NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » La liberté de la presse Le régime de l'entreprise de presse
Les principes fondamentaux sont très libéraux. Toutefois, une étude strictement juridique de la question ne pourrait en aucun cas permettre de comprendre les difficultés de la presse écrite, dont les causes sont, avant tout, économiques. La solution traditionnellement avancée consiste A accroitre l'aide de l'Etat, voire A tenter d'assurer la transparence et le pluralisme de la presse. 1 Les principes fondamentaux Des principes libéraux. ' Aboutissements des revendications libérales du xixe siècle, les principes posés par la loi du 19 juillet 1881 sont sans ambiguïté : - L'imprimerie et la librairie sont libres -, affirme l'article 1. Longtemps assujettis A une autorisation préalable, les imprimeurs ne relèvent plus que du droit commercial11. Ils restent seulement tenus d'indiquer leurs nom et adresse sur les publications. La liberté dont jouit la librairie profite naturellement aux journaux et périodiques : - Tout journal ou écrit périodique peut AStre publié, sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement après la déclaration prescrite par l'article 7. - Il résulte de ce texte que la loi ésectiune formellement la technique de l'autorisation préalable, si souvent utilisée au XIXe siècle, et qui implique un régime préventif, mais également la technique du cautionnement qui vise avec moins de brutalité mais aussi avec moins de franchise des buts identiques. Par contre l'article 7 de la loi de 1881 maintient la nécessité d'une déclaration préalable. Celle-ci doit AStre effectuée auprès du parquet et préciser le nom et le domicile du directeur de la publication et l'indication de l'imprimerie. Cependant, il a toujours été admis que l'exigence d'une déclaration n'empASchait pas une activité d'AStre juridiquement libre A condition qu'elle ne serve pas de support A un régime de répression discrétionnaire. MASme considérés comme acquis, ces principes libéraux ne sauraient AStre minorés. On remarquera néanmoins qu'ils apparurent insuffisants, notamment A partir de la première guerre mondiale, et qu'ils le sont restés jusqu'A nos jours. Le statut de l'entreprise de presse. ' La loi de 1881 fait de l'entreprise de presse une entreprise comme une autre, c'est-A -dire relevant le plus souvent du droit des sociétés commerciales, mASme si le statut des coopératives ou des associations est envisageable et parfois utilisé. C'est dire que le pouvoir appartiendra aux détenteurs du capital représentés par le directeur de la publication. Les ouiers du lie. ' Ce pouvoir a été contesté, en droit ou en fait, lors des conflits sociaux qui se sont multipliés dans le monde de la presse. Les ouiers du lie, où la cgt jouit d'un monopole de fait, ont exercé un pouvoir très exceptionnel en France, et non négligeable : en imposant un recrutement sur base syndicale ou en exigeant les licenciements d'ouiers non syndiqués ou démissionnaires de la cgt; mais également en tentant de jouer un rôle en tant que tels au sein de certaines entreprises, par exemple en exigeant l'insertion d'un communiqué ou en refusant d'imprimer des articles dont ils contestaient la teneur. Certaines grèves dures, en particulier A l'occasion du conflit du Parisien libéré, ont clairement manifesté leur emprise sur la presse franA§aise dans son ensemble. Ces réactions sont cependant en partie circonstancielles. Elles s'expliquent largement par le traumatisme d'une profession confrontée A des mutations technologiques particulièrement rapides. L'affaiblissement de la cgt du lie et la modernisation des entreprises de presse deaient s'accomner d'une diminution de tels conflits. Les journalistes. ' Les journalistes, par contre, ont érigé certaines de leurs protestations en revendications de principe. Constatons d'abord que le législateur a admis, de faA§on limitée, la spécificité de leur fonction. Le journaliste qui rompt son contrat de travail A la suite d'un changement d'orientation du journal jugé incompatible avec - son honneur, sa réputation, ses intérASts moraux - conserve le droit A ses indemnités de licenciement12. Néanmoins, la - clause de conscience - ne présente qu'un intérASt relatif. Seuls quelques grands noms du journalisme sont assurés de retrouver un emploi. La plupart des autres seront obligés d'accepter le changement d'orientation pour éviter le chômage. Aussi les journalistes ont-ils recherché d'autres solutions. Ils ont notamment tenté d'exercer un pouvoir dans l'entreprise en se constituant en - sociétés de rédacteurs - et en acquérant une partie du capital. La formule connut un certain succès. Des crises sérieuses montrèrent ses limites1* dans la mesure où les sociétés ne possédaient pas un pouvoir suffisant14. Elles réalisent, tout au plus, un certain transfert de pouvoir. Elles n'assurent pas l'objectivité du journal et peuvent se révéler gASnantes au niveau de la cohésion interne. Aucune - solution miracle - ne suffit A assurer l'existence d'une presse honnASte et indépendante, tant du pouvoir politique que des puissances d'argent. L'ordonnance de 1944. ' Tel est pourtant l'objectif que s'étaient fixé certains groupes de résistants en réaction contre les aspects les plus déplaisants de la presse de la IIIe République. Le souvenir de ce que l'on a appelé la - presse pourrie - explique ces efforts dont l'aboutissement provisoire fut l'ordonnance du 26 août 1944 - sur l'organisation de la presse franA§aise -. Elle était destinée A s'appliquer jusqu'A l'élaboration d'un statut de la presse qui ne vit jamais le jour. Dans ces conditions, on comprend que l'ordonnance de 1944 n'ait pas opéré une profonde réforme de structure. Elle est plutôt constituée par un ensemble de mesures de clarté, de publicité et de contrôle. Les objectifs essentiels des rédacteurs étaient de permettre A l'opinion de mieux connaitre les influences et les forces qui s'exercent sur un journal, d'affranchir les entreprises des dépendances occultes ou extérieures, de mieux élir les responsabilités personnelles des dirigeants. Certaines dispositions de l'ordonnance de 1944 ne correspondaient plus aux problèmes d'aujourd'hui. D'autres se sont avérées inadéquates, surtout faute de textes d'application. L'ensemble, enfin, n'empASchait pas les évolutions techniques et économiques de bouleverser la physionomie de la presse franA§aise. 2 Les difficultés de la presse Les causes des difficultés de la presse occidentale sont multiples. Retenons les trois principales : La modernisation. ' Traditionnellement un journal, c'était une équipe de journalistes et une équipe de techniciens. Les journalistes rédigeaient un texte manuscrit; celui-ci était mis en forme par le secrétariat de rédaction; les linotypistes préparaient les caractères de plomb dont on prenait l'empreinte; celle-ci passait A la stéréotypie avant d'aller aux rotatives. Désormais le circuit est beaucoup plus court. Les photocomposeuses préparent directement le travail de la rotative. Les performances sont étonnantes. On est passé de 15 000 signes A l'heure A plus de 10 millions. Les cols blancs ont largement remplacé les cols bleus puisque les photocomposeuses peuvent AStre utilisées directement par des clavistes, voire des journalistes eux-mASmes. Cette modernisation a eu des conséquences multiples. Elle a considérablement modifié les conditions de travail et les rapports sociaux15. Elle s'est accomnée de déqualification pour toute une profession qui se considérait comme une - aristocratie ouière -, sans parler des compressions de personnel. Elle permet la transmission A distance de textes prASts pour l'impression. A la limite, un journal peut exister sans journalistes A condition de faire partie d'un groupe de presse. Renle économiquement A long terme, la modernisation s'est révélée très coûteuse A court terme, créant un besoin de financement particulièrement aigu. L'accroissement des coûts. ' Le financement d'une entreprise de presse doit prendre en compte non seulement les investissements mais aussi les dépenses quotidiennes d'exploitation. Or, lA aussi, il a fallu faire face A des dépenses accrues. Le coût du personnel, mais aussi du papier et des fournitures d'imprimerie a progressé plus vite que la moyenne des prix. Le prix de vente des journaux ne pouvait pas suie sans courir le risque de décourager les lecteurs. La différence devait AStre couverte par la publicité. La publicité. ' Le rôle croissant de la publicité dans le financement des entreprises de presse pourrait faire craindre a priori une perte d'indépendance de ces derniers vis-A -vis des annonceurs. Si ce danger n'est pas tout A fait inexistant, il n'est que très secondaire au dire de la grande majorité des professionnels. La répartition très inégale de la - manne publicitaire - entre les organes de presse, et notamment entre les quotidiens, est beaucoup plus préoccupante. Disons, en arrondissant les chiffres, que Le Monde reA§oit 40 fois plus de ressources publicitaires que La Croix pour un tirage 3 fois supérieur. Quant au aro, pour un tirage able A celui du Monde, il en reA§oit 70 fois plus que La Croix. De mASme, si les recettes publicitaires ne fournissent que 8 % du budget de L'Humanité, elles fournissent 50 % de celui du Monde et 80 % de celui du aro. L'explication n'est pas seulement politique. Les publicitaires s'attachent A la valeur des supports. Le nombre des lecteurs n'en est pas le seul critère. On tient également compte du profil socioprofessionnel de ceux-ci. Par exemple, Le Monde et Le aro permettent de toucher une clientèle plus aisée, et plus intéressante pour un certain type de publicité immobilière, que La Croix ou L'Humanité. Sans contester cette logique, on peut s'inquiéter de ses conséquences. Les journaux les moins favorisés n'ont aucune possibilité de se vendre cinq ou six fois plus cher que les autres. MASme bien gérés, ils courent d'autant plus le risque de faillite que leurs charges sont identiques A celles des premiers, entre autres au niveau de la diffusion. La diffusion des quotidiens. ' Elle a été réorganisée après 1944. Elle devait AStre, en principe, assurée par une coopérative et échapper ainsi au monopole dont jouissait avant guerre la Société Hachette. Beaucoup de ces espoirs se sont révélés fragiles. Les nmpp" ont été A nouveau dominées par Hachette. Leur équilibre financier est loin d'AStre satisfaisant. Il est largement A la merci de chacun des membres1'. Il se caractérise par un accroissement des coûts qui frappe de plein fouet les quotidiens nationaux distribués sur l'ensemble du territoire. Les quotidiens régionaux qui assurent eux-mASmes leur diffusion dans une aire géographique limitée s'en sortent nettement mieux. Tout ceci n'est pas sans conséquences sur l'équilibre de la presse franA§aise. Une crise grave et délimitée. ' La crise n'est pas uniforme. La presse périodique a connu une réelle expansion depuis 1945. Certaines publications sont prospères et dépassent largement le million de lecteurs. En fait, seule la presse quotidienne d'information générale et politique connait, globalement, de très graves difficultés. Quelques chiffres permettent aisément de les mesurer. Il existait, en 1892, 410 quotidiens franA§ais d'information générale et politique. Ce chiffre est tombé A 349 en 1914 (dont 80 A Paris), 203 en 1946 (28 A Paris) et 87 en 1983 (11 a Paris, 9 en 1989). La crise frappe plus spécialement les quotidiens parisiens souvent qualifiés, par suite des traditions culturelles franA§aises, de nationaux. Il s'agit du Monde, de France-Soir, Le aro, Le Parisien, L'Humanité, La Croix, Le Quotidien, Libération et Présent. Beaucoup de journaux ont disparu. Leurs lecteurs ne se reportent pas tous sur leurs confrères. En 1946, il y avait 373 quotidiens vendus pour 1 000 habitants, 239 en 1954 et 207 en 1980. Le phénomène des concentrations. ' Elles sont habituelles dans le monde occidental. Aux Etats-Unis, où le libéralisme ambiant les favorise; en Allemagne fédérale, où le groupe Spinger, dont dépendent 40 % des quotidiens vendus, a acquis, de ce point de vue, une valeur exemplaire; en Angleterre mASme, où le rachat du Times par le milliardaire magnat de presse d'origine australienne, Rupert Murdoch, en 1981, a une valeur symbolique. La France, moins touchée que ses voisins, n'échappe pas A ce phénomène. Il y existe plusieurs - groupes de presse -, mASme si la définition de ceux-ci est difficile A donner. Les plus souvent cités sont le - Groupe Amaury - et surtout le - Groupe Hersant -. On considère généralement que ce dernier contrôle 19 quotidiens d'information générale et politique, dont Le aro et France-Soir. Il contrôle également de nombreuses publications périodiques spécialisées de L'Auto-Journal et La bonne cuisine en passant par Votre tricot magazine. Les groupes de presse se sont constitués par le rachat de titres en difficulté. Leur succès peut s'expliquer par une gestion plus rationnelle et plus économique (compressions de personnel et d'outillage). Il est très gASnant au regard des principes démocratiques pour plusieurs raisons. Il traduit la domination du pouvoir financier sur la presse considérée, dès lors, comme un produit ordinaire. Il débouche sur une disparition du pluralisme, déjA sensible dans plusieurs régions. Il s'accomne d'un appauissement certain des informations qui sont de plus en plus fréquemment réutilisées d'un quotidien A l'autre. La situation de L'Aurore par rapport au aro a été, A cet égard, exemplaire. Le moyen le plus rationnel d'éviter la concentration consiste A aider les journaux encore autonomes.
|
|||||
Privacy - Conditions d'utilisation |