A ' LES TRAVAUX PUBLICS
Le juge administratif a été amené A admettre assez largement la responsabilité sans faute dans le domaine des
travaux publics34. Ceux-ci sont effectiment générateurs de nombreux dommages, lors de la construction ou de l'entretien des ouvrages publics. Cependant, le juge fait une distinction nette entre les usagers des ouvrages publics et les tiers.
Pour les tiers, c'est-A -dire les personnes qui n'ont pas de rapport direct ac les ouvrages (ils n'en sont pas les utilisateurs), la mise en cause de la responsabilité est facilement ourte. Dès l'instant qu'ils subissent un dommage anormal, ils ont droit A réparation en élissant seulement le lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage. En revanche, les usagers profitent de l'ouvrage public et doint supporter un certain nombre d'aléas. A leur sujet le juge exige une faute mais admet la présomption de faute : le défaut d'entretien normal de l'ouvrage peut entrainer une responsabilité administrati ; la victime n'a pas A prour que l'Administration a commis une faute, c'est A cette dernière de démontrer qu'elle a entretenu normalement l'ouvrage. Cet entretien ou aménagement normal consiste, notamment, A assurer une signalisation des dangers sur les routes. Lorsque les
risques excèdent ceux contre lesquels les usagers sont tenus de se prémunir, ne peut-on admettre, ac le risque exceptionnel, une responsabilité sans faute en cas de dommages? Le juge a semblé admettre cette garantie pour les usagers, en reconnaissant le caractère -exceptionnellement dangereux - d'un ouvrage, mais il a ensuite restreint la portée de cette démarche en ne qualifiant pas d'exceptionnellement dangereux des ouvrages qui le sont A l'évidence comme des routes fortement exposées A des chutes de rochers et avalanches35. Enfin, contrairement aux dommages accidentels, les dommages permanents (ceux qui se prolongent ou se maintiennent pendant une durée nole) comme le blocage d'une rue pour réfection ou les troubles de jouissance et la dépréciation d'un bien (bruits, pollutions dirses) sont réparés, quelle que soit la qualité de la victime, A la seule condition que le dommage soit anormal et spécial36.
B ' CHOSES DANGEREUSES ET ACTIVITéS DANGEREUSES
La jurisprudence a également admis la responsabilité sans faute en se fondant sur le risque exceptionnel né de choses ou activités dangereuses. Il en est ainsi en particulier dans trois cas :
' le voisinage de choses dangereuses (explosion d'un dépôt de munitions)37;
' l'utilisation des armes A feu38. Les dommages causés par l'emploi des armes par les services de police relènt de la responsabilité pour risque et non pour faute, dans l'intérASt des victimes. Il doit s'agir d'armes dangereuses dont la définition n'est pas précise. D'autre part, la qualité de la victime entre en jeu : il faut distinguer le passant (le tiers) de la personne concernée par l'opération de police ' ce qui n'est pas toujours facile pour les manifestants '. Dans le premier cas, il y a responsabilité pour risque, dans le second, responsabilité pour faute simple (ce qui apparait comme une exception A l'exigence de la faute lourde en matière de responsabilité des services de police);
' les activités comportant des dangers, notamment la rééducation des délinquants (régime libéral facilitant les évasions), ou les traitements des malades mentaux ac possibilité de sorties39 (la méthode thérapeutique constituant un risque spécial pour les tiers).
C ' INTERVENTIONS DE COLLABORATEURS OCCASIONNELS
La responsabilité sans faute fondée sur le risque anormal et spécial est enfin appliquée par le juge dans le cas de dommages subis par des collaborateurs occasionnels de l'Administration. Il s'agit du prolongement d'une jurisprudence ancienne relati A des ouvriers de l'état victimes d'accidents de travail. Dans l'affaire Cames de 1895, le Conseil d'état avait posé le principe que l'Administration doit réparer les dommages subis par ses agents soumis A des dangers dans l'exercice de leurs fonctions. Depuis lors, des textes ont institué des régimes de réparation pour les agents de l'Administration, et celte jurisprudence n'a plus de raison d'AStre appliquée A leur égard. Mais elle est utilisée pour des personnes qui ne font pas partie de l'Administration, mais apportent leur concours A la collectivité occasionnellement et, le plus sount, bénévolement (par exemple aide A des personnes en danger)40. Si ces collaborateurs subissent un préjudice'", pour que la responsabilité de l'Administration soit engagée, d'une part, l'activité concernée doit AStre un
service public (mais la jurisprudence est assez souple quant A la notion de participation A ce service et il peut s'agir d'une participation très indirecte); d'autre part, la victime doit en principe avoir été sollicitée par les autorités (toutefois la jurisprudence admet l'interntion spontanée en cas d'urgence)42.