NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » droit pénal La compétence territoriale
' Le territoire ' chacun le sait ' est l'un des éléments constitutifs essentiels de l'Etat. Seul l'Etat possède un territoire dans l'ordre international, ce qui assure déjA sa spécificité par rapport aux autres sujets du droit international. Tout naturellement donc le territoire va donner un titre A agir A l'Etat en raison de sa simple existence. 1 ' Les limites matérielles (géographiques) de la compétence territoriale. ' On se bornera ici A présenter des remarques très générales dans la mesure où cet aspect du droit international a été étudié auparavant en première année. On rappelle, en effet, que le territoire est en général composé de trois éléments. Tout d'abord, une partie terrestre. Ensuite, éntuellement, une partie maritime qui se subdivise elle-mASme en deux ac, d'une part, les eaux intérieures et leur sous-sol qui relènt de la compétence territoriale exclusi de l'Etat rirain, et, d'autre part, la mer territoriale et son sous-sol qui sont soumis, ac des limites, A la compétence territoriale de l'Etat rirain ; il faut maintenant ajouter A ces espaces marins la noulle zone économique de 200 milles où l'Etat rirain a certaines compétences exclusis de nature économique. Enfin, il existe une partie faérienne, l'espace aérien surjacent le domaine terrestre et maritime de l'Etat (mais qui ne s'étend pas au-dessus de la zone économique maritime exclusi). Cet espace aérien est soumis A la compétence exclusi de l'Etat dont le territoire est sous-jacent. ' Si la consistance terrestre, maritime ou aérienne du territoire de l'Etat n'est pas contestée, en revanche il existe des difficultés certaines de délimitation, si ce n'est de la partie terrestre du territoire de l'Etat, du moins de la composante maritime et aérienne. Ici on rappelle que les Etats sont prima facie compétents pour définir leur espace maritime et aérien, qu'ils le font en rtu d'actes unilatéraux, mais que, dans l'exercice de cette compétence de délimitation, ils doint respecter les prescriptions du droit international, que celui-ci soit de nature conntionnelle ou coutumière (voir supra, nA° 556). On se bornera ici A noter que les incertitudes du droit international demeurent nombreuses (voir, par exemple ici, P. Weil, Perspectis du droit de la délimitation maritime, Paris, Pedone, 1988). Il ne définit pas, du moins actuellement, quelle est la largeur exacte de la mer territoriale, pas plus qu'il ne précise les limites de la souraineté aérienne de l'Etat. Enfin, on rappellera qu'il existe des espaces internationaux ' ce que l'on qualifie parfois de - domaine public international - ' comme la haute mer, les voies de communication internationales (canaux trans-océaniques, fleus), l'espace extra-atmosphérique, qui ne sauraient faire l'objet d'appropriations souraines par les Etats en raison de coutumes internationales bien élies ou de traités spécifiques. Notons enfin que, A la suite de la conclusion du traité sur l'Antarctique de 1959, les Etats ont accepté, au moins A titre provisoire, de s'abstenir de faire valoir des rendications territoriales sur ce continent. En bref, la juridiction de l'Etat A raison de son territoire connait des limites ratione loci et ratione materiae elle ne saurait s'étendre A certains espaces qualifiés d'internationaux en mASme temps qu'elle ne revASt pas la mASme intensité sur les dirses composantes de ce territoire (elle est en effet plus - forte - sur la partie terrestre et aérienne que sur la partie maritime). 2 ' La nature de la compétence territoriale. ' La compétence territoriale de l'Etat présente deux caractéristiques classiques, traditionnelles, A savoir la plénitude et l'exclusivité. Plénitude et exclusivité de la compétence territoriale de l'Etat ont été fort bien mises en lumière dans une sentence arbitrale classique ' dite de l'Ile des Palmes ' qui opposa les Etats-Unis aux Pays-Bas et fut rendue sous les auspices de la C.P.A. par le grand juriste suisse Max Huber, le 4 avril 1928 (R.S.A., T. II, 830 ; texte franA§ais in R.G.D.I.P. 1935.156). a) Une compétence pleine et entière. ' Que la compétence territoriale de l'Etat soit pleine et entière constitue un principe fondamental, incontesté du droit international. Pour reprendre l'expression de Max Huber dans l'affaire précitée de l'Ile des Palmes, - l'indépendance relatiment A une partie du globe est le droit d'y exercer, A l'exclusion de tout autre Etat, les fonctions étatiques - (p. 838). Autrement dit, l'Etat, sur cette partie du globe qui constitue son territoire, dispose de toutes les compétences. Ces - fonctions étatiques - visées par Max Huber sont potentiellement illimitées. L'Etat peut prendre des actes de toute nature, constitutionnelle, législati, administrati. C'est l'aspect de sa souraineté interne que nous avons signalé précédemment. Au sens large, l'Etat peut - légiférer -, comme devait d'ailleurs le reconnaitre la C.PJ.I. dans l'affaire du Groenland oriental déjA citée. La Cour s'exprimait dans les termes suivants : - La législation est une des formes les plus frappantes de l'exercice du pouvoir sourain - (1933, sér. A/B, nA° 53, p. 48). ' En conséquence, les normes juridiques édictées par l'Etat sur son territoire bénéficient d'une présomption de validité. Tout acte que l'Etat accomplit dans les limites de son territoire est en principe - valide -, sauf bien entendu s'il se révélait contraire A une obligation imposée par le droit international. La sentence arbitrale rendue dans l'affaire dite du lac Lanoux, entre la France et l'Esne, constitue une illustration frappante de ce principe. Les arbitres s'exprimèrent dans les termes suivants : - La souraineté territoriale jpue A la manière d'une présomption ; elle doit fléchir devant toutes les obligations internationales quelles qu'en soient les sources, mais ne fléchit que devant elles - (16 nombre 1957, R.G.D.I.P. 1958, p. 79, R.S.A. T. XII, 281). ' Cette compétence pleine et entière de l'Etat sur son territoire s'exerce sur toutes les personnes qui l'habitent, qu'il s'agisse de ses nationaux ou des ressortissants de pays tiers, ce qui ne ut pas dire, nous le rrons par la suite, que l'Etat puisse - tout faire - en l'espèce. Elle s'exerce naturellement aussi sur tous les biens qui sont situés sur son territoire : lex locus rei sitae. L'article 3 du Code civil franA§ais fournit une excellente illustration concrète de ces principes classiques quand il affirme : - les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire. Les immeubles, mASme ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi franA§aise - b) Une compétence exclusi. ' Il s'agit lA du deuxième élément fondamental cité par Max Huber dans sa sentence précitée de l'Ile des Palmes. L'illustre arbitre le reconnaissait dans les termes suivants : - le principe de la compétence exclusi de l'Etat en ce qui concerne son propre territoire (est) le point de départ du règlement de la plupart des questions qui touchent aux rapports internationaux -. ' Cette exclusivité de la compétence territoriale de l'Etat est, A l'évidence, un principe coutumier qui a été très sount rappelé par la Cour de La Haye. Par exemple, dans l'affaire sount citée du Lotus, la C.PJ.I. s'exprimait ainsi : - La limitation primordiale qu'impose le droit international est celle d'exclure ' sauf l'existence d'une règle permissi contraire ' tout exercice de sa puissance sur le territoire d'un autre Etat - (ser. A, nA° 10, p. 18). Autrement dit, le fait que l'Etat soit sourain sur son territoire et que cette souraineté soit exclusi empASche un Etat tiers d'exercer le moindre acte d'autorité sur le territoire du premier Etat. La C.I.J., dans l'affaire déjA citée du détroit de Corfou de 1949, qui opposa la Grande-Bretagne A l'Albanie, devait reprendre le mASme point de vue : - Entre Etats indépendants le respect de la souraineté territoriale est une des bases essentielles des rapports internationaux - (Rec., p. 35). Cette position, la C.IJ. ne devait jamais s'en départir et elle eut l'occasion de la réaffirmer dans les affaires déjA citées du droit d'asile de 1951, ou Haya délia Torre, et du droit de passage en territoire indien de 1960. I. ' L'inapplication sur le territoire d'un Etat de la réglementation juridique édictée par un Etat étranger. ' En règle générale, on peut poser le principe que les lois nationales ne produisent pas d'effet extra-territorial, c'est-A -dire que leur validité s'arrASte A la limite du territoire où l'Etat exerce sa juridiction, ses compétences. Toutefois, il est des lois nationales qui, par définition, vont faire sentir leurs effets dans l'ordre juridique du pays tiers : il s'agit de celles relatis au statut personnel des individus. Particulièrement caractéristique A cet égard est l'article 3 du Code civil franA§ais qui dispose dans son alinéa 3 que les - lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les FranA§ais, mASme résidant en pays étrangers -. ' Sans doute, une branche particulière du droit interne des Etats, le droit international privé, essaye-t-il de trour une solution ordonnée pour trancher de faA§on satisfaisante de ces dirs conflits de lois. Cependant, les principes conducteurs sont A trour dans le droit international général dans la mesure où celui-ci, nous l'avons sount mentionné, fonde et ordonnance les dirses compétences étatiques. II. ' L'Etat doit respecter la souraineté territoriale des autres Etats et s'interdit d'y exercer des actes de contrainte. ' Il y a lA un principe coutumier incontesté qui a été reconnu par les juges de La Haye aussi bien dans l'affaire du Lotus que dans celle du détroit de Corfou. En raison de cette exclusivité de la compétence territoriale, un Etat tiers ne saurait y porter atteinte en exerA§ant des actes d'autorité sur le territoire d'un autre Etat. Ce principe coutumier fondamental a donné lieu A des affaires célèbres que l'on examinera ici brièment. ' L'affaire Joly. - Un FranA§ais soupA§onnait un Belge de vol en France. Il passa la frontière belge ac deux garde-champAStres franA§ais, se saisit de ce citoyen belge, le ramena en France où ce dernier fut incarcéré pour vol. La Belgique protesta vigoureusement contre cette violation de sa souraineté territoriale par des citoyens franA§ais et demanda la restitution de son ressortissant. Le tribunal correctionnel d'Asnes fit droit A la demande du procureur de la République qui avait soutenu la cause belge et libéra le détenu en déclarant que toute la procédure était nulle - car atteinte d'une nullité substantielle absolue -, A savoir la violation de la souraineté territoriale belge (22 juillet 1933, S. 1934, II, 105 - J.D.I. 1935.899). Toutefois, la solution n'est pas toujours aussi favorable pour l'individu, en ce sens qu'il n'est pas systématiquement restitué A l'Etat dont la souraineté territoriale a été violée dans ce type d'hypothèse. ' L'affaire Eichmann. - Ce criminel de guerre nazi s'était enfui et réfugié en Argentine lors de la fin des hostilités. En 1960, il fut - enlevé - par des agents israéliens et reconduit - manu militari - en IsraA«l où il fut jugé. L'Argentine protesta contre cette violation de sa souyeraineté territoriale par des agents d'une puissance étrangère. Des dé,bats eurent lieu au Conseil de sécurité de l'O.N.U. et l'Argentine obtint d'ailleurs des excuses d'IsraA«l et la reconnaissance par ce pays de la violation de sa souraineté territoriale. En revanche, Eichmann ne fut pas restitué A l'Argentine qui ne l'avait d'ailleurs pas demandé. Eichmann, en tant que criminel nazi, fut alors jugé, condamné et exécuté en IsraA«l, cela en dépit de son arrestation délictueuse et en application d'une autre règle traditionnelle en la matière - Maie cap-tus bene detentus - ; autrement dit : celui qui est capturé dans des conditions illicites est censé AStre détenu dans des conditions qui, elles, sont licites ; le droit, en l'espèce, ne se réfère qu'A la situation de la personne en cause et non A la manière dont elle a pu AStre attraite devant un tribunal. ' L'affaire Argoud. - Le colonel Argoud avait été - enlevé - en Allemagne en 1963 par des personnes de nationalité franA§aise non identifiées et reconduit de force en France où il fut jugé et condamné. 11 y avait lA très clairement une violation de la souraineté territoriale allemande, qui avait été ici commise par des - agents - d'un gournement étranger, ici la France. Comme dans l'affaire Eichmann et, en application du mASme principe, les juges franA§ais estimèrent que cette violation du droit international n'entachait pas la procédure de nullité, ceci parce que l'Allemagne, tout en protestant, n'avait pas demandé, comme l'Argentine dans le cas précédent, la restitution d'Argoud. Selon la Cour de sûreté de l'Etat ' et cela fut confirmé par la Cour de cassation ' : - L'individu lésé est sans droit ou qualité A invoquer en justice une violation du droit des gens, a fortiori lorsque l'Etat considéré ne réclame rien - (voir AF.D.I. 1965, p. 935 et s.). ' Affaire du Rainbow Warrior. Le 10 juillet 1985, le Rainbow Warrior appartenant au moument écologiste - Green Peace - était coulé dans le port d'Auckland, en Noulle-Zélande, par des membres des services secrets franA§ais agissant sur ordre du Gournement. Lors du règlement de cette affaire en juillet 1986, le Gournement franA§ais dut, entre autres, présenter ses - excuses formelles et sans réser - pour cette violation flagrante du droit international et rser, A la Noulle-Zélande, une indemnité compensatrice de 7 millions de dollars. La France dut également indemniser l'organisation écologiste - Green Peace - pour un montant de 8 millions de dollars fixé par un tribunal d'arbitrage ad hoc (voir l'échange de lettres franco-néo-zélandais du 4 juillet 1986 in J.O. 13 juillet, p. 3750 ; pour des commentaires plus déloppés, voir J. Charpentier A.F.D.I., 1986.873 et G. Apollis, R.G.D.I.P.. 1987.9). ' En bref, toutes ces violations, dans ces dirses affaires, de la souraineté territoriale d'un Etat par des ressortissants ou mASme des agents d'un Etat tiers constituent A l'évidence des actes contraires au droit international ; comme tels. Us sont susceptibles d'entrainer la responsabilité internationale de l'Etat pour le compte duquel ces actes délictueux ont été commis, pour peu, toutefois, que l'Etat dont la souraine territoriale a été violée décide de la mettre en œuvre. Or, dans le cas de l'affaire Eichmann ou de l'affaire Argoud, l'Argentine ou l'Allemagne Fédérale auraient été dans leur bon droit en demandant la restitution de ces individus ' ce qu'elles s'abstinrent de faire ; ces pays auraient pu également demander une réparation adéquate, ce que ne fit pas l'Allemagne Fédérale, mais ce que fit l'Argentine en recevant les excuses officielles d'IsraA«l. ' L'Etat concerné peut encore, par sa conduite acquiescer A cette action d'un Etat étranger sur son territoire, auquel cas il couvre l'illégalité qui a été commise. Il en fut ainsi jugé dans l'affaire Savarkar qui opposa la France A la Grande-Bretagne devant la Cour permanente d'arbitrage qui rendit sa sentence le 24 février 1911. En l'espèce, Savarkar, un nationaliste indien, qui avait commis des crimes aux Indes, devait AStre jugé aux Indes par la puissance coloniale de l'époque, la Grande-Bretagne ; il fut embarqué sur un navire britannique qui fit relache dans un port franA§ais, A Marseille. Savarkar s'échappa du navire britannique, mais les marins anglais, aidés en cela par la police franA§aise, se saisirent de Savarkar en territoire franA§ais et le ramenèrent A bord. La France, par la suite, protesta contre la violation de sa souraineté territoriale par des agents britanniques ; mais la Cour refusa la protestation franA§aise, estimant qu'il n'y avait pas eu, en l'espèce, illicéité en raison du comportement des autorités franA§aises qui équivalait A un acquiescement puisque la police franA§aise avait prASté main forte aux marins britanniques pour se saisir de la personne de ce prisonnier indien (Revue de droit international et de législation ée, 1913.398 - R.S.A., Tome II, p. 243). ' Il est aussi bien admis que, par traité, un Etat peut accepter qu'un autre Etat effectue des actes de souraineté sur son propre territoire. Une telle pratique n'est pas inhabituelle en matière douanière entre pays frontaliers : c'est ainsi par exemple que les douanes franA§aises officient A Genè en territoire suisse ou que les services douaniers et d'immigration américains exercent leurs fonctions A Montréal. ' Cela étant, le principe reste que toute violation de la souraineté territoriale d'un Etat par un pays tiers constitue un acte contraire au droit international qui est susceptible d'engager la responsabilité internationale de l'Etat qui a commis cette violation du droit. Ce principe devait AStre rappelé dans l'affaire sount citée du détroit de Corfou de 1949. En l'espèce, la Grande-Bretagne avait procédé par elle-mASme A l'enlèment des mines se trouvant dans les eaux territoriales albanaises et sur lesquelles des bateaux de la marine de guerre anglaise avaient - sauté - peu de temps auparavant. La Cour condamna sévèrement l'action de la marine de guerre britannique en estimant qu'il y avait lA un acte contraire au droit international, le non-respect de l'intégrité territoriale de l'Albanie par la Grande-Bretagne ; et la Cour estima que cette condamnation de principe de l'action de la marine britannique valait - réparation suffisante - pour l'Albanie (Rec, p. 35).
|
|||||
Privacy - Conditions d'utilisation |
Au sujet des droit pénal |
||||||||||
|
||||||||||
Je sais et les autres ... |
||||||||||
|