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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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La hierarchie des normes



EXERCICE





COMMENTAIRE COMPARE DE TROIS DECISIONS JURIDICTIONNELLES


(Civ. 28 novembre 1984, T.C. 9 juin 1986, CE As. 8 avril 1987)


Remarques préliminaires

- Le commentaire é de plusieurs décisions juridictionnelles constitue un type de commentaire parmi d'autres. Il suppose que l'on mette en relief à la fois ce qui permet de rapprocher ces décisions, mais également ce qui permet de les opposer ou de les distinguer. Il conent de ne jamais les commenter l'une après l'autre.
- L'exercice qui suit est relativement délicat. Situé à cette place dans ce guide d'exercices pratiques, parce qu'il conduit à s'interroger sur la valeur du traité et d'autres textes dans l'ordre juridique interne, il met également en scène d'autres notions du droit administratif. Aussi, pourra-t-il être prosoirement laissé de côté et étudié à la fin de l'année universitaire.
- Les trois décisions jointes ont donné lieu à de nombreux commentaires intéressant les libertés publiques alors que le présent commentaire doit être orienté en droit administratif. Faute de pouvoir citer tous les articles relatifs à cette jurisprudence, on mentionnera certains des plus récents


ou des plus synthétiques :

B. Pacteau : Le droit des nationaux au passeport : la liberté fondamentale d'aller el venir, note sous CE. As. 8 avril 1987 in R.F.D.A. 1987. p. 608.
S. Doumbf.-Bii.ie: : La liberté de déplacement des Français à l'étranger ; J.C.P. 1987-l-3305.


I. Cass. Crv. I. 28 Nov. 1984. Bonnet.

LA COUR : Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Vu l'art. 13 de la loi du 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 31 août 1983), que, se fondant sur les seules dispositions de circulaires et d'instructions administratives, le trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine a, le 8 sept. 1982, notifié au sous-préfet de Boulogne-Billancourt son opposition à la délivrance ou au renouvellement d'un passeport à M.B en raison de la dette dont il était redevable s-à-s du Trésor public ; que, le S fév. 1983, le sous-préfet a, en application de l'opposition précitée, notifié à M.B le refus du renouvellement de son passeport qu'il avait demandé ; que M.B., invoquant l'existence d'une voie de fait, a demandé en référé la mainlevée de l'opposition, mais que la cour d'appel l'a débouté au motif que l'administration fiscale s'était limité à signaler les éléments de nature à justifier un refus de renouvellement du passeport et que cette initiative ne pouvait être considérée comme une voie de fait dès lors qu'elle n'avait aucune valeur contraignante, l'autorité administrative appréciant l'opportunité d'y donner une suite favorable au regard des nécessités de la sécurité publique ; - Attendu, cependant, d'abord, qu'il résulte des termes clairs et précis de la décision du 8 sept. 1982 que le trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine notifiait au sous-préfet son opposition à la délivrance ou au renouvellement d'un passeport à M. B et qu'en application de cette opposition ce fonctionnaire a refusé de renouveler le passeport de M. B en précisant expressément que sa demande de renouvellement ne pourrait » être prise en considération que lorsqu'il aura régularisé le contentieux qui l'oppose à M. Le trésorier-payeur général des Hauts-de-Seine » ; - Attendu, ensuite, que la liberté fondamentale d'aller et de venir n'est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit, expressément reconnu tant par l'art. 2, 2", du quatrième protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que par l'art. 12, 2', du Pacte international de New York relatif aux droits cils et politiques, ne peut être restreint que par l'effet d'une loi répondant à la nécessité de protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la sûreté, la santé ou la morale publique, ou les droits et libertés d'autrui, ou encore de prévenir les infractions pénales ; que le refus de délivrer ou de renouveler un passeport - dont la possession conditionne l'exercice effectif du droit de quitter le territoire national en ce qui concerne l'accès à certains pays - ne peut donc être décidé qu'en vertu d'une disposition légale répondant à l'une des finalités précitées : d'où il suit qu'en l'absence d'une disposition de cette nature, le refus de renouvellement du passeport de M.B, qui porte atteinte à une liberté fondamentale et est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l'administration, constitue une voie de fait dont les conséquences dommageables relèvent de la compétence exclusive des juridictions de l'ordre judiciaire, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a olé les textes sussés ;
Par ces motifs, casse, renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.


II. T.C. 9 Juin 1986. Eucat.

Vu l'arrêté en date du 11 février 1986 par lequel le préfet, commissaire de la République de la région Alsace, commissaire de la République du département du Bas-Rhin, a élevé le conflit d'attribution dans la cause ayant opposé devant la cour d'appel de Colmar M. Eucat au trésorier-payeur général du Bas-Rhin ;
Vu le déclinatoire de compétence présenté le 16 septembre 1985 par le préfet tendant à ce que la cour d'appel se déclare incompétente pour connaitre de la demande de restitution de son passeport, sous astreinte, engagée pour M. Eucat contre le trésorier-payeur général du Bas-Rhin ;
Vu l'arrêt en date du 29 janer 1986 par lequel la cour d'appel de Colmar a rejeté le déclinatoire et, se prononçant au fond, a confirmé l'ordonnance de référé en date du 21 mars 1985 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Strasbourg a fait droit à la demande en restitution de son passeport à M. Eucat ;
Vu, enregistrée au secrétariat du Tribunal des conflits le 12 mars 1986, la dépêche par laquelle le garde des Sceaux, ministre de la Justice, transmet le rapport du procureur général près la cour d'appel de Colmar communiquant le dossier de la procédure judiciaire ;
Vu, enregistrées comme dessus le 9 avril 1986, les observations présentées par le ministre de l'Intérieur tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit ;
Vu, enregistrées le 14 avril 1986, les observations présentées pour le trésorier-payeur général du département du Bas-Rhin tendant aux mêmes fins ;
Vu, enregistrées le 24 avril 1986, les observations présentées pour M. Bruno Eucat tendant à annulation de l'arrêté de conflit ;
Considérant que le trésorier-payeur du Bas-Rhin a fait diffuser une demande de retrait de passeport à rencontre de M. Eucat, débiteur de la somme de 3 216 590 francs au titre d'arriérés d'impôt sur le revenu des personnes physiques des années 1977 à 1981 et que, sur instruction du ministre de l'Intérieur, la police de l'air et des frontières a procédé à ce retrait le 5 mars 1985 à l'aéroport de Paris ; qu'estimant que cette mesure était constitutive d'une voie de fait M. Eucat a assigné le trésorier-payeur général en restitution de son passeport devant le Juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg qui a fait droit à cette demande ; que, saisie par le trésorier-payeur, la cour d'appel de Colmar, devant qui le préfet avait posé un déclinatoire de compétence, l'a rejeté et a confirmé l'ordonnance de référé par un seul et même arrêt ;
Considérant que, malgré la méconnaissance des dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du Ie" juin 1828, cette irrégularité n'affecte pas l'arrêté de conflit qu'il conent d'examiner ;


Considérant que la liberté fondamentale d'aller et venir n'est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est confirmé tant par l'article 2-2c du quatrième protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, publiée par le décret n° 74-360 du 3 mai 1974, que par l'article 12-2" du pacte international de New York relatif aux droits cils et politiques, publié par le décret n° 81-76 du 29 janer 1981 ; qu'il ne peut être restreint que par la loi ;
Considérant que l'ordre de retirer son passeport à M. Eucat, au motif qu'il était redevable de lourdes impositions et n'offrait pas de garanties de solvabilité, ne découle ni de poursuites pénales, ni de la mise à exécution d'une contrainte par corps ; qu'une telle mesure, qui porte atteinte à la liberté ci-dessus définie, est manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir conféré par la loi à l'administration pour assurer le recouvrement d'impôts directs ; qu'elle constitue donc une voie de fait ; que dès lors, le conflit a été à tort élevé ;
Décide :
Article 1" : L'arrêté de conflit du 11 février 1986 est annulé.

III. CE. Ass. 8 avril 1987. Ministre de l'Intérieur et de


l-A DECENTRALISATION - C. M. PELT1ER.

Vu le recours du ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation enregistré le 26 décembre 1983 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1" annule le jugement en date du 3 novembre 1983 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision en date du 10 novembre 1981 du sous-préfet de Ha-guenau refusant de délivrer un passeport à M. Peltier ;
2e rejette la demande présentée par M. Peltier devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'Intérieur à la demande présentée par M. Peltier devant le Tribunal administratif de Strasbourg :
Considérant que, si le ministre de l'Intérieur soutient que la demande de M. Peltier était tardive, cette fin de non-recevoir a été écartée par un jugement avant dire droit du tribunal administratif de Strasbourg du 14 avril 1983 qui n'a pas été frappé d'appel ; que, dès lors, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a statué au fond sur la demande de M. Peltier ;


.Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant que la décision prise par le sous-préfet de Ha-guenau de refuser de délivrer à M. Peltier le passeport qu'il avait demandé le 4 février 1981 est fondée sur la circonstance que M. Peltier s'était rendu coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants pour lesquelles il a fait l'objet de condamnations prononcées en 1975 et 1976 et qu'il était soupçonné de continuer à s'adonner aux stupéfiants ;
Considérant que la liberté fondamentale d'aller et venir n'est pas limitée au territoire national mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789 et confirmé par l'article 2-2 du protocole n° 4 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales ratifiée en application de la loi du 31 décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974 ; qu'aux termes de l'article 2-3 du même accord l'exercice de ce droit « ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l'ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'il résulte clairement de ces stipulations que les mots « restrictions prévues par la loi" urant dans le 3* alinéa de l'article précité doivent s'entendre des conditions prévues par des textes généraux pris en conformité avec les dispositions constitutionnelles ;
Considérant en premier lieu que la décision attaquée n'a été prise ni en application des articles 335-l quater du Code pénal et L. 627 du Code de la Santé publique qui permettent aux tribunaux répressifs de prononcer le retrait du passeport à rencontre des personnes condamnées pour proxénétisme ou pour infraction à la législation sur les stupéfiants, ni en application de l'article 138-7e du Code de Procédure pénale qui permet au juge d'instruction, lorsqu'il place un prévenu sous contrôle judiciaire, d'assortir cette mesure de l'obligation de remettre son passeport soit au greffe soit à un serce de police où à une brigade de gendarmerie ;
Considérant en deuxième lieu que, si le décret de la convention nationale du 7 décembre 1792 a le caractère d'une loi au sens des stipulations précitées du protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'homme, il ne permet à l'autorité administrative de refuser un passeport que si les déplacements de l'intéressé à l'étranger sont de nature à compromettre la sécurité nationale où la sûreté publique ; que les motifs invoqués pour refuser à M. Peltier la délivrance d'un passeport ne sont pas au nombre de ceux qui permettraient de justifier légalement un tel refus en application de ce texte ;
Considérant qu'il suit de là que le ministre de l'Intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que. par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du sous-préfet de Haguenau du 10 novembre 1981 ;
DÉCIDE :
Article 1" : le recours du ministre de l'Intérieur est rejeté.

Plan détaillé

Introduction


- Les faits : Ils sont voisins mais différents.

- La procédure : elle n'est pas la même selon l'arrêt auquel on s'attache. On notera que la décision contestée consiste soit en un refus de délivrer, soit en un retrait de passeport.
- Les textes : ce sont essentiellement l'article 2 du protocole n° 4 de la Convention européenne des Droits de l'homme et l'article 12 du Pacte international relaif aux droits cils et politiques. Ces deux conventions internationales, ratifiées par la France, reconnaissent la liberté d'aller et venir au international, c'est-à-dire le droit de quitter le territoire de l'Etat dont on possède la nationalité, tout en prévoyant que la loi peut déterminer certains types de restrictions.
- L'état antérieur du droit : les pays libéraux, comme la France, ne se sont presque jamais, en pratique, opposés au départ de leurs nationaux. Pour cette raison, le contentieux était très restreint, et, au fond, assez peu satisfaisant. Le Conseil d'Etat, dont la jurisprudence avait pourtant évolué, admettait la recevabilité des recours formés contre un refus de passeport mais laissait à l'Administration un très large pouvoir discrétionnaire. Il se bornait, depuis 1975, à exercer un contrôle minimum, en vérifiant si aucune erreur manifeste n'avait été commise. (CE. 19 février 1975, Fouéré).
- L'évolution récente allait conduire les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, ainsi que le Tribunal des Conflits, à se prononcer sur le point de droit suivant :
Quel contrôle peut être exercé sur le refus de délivrer un passeport ou sur le retrait de celui-ci, et par quel juge ?
- Annonce du : la question précédente était délicate. Elle devait conduire les juridictions saisies à s'interroger sur le fondement de la décision administrative. Selon la réponse donnée à cette première question, elles allaient déduire le type de contrôle adopté.

I. Le fondement de la décision de refuser ou de retirer un passeport
1) Les Conventions Internationales
- La convention européenne et le Pacte de 1966 (cf. infra) posent un principe et prévoient les restrictions dont il pourra faire l'objet, à condition qu'elles soient prévues par une loi nationale.
- Ces deux traités, ratifiés par la France ont aux termes de l'article 55 de la Constitution, une autorité supérieure à celle des lois.
- On peut rappeler que cette supériorité est parfois difficile à faire prévaloir puisque le Conseil Constitutionnel refuse de vérifier la conformité d'une loi à un traité. En revanche, la Cour de cassation puis le Conseil d'Etat (depuis CE. Ass. 20 oct. 1989 Nicolo) font prévaloir le traité sur la loi, même postérieure. Mais, en l'occurrence, aucune loi française postérieure n'était venue contredire, confirmer ou délimiter le principe posé par les conventions internationales.




2) Les textes nationaux

a) Fondant le principe de liberté


La Cour de Cassation constate leur inexistence.

Le Tribunal des Conflits puis le Conseil d'Etat estiment que le principe posé par les conventions internationales ne fait que confirmer un principe découlant de la Déclaration de 1789. Ceci est discule car ce dernier texte pose, certes, un principe général de liberté, mais en termes beaucoup moins précis que les deux conventions internationales précitées. On peut déceler, dans cette référence, une tendance classique du juge administratif à préférer fonder ses décisions sur un texte national plutôt que sur un texte international.


b) Fixant des limites au principe

La Cour de Cassation constate l'inexistence de tout texte national pouvant serr de fondement à la décision prise. Le Tribunal des Conflits reconnait que certaines règles (en matière pénale) auraient du être invoquées, mais, compte tenu des faits de l'affaire, elles étaient insusceptibles de l'être.
Le Conseil d'Etat se réfère lui aussi à divers textes qui n'étaient pas applicables à l'espèce (art. L627 C.S.P., art. 138-7 C.P.P.). Mais surtout il se réfère à un décret de la Convention du 7 décembre 1792. Certes ce texte peut être assimilé à une loi, au sens du Pacte de 1966 et surtout de la Convention européenne, puisqu'il s'agit d'un texte à portée générale.
Mais cette disposition était très peu libérale puisqu'elle prévoyait de très nombreuses restrictions au droit de quitter la France. Le Conseil d'Etat, pourtant, l'interprète de façon à la rendre compatible avec les conventions internationales. On peut, là aussi, remarquer la tendance, évoquée précédemment, à utiliser tous les textes nationaux disponibles, plutôt qu'à appliquer directement les règles du droit international, mais aussi, prendre la mesure du pouvoir créateur du droit du juge administratif qui va exercer un contrôle dans un esprit libéral.

II. Le contrôle de la décision de refuser ou de retirer un passeport
1) Une décision non fondée juridiquement : la compétence judiciaire :
- On se ici l'hypothèse où l'administration n'invoque aucun texte à l'appui de sa décision.
- Celle-ci « manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir » conféré, par une loi, à l'Administration constitue une voie de fait. C'est ce qu'admettent ici la Cour de Cassation et le Tribunal des Conflits.
- Rappel de la théorie de la voie de fait: montrer que l'on est bien en présence d'une hypothèse classique et rappeler quelle est l'étendue des pouvoirs du juge judiciaire
2) Une décision simplement illégale : la compétence du juge administratif.
- Le sous-préfet pouvait invoquer un texte (le décret de 1792 réinterprété par le Conseil d'Etat) à l'appui de sa décision, d'autant que le demandeur avait jadis fait l'objet de condamnations pour infractions à la législation sur les stupéfiants. Mais, faute de nouvelles condamnations ou de preuves suffisantes que la délivrance du passeport pouvait présenter un danger pour la « sécurité nationale ou la sûreté publique », les motifs invoqués par le sous-préfet n'étaient pas « au nombre de ceux qui permettraient de justifier légalement un tel refus ».
- On remarquera que le Conseil d'Etat, dans cet arrêt d'Assemblée, a abandonné le contrôle minimum. Il exerce désormais un contrôle « normal », au sens que l'on donne habituellement à ce terme.
- Ainsi le juge administratif est compétent lorsque la décision administrative est, simplement, éventuellement illégale. Cette jurisprudence a été confirmée par le Tribunal des Conflits (12 janer 1987 M. Crizwatz) : l'ordre donné, par le ministre de l'Intérieur, de retirer le passeport d'un administré ayant fait l'objet d'une condamnation pénale assortie d'une contrainte par corps pour le recouvrement d'impositions dues au Trésor Public, « n'était pas manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir conféré par la loi à l'Administration pour l'exécution de cette décision de justice". Le contentieux de cet acte, émanant d'une autorité de police, relève de la compétence des juridictions de l'ordre administratif (Cf.également CE. 15 avril 1988 M. Mictielix).

Conclusion
- On notera que les trois décisions commentées ne sont pas contradictoires. Les solutions diffèrent parce que les données de chaque affaire étaient elles-mêmes différentes. Juges judiciaires et administratifs concourent, chacun pour leur part, à assurer la protection des administrés.
- Toutefois l'approche de la question n'est pas la même. Le Conseil d'Etat (et en l'occurrence, dans une certaine mesure, le Tribunal des Conflits) sont plus enclins à utiliser les textes nationaux que la Cour de Cassation.
- Enfin, on peut ajouter que, depuis 1981, une olation de la Convention européenne des Droits de l'homme, peut donner lieu à des requêtes indiduelles déposées par tout indidu résidant en France (national ou étranger) devant les organes mis en place par celle-ci. Mais ceci ne relève plus du droit administratif français


EXERCICE



CAS PRATIQUE


Le Gouvernement veut faire adopter un texte relatif à la réforme des U.F.R. de Sciences juridiques, de la région parisienne. Ce texte contient, entre autres, les dispositions suivantes :
a) Seuls peuvent s'inscrire dans les U.F.R. de Sciences juridiques, les jeunes gens nés dans la région parisienne ou y ayant été domiciliés depuis cinq ans au moins.
b) Les inscriptions se feront par correspondance, deux mois au moins avant le début des cours.
Première question :
Ce texte peut-il foire l'objet d'un décret ? Quels recours seraient possibles contre ce décret et sur quelle base ?
Deuxième question :
Le Gouvernement a demandé au Parlement, qui la lui a accordée, une délégation de pouvoirs, le 1" juillet 199X, pour une durée de six mois. Elle lui permet de procéder à « la réforme des études et des U.F.R. de Sciences juridiques ».
Une ordonnance contenant le texte précité a été prise le 3 novembre 199X.
a) Est-elle susceptible de recours ? Devant quel juge ? Sur quelle base pourrait-elle être annulée ? Jusqu'à quand ?
b) Cette ordonnance pourra-t-elle rester en gueur :
- si elle n'est jamais déposée sur le bureau du Parlement ;
- si eUe est déposée mais non ratifiée ?
c) Jusqu'à quelle date le Gouvernement pourra-t-il la modifier ?
Troisième question :
a) Le Gouvernement dépose un projet de loi reprenant la première disposition (a).
Un recours est-il possible ?
b) Le Gouvernement décide de reprendre la deuxième dispostion (b) par décret.
Que doit-il faire si cette matière était réglementée :


- par une loi du 1" juillet 1956 ?

- par une loi du 10 novembre 1963 ?
- par une ordonnance du 5 juin 1959 prise en vertu de l'article 92 de la Constitution ?

Corrigé
Le Gouvernement veut faire adopter un texte relatif à la réforme des U.F.R. de Sciences juridiques, de la région parisienne. Ce texte contient, entre autres, les dispositions suivantes :
a) Seuls peuvent s'inscrire dans les U.F.R. de Sciences juridiques, les jeunes gens nés dans la région parisienne ou y ayant été domiciliés depuis cinq ans au moins.
b) Les inscriptions se feront par correspondance, deux mois au moins avant le début des cours.

Première question
Ce texte peut-il faire l'objet d'un décret ? Pour répondre à cette question, il faut savoir si la matière concernée relève ou non du domaine législatif. Or, que dit l'article 34 de la Constitution ?
« La loi détermine les principes fondamentaux de l'enseignement ».
Il en résulte que c'est le pouvoir réglementaire qui déterminera tout ce qui ne constitue pas un principe fondamental de l'enseignement.


Dans l'hypothèse qui nous intéresse, la disposition (b) peut faire l'objet d'un décret car elle ne concerne que les modalités d'inscription. Au contraire, la disposition (a) ne peut faire l'objet d'un décret. Non seulement, elle irait à rencontre de la répartition opérée par l'article 34, mais encore elle olerait deux principes généraux du droit : principe d'égalité des administrés, principe de liberté. Or comme tout acte émanant du pouvoir exécutif, les décrets (qu'il s'agisse de règlements d'application de la loi ou de règlements autonomes) doivent respecter les principes généraux du droit (CE. 26 juin 1959 : Syndicat général des Ingé-nieurs«mseils).
Le recours possible est un recours pour excès de pouvoir qui, s'agissant d'un décret, doit être porté, en premier et dernier ressort, devant le Conseil d'Etat.
Avant d'en terminer avec cette question, il conent de répondre à une objection. Beaucoup d'universités n'ont-elles pas limité (avant la « désectorisation ») les possibilités d'inscription par référence au domicile des étudiants ? De telles limitations sont très différentes de celles que nous ensageons ici. Il ne s'agit, à partir du moment où les diplômes nationaux qui y sont délivrés ont la même valeur, que d'une mesure d'organisation administrative. Une université ne saurait par contre limiter le droit de s'inscrire aux seuls étudiants nés ou domiciliés depuis plus de cinq ans dans ce même ressort géographique, car elle porterait atteinte à la liberté du choix du domicile et à l'égalité des administrés. Ce dernier principe exige que soient traités de façon égale tous les administrés qui se trouvent dans une situation identique.

Deuxième question
Le Gouvernement a demandé au Parlement, qui la lui a accordée, une délégation de pouvoir, le 1" juillet 199X, pour une durée de six mois. Elle lui permet de procéder à « la réforme des études et des U.F.R. de Sciences Juridiques ».
Une ordonnance contenant les deux dispositions précitées a été prise le 3 novembre 199X.
a) Cette ordonnance, comme les anciens décrets-lois et comme tout acte réglementaire, est susceptible de recours pour.excès de pouvoir (CE. 24 novembre 1961 : Fédération nationale des Syndicats de Policé).
L'annulation peut être demandée si l'ordonnance ne respecte pas les délais imposés par la loi d'habilitation (ce qui n'est pas le cas ici) ou si elle contredit les termes de cette loi. L'ordonnance doit enfin,comme tout acte réglementaire, respecter les principes généraux du droit. En l'espèce, la disposition a olé deux principes généraux du droit et serait donc annulée par le Conseil d'Etat (CE. 24 novembre 1961 précité). Cette jurisprudence oblige le pouvoir exécutif qui peut intervenir exceptionnellement dans le domaine législatif à respecter cependant les principes fondamentaux de notre droit.
Un recours pour excès de pouvoir formé contre l'ordonnance du 3 novembre 199X aurait donc des chances de succès en ce qui concerne la disposition (a). Il devrait être déposé dans les deux mois, à compter de la publication de l'ordonnance, devant le Conseil d'Etat qui statuera en premier et dernier ressort.
b) Jusqu'à quelle date l'ordonnance du 3 novembre restera-t-elle en gueur ?
Normalement, le Parlement qui a délégué ses pouvoirs au Gouvernement, pour une certaine durée, fixe une date limite avant laquelle ledit Gouvernement est tenu de déposer les textes pris dans le cadre de la loi d'habilitation sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Tous les textes non déposés à cette date (fréquemment quinze jours après la fin de l'habilitation) deennent caduques. Quant aux autres, ceux qui ont été déposés en temps utile, ils restent valables mais ils conservent une valeur réglementaire jusqu'à l'intervention de la loi de ratification. Ce n'est qu'à partir de cette intervention qu'ils acquièrent valeur législative, ce qui les soustrait en conséquence à toute possibilité de contrôle de la part du juge administratif.
c) Le Gouvernement s'est vu déléguer le pouvoir d'intervenir par voie d'ordonnance dans le domaine de l'artide 34, pour une certaine durée. En l'espèce, à l'issue des six mois, mentionnés dans la loi d'habilitation, le Gouvernement ne peut plus modifier les ordonnances qu'il a prises si le contenu de leurs dispositions est législatif. On se trouve donc en présence de textes ayant seulement valeur réglementaire mais ne pouvant plus être modifiés que par une loi.


Troisième question

a) Le Gouvernement dépose un projet de loi reprenant la première disposition (a). Ce projet est, on l'a rappelé, contraire aux principes généraux d'égalité, entre les citoyens, et de liberté. Un recours est-il possible ? A cette question, il aurait fallu répondre négativement jusqu'en 1971. Traditionnellement en effet, les lois votées par le Parlement étaient insusceptibles de tout contrôle de constitutionnalité. Le Conseil Constitutionnel, mis en place en 1958, apparaissait comme un simple organe régulateur de l'actité des Pouvoirs publics. Depuis 1971, au contraire, il a accepté d'exercer un contrôle au fond de la constitutionnalité des lois. En 1973, il a même déclaré non conforme à la Constitution, une disposition de la loi de finances dans la mesure où celle-ci portait « atteinte au principe de l'égalité devant la loi contenu dans la Déclaration des Droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le Préambule de la Constitution". Cette jurisprudence a été confirmée par la suite. On peut donc penser que la disposition (a) qui nous intéresse serait annulée sur la même base juridique.
Rappelons enfin que le Conseil Constitutionnel peut être saisi jusqu'à promulgation d'une loi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs.
b) Le Gouvernement décide de reprendre la seconde disposition (b) par décret. Ceci est juridiquement tout à fait possible dans la mesure où, ne s'agissant pas d'un principe fondamental de renseignement, le pouvoir réglementaire est compétent.
Il n'y a aucune difficulté s'il n'existait aucune disposition en la matière ou s'il n'existait qu'une disposition de valeur réglementaire.
Que se passe-t-il, au contraire, si cette matière était régie :


- Par une loi du 1" juillet 1956 ?

Dans l'hypothèse où une loi est intervenue avant 1958, dans un domaine qui est maintenant devenu réglementaire, le Gouvernement peut intervenir et modifier cette loi après un simple as du Conseil d'Etat (as simplement consultatif.


- Par une loi du 10 novembre 1963 ?

On ensage maintenant le cas où une loi est intervenue par erreur dans le domaine réglementaire, après 1958. Le Gouvernement peut la modifier mais seulement après as conforme du Conseil Constitutionnel (art. 37, al. 2, de la Constitution).
- Par une ordonnance du 5 juin 1959 prise en vertu de l'article 92 de la Constitution ?
On se retrouve dans la même situation que précédemment. En effet, la Constitution de 1958, dans son article 92, permettait au Gouvernement de prendre en Conseil des ministres, après as du Conseil d'Etat, « en toutes matières les mesures qu'il jugera nécessaires à la e de la Nation, à la protection des citoyens ou à la sauvegarde des libertés ». Il s'agissait d'ordonnances ayant force de loi qui pouvaient intervenir jusqu'à la mise en place des institutions.
Ces ordonnances, très nombreuses, ont la même valeur que la loi. Il est arrivé fréquemment que, dans sa hate de mettre en place les nouvelles institutions, le Gouvernement prenne alors par voie d'ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine réglementaire. Toutefois il ne lui a été possible de les modifier ultérieurement que selon la procédure prévue pour les lois postérieures à 1958, c'est-à-dire après as conforme du Conseil constitutionnel.






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