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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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De la finalité comme signe de la liberté : le corps humain comme symbole de l'individualité

Si nous réunissons les trois aspects de l'antinomie que nous venons d'examiner (i) le fait que le point de vue mécaniste et le point de vue finaliste portent tous deux sur le mASme monde, le monde des phénomènes, 2) la légitimité et la nécessité de poser le point de vue finaliste, et 3) le fait que l'opposition des deux points de vue ne constitue pas une contradiction et que, comme telle, elle ne puisse ni ne doive AStre surmontée), les principales difficultés suscitées par la vision morale du monde peuvent en grande partie AStre levées : l'idée de liberté peut AStre maintenue dans le monde phénoménal (A  côté du mécanisme), puisque le point de vue finaliste, en tant que réfléchissant, est inévacuable, et qu'il renie nécessairement A  la supposition d'un créateur intelligent ; le caractère finalisé (intentionnel) des actions humaines devra donc AStre référé, par la réflexion, A  l'hypothèse d'une liberté (d'une création intelligente humaine), tandis que le caractère finalisé de certains objets naturels, les AStres organisés, devra AStre référé, également par la réflexion, A  l'hypothèse d'une puissance divine (d'une création intelligente divine), puisque, la nature étant seulement matérielle, il serait absurde de lui attribuer une quelconque intelligence (une intention). Dans cette perspective, les postulats de la raison pratique recevront le statut de principes de la réflexion et, comme tels, ils seront, au niveau mASme des phénomènes (donc, de l'histoire), compatibles avec le mécanisme, bien qu'infiniment opposés A  lui. Une telle - solution critique - ouvrirait la ie d'une autre - solution critique - : celle du problème posé, en avant-propos, de l'articulation des philosophies de l'histoire (du rationalisme, de la vision morale du monde, et de la phénoménologie). L'utilisation de l'antinomie téléologique comme réinterprétation de la solution de la troisième antinomie se heurte cependant encore A  deux difficultés qu'on ne saurait, en toute rigueur, éluder. L'une a été formulée par Schelling, l'autre par Fichte, et il est nécessaire de les examiner pour pouir revenir A  la question de l'articulation des philosophies de l'histoire.

1 / L'objection avancée par Schelling1 contre la solution kantienne de l'antinomie téléologique peut AStre assez aisément comprise. Elle est cependant fondamentale et requiert une attention toute particulière. Elle consiste essentiellement A  montrer que l'Idée d'un Dieu créateur intelligent, mASme prise comme principe de la réflexion, comme - inconnaissable -, est contradictoire (- impensable -) et qu'elle ne peut donc servir A  fonder le sentiment de finalité éprouvé A  la vue d'un AStre organisé. En effet, un AStre infini (ce qu'est Dieu, par définition) ne saurait, comme l'a vu Spinoza, AStre doué de conscience et d'intention. Car l'intention (le projet) suppose que la représentation d'une fin précède sa réalisation, donc, que le possible et le réel soient distincts, ce qui est précisément la marque de la finitude. Du point de vue d'un entendement infini (non limité par des objets extérieurs) la pensée et l'AStre étant nécessairement identiques, il ne peut donc y air d'intentionalité, d'intelligence au sens humain du terme. Supposons, écrit Schelling, que l'on introduise dans le Créateur divin - des concepts de fins, etc., il cesse aussitôt d'AStre un créateur pour devenir un simple artisan; il est tout au plus l'architecte de la nature -, car en lui attribuant la capacité d'air des intentions conscientes, donc des pensées qui précèdent l'existence, on le finitise : - Donc, dès que us finitise% l'Idée du créateur, il cesse d'AStre créateur et si us élevez cette Idée A  l'infini, tous les concepts de finalité et d'entendement disparaissent et il ne subsiste plus que l'idée d'une puissance absolue. - Cherchera-t-on, comme Kant dans le A§ 77 de la Critique du jugement, - A  expliquer tout cela A  partir de la nature particulière de l'esprit fini. Seulement, si us faites cela us n'avez plus besoin d'un infini posé comme hors de us -. L'idée d'un Dieu créateur intelligent est donc ' et Schelling ne fait au fond que suivre ici Spinoza ' aussi absurde qu'inutile pour rendre raison de la finalité. Allons plus loin : le mASme raisonnement se peut également tenir, en sens inverse, en ce qui concerne le - second créateur intelligent - auquel la finalité renie lorsqu'elle s'applique aux actions : l'homme. Car, s'il est évident qu'un AStre infini ne saurait AStre doué de représentations et de projets, il est non moins évident qu'un AStre fini, bien qu'au contraire capable sans difficulté de ces deux propriétés, ne peut en revanche créer quoi que ce soit : - Un AStre en lequel le concept précède l'acte, et le projet la réalisation, ne peut pas produire - de sorte que l'idée d'une causalité intelligente vers laquelle fait signe l'usage réfléchissant de la finalité pour penser les actions humaines est, elle aussi, proprement dénuée de sens : l'homme peut certes conceir des projets, c'est-A -dire air des représentations de certaines fins qui précédent la réalisation de ces fins, mais il ne peut jamais posséder la puissance nécessaire A  leur réalisation ex nihilo.
Inférer du sentiment de finalité A  l'hypothèse, fût-elle seulement - réfléchissante -, de deux - créateurs intelligents - serait donc absurde, l'idée mASme de création intelligente, qu'on l'attribue A  l'homme ou A  Dieu, étant non seulement inconnaissable (ce que Kant admet certes), mais aussi impensable (contradictoire).
L'objection de Schelling, on ne saurait le nier, touche une difficulté fondamentale de la pensée criticiste : aisément surmonle dans une perspective métaphysique (il suffit pour s'en convaincre de songer A  la définition hégélienne du - bon infini -, de l'infini qui intègre et dépasse le point de vue fini, le point de vue de la réflexion), elle pose, il faut le reconnaitre honnAStement, un problème insoluble dans le cadre de la philosophie critique. Une telle constatation doit cependant nous inciter A  plus de réflexion : que penser en effet d'une question dont la solution n'est envisageable que d'un point de vue transcendant les limites de la finitude humaine ? Faut-il - résoudre - une telle question ou ne convient-il pas, au contraire, dans ces conditions, d'en opérer la déconstruction ?
On notera tout d'abord que le problème n'a pas échappé A  Kant qui souligne lui-mASme A  maintes reprises, non seulement dans la troisième Critique, mais aussi dans l'essai intitulé D'un ton grand seigneur adopté naguère en philosophie, l'inconséquence qu'il y aurait A  attribuer A  l'entendement infini l'intelligence et la lonté qui toutes deux supposent la séparation de la pensée et de l'existence, donc, la finitude. Dans la considération de la nature, dira le A§ 77 de la Critique de la faculté déjuger, nous, AStres finis, remontons toujours selon les causes efficientes des parties au Tout. C'est seulement du point de vue de Dieu ' du point de vue d'un entendement infini que l'on imagine par négation du nôtre, par abstraction ' que la nature pourrait AStre considérée comme une Totalité dont les parties seraient déductibles. Si l'homme ne peut aller que des parties au Tout, Dieu seul pourrait aller du Tout aux parties. Appliquons cette remarque au problème de la finalité : la finalité suppose que les parties d'une totalité (l'AStre organisé, ou la nature comme système) soient considérées, non comme l'effet de cette totalité, mais comme l'effet de la représentation de cette totalité (intention). Il ne saurait donc ' Schelling a raison ' y air de finalité pour Dieu (ou en lui, on ne sait trop comment dire) : - Comme alors le tout est un effet (produit) dont la représentation est considérée comme cause de sa possibilité, et que l'on nomme fin le produit d'une cause dont le principe de détermination est simplement la représentation de son effet, il s'ensuit que c'est uniquement une conséquence de la constitution particulière de notre entendement, si nous nous représentons comme possibles les produits de la nature d'après la causalité des fins et de causes finales -*. Et Kant est si conscient de la difficulté que lui opposera Schelling, qu'il va jusqu'A  proposer, dans ce mASme paragraphe, l'analogie de l'espace pour - imaginer - le point de vue de Dieu, l'espace ayant - cette ressemblance avec le fondement réel que nous cherchons qu'en lui aucune partie ne peut AStre déterminée sans l'AStre par rapport au tout -, bien que, cependant, la représentation parfaite de cette totalité, qui n'est qu'un - horizon -, soit impossible2.
Mais ne sommes-nous pas ici renyés au second aspect de l'objection de Schelling : si l'idée de finalité est purement liée A  la structure finie de notre entendement ' comme le A§ 77 le reconnait lui-mASme ' quelle différence y a-t-il entre Kant et Spinoza ? La finalité n'est-elle pas pur et simple - délire - et ne sommes-nous pas contraints de revenir A  - l'idéalisme des fins - ?
C'est ici que nous touchons la limite ultime de la tentative, pour un AStre fini, de penser l'infini, donc, la limite en laquelle s'exprime au mieux l'essence du criticisme. Je tacherai par conséquent d'AStre clair : l'infini peut AStre pensé selon deux - logiques - fort différentes, celle du concept pur et celle du schème3, et ces deux logiques correspondent elles-mASmes A  des intérASts spéculatifs bien distincts : si je pense le concept d'un AStre infini, en faisant totalement abstraction de mon point de vue sur ce concept, donc, en évitant de le finitiser, il va de soi que Schelling et Spinoza ont raison et qu'il est absurde d'attribuer A  Dieu des représentations qui supposeraient qu'en lui, pensée et existence étant disjointes, il soit en fait un AStre fini-ce
qui contredit son concept. Mais puis-je faire abstraction de moi-mASme ? Bien plus : le dois-je ? Car on l'accordera, si le concept de Dieu ainsi obtenu est cohérent, il est parfaitement irreprésenle pour moi (parfaitement non schématisable). Or, c'est pourtant moi qui ai posé et défini ce concept ! Si je reprends en compte mon propre point de vue, je dois donc : 1) dire que le concept de Dieu n'est qu'une Idée et non une réalité existante et 2) déformer cette Idée de faA§on qu'elle devienne pour moi représenle.
Que signifie cette opération ? Très précisément ceci : un AStre fini qui tente de penser l'infini ne peut jamais échapper A  la contradiction, mais il peut seulement choisir de situer cette contradiction dans le fait de nier son propre point de vue (alors, suivant la logique du concept, il obtiendra un concept non contradictoire mais irreprésenle), ou dans le fait de déformer, par son point de vue, le concept qu'il tente de penser (alors, suivant la logique du schème, le concept deviendra représenle mais contradictoire).
Telle est l'aporie inévile de toute tentative, pour un AStre fini, de penser l'infini; et la grandeur du criticisme est de nous y conduire, de l'analyser, et de ne point prétendre la surmonter : car surmonter conceptuellement l'aporie est purement illusoire. A vrai dire, le projet mASme est infra-critique puisqu'il consiste A  approfondir un seul aspect du problème (la logique du concept) au détriment du second (la logique du schème), sans ir que l'aporie consiste dans la coexistence des deux.
On dira donc que la pensée de l'homme et de Dieu, comme créateurs intelligents, renie A  une difficulté symétrique inverse insurmonle :
' Dans le cas de Dieu, c'est la réflexion qui finitise l'idée d'infini de sorte que Dieu se définira pour l'homme comme un point de vue de point de vue (le point de vue qu'a la réflexion sur une Idée de la raison).
' Dans le cas de l'homme, en revanche, c'est l'idée d'infini (l'idée de liberté fournie par la raison pratique) qui vient déformer les structures de la finitude et ajouter, A  l'idée de projet, celle de création intelligente, sans laquelle la finalité des actes humains resterait impensable.
Il n'est pas davantage possible, sans franchir les limites de la finitude, de dépasser les apories soulevées par ces deux Idées que de dépasser l'antithétique du mécanisme et de la finalité. Toute - solution - qui redonne leur - cohérence interne - conceptuelle aux Idées de l'homme et de Dieu sera inévilement produite d'un point de vue fétichisé (non schématisable), par abstraction des conditions mASmes de la réflexion1. Mais, comme nous allons le ir en examinant la seconde objection, formulée cette fois-ci par Fichte, contre une certaine utilisation de l'antinomie téléologique comme solution de la troisième antinomie, si la pensée finie de l'infini est toujours uée en un sens ou en un autre A  une contradiction, si l'idée d'homme elle-mASme est - impensable -, c'est peut-AStre que l'homme, A  la différence de la chose, de l'AStre organisé, ou mASme de l'animal, est en son fond néant2.

2 / Fichte, on l'a dit, jugeant insuffisante la solution de la troisième antinomie, a posé la question décisive des critères d'application de l'impératif catégorique dans le monde des phénomènes, c'est-A -dire la question des critères de la reconnaissance de l'Altérité comme humanité. L'analyse de l'antinomie téléologique, montrant l'existence de deux points de vue (mécanisme et fina-lisme) au niveau mASme du monde des phénomènes, nous a conduits A  trouver dans la finalité des actions humaines un signe (un symbole pourrait-on dire) de l'humanité. Mais ce signe est-il suffisant ? Telle est la nouvelle question que pose Fichte : - Ce qui a le caractère de la finalité peut air un auteur raisonnable; ce A  quoi le concept de finalité ne peut se rapporter n'a certainement pas un auteur raisonnable. Mais cette marque distinctive est ambiguA«; l'accord du divers résultant dans une unité caractérise la finalité; mais il y a plusieurs espèces de cet accord qui peuvent AStre expliquées A  partir de simples lois de la nature ' assurément pas des lois mécaniques mais des lois organiques; nous ans donc encore besoin d'une autre marque distinctive pour pouir conclure avec certitude d'une certaine expérience A  une cause raisonnable de cette expérience. MASme lA  où elle agit en vue d'une fin, la nature agit selon des lois nécessaires; la raison agit toujours avec liberté Reste la question : comment doit-on distinguer, quand ils sont également donnés dans l'expérience, l'effet produit par la nécessité et l'effet produit par la liberté ? -J. On remarquera ' comme on pouvait s'y attendre de la part de Fichte ' que le problème est bien posé puisqu'il touche A  la distinction de la liberté et de la nécessité au niveau mASme du monde phénoménal, lorsque les effets envisagés, dit le texte, - sont également donnés dans l'expérience -. Pourtant, dans la Grundlage des Naturrechts, Fichte donnera plus d'acuité encore A  sa question, en la formulant nettement comme visant A  découvrir, non un critère - ontologique - (au sens courant du terme), mais un critère méthodologique, pour la faculté de juger : - On a avec droit soulevé la question : quelles actions ne sont explicables que par une cause raisonnable ? La réponse : celles que nécessairement doit précéder un concept d'elles-mASmes est vraie, mais n'est pas suffisante, car il reste toujours A  résoudre la question plus élevée, un peu plus difficile : quelles sont celles dont on doit juger qu'elles n'étaient possibles que d'après un concept formé antérieurement -2, question, selon Fichte, non encore résolue par la philosophie, mASme par celle de Kant8.
Fichte propose sa propre solution dans un texte si admirable4 qu'on me pardonnera, je l'espère, d'en traduire ici de larges extraits5. En fait, dans une très grande mesure, Fichte se borne, comme on va le ir, A  tirer les enseignements des A§ 64 et 65 de la Critique de la faculté de juger. Mais il les précise sur un point essentiel : la distinction entre organisation et vie*.
Le chapitre premier de la Grundlage des Naturrechts est consacré A  opérer la difficile - déduction de l'intersubjectivité -. Il est évidemment hors de propos d'indiquer ici l'argumentation de Fichte1. Je rappellerai seulement qu'elle vise A  montrer comment l'existence d'autrui est une condition de possibilité théorique, absolument indispensable, de la conscience de soi (- Pas de toi, pas de moi, pas de moi, pas de toi -, écrira Fichte dans le style qui est le sien). Le chapitre II, en une analyse qui annonce ' et devance ' la phénoménologie de Husserl et Merleau-Ponty2, continuant d'explorer les conditions de possibilité de la conscience de soi, montre (A§ 5) que cette conscience doit s'incarner dans un corps, pensé comme sphère de la liberté individuelle : le signe visible de cette liberté est l'articulation3, car elle manifeste la capacité qu'ont les parties du corps humain de se mouir de faA§on autonome - d'après des concepts -, c'est-A -dire selon la lonté humaine.
Ce symbole qu'est l'articulation permet de distinguer, plus clairement encore que chez Kant, trois - ordres du réel - ' pour reprendre le cabulaire qu'A. Philonenko emprunte lui-mASme A  Leibniz. Il importe de bien distinguer ces trois ordres pour suivre l'argumentation de Fichte que la Phénoménologie de la perception reprendra sur deux points : le corps humain est immédiatement signifiant et ce, parce que l'homme n'est rien (n'a pas, pour reprendre le langage de Sartre, de - nature -)4.
' Le premier ordre est celui des choses naturelles y compris des machines (telle la montre, qui sert aux cartésiens A  penser l'organisme).
' Le second ordre est celui de l'AStre organisé dont le modèle est h. te (l'arbre du A§ 64 de la Critique de la faculté de juger). Pour Fichte, comme pour Kant, l'AStre organisé ne saurait AStre confondu avec la machine, ainsi que le veut le cartésianisme, puisqu'il est, au regard du mécanisme, infiniment improbable. L'assimilation de l'AStre organisé A  une machine repose en outre sur une seconde erreur : elle conduit A  faire de Dieu un artisan, certes très habile, mais néanmoins qualitativement semblable A  l'homme. Dans l'ordre de l'organisation, nous n'accédons pas encore A  la sphère de l'individualité absolue, mais seulement A  celle de l'individualité relative, le critère de cette relativité étant la greffe : - C'est pourquoi, écrit Kant dans le A§ 64, on peut considérer chaque rameau, chaque feuille d'un mASme arbre comme simplement greffé ou écussonné sur celui-ci, c'est-A -dire comme un arbre existant pour lui-mASme qui s'attache simplement A  un autre arbre et se nourrit comme un parasite.
' Le troisième ordre est celui de la vie, et l'on ne saurait trop insister sur l'importance qu'il y a A  le distinguer, non seulement du premier, mais du second : - C'est au sujet de la notion de vivant, écrit A. Philonenko, que Kant a été le plus mal compris. On a assimilé le vivant et l'organisme. Or, si tout ce qui est vrai de l'organisme l'est aussi du vivant, la réciproque n'est pas vraie. L'arbre ne connait pas l'articulation. C'est, en somme, une république définie par une limite bien précise, la greffe En revanche, le vivant soumis au régime de l'articulation résiste A  une grande quantité de greffes. Par exemple, on ne peut pas greffer ma main sur un autre individu et réciproquement. Cette notion de bon sens a totalement échappé aux lecteurs de Kant qui du mASme coup se sont interdit de comprendre le sens de la troisième Critique tant il est vrai que le goût définit la fine pointe de l'individualité -2. Ce texte, quelque peu énigmatique, mérite d'AStre commenté : écrit d'un point de vue fichtéen, il va nous conduire au cœur de notre problème. D'abord, soyons justes : si Kant a été mal compris, c'est aussi qu'il n'a pas indiqué le critère empirique du vivant : l'articulation et l'impossibilité de sa greffe, et c'est A  Fichte que revient le mérite d'air découvert ce critère, au chapitre II de la Grundlage. Kant définit bien la vie, de faA§on constante, comme la - faculté que possède un AStre, d'agir conformément A  ses représentations -s. Mais justement, et nous verrons toute l'importance de ce point pour la solution du problème posé par Fichte, il n'indique pas le critère permettant de distinguer, dans le monde des phénomènes, la vie, de l'organisation. L'impossibilité de la greffe nous fait ainsi quitter la sphère de l'individualité relative (organisation) pour entrer dans celle de l'individualité absolue (la vie). D'où l'importance politique de la métaphore reprise par A. Philonenko A  Kant : l'arbre est une - république -, et selon que l'on pensera le corps politique comme machine, comme AStre organisé, ou comme AStre vivant, la place de l'individualité par rapport A  la totalité y sera bien différente. A. Philonenko le soulignera dans ce mASme article, on peut aussi renverser la métaphore et dire que, dans la république, le contrat social (la lonté générale par laquelle s'agrègent les individus) est une greffe : l'individu y garde alors son autonomie. Mais si le corps politique est vie, le Tout étant individualité absolue, les parties ne sont plus - gref-fables -, elles perdent leur autonomie et le totalitarisme (ou du moins, ce que les Allemands nomment - l'universalisme -) n'est pas loin I
C'est donc seulement au niveau du troisième ordre que l'individu, en tant qu'AStre vivant, possédant un corps articulé qui lui permet d'agir d'après des représentations, peut AStre considéré comme une personne, c'est-A -dire comme un AStre raisonnable. Et seul l'AStre vivant sera capable d'une communication directe avec autrui, dans l'esthétique pour Kant1, dans le système juridique pour Fichte.
Nous pouns donc commencer d'entreir la solution de notre problème : c'est dans l'analyse du corps humain lui-mASme qu'il faut trouver le signe empirique de la liberté : car avec la vie comme capacité d'agir d'après des représentations nous tenons bel et bien {'analogue de cette liberté ! Et avec l'articulation, nous tenons son critère ! (Le lecteur pourrait déjA  s'interroger sur la différence qui, de ce point de vue, se peut faire entre l'homme et l'animal, ce dernier étant lui aussi, manifestement, plus qu'un simple AStre organisé, et possédant un corps articulé. Nous verrons plus loin comment le problème est analysé par Fichte.)
Revenons donc A  notre texte. Nous sans désormais quel en est l'objet : il s'agit, non pas du tout comme on l'a cru parfois, de - déduire le corps humain - (toujours cette légende d'un Fichte fantastiquement idéaliste !), mais d'en faire A  proprement parler une - phénoménologie -', de montrer comment, A  sa simple perception, et sans construction intellectuelle, je ne puis le penser que comme un alter ego, que comme un autre moi. Il faut en effet que le phénomène de mon corps, écrit Fichte, - soii tel qu'il ne puisse en aucun cas AStre compris et conA§u autrement que par la présupposition que je suis un AStre raisonnable; que, par conséquent, la chose suivante soit requise d'autrui : dès que tu is cette structure, tu dois nécessairement la considérer comme la représentation d'un AStre raisonnable dans le monde sensible, si tu es toi-mASme un AStre raisonnable. Comment cela est-il possible ? - Telle est donc bien la question du signe empirique de la liberté qui va permettre, en donnant un contenu A  l'idée de finalité libre, de la distinguer, non seulement du mécanisme, mais aussi de la finalité naturelle de l'AStre organisé. Fichte aura ainsi rejoint Kant en le dépassant : c'est en trouvant le critère de la finalité libre au niveau du phénomène que la solution de l'antinomie téléologique sera enfin achevée.
Mais comment résoudre cette question et la aison avec la phénoménologie n'est-elle pas forcée ? Fichte ne dit-il pas qu'il s'agit de - comprendre et de conceir - (verstehen und begreifen) le corps humain comme corps d'un AStre libre ? Ne s'agit-il donc pas, non d'une reconnaissance immédiate, mais encore d'une construction intellectuelle ?
Gardons-nous de juger trop hativement : Fichte prend la peine de définir fort soigneusement ce qu'il entend ici par - comprendre et conceir - : - J'ai compris un phénomène lorsque j'ai obtenu une connaissance formant une totalité complète du fait qu'en toutes ses parties il est fondé en lui-mASme () je n'ai pas compris () tant que je suis encore chassé de certaines parties de ma connaissance vers d'autres parties -*. Le problème de la reconnaissance d'autrui au niveau de la perception s'énoncera donc ainsi : - Je ne puis comprendre le phénomène d'un corps humain si ce n'est en admettant qu'il est le corps d'un AStre raisonnable signifie par conséquent : je ne puis m'arrASter, dans l'assemblage de ses parties, avant d'AStre parvenu au point où je suis obligé de le penser comme corps d'un AStre raisonnable -2. Ce sont les moments de cette - preuve génétique -8 que Fichte entend rigoureusement décrire dans ce texte, et la nécessité de penser le corps humain comme signe de l'AStre raisonnable va justement provenir du fait qu'il n'est pensable sous aucun concept et que c'est uniquement par rapport A  ce qui est en moi le plus intime, l'idée de liberté, que je puis le saisir immédiatement comme a/ter ego. Dans ces conditions, les différentes étapes de ce processus consisteront A  montrer comment le corps articulé fait progressivement éclater tout concept sous lequel on udrait le subsumer. Bref, comme le dira admirablement Fichte, - le corps articulé de l'homme est sens-*, et s'il est perA§u immédiatement comme tel, c'est parce que l'homme est le seul AStre qui - originellement n'est rien -6 : l'immédiateté tient ici A  la non-conceptualité.
Les étapes de cette reconnaissance d'autrui peuvent maintenant AStre aisément comprises. Je me bornerai A  les repérer, m'intéressant plus au mouvement qui conduit A  la - définition - de l'homme comme - néant -, qu'au détail de l'argumentation que le lecteur pourra facilement reconstruire :
1 / Le corps humain doit d'abord AStre pensé comme AStre organisé ' organisation qui ne saurait AStre confondue, et Fichte reprend ici les arguments de Kant, avec un simple - produit de l'art - (avec une machine)6.
2 / Toutefois, le concept d'organisation ne parvient pas A  - contenir - pleinement la perception du corps humain, car l'homme est non seulement organisé mais vivant : - Il est une te parfaite ;
mais il est plus encore -l. Quel est le signe de cette vie, de cette faculté de se mouir d'après des représentations ? Il s'agit bien sûr de - l'articulation, qui doit nécessairement AStre visible et qui, assurément, est un produit de l'organisation. Mais l'articulation ne produit pas en retour l'organisation, mais elle fait signe (sie deutet au/) vers une autre fin, c'est-A -dire qu'elle n'est pleinement compréhensible et réductible A  l'unité que sous un autre concept -. Quel est ce concept ? Comme on pouvait s'y attendre Fichte (sans le dire, mais, pour qui a bien lu Kant, cela va sans dire), donne de ce concept la définition kantienne de la vie : - Ce concept pourrait AStre celui du libre mouvement déterminé et, dans cette mesure, l'homme serait animal -. Ce texte pose cependant deux problèmes : pourquoi un conditionnel (l'homme - pourrait -) ? Que signifie - libre mouvement déterminé- (die- bestimmte freie Bewegung -) ? Ces deux difficultés peuvent en fait se ramener A  une : comment penser la différence entre l'homme et l'animal dès lors que l'un et l'autre sont, non seulement des AStres organisés (des tes), mais aussi des AStres vivants (des AStres susceptibles d'agir d'après des représentations et possédant des corps articulés) ? L'articulation (le vivant), nous a dit Fichte, - fait signe vers d'autres fins - que l'organisation (la te) : elle fait signe vers la liberté (le libre mouvement). Mais cette liberté est-elle la mASme en l'homme et en l'animal ? Bref : ne faut-il pas dans ces conditions dépasser le simple critère de l'articulation ? C'est lA  ce que tente de faire Fichte en forgeant le concept étonnant de - libre mouvement déterminé - : l'animal possède un libre mouvement, il agit mASme d'après des représentations (c'est un vivant); mais, comme Kant l'a vu8, ce libre mouvement qui caractérise la vie animale est déterminé par l'instinct (enfermé encore, par conséquent, dans certaines bornes) : - Par son instinct, un animal est déjA  tout ce qu'il peut AStre; une raison étrangère a déjA  pris soin de tout pour lui. Mais l'homme au contraire, vient au monde A  l'état brut -*. Le concept de -libre mouvement déterminé - n'est autre que l'équivalent fichtéen de cette - raison étrangère - dont parle Kant. L'homme n'est ni une machine, ni une te, ni un animal. Si - le corps humain ne peut AStre compris sous la présupposition - qu'il est doué d'un - libre mouvement déterminé -', sous quel concept le penser ? Il faut franchir une dernière étape. Ecoutons Fichte :
3 / - Son articulation devrait donc ne pouir en aucun cas AStre pensée sous un concept déterminé (c'est Fichte qui souligne). Elle ne devrait pas faire signe vers une sphère déterminée (c'est encore Fichte qui souligne) du mouvement libre (der willkiïrlichen Bewe-gung), comme chez l'animal, mais vers tout ce qui est pensable A  l'infini. Il n'y aurait aucune déterminité (Bestimmtheit) de l'articulation, mais seulement une déterminabilité (Bestimmbarkeit) A  l'infini; aucune structure, mais une structurabihté. Bref, tous les animaux sont complets et achevés, l'homme n'est qu'indiqué et esquissé. L'observateur raisonnable ne peut réunir les parties d'aucune autre faA§on que sous le concept de son semblable, dans le concept de liberté qui lui est fourni par sa conscience de soi. Il doit utiliser le concept de lui-mASme pour pouir penser quelque chose, parce qu'aucun concept n'est donné Tout animal est ce qu'il est, l'homme seul originellement n'est rien -2. Et comme, en toute rigueur, rien ne permet a priori de distinguer l'homme de l'animal (en tant qu'AStres vivants, au sens kantien, et articulés, au sens fichtéen, ils appartiennent d'un point de vue théorique A  un mASme - ordre -)8, Fichte s'efforcera, dans le corollaire de cette - démonstration -4, d'indiquer encore les signes visibles qui distinguent le - libre mouvement déterminé -, relevant de l'instinct, de ce libre mouvement qu'on pourrait qualifier A 'indéterminé, et qui fait signe A  son tour vers l'ordre suprASme, celui de la liberté morale. Je laisse au lecteur le plaisir de les analyser lui-mASme.
Il m'est impossible de dégager ici toutes les conséquences de cette - phénoménologie du corps -; elle implique notamment qu'aucune science de l'homme ne soit jamais identique A  une science de la nature. (Les expressions telles que la - science politique -, ou la - science de l'éducation - sont en ce sens hautement problématiques : il faudrait plutôt parler d'un - art - politique ou d'un - art - de l'éducation pour préserver la dimension de - prudence - qu'implique la définition de l'homme comme néant, c'est-A -dire comme - perfectibilité infinie -)x. Je me bornerai A  indiquer celle qui intéresse directement notre propos et qui permet de résoudre la difficulté soulevée par Fichte contre Kant : on notera tout d'abord que Fichte ne sort pas, du moins dans le texte qu'on vient d'analyser, des limites du criticisme et qu'il ne fait que mener A  son terme le travail entrepris par Kant dans la Critique de la faculté de juger : il ne s'agit pas en effet de poser la liberté de l'homme comme une vérité ontologique, mais de montrer qu'on ne peut penser ce dernier, au niveau des phénomènes (de la perception), que comme un AStre libre et raisonnable, en droit du moins, c'est-A -dire capable de l'AStre. Par suite, le critère de la finalité n'est pas vraiment dépassé, il est plutôt complété par l'analyse des symboles qui autorisent, mieux, qui contraignent A  penser la finalité comme elle-mASme symbole de la liberté : si Fichte objecte A  Kant l'insuffisance du critère de la finalité, ce n'est donc pas pour dépasser ce critère vers une - ontologie -, mais seulement, me semble-t-il, parce qu'il le trouve insuffisamment élaboré chez Kant, la confusion entre l'organisation et la vie, puis, au sein de la vie mASme, entre le libre mouvement déterminé (l'instinct) et le libre mouvement indéterminé (la liberté) restant encore possible en l'absence de cette phénoménologie des signes empiriques.
Ainsi, la solution de l'antinomie téléologique, avec les compléments que lui apporte la perspective fichtéenne, ne contredit pas non plus, mais précise celle de la troisième antinomie. La finalité ' avec tous les signes qu'il convient d'y ajouter ' peut bien rester le critère, pour le jugement réfléchissant, de la différence phénoménale entre la chose et l'homme, entre le mouvement et l'action. Et comme le montrait déjA  le A§ 53 des Prolégomènes, c'est dans cette indétermination qui est celle de l'homme, dans son - néant -, que se loge la possibilité (que Kant désigne sous le nom d'arbitre)1 pour lui de choisir entre I'hétéronomie (l'animalité) et l'autonomie (la moralité). C'est seulement dans le dernier cas que son action, dès lors pleinement sensée, sera pensable sous l'idée nouménale de liberté dans un ordre qui ne sera plus celui du fait mais, comme l'a vu Cassirer, de la valeur2.
Les deux philosophies de l'histoire fondamentales ' celle qui, reposant sur le principe de raison ou de causalité, renie A  l'ontologie théorique, A  l'idée de système, et se manifeste dans la nature par la loi du mécanisme, et celle qui, reposant sur le principe d'une causalité intelligente, renie A  l'ontologie pratique, A  l'idée de liberté, et se manifeste dans la nature par la finalité, avec son cortège de symboles ' peuvent dès lors AStre accordées sans contradictions. Il va donc nous AStre possible d'aperceir maintenant en sa totalité le - système - des philosophies de l'histoire.



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