d'une mauise publicité.
Quand, pour le comble, un gamin de treize ans se sert de la sectiune bleue de ses parents pour faire des emplettes de plusieurs millions de dollars sur le site, les doutes se confirment : peut-on se fier A  un internaute ? On n'est jamais parfaitement sûr de l'identité de la personne qui se trouve au bout du fil. Pour résoudre ce problème, eBay recommande d'utiliser les services d'un tiers, i-Escrow. L'acheteur règle sa facture auprès de cette société, qui s'assure de la lidité du paiement, puis prévient le vendeur qu'il peut acheminer la marchandise. L'acheteur constate si cette dernière est conforme A  ce qui ait été annoncé. S'il l'accepte, i-Escrow crédite le compte du vendeur de la somme due, moins une commission de 5 % en moyenne. Ce système a l'inconvénient d'AStre coûteux, mais il fonctionne.
En renche, pour les petites transactions, il n'y a pas d'autre solution que de faire confiance au système de notation mis en place par eBay.
D'autres éprouvent encore plus de difficultés A  asseoir leur respecilité, notamment en France. Les enchères publiques y sont soumises A  une réglementation datant de l'an IX de la Révolution, a priori applicable sur Internet. Elle attribue le monopole de la profession aux commissaires-priseurs. Les créateurs franA§ais de start-ups qui exercent ce métier sans le savoir seraient donc des hors-la-loi. Leur seule parade consiste A  se présenter comme des marchands de petites annonces, en prétendant que la vente se conclut hors ligne. Le cas échéant, il n'y a plus de - salle de vente virtuelle -, mais seulement une sorte de magazine professionnel. C'était peut-AStre plausible au début, mais A§a l'est de moins en moins. Car les sites d'enchères investissent dans les services d'authentification et d'expertise des biens échangés, quand ils ne passent pas tout simplement un pacte avec les professionnels : Amazon s'est ainsi alliée avec Sotheby's et eBay a racheté Butterfield and Butterfield. Ces net-entrepreneurs appartiennent bel et bien au monde des enchères, comme leurs homologues franA§ais sur lesquels pèse l'épée de Damoclès de l'incertitude juridique.
L'attrait de ce nouveau modèle économique est tel qu'on finira certainement par trouver une solution pour qu'il s'épanouisse. En effet, il propose une faA§on raffinée d'élir les prix, qui convient parfaitement A  l'économie du réseau. Il consacre la relation directe entre le vendeur et l'acheteur. Il porte surtout en germe le ferment d'une évolution plus ste du monde du trail et de la société. Un peu A  la faA§on des day traders, les plus fanatiques des vendeurs aux enchères en ligne se sont professionnalisés. eBay comptait en août 1999 près de 15 000 poiver sellers, des - super-vendeurs - réalisant en moyenne un chiffre d'affaires de 2 000 dollars par mois sur son site. Comme dans un jeu de matriochkas, le business model le plus prometteur est contenu dans un autre : sous les enchères, il y a la micro-entreprise en réseau.
Le Washington Post22 cite l'expérience d'une mère de famille, Sandy Kleppinger, qui a commencé en 1998 A  vendre A  l'unité sur eBay des logiciels achetés A  des soldeurs. Elle pensait en faire une occupation A  mi-temps. Au bout d'un an, elle ait transformé sa cave en entrepôt, et son jeune fils en trailleur intérimaire : - Sept jours par semaine, elle publie des enchères sur son ordinateur, les surveille, les clôt, prend les commandes, emballe les logiciels, et poste les paquets. Elle remet A  jour sa base de données, ouvre sa messagerie électronique, remplit des ordres de versement, imprime des étiquettes, envoie des e-mails, et tient ses registres. -
Pour gagner de l'argent dans ce type d'entreprise, il faut donc mener un rythme d'enfer. L'image rappelle l'exploitation des ouvrières du textile traillant A  domicile, aux premières heures du capitalisme industriel. A€ la différence près que le net-entrepreneur est maitre de son outil de production, et qu'il ne traille pour personne d'autre que lui-mASme. Sera-t-il plus heureux pour autant ? Cela dépendra de l'évolution de ces modèles économiques encore mal dégrossis, recelant autant de promesses que de chausse-trapes.
Sur Internet, il bien falloir s'y faire, on ance en territoire inconnu. Les pièges ne manquent pas.





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