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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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L'antinomie du réalisme et de l'idéalisme : la déconstniction des fondements ontologiques de l'historicisme

Je me propose d'analyser ici l'opposition antinomique du réalisme et de l'idéalisme telle qu'elle est mise en place par Fichte dans les points A, B, C, D, E, du A§ 4 de la Grundlage1. Etant donné qu'il ne s'agit pas pour moi d'élucider pour lui-mASme le sens de ces textes, mais seulement de montrer dans quelle mesure ils fondent une pensée critique des illusions métaphysiques en mASme temps qu'une certaine conception du droit, je me bornerai A  étudier la formulation définitive que l'antinomie reA§oit dans le point E, en laissant A  l'écart le processus dialectique qui y conduit2.

1 - La dialectique comme mise en place et déconstruction des illusions
Le réalisme est défini en C comme la position selon laquelle - le Non-Moi n'a de réalité pour le Moi que dans la mesure où le Moi est affecté -3. Cette position correspond au principe de causalité : c'est en effet A  partir de la constatation de la passité du Moi que l'on conclut, selon le concept d'action réciproque dérivé du troisième principe, A  une actité dans le Non-Moi (qui est égale A  la passité du Moi). C'est donc A  partir de l'affection que l'on pose la causalité du Non-Moi, ce qui reent A  indiquer le vecteur, ou, si l'on veut, l'ordre dans lequel doit se lire la détermination réciproque du Moi et du Non-Moi : c'est, pour le réalisme, du Non-Moi au Moi qu'il faut aller, de l'actité du premier A  la passité du second. Selon le réalisme, donc, - il faut poser la négation ou la passité dans le Moi et, d'après la règle générale de la détermination réciproque, il faut poser le mASme quantum de réalité ou d'actité dans le Non-Moi -l. On peut dire qu'en ce sens l'affection est la ratio cognoscendi de l'actité du Non-Moi et que celle-ci est la ratio essendi de la passité du Moi.
Il conent de remarquer que cette définition du réalisme est déjA , dans une certaine mesure, une définition critique puisqu'elle consiste A  partir du sujet (de l'affection) pour en inférer l'existence de l'objet actif (Non-Moi). En termes spinozistes, on peut dire que c'est A  partir du mode (du sujet fini) que la réalité de la substance (du Non-Moi) est posée, le Non-Moi apparaissant comme une construction destinée A  rendre raison, mais, encore une fois, A  partir du mode, de l'affection qu'il perA§oit en lui.
Or, selon Fichte, une telle réponse nous fait - entrer dans un cercle -2, c'est-A -dire dans une contradiction interne qui va nécessairement conduire (de faA§on antinomique) le réalisme A  adopter subrepticement le principe adverse : celui de l'idéalisme.
Ce cercle est décrit par Fichte en ces termes : - Posez comme premier cas, d'après le concept de causalité donc, que la limitation du Moi procède seulement d'une actité du Non-Moi. Pensez que le Non-Moi n'agit pas sur le Moi A  l'instant A, toute réalité est donc dans le Moi et il n'y a pas de négation en lui ; par conséquent aussi, d'après ce qui précède, aucune réalité n'est posée dans le Non-Moi. Pensez maintenant qu'A  l'instant B le Non-Moi agit sur le Moi avec trois degrés d'actité; il s'ensuit, conformément au concept de détermination réciproque, que trois degrés de réalité sont supprimés dans le Moi et qu'A  leur place trois degrés de négation sont posés. Toutefois, ici le Moi est purement passif; les degrés de négation sont sans doute bien posés ' mais pour un AStre intelligent extérieur au Moi, qui observerait et jugerait d'après la règle de détermination réciproque le Moi et le Non-Moi dans cette action et non point pour le Moi lui-mASme. Il faudrait qu'il en fût ainsi, que le Moi puisse er son état au moment A et son état au moment B et distinguer les différents quanta de son actité aux deux moments : et comment ceci est possible n'a pas encore été montré. Dans le cas présent, le Moi serait sans doute limité, mais il ne serait pas conscient de sa limitation --. Le principe de la réfutation du réalisme est donc le suivant : pour que le Non-Moi soit posé comme cause de l'affection, il faut tout d'abord que le - mode - ait conscience de soi, qu'il se pose lui-mASme comme passif et pose ainsi la passité en lui, bref, qu'il soit actif et passif en mASme temps. Toutefois, selon le réalisme, le Moi est dans cette opération purement passif C'est donc uniquement pour la réflexion du philosophe qui décrit l'opération que le mode est limité par la substance : c'est au fond le philosophe qui, par sa propre réflexion, tient lieu de conscience de soi du Mode observé et pose activement ce mode comme passif. Or la difficulté est ici insurmonle puisque le philosophe est, dans cette description mASme, lui aussi un mode, affecté si l'on veut par un autre mode qu'il décrit. De quel droit, dans ces conditions, le philosophe se pose-t-il comme actité posant le mode comme passif? Nous entrons manifestement ici dans un processus de régression A  l'infini : s'il est vrai que l'actité du Non-Moi ne peut AStre posée qu'A  partir d'une conscience que le Moi a de son affection, il faut que cette affection soit perA§ue par le Moi affecté lui-mASme : car si elle est perA§ue par un observateur extérieur, la mASme question se repose immédiatement pour lui : comment a-t-il pu se percevoir comme affecté par ce qu'il observe ? A. Philonenko a parfaitement résumé cette difficulté : - Dans l'Ethique, la conscience de soi est subrepticement introduite par la relation du philosophe au mode ; affecté par la pensée de l'affection du mode, le philosophe tient la place de la conscience de soi du mode. Mais comme le philosophe et le mode observé ne sont pas un seul et mASme sujet, le philosophe n'est pas vérilement une conscience de soi. Il n'est vérilement qu'une conscience d'objet ayant pour objet une autre conscience d'objet. La conscience de soi est une pure apparence et, en droit, on ne dépasse jamais la conscience d'objet. Il s'ensuit naturellement la plus complète impuissance A  résoudre le problème de l'intentionalité -*. Toute la démonstration de Fichte repose, on le voit, sur ce point : on ne peut légitimement poser l'actité du Non-Moi sur le Moi que si l'on part de la conscience de l'affection, donc de la conscience de soi comme affecté; Fichte retrouve ici le sens profond de la Réfutation de l'idéalisme menée par Kant dans la Critique de la raison pure : on ne saurait penser convenablement l'intentionalité que si on lie indissolublement conscience d'objet et conscience de soi, réalisme et idéalisme. Aussi le reproche essentiel que Fichte adresse A  Spinoza est qu'il doit nier la conscience de soi au profit de la conscience d'objet : - Il sépare la conscience pure et la conscience empirique. Il pose la première en Dieu, qui n'est jamais conscient de soi; quant A  la seconde, elle constitue les modifications particulières de la dinité. Ainsi éli, son système est pleinement cohérent et irréfule, parce qu'il se développe en un domaine où la raison ne peut le suivre : mais ce système est sans fondement. En effet, de quel droit dépasse-t-il la conscience pure donnée dans la conscience empirique ? -2.
Le spinozisme doit A  la fois poser la conscience de soi (puisque le Non-Moi ne peut AStre affirmé qu'A  partir de la conscience de l'affection) et en mASme temps la nier dans la conscience d'objet, ne parvenant par suite jamais A  lier conscience de soi et conscience d'objet. Le spinozisme commet donc aux yeux de Fichte A  la fois une erreur et une faute : ne pensant pas sa propre pensée3, le penseur dogmatique est conduit A  - dépasser le Moi -* pour poser l'identité comme AStre et non comme devoir : - Comment un penseur pourrait jamais dépasser le Moi et, après l'avoir dépassé, trouver A  s'arrASter, serait un fait totalement inexplicable si nous ne possédions pas dans une donnée pratique une raison parfaitement capable d'expliquer ce phénomène Ce qui l'a conduit A  ce système peut AStre facilement indiqué : l'effort nécessaire pour introduire la plus haute unité dans la connaissance humaine. Cette unité est présente en son système; et toute son erreur consiste en ceci : avoir cru conclure selon des raisons théoriques lA  où il n'était poussé que par un besoin pratique, avoir cru élir une réalité effectivement donnée, alors qu'il ne définissait qu'un idéal simplement proposé A  nous et qui ne peut AStre atteint -. Car c'est uniquement comme idéal pratique A  réaliser dans l'histoire que le Moi absolu peut rester présent dans le moi fini et que les limites du criticisme peuvent ne pas AStre transgressées. Le réalisme nous conduit donc, de lui-mASme, A  l'idéalisme parce qu'il doit nécessairement postuler, sans jamais pouvoir en rendre compte, ce qui constitue le principe de ce dernier, A  savoir la conscience de soi.
Le Moi, en tant que conscience de soi et conscience d'objet, doit AStre posé comme actif et comme passif en mASme temps : telle est la formulation du problème de la représentation dont hérite en quelque sorte l'idéalisme qui reprend la question telle que l'a laissée l'échec du réalisme. Pour supprimer cette contradiction, l'idéalisme doit éliminer la passité qui, du point de vue de la conscience de soi, fait difficulté. Cette réduction de la passité s'effectue, dans la tradition leibnizienne, A  partir du principe de continuité, selon une opération que S. Maïmon est le premier A  avoir décrite dans le cadre de la philosophie kantienne. Etant donné que c'est essentiellement cet auteur qui est ici sé, il faut rappeler brièvement la solution qu'il apporte A  cette question2 dans la deuxième section du Versuch ùber die Transcendentalphilosophie3.
Comme tous les postkantiens, Maïmon s'attaque A  la formulation kantienne du problème de la représentation en essayant de supprimer l'existence de la chose en soi. Cette question rejoint donc celle que se pose Fichte dans les textes que nous analysons, puisque la suppression de la chose en soi équivaut chez Maïmon A  la déduction de la passité de la représentation A  partir de la spontanéité mASme de l'entendement. Cette opération s'effectue par un retour au calcul infinitésimal et au principe de continuité de Leibniz : de mASme que chez Leibniz (A  la différence de ce qui a heu chez Dessectiunes) le repos n'est qu'un cas limite de l'actité (on passe du mouvement au repos par le principe de continuité), Maïmon va essayer de concevoir la passité (la réceptité de la sensibilité qui suscite l'hypothèse, encore réaliste et dogmatique, de la chose en soi) comme un cas limite de l'actité du sujet, ou, pour utiliser le langage mathématique qui est celui de Maïmon, comme une - différentielle de spontanéité - : - Ce qu'il y a d'empirique dans les intuitions (la matière) est réellement, comme des rayons de lumière, donné par quelque chose d'extérieur A  nous (de distinct de nous). Mais il ne faut pas se laisser troubler par cette expression - extérieur A  nous - comme s'il s'agissait d'une chose en rapport d'espace avec nous ; cet extérieur A  nous signifie simplement ceci : une chose dans la représentation de laquelle nous n'avons conscience d'aucune spontanéité, c'est-A -dire, au point de vue de notre conscience, un état de passité pure et simple en nous, un état où il n'y a de notre part aucune actité -*.
La notion d'extériorité se trouve ainsi ramenée A  celle de passité, et celle de passité A  un cas limite de l'actité du Moi (par référence au principe de continuité) : il va donc s'agir, en reprenant et en modifiant le concept kantien d'entendement infini, de concevoir l'entendement fini (passif) comme un cas limite de l'actité de l'entendement infini qui, en se finitisant, produit le donné comme passité, soit, comme différentielle de deux actités : - La raison exige que l'on considère le donné dans l'objet, non comme quelque chose d'immuable par nature, mais comme une conséquence de la limitation de notre faculté de connaitre qui disparaitrait dans un intellect supérieur infini. La raison recherche par lA  un progrès infini par lequel ce qui est pensé est toujours accru, et ce qui est donné, diminué jusqu'A  l'infinitésimal -2. On voit ici dans quelle mesure Maïmon reprend et modifie la pensée de Kant : sans doute le progrès scientifique est-il pensé par Kant comme un progrès de l'entendement fini vers l'entendement infini qui tend idéalement A  réduire la part de ce qui est donné au profit de ce qui est connu. Mais, pour Kant, il s'agit bien édemment d'un idéal inaccessible, les deux entendements étant radicalement coupés l'un de l'autre1, la marque de cette coupure étant précisément la passité caractéristique de la sensibilité. Au contraire, chez Maïmon, il faut penser la possibilité d'un passage entre ces deux entendements, afin de déduire cette passité et de supprimer aussi la nécessité de recourir A  l'explication de l'affection par la chose en soi extérieure. Ce passage s'effectuera grace A  une réinterprétation leibnizienne du texte que Kant consacre, dans la Critique de la raison pure, aux - Anticipations de la perception -, pour tenter de montrer qu'il est possible d' - anticiper - quelque chose a priori du réel, A  savoir le fait qu'il possède un degré. C'est par suite sans aucun doute l'un des points où Kant se rapproche le plus de Y - idéalisme - puisqu'il y admet la possibilité de déterminer a priori le réel empirique, non seulement quant A  sa forme, mais aussi quant A  sa matière : - On peut appeler anticipation toute connaissance par laquelle je puis connaitre et déterminer a priori ce qui appartient A  la connaissance empirique Mais comme il y a quelque chose dans les phénomènes qui n'est jamais connu a priori et qui constitue ainsi la différence propre entre l'empirique et la connaissance a priori, A  savoir la sensation (comme matière de la perception), il s'ensuit que cette dernière est proprement ce qu'on ne peut anticiper Mais supposé qu'il se trouve pourtant quelque chose qu'on puisse connaitre a priori dans toute sensation considérée en tant que sensation en général () on devrait nommer A  bon droit ce quelque chose anticipation en un sens exceptionnel puisqu'il parait étrange d'anticiper sur l'expérience en cela mASme qui en constitue précisément la matière que seule elle est A  mASme de fournir. Et c'est ce qui se passe ici réellement -2. Ce qui est ainsi anticipé, c'est le fait que la sensation possède un degré, une grandeur intensive, et qu'elle doive donc AStre pensée comme une sommation (intégrale) d'infiniment petits. La preuve que Kant donne peut AStre brièvement résumée de la faA§on suivante :
' entre un degré O de conscience et un degré N (apparition de la conscience claire), il y a un temps;
' or, le temps étant disible en infiniment petits, il y a un nombre infini d'instants infiniment petits entre O et N;
' donc, au moment où notre conscience claire apparait, il y a déjA  eu une infinité d'états de conscience moindre allant de l'inconscient total (degré O) jusqu'A  la conscience empirique claire (N)1.
Cette démonstration, bien qu'elle reste dans les limites du criti-cisme, ouvre cependant deux brèches dans lesquelles l'idéalisme peut s'insinuer :
a) Tout d'abord, elle réduit la part du donné au profit de celle de l'a priori : ce n'est pas la chose en soi extérieure qui produit le degré N, mais l'actité du sujet (de l'imagination) qui synthétise (dans une intégrale) des degrés de conscience infinitésimaux jusqu'au seuil N. La part d'extériorité par rapport au sujet se trouve donc réduite par rapport A  l'Esthétique trans-cendentale.
b) Ensuite, Kant semble parfois aller jusqu'A  décrire ce processus comme un trajet qui va du Moi pur au sujet empirique : - Un changement graduel de la conscience empirique en conscience pure est possible quand le réel de la première disparait complètement et qu'il ne reste qu'une conscience simplement formelle (a priori) du divers contenu dans l'espace et dans le temps; par conséquent est possible aussi une synthèse de la production quantitative depuis son début : intuition pure = O, jusqu'A  la quantité qu'on veut lui donner -2.
Ce texte, qui peut, malgré l'apparence, AStre encore interprété dans les limites du criticisme1, suscite toutefois l'idée que la conscience empirique serait produite par passage A  la limite de la conscience pure : il ne restera plus A  Maïmon qu'A  montrer comment les infiniment petits que l'imagination intègre pour produire le degré N ne ennent pas d'une chose en soi, mais sont le résultat d'un passage A  la limite de la conscience pure, une finitisation de l'entendement infini, de sorte que ce qui est pour l'entendement fini une intégrale est pour l'entendement infini une dérivée, ce que Maïmon peut formuler de la faA§on suivante : - Ainsi la sensibilité fournit les différentielles pour une conscience déterminée; l'imagination en tire un objet fini déterminé de l'intuition; l'entendement extrait du rapport de ces diverses différentielles que sont les objets le rapport des objets sensibles qui en proennent -2. Commentons brièvement ce texte :
' La sensibilité fournit les différentielles : c'est en elle que l'on va trouver le contenu des sensations entre O et N qui est produit par le passage A  la limite de la conscience pure.
' L'imagination les compose pour produire une intuition (le degré N).
' Enfin l'entendement, comme chez Kant, va er et assembler les intuitions pour en faire des objets déterminés3.
Ainsi est résolu le problème de la passité : celle-ci n'est rien, ou, plus exactement, elle n'est qu'une différentielle d'actité, un infiniment petit qui, en tant que tel, n'a plus besoin d'AStre expliqué par le recours A  une chose en soi extérieure au sujet. Telle est la solution de l'idéalisme que, contrairement A  une idée reA§ue, Fichte va critiquer comme tout aussi illusoire que celle du réalisme.
Reformulons la solution de Maïmon dans le langage de Fichte : par rapport A  un quantum qui est la totalité de la réalité (puisqu'on part du Moi absolu) ou de l'actité, la passité ne sera rien de positif, mais simplement la différence entre une actité totale et une actité partielle, de sorte qu'en elle-mASme, n'étant absolument rien, la passité n'a nul besoin d'AStre expliquée : - Dans le Moi la réalité est posée. Par conséquent, le Moi doit AStre posé comme totalité absolue de la réalité (donc, comme un quantum en lequel tous les quanta sont contenus et qui peut AStre une mesure pour tous) c'est par et en rapport A  cette mesure absolument posée que la quantité d'un manque de réalité (d'une passité) doit AStre déterminée. Mais le manque n'est rien et l'AStre qui manque n'est rien -l.
Voyons maintenant en quoi cette solution nous fait tomber dans un cercle symétrique A  celui du réalisme. La difficulté ent de ce que cette limitation du Moi doit AStre pensée sans faire recours au Non-Moi dogmatique. Or, ceci est impossible : - Posez comme second cas, d'après le simple concept de substantialité, que le Moi ait la faculté de poser arbitrairement en soi un quantum moindre de réalité, absolument et indépendamment de toute action du Non-Moi; cette présupposition est celle de l'idéalisme transcendant et en particulier de l'harmonie préélie qui constitue un système de ce type. Faisons abstraction du fait qu'une telle présupposition contredit déjA  le principe premier et absolu. Accordez encore au Moi la capacité de er cette quantité moindre A  la totalité absolue et de mesurer celle-lA  par rapport A  celle-ci. Posez, suivant cette présupposition, le Moi au moment A avec une actité réduite de deux degrés, et au moment B de trois degrés. On comprend fort bien comment le Moi peut se juger A  chacun des deux moments comme limité et comme plus limité au moment B qu'au moment A ; mais on ne voit pas du tout comment il pourrait rapporter cette limitation A  quelque chose dans le Non-Moi. Le Moi devrait plutôt se considérer lui-mASme comme la cause de cette limitation -2.
La difficulté de l'idéalisme est donc l'inverse de celle du spi-nozisme : si le Moi n'est que conscience de soi, on ne voit nullement comment, A  partir de la aison d'un quantum d'actité X avec un quantum d'actité Y qui lui est inférieur, il peut rapporter la limitation (la différence entre ces deux quanta) A  quelque chose d'extérieur A  lui : c'est bien plutôt en lui qu'il devrait percevoir la limite.
L'argumentation de Fichte peut paraitre surprenante si l'on ne voit pas qu'il se livre, malgré l'apparence, A  une critique interne de l'idéalisme dogmatique; malgré l'apparence, en effet : car il peut sembler curieux que l'on exige de l'idéalisme qu'il rapporte la limitation A  un Non-Moi alors que, précisément, il a pour essence de nier le Non-Moi. Pour bien comprendre la démarche de Fichte, il conent donc de souligner que, mASme si l'idéalisme dogmatique nie tout Non-Moi extérieur A  la représentation, il se doit de rendre compte sur le terrain qui est le sien (c'est-A -dire sans sortir du Moi, de la sphère de la représentation), du phénomène mASme de Vintentionalité qui, en tant que vécu subjectif, n'est pas douteux : - L'idéaliste dogmatique nie sans doute qu'on ait le droit d'opérer cette mise en relation A  un Non-Moi et dans cette mesure il est conséquent : il ne peut toutefois nier que cette mise en relation soit un fait, et il n'est encore venu A  personne l'idée de le nier. Dès lors, il lui reste tout au moins A  expliquer ce fait qu'il admet, abstraction faite de son bien-fondé -x. Or l'idéalisme dogmatique est incapable de rendre compte du phénomène de l'inten-tionalité (ne serait-ce, encore une fois, que pour en dénoncer l'illusion), puisqu'on ne comprend pas pourquoi une limitation A  l'intérieur du Moi (une différence entre deux degrés d'actité) serait vécue subjectivement par le Moi empirique comme une relation & extériorité A  un Non-Moi, de sorte que l'idéalisme dogmatique est doublement absurde : tout d'abord, il part d'une hypothèse (la limitation du Moi que l'on a admise simplement pour voir ce qui en découlait) qui contredit sa propre essence : on ne comprend nullement en effet d'où ent la limitation du Moi : si le Moi est défini comme quantum absolu d'actité pourquoi et comment se limiterait-il s'il n'y était contraint par un Non-Moi ? et comment serait-il contraint de le faire par un Non-Moi s'il est la totalité absolue de l'actité ? - Certes, s'il pose un moindre degré d'actité en soi, le Moi pose une passité en soi et une actité dans le Non-Moi. Mais le Moi n'a nullement le pouvoir de poser un degré moindre d'actité en soi; en effet, conformément au concept de substantialité, il pose toute actité en soi. Par conséquent, une actité du Non-Moi devrait précéder la position d'un degré moindre d'actité dans le Moi Or ceci est également impossible puisque, conformément au concept de causalité, on ne peut attribuer une actité au Non-Moi que dans la mesure où une passité est posée dans le Moi -*. L'idéalisme dogmatique part donc d'une hypothèse absurde et, seconde absurdité, cette hypothèse coûteuse s'avère en outre inutile, puisque, nous l'avons vu, elle ne parent pas A  rendre compte de ce qui est en question : l'intentionalité.
L'idéalisme dogmatique est ainsi contraint de faire appel, pour se fonder lui-mASme, au principe adverse et de recourir subrepticement A  l'idée d'une causalité étrangère A  la monade. De lA  le caractère antinomique de l'opposition du réalisme et de l'idéalisme : thèse et antithèse recourent chacune, pour se justifier, au principe adverse qu'elles entendent pourtant réfuter. Le spinozisme doit supposer une conscience de soi, une conscience de l'affection ou de la passité, pour pouvoir justifier la position de la causalité dans le Non-Moi. Or cette conscience de soi, il ne peut que la postuler sans jamais en rendre compte, sinon par une régression A  l'infini qui n'explique rien. De son côté, l'idéalisme, mASme s'il admet l'hypothèse d'une limitation d'actité au sein du Moi Absolu monadique, ne pouvant rapporter cette limitation A  un Non-Moi, ne parent pas A  rendre raison du phénomène de l'intentionalité. Comme l'écrit A. Philonenko, dans l'idéalisme - c'est la conscience de soi qui, maintenant, apparait coupée de la conscience de l'objet. Seul le philosophe réfléchissant du dehors sur l'actité du Moi ou monade peut affirmer que la modification spontanée du Moi par lui-mASme correspond A  une modification extérieure réelle, de telle sorte que la conscience de soi du Moi est, saisie du dehors, une conscience d'objet. Le Moi, la monade, est toujours pour lui-mASme une conscience de soi ' c'est le philosophe qui la pose en mASme temps comme une conscience d'objet -*. Erreur symétrique inverse, donc, de celle du réalisme.
Il ne m'appartient pas ici d'indiquer la solution que Fichte apporte A  cette antinomie2. On soulignera cependant qu'elle ne saurait manifestement se réduire A  la réaffirmation pure et simple de l'idéalisme dogmatique, de sorte que l'assimilation de la philosophie de Fichte A  cette position, dont toute la partie théorique de la Grundlage est une réfutation, est proprement scandaleuse. On remarquera ensuite que cette critique de l'illusion métaphysique peut A  certains égards fournir le modèle d'une critique des idéologies politiques, critique qui se pourrait caractériser par ces trois termes : déféticbisatioii, réparation et communication.

2 - La critique criticiste de la métaphysique comme modèle d'une théorie des idéologies
' Déféticbisation puisque le propre de l'illusion métaphysique c'est, du côté du réalisme comme de l'idéalisme, de ne pas problé-matiser la position du philosophe : il tient lieu de conscience de soi du mode ou de conscience d'objet de la monade sans que la possibilité mASme de cette opération soit seulement ensagée; et l'on voit mal, puisque le philosophe est lui-mASme un mode ou une monade, par quel prilège il s'ésectiunerait des limitations inhérentes A  l'objet qu'il étudie. Bref, ce que le métaphysicien ne pense pas, c'est bien sa propre pensée, de sorte qu'il produit un système purement objectif sans s'inquiéter de questionner l'actité subjective qui en est pourtant l'origine. Contre une telle attitude, dont les représentants les plus marquants sont pour Fichte, Spinoza et Schelling, la Doctrine de la science fait invariablement valoir la mASme exigence : il faut - défétichiser -, reprendre en compte l'actité qui a été oubliée au profit de ce produit intellectuel qu'est le système dogmatique, c'est-A -dire, en dernière analyse, réfléchir sa propre réflexion ou, plus simplement, penser ce que l'on dit : - La Doctrine de la science a en effet proposé qu'ils (les dogmatiques) pourraient, lorsqu'il s'agit de tels produits de la forme ée de la réflexion, ne serait-ce que méditer sur eux-mASmes et penser au moins ce qui est pensé. Mais sachant bien que, s'ils acceptaient cette proposition, l'illusion qu'ils chérissent s'évanouirait et que ce qu'ils tiennent volontiers pour l'en-soi s'avérerait n'AStre manifestement qu'une simple pensée, ils soutiennent qu'on ne doit jamais les pousser A  réfléchir sur ce point En cela il leur échappe totalement que, tout A  fait indépendamment du fait qu'ils réfléchissent ou non sur leur acte de pensée, celui-ci demeure en soi tel qu'il est et conserve nécessairement la ure que lui confère la forme de la limitation dans laquelle ils l'accomplissent (). Leur absolu, dont ils ne peuvent rien penser d'autre sinon qu'il est, demeure donc en l'occurrence quelque chose d'objectif ' projeté par la sion et opposé en soi-mASme, par essence, A  cette dernière ' () -*. On le voit, si le mot - fétichisme - n'est pas explicitement présent, la chose y est décrite, et mASme en des termes qui s'avèrent parfaitement adéquats, puisque c'est le concept de projection que Fichte utilise ici pour désigner le processus d'objectivation métaphysique. Il est également remarquable que le fétichisme soit partial et intéressé, de mASme qu'est partiale et intéressée la critique qui le pourfend : elle ne se en effet A  rien d'autre qu'A  réaliser au niveau théorique l'exigence d'autonomie et de liberté que - l'obscurité - dogmatique a anéantie.
' La critique du dogmatisme est donc bien ainsi une réparation, s'il est vrai que le discours métaphysique, bien que, ou plutôt parce qu'il est parfaitement cohérent conceptuellement, élimine, comme tel, les conditions de la finitude, donc, de son appropriation par le sujet fini. Mais ne nous y trompons pas : malgré l'apparence, la formule n'est nullement paradoxale et la critique fichtéenne de la métaphysique n'annonce en rien une certaine mode qui veut voir de la - olence - et de la - répression - dans tout discours rationnel.
Fichte ne fait au contraire que retrouver, sinon la lettre, du moins l'esprit de la Dialectique transcendantale en laquelle Kant montrait clairement comment l'extension absolue du concept (le passage, si l'on veut, des catégories aux Idées) qui caractérise la métaphysique devait nécessairement avoir pour conséquence l'élimination des conditions qui, dans l'Esthétique transcendantale, garantissaient l'autonomie de la sphère de la finitude (la non-identité du conceptuel et du réel). Défétichiser, c'est donc rappeler l'homme A  ses limites, c'est-A -dire A  lui-mASme, et réparer ainsi le tort qu'il subissait au sein de ce qui, dès lors, peut bien se nommer réification. Cette actité critique ne s'effectue par référence A  aucun - sentimentalisme -; il ne s'agit pas d'opposer ici 1' - intuition - au - concept - comme le ferait une Lebenspbilosophie1, pas plus qu'il ne s'agit de restaurer une réalité primitive qui aurait été occultée par la réification. La Grundlage, en sa structure mASme, interdit une telle lecture : tout d'abord la dialectique, nous l'avons vu, ne s'origine en aucune positité, mais partant de la pure illusion pour en extraire la vérité, la - réparation - qu'elle opère n'a nullement le sens d'une restauration. D'autre part, la critique de la métaphysique, loin de supposer un quelconque renoncement au projet philosophique moderne de l'intelligibilité, s'effectue bien au contraire au nom d'un surcroit de conscience par rapport A  la métaphysique qui ne rationalise pas totalement son discours puisqu'elle doit, pour parvenir A  la cohérence strictement logique qu'elle se, éter de problématiser le lieu d'où s'énonce le discours2. Ainsi, A  l'inverse de ce qui a lieu dans la métaphysique dogmatique, c'est ici par un surcroit de conscience que la finitude est pensée : si l'extension du concept A  l'Absolu (jusqu'A  l'affirmation de l'identité du réel et du rationnel qui caractérise tout discours métaphysique) éloigne de la finitude, la prise de conscience des conditions de possibilité de la métaphysique y ramène, de sorte que la critique fichtéenne n'est ni irrationnelle, ni romantique (axée vers une quelconque restauration de ce qui aurait existé avant d'AStre occulté). Il est A  cet égard intéressant de er la déconstruction fichtéenne de la métaphysique avec celle qu'effectue Heidegger : toutes deux ' comme d'ailleurs celle de Kant ' conduisent A  poser la finitude, la - différence ontologique -, et marquent, comme telles, un surcroit de conscience par rapport A  la croyance, en un certain sens naïve, A  l'identité du réel et du rationnel. Mais Heidegger ne peut que dénier un tel surcroit de conscience, étant donné la critique de la - subjectité - qu'il opère par ailleurs, de sorte que sa critique de la métaphysique doit nécessairement comporter un moment - romantique - comme le montre notamment, quelles que soient par ailleurs ses limites, la critique d'Adorno1. C'est aussi en ce sens que la pensée du jeune Fichte est foncièrement opposée A  toute Restauration.
' La critique fichtéenne de la métaphysique doit donc inélement devenir - politique - au moins au sens où, s'attaquant au discours partial et intéressé du dogmatisme, elle se A  élir, en restituant l'homme A  lui-mASme, un espace d'intersubjectité ou de communication. Liant la question de l'intersubjectité A  celle de la critique de la métaphysique, Fichte retrouve l'inspiration fondamentale de la Critique de la faculté déjuger. Il suffit pour s'en convaincre de se souvenir du lien étroit qui unit la Dialectique transcendanlale A  la théorie de la communication directe2 (intersubjective) développée A  propos du jugement de goût dans la troisième Critique : ce qui permet au jugement esthétique de fonctionner, c'est précisément, en effet, ce - résidu - qu'après la critique de la métaphysique spéciale Kant désigne, dans l'Appendice A  la Dialectique transcendanlale, par l'expression d' - usage régulateur - des Idées de la raison, et dans l'Introduction A  la Critique de la faculté de juger par celle de - principe de réflexion -. Les Idées métaphysiques une fois déconstruites, c'est-A -dire défétichisées, conservent comme on sait un sens, une fonction schématique (symbolique) : c'est uniquement par rapport A  notre exigence régulatrice de systématicité (donc par rapport A  l'usage régulateur de l'Idée théologique) que le beau comme accord contingent de la sensibilité et de l'entendement, comme - légalité du contingent -, est possible, puisqu'il n'est au fond qu'une - trace - des Idées métaphysiques, ou, plus exactement, de l'exigence qu'elles continuent encore de manifester après leur déconstruction1.
La critique de la métaphysique est donc, déjA  chez Kant, immédiatement ouverture d'un espace d'intersubjectité qui est celui de l'esthétique. L'originalité de Fichte par rapport A  Kant consiste ici A  déplacer la question de l'intersubjectité du domaine de l'esthétique vers celui du droit et de la politique, ainsi que l'a remarqué, pour la première fois parmi les interprètes de Fichte, A. Philonenko : - Dans la philosophie fichtéenne, le moment fondamental dans la problématique de l'intersubjectité n'est plus l'esthétique ' c'est la philosophie du droit. C'est au début de son ouvrage consacré au droit naturel que Fichte décrit les relations constitutives de l'intersubjectité. La plupart des problèmes que pouvait susciter l'esthétique se trouvent dans la philosophie du droit. Nous voyons ainsi apparaitre le problème de la communication, du sens; de mASme que les concepts d'indidualité et de communauté sont essentiels. Est-il un droit pensable sans intersubjectité ? Bien plus, le droit n'est-il pas, aussi bien que la beauté, une création essentiellement humaine, et la théorie du droit ne se situe-t-elle pas au mASme niveau que l'Esthétique ? -2. Nous verrons plus en détail dans le prochain chapitre comment Fichte fonde sur cette critique de la métaphysique la déduction de l'intersubjectité qui ure au chapitre I de la Grundlage des Naturrecbts. Nous pouvons cependant percevoir dès maintenant en quel sens la critique de la métaphysique dogmatique peut ouvrir sur la problématique de la communication, qui, d'esthétique qu'elle était chez Kant, deent juridique et politique chez Fichte. C'est lA  d'ailleurs un thème qui s'annonA§ait en germe dans le premier écrit politique de Fichte où, dès 1793, l'opposition de la Monarchie et de la République se présentait comme une antinomie qui, A  bien des égards, anticipait la structure de la Grundlage de 1794. Comme l'a montré A. Philonenko, dans les BeitrA ge - tout Etat ' c'est-A -dire toute association, monarchique ou non ' suppose une relation sociale fondamentale, définie par le premier sens du terme Gesellschaft. Cette relation sociale primordiale est un état de paix (). Nous le nommons thèse. Comme le Moi qui correspond au premier principe de la Doctrine de la science, cet état de paix originaire se suffit A  lui-mASme (). L'Etat historique apparait sur fond de cette relation sociale primordiale. Si nous considérons les monarchies, il est édent qu'elles représentent quelque chose d'opposé A  la relation sociale primordiale. L'Etat monarchique correspond en ce sens au Non-Moi, et nous pouvons le considérer comme l'antithèse. De lA  le conflit entre la thèse et l'antithèse w1.
Une brève aison entre le projet de Fichte et celui de la Théorie critique de l'Ecole de Francfort permettra peut-AStre de mieux saisir ici la fécondité de l'articulation ainsi mise en place entre critique de la métaphysique et critique de la politique. La différence entre les deux projets étant bien édemment trop importante pour AStre analysée dans le cadre de ce travail, je me bornerai A  repérer en quel sens la Théorie critique reprend, consciemment ou non2, certaines thèses essentielles de la critique de l'illusion que nous venons de voir A  l'œuvre dans la Grundlage.
Que la Théorie critique, face A  la métaphysique, reprenne A  son compte le projet d'une défétichisation, c'est ce qui apparait dès la distinction célèbre de la théorie traditionnelle et de la théorie critique, distinction dans laquelle la Théorie critique se A  faire ressortir, derrière l'apparence d'objectité et d'impartialité dont se pare la théorie traditionnelle, les intérASts humains et objectifs qui l'animent. Ce qui caractérise la théorie traditionnelle, aux yeux de M. Horkheimer, c'est bien en effet le fétichisme, puisqu'elle s'avère incapable de réfléchir sur elle-mASme, de prendre en charge sa propre histoire et de déterminer par elle-mASme ses propres orientations : - La genèse sociale des problèmes, les situations dans lesquelles la science est utilisée, les buts auxquels elle est appliquée lui apparaissent comme situés en dehors d'elle-mASme -*; en cela la science est positiste, fétichiste, car elle isole son actité du travail humain et, comme telle, se présente faussement comme purement objective : - la science elle-mASme ne sait pas pourquoi elle met en ordre les faits justement dans telle direction, ni pourquoi elle se concentre sur certains objets et non sur d'autres. Ce qui manque A  la science, c'est la réflexion sur soi, la connaissance des mobiles sociaux qui la poussent dans une certaine direction, par exemple A  s'occuper de la lune, et non du bien-AStre des hommes. Pour AStre vraie, la science devrait se comporter de faA§on critique A  l'égard d'elle-mASme et de ce qui la produit -2.
Il ne serait que trop facile de multiplier les citations dans lesquelles l'objectité scientifique est dénoncée comme fausse neutralité3, et la théorie critique désignée comme l'arme qui met A  jour, sous l'apparence trompeuse de l'impartialité positiste, la part de subjectité (les intérASts), la différence entre la théorie critique et la théorie traditionnelle consistant précisément dans le fait que la première assume en quelque sorte sa propre subjectité puisqu' - il n'existe pas de Théorie de la société () qui n'implique des intérASts politiques et dont la valeur de vérité pourrait AStre jugée dans une attitude de réflexion prétendument neutre -4 ' en enracinant sa critique dans un intérASt universel5. Sans doute les termes de références de la Théorie critique de M. Horkheimer sont-ils différents de ceux auxquels recourt la dialectique fich-téenne : c'est une idéologie historiquement produite qui est critiquée, plus qu'une illusion métaphysique a priori, et la critique elle-mASme s'appuie plus sur le marxisme (comme l'indique la Préface du célèbre manifeste) que sur la philosophie transcendan-tale. L'analogie structurale avec la philosophie de Fichte n'en est cependant que plus remarquable dans cette période initiale où la Théorie critique est encore très influencée par une conception globalement - marxiste - de l'idéologie.
Il est par ailleurs indéniable que la Théorie critique, notamment A  partir des années quarante, a considérablement évolué. Sans entrer ici dans le détail de cette évolution1, on peut noter le fait qu'elle est caractérisée essentiellement par le changement que reA§oivent corrélative/fient, au sein de la réflexion des penseurs de Francfort, les notions d'Aufklarung et d'Idéologie. Brièvement : le concept A 'Aufklarung va tendre de plus en plus A  désigner, non simplement un moment historiquement et matériellement situable, mais bien la structure mASme de toute pensée, ce qui, comme l'a noté M. Jay, implique nécessairement que l'on recoure A  d'autres concepts critiques que ceux véhiculés par le marxisme : - En fait, le concept de Lumières subit un changement fondamental dans les années quarante. Au lieu de désigner la réalité culturelle correspondant A  la montée de la bourgeoisie, il fut élargi au point qu'il en nt A  signifier la totalité de la pensée occidentale. Dans Eclipse de la Raison, il (Horkheimer) alla jusqu'A  dire que cette mentalité de l'homme-maitre (qui est au centre de la conception des Lumières) se trouve déjA  dans les premiers chapitres de la Genèse. Ainsi, tout en continuant A  utiliser un vocabulaire de type marxiste () Horkheimer et Adorno ne cherchaient plus des réponses aux problèmes culturels dans l'infrastructure de la société-2. L'idéologie va donc se confondre essentiellement, notamment dans la pensée d'Adorno, avec la métaphysique de l'identité réalisée culturellement (ce qu'il décrit sous le nom de - Monde administré -l), réalisation qui a pratiquement pour effet l'élimination du sujet fini, la - liquidation du particulier -.
Je ne développerai pas ici ce thème, par ailleurs bien connu. Je soulignerai seulement la faA§on dont, dans la Dialectique négative, Adorno conA§oit ce processus de liquidation du sujet fini : tout se passe comme si, avec l'apparition de la subjectité cartésienne, donc avec l'apparition de la subjectité constitutive, qui deendra chez Kant - transcendantale -, le sujet devait se poser comme - actif et ctorieux -, - maitre et possesseur de la nature -, selon la formule cartésienne. Mais cette domination de la nature, initialement libératrice, se transforme dialectiquement en son autre dans un mouvement qui, selon Adorno, est A  situer au niveau de l'histoire de la philosophie dans le passage de Kant A  Hegel : si Kant s'en tient encore A  juste titre - A  la dualité du sujet et de l'objet contre la prétention A  la totalité, inhérente A  la pensée -2, c'est par une sorte de résistance, presque incohérente, aux conséquences inéles qui sont impliquées par la position mASme du sujet transcendental ; de sorte que ses successeurs idéalistes - plus conséquents -3 n'auront qu'A  développer les implications pour réaliser cette liquidation totale du sujet fini qui coïncide avec la ctoire du sujet absolu : - La domination universelle de la valeur d'échange sur les hommes, qui empASche a priori les sujets d'AStre des sujets, rabaisse la subjectité elle-mASme A  un simple objet, et relègue dans la non-vérité le principe d'universalité qui affirme fonder la prédominance du sujet. Le plus du sujet transcendental est le moins du sujet empirique, lui-mASme réduit A  l'extrASme -4.
C'est en ce sens qu'il faut comprendre l'un des thèmes majeurs de la Dialectique négative, selon lequel la réussite suprASme de la philosophie (le système hégélien) est en mASme temps son plus cruel échec1 : c'est au moment où le sujet transcendental atteint son maximum, c'est-A -dire, pour Adorno, deent le sujet Absolu hégélien, que le sujet empirique est totalement réifié : - Le sujet constitutif de la philosophie est plus chosifié que le contenu particulier qu'il exclut de lui comme naturalisé-chosifié. Plus le Moi s'élève de faA§on souveraine au-dessus de l'étant, plus il se transforme subrepticement en objet et plus il renie ironiquement son rôle constitutif -2. Analyse de la métaphysique parfaitement convergente, donc, au moins dans sa structure, avec celle que nous avons vue se mettre en place au début de la Grundlage. Dès lors, rien de surprenant A  ce que, chez Adorno aussi, la sée philosophique ' peu importe ici qu'elle échoue ou non ' tende A  réparer le tort qui a été fait A  l'indidu particulier au sein de l'idéologie métaphysique, et a fortiori, bien édemment, au sein de cette réalisation de l'hégé-lianisme que constitue A  ses yeux le monde administré. Et, comme chez Fichte, cette critique de l'illusion prétendra s'effectuer sans le moindre - romantisme -8, entendons : elle ne s'effectuera ni au nom du sentiment contre le concept, ni en vue d'un quelconque retour A  une authenticité perdue ' parce que, comme chez Fichte encore, c'est la conscience qui s'avère capable de saisir sa propre illusion : - La puissance de la conscience va jusqu'A  saisir sa propre illusion. On peut reconnaitre rationnellement où la rationalité débridée, échappant A  elle-mASme, deent fausse et vérilement mythologique. La ratio se renverse en irrationalité dès que, dans sa nécessaire progression, elle méconnait le fait que la disparition de son substrat, aussi amoindri soit-il, est son propre produit -
Autrement dit : le sujet peut percevoir son illusion, mais cette illusion est nécessaire, et son résultat est la réification du sujet : trois thèses que, sans aucun doute, Fichte n'aurait pas désavouées.
La tache de la Dialectique négative ne peut dans ces conditions que s'apparenter A  celle de la Grundlage : en déconstruisant l'illusion métaphysique de la totalité ' illusion qui ici aussi se manifeste essentiellement dans la philosophie de l'histoire ' il faut préserver la possibilité de l'Autre en s'appuyant sur la seule résistance critique, purement négative, du sujet qui a été éliminé : - Contre l'idéologie, la critique garde tout son poids, critique de la fétichi-sation de la politique en un en-soi, ou critique des prétentions de l'esprit, boursouflé d'orgueil dans sa particularité. - Et, comme chez Fichte encore, la racine de l'idéologie est constituée par la métaphysique de l'histoire, par la théorie de la ruse de la raison : - Une idée est affectée par les événements du xxe siècle, c'est celle de la nécessité historique comprise comme douée d'une nécessité économique calculable1. C'est uniquement s'il en avait pu AStre autrement, si la totalité (illusion socialement nécessaire en tant qu'hypostase de l'universel extrait des hommes indiduels) est brisée dans sa prétention A  l'absoluïté, que la conscience sociale critique se préserve la liberté de penser qu'un jour il pourrait en AStre autrement. La théorie ne peut soulever le poids démesuré de la nécessité historique que lorsque celle-ci est reconnue comme illusion devenue réalité et la détermination historique comme métaphysiquement fortuite. Une telle reconnaissance est contrecarrée par la métaphysique de l'histoire -2. Soit : l'illusion métaphysique de la totalité s'est en quelque sorte réalisée (phénomène totalitaire qui caractérise le xxe siècle), et la dénonciation de cette illusion (qui serait une défétichisation de la politique) est contrecarrée par la métaphysique de l'histoire, c'est-A -dire, entre autres, par les théories de la ruse de la raison qui postulent l'identité du rationnel et du réel. Rien, ici encore, qui ne soit en accord avec la dialectique de la Crundlage (mASme si, conservant malheureusement l'idée proprement mythique d'une genèse matérialiste de l'illusion, Adorno la déclare encore - socialement - nécessaire)1. Il nous reste A  examiner comment Fichte, partant de la philosophie transcendantale, et non du matérialisme historique, parent A  articuler sa pensée politique A  la déconstruction de la métaphysique dont on ent d'indiquer les prémisses.



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