IPeut - écrits et documents
ManagementMarketingEconomieDroit
ss
Accueil # Contacter IPEUT




economie europeneana icon

ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » economie europeneana

Réformer avec modestie ou inventer sans responsabilité

La difficulté du projet politique européen est d'AStre aujourd'hui A  chel entre plusieurs systèmes de définition.
Hier ce sont les Etats-nations qui ont décidé l'Europe, et toute l'histoire de cette construction est celle d'une lutte entre la souveraineté de ces Etats-nations et celle beaucoup plus fragile de l'Europe, sans légitimité démocratique jusqu'A  l'élection du Parlement européen au suffrage universel.
Nous sommes maintenant entre deux. L'autorité des Etats-nations est certes renforcée, mais Maastricht initie tout de mASme l'étape suinte dont la conclusion sera inéluclement un passage de relais de souveraineté. Et dans le moment actuel, nous assistons au craquement du modèle antérieur, A  l'occasion duquel ressurgissent tous les problèmes de l'espace politique européen. Ils sont au nombre de trois.
C'est, d'une part, le fait que l'espace socioculturel d'une nation déborde la plupart du temps le cadre de l'Etat-nation. Le > contenant - ne suffit plus A  gérer les relations socioculturelles liées A  l'identité, soit parce que le cadre est débordé par la multiplication des processus, soit parce qu'il n'a plus assez de pouvoir d'intégration. L'ouverture économique avec l'acte unique, en favorisant la circulation, renforce cette dualité de logique.
C'est d'autre part, comme conséquence du premier mouvement, la résurgence du problème des minorités '. A partir du moment où le cadre étatique n'a plus sa fonction d'intégration ou de répression, les revendications minoritaires sont croissantes, d'autant que, pour des raisons économiques, l'Europe en quarante ans est devenue une terre d'immigration. Le démantèlement de l'Europe de l'Est accentue aussi le mouvement de circulation et de brassages. C'est enfin, comme conséquence des deux premiers mouvements, la question des frontières, jamais réglée mais remise au premier avec l'ouverture de l'Europe, l'afflux des populations étrangères et l'effondrement du communisme.
Ces trois facteurs indirectement liés A  la construction de l'Europe ne sont pas pour rassurer le citoyen. Certes, le décalage entre les espaces socioculturels et les Etats-nations ainsi que la question des minorités et des frontières sont antérieures A  la construction de l'Europe politique. Mais la désilisation géopolitique A  la suite de l'effondrement du communisme, renforcée par l'ébauche de l'Europe politique, remet ces trois phénomènes au centre de l'actualité.
Il faut donc reprendre ici notre objection A  l'égard de l'utopie politique. MASme si l'histoire a souvent ancé par grandes utopies, y compris pour l'Europe, avec la CECA et le Marché commun en leur temps, la contrainte de la démocratie de masse modifie le statut de l'utopie. Le changement d'échelle et de visibilité de l'Europe politique n'introduisent-ils pas des changements radicaux par rapport aux utopies antérieures qui prévoyaient toutes un décalage entre l'initiative de l'utopie et sa réalisation ' ?
Aujourd'hui, avec la démocratie égalitaire A  l'échelle européenne, tout est synchronique. Comment éviter que la transparence et la simultanéité démocratique ne provoquent un phénomène de rejet A  l'égard d'un projet politique qui désilise les cadres antérieurs de perception de la réalité politique? D'où l'hypothèse centrale de ce livre : l'utopie démocratique européenne, A  condition de partir de l'expérience des peuples en revisitant leur passé, peut conjurer les risques d'un rejet violent. C'est le changement de registre de l'Europe technocratique A  l'Europe démocratique qui, A  son tour, change le statut du rapport au passé et A  l'identité. Le propos vise moins A  se méfier du caractère utopique de la construction politique européenne, qu'A  rappeler les contraintes qualitatives introduites par le modèle de démocratie de masse '. La profonde originalité de la construction européenne est de s'AStre faite pacifiquement depuis quarante ans, mASme si elle s'est édifiée sur un champ de ruines et de sang. Autour d'elle, quand on voit la CEI et l'Europe de l'Est, les mASmes haines continuent A  tuer. Comment préserver le caractère pacifique de ce projet?
» La première chose A  entreprendre est de réduire l'impression de bricolage politique, due A  l'écart entre ce qui existe et ce A  quoi il faudra arriver. Il existe pour cela un moyen simple : loriser le fonctionnement actuel de la communauté, la faire connaitre, mieux expliquer cette réalité politique peu connue et originale.
Valoriser ce qui existe aurait au moins l'antage de rappeler l'importance de l'acquis, et de ne pas créer le sentiment faux qu'il faut tout inventer. La connaissance est la meilleure arme contre l'intolérance; l'ignorance, le premier allié des préjugés. Il y a une sorte de - masochisme politique - A  ne pas expliquer la réalité du fonctionnement politique de l'Europe. Très peu de citoyens connaissent les mécanismes institutionnels européens, les relations entre la Commission, le Parlement, le Conseil des ministres, la Cour de justice et les autres institutions. Et très peu également connaissent l'étendue du trail mené.
L'Europe est toujours traitée - A  part - et - en plus - des problèmes nationaux, alors que pour une bonne part les décisions qui relèvent apparemment de la souveraineté nationale sont en réalité largement déterminées par le niveau européen. Il y a dans les lacunes de la communication grand public de la commission les défauts du modèle technocratique élitiste : - Inutile d'expliquer trop longuement ce que l'on fait; cela prendrait du temps, ne serait pas compris compte tenu de la technicité des dossiers, et soulèverait des objections auxquelles, la plupart du temps, les réponses sont déjA  apportées. - On voit ici A  l'œuvre la bonne conscience de l'élite qui traille pour le bien de tous, et le préjugé selon lequel les opinions nationales ne sont - pas prAStes -, ou - pas intéressées - par le niveau européen. Ceci est exact, mais la meilleure manière de dépasser le scepticisme est de mieux faire connaitre la réalité du fonctionnement du système politique de la CEE y compris dans ses contradictions. L'absence de documentation synthétique sur l'action de la CEE depuis vingt ans est un signe de la difficulté de la Communauté A  assumer sa propre histoire, et de sa difficulté A  s'autonomiser par rapport aux Etats. Il y a certes tous les documents possibles et imaginables, mais selon une approche incompatible avec la logique - grand public - qu'exige une communication A  l'échelle de l'Europe.
A vrai dire, les méthodes de l'administration communautaire sont trop marquées par le style de la fonction publique du xixc siècle, par ailleurs de plus en plus rejetée dans les Etats-nations. L'Europe ne brille pas ici par son originalité. Ce qui, soit dit en passant, prouve la difficulté A  inventer de nouveaux modèles de relations entre les citoyens et les administrations, et relativise encore plus les discours des docteurs - y a qu'A  - qui, du haut de leurs bureaux, savent ce qu'il faut faire. Il y a dans cette carence de réflexion stratégique sur la communication une des plus graves difficultés démocratiques de l'Europe. Le remède ne serait sûrement pas de multiplier les officines de communication, car l'essentiel est d'abord la réalité de l'incommunication structurelle liée A  la multiplicité des langues : 3 800 cadres et 1 500 traducteurs. VoilA  des chiffres qu'il faut connaitre et diffuser pour comprendre la difficulté de cette action européenne. Un chiffre A  répéter dans les écoles.
Le silence sur le bilan du Parlement, ou de la Cour européenne de justice, participe également de cette difficulté A  prendre le citoyen comme partenaire. Ne pas loriser le trail, modeste mais essentiel, de ces deux institutions, n'est-ce pas déjA  reprendre A  son compte le jugement critique sur l'Europe ? La faible représentation que l'Europe donne d'elle-mASme exprime deux phénomènes : la difficulté A  se décaler par rapport au modèle de l'Etat national et la difficulté A  trouver un mode de communication grand public pour toucher les citoyens des différents pays. Par exemple, différencier les modes de communication sur l'Europe selon les pays, leurs traditions, leur propre rapport A  Bruxelles, et éviter de réduire la communication A  un récit nécessairement chaotique et prosaïque du ici et maintenant.
A ce titre, la sous-éluation du trail du Parlement reflète cette incapacité A  sortir des schémas traditionnels. VoilA  une institution unique au monde qui, dans son fonctionnement quotidien, montre l'ambition et la complexité du projet européen. Et l'on s'échine A  réduire les problèmes A  des questions de sièges, de navettes entre les capitales alors que les compromis, au sens le plus noble de la démocratie, entre idéologies, nationalismes, expertises, intérASts privés, montrent concrètement comment la construction de l'Europe n'est pas la fin des identités nationales '. Au contraire. Comme le disent tous ceux qui y traillent, ce lieu est aussi, et ant tout, traversé par les identités nationales, ce qui devrait rassurer ceux qui craignent pour la perte de leur identité.
Le Parlement est sans doute l'institution européenne la plus proche de l'idéologie politique qui sous-tend le projet, celle qui, en grandeur nature, montre le possible et l'impossible d'une communication interculturelle, bref celle qui quotidiennement justifie la folle ambition d'un tel projet, et son extrASme complexité. Au lieu de loriser cette expérience, on la cache.
Parlement, Commission, Cour de justice : voilA  trois institutions relativement originales A  partir desquelles une réflexion théorique et sociologique pourrait AStre menée. Une société n'existe pas sans institutions, et si les institutions ne suffisent pas A  créer une société, on devine leur importance dans le cas d'une situation nouvelle. L'intérASt de la - construction - de l'Europe est de pouvoir suivre en grandeur nature la genèse des institutions nécessaires A  cette nouvelle forme politique.
» La seconde chose A  faire est de relancer un débat théorique sur les notions centrales de nation, identité, souveraineté Dans le chapitre quatre, j'ai montré l'importance qu'il y aurait A  souligner les filiations historiques de ces différents concepts. Ici, il serait utile de recenser les thèmes développés actuellement par la philosophie, la sociologie, l'anthropologie, autour de ces concepts, et voir comment ils s'appliquent, ou non, au cas concret de l'Europe. Sans doute ces différents concepts permettraient-ils une réappropriation des réalités. Une fois de plus la Belgique devrait AStre au cœur d'une réflexion de ce type, Etat-nation très récent (1830), artificiel et faux comme disent certains qui prédisent régulièrement sa disparition. Il serait intéressant de voir les avis et les enjeux de la séparation progressive des communautés flamande et wallonne depuis 1970 et 1980. L'issue est-elle si » naturellement - la disparition prochaine de ce - faux Etat-nation - au profit de deux grandes régions qui rejoindraient l'Europe des régions, pendant que Bruxelles acquerrait son statut de première ville européenne ? Ou bien, au contraire, la Belgique au bord de son éclatement et de sa disparition dans l'Europe politique en construction, ne sera-t-elle pas l'occasion d'un sursaut » nationaliste -, impensable depuis trente ans, et qui conduirait au contraire A  vouloir maintenir cette identité collective, certes fragile et récente mais indispensable, pour aborder, sans crainte d'anomie, la constitution du nouvel espace politique qu'est l'Europe? Un débat sur la solidarité entre la Flandre riche et la Wallonie pauvre relance l'alternative entre une évolution de type tchéquo-sloque ou au contraire plus violente. Reloriser les identités collectives pourrait alors sembler le meilleur moyen de limiter le risque de balkanisation d'une partie de l'Europe de l'Ouest.
La Suisse depuis longtemps est également un pays A  interroger quant A  son unité plurilinguistique. Il est par ailleurs indispensable, mais difficile, de relancer un débat sur la - citoyenneté politique -, au moment où Maastricht parle de - citoyenneté européenne -. Que peut signifier aujourd'hui la citoyenneté politique ? Celle-ci, comme le dit Dominique Schnapper, n'est-elle pas désormais concurrencée par la - citoyenneté économique - ? Les objets de la légitimation politique sont en effet de plus en plus liés aux interventions de protection sociale. Et, depuis l'après-guerre, la cohésion nationale s'acquiert autant par l'adhésion A  des leurs politiques que par le maintien d'une relative cohésion sociale. - Dans la société démocratique où la volonté proprement politique s'exprime moins que les aspirations A  l'égalité dent l'éducation, l'habitat et l'emploi, moins que le besoin de protection sociale, c'est par son action dans l'ordre économique et social que l'Etat national contribue A  intégrer les divers groupes sociaux. C'est dans la mesure où il se donne pour ambition d'améliorer la condition économique et sociale des citoyens qu'il devient légitime. Ses interventions constituent autant de moyens de gérer les relations de concurrence entre les divers groupes et les diverses catégories sociales. ' - C'est en cela que l'Etat-nation n'est pas si dépassé que certains le disent et le souhaitent. Il reste un instrument privilégié de maintien d'une situation de paix civile et sociale, assure l'application de l'idéal démocratique de redistribution et d'égalité, et constitue par ce biais le meilleur initiateur A  la citoyenneté politique. Comme l'écriit Raymond Aron, - la nation a pour principe et pour finalité la participation de tous les gouvernés A  l'Etat. C'est pour participer A  l'Etat que les minorités réclament que leur langue soit reconnue [] Renier la nation moderne, c'est rejeter le transfert A  la politique de la revendication éternelle d'égalité.2 -
Un dernier exemple du débat A  ouvrir sur la citoyenneté concerne l'intégration, qui a longtemps été une des caractéristiques les plus fortes de l'Europe - au point que certains y voient sa principale originalité. On sait combien elle est aujourd'hui en crise, aussi bien pour l'accueil et l'intégration des immigrés des pays proches de l'Europe venus y trailler que pour les populations de l'Europe de l'Est '. Au lieu de voir dans l'Europe le dépassement du nationalisme, perspective difficilement réalisable, A  -vue d'homme-, au moins pourrait-on y voir les conditions d'émergence d'un modèle de société multiculturelle. Ce modèle est d'ailleurs appelé A  avoir des chances de succès dans de nombreux pays du monde où il y a A  la fois revendication des identités et généralisation de la communication. On retrouve ici le problème de fond de l'Europe : organiser la cohabitation. Il ne s'agit pas de choisir entre identité et ouverture, mais de faire les deux. L'Europe combine deux types de problèmes : la gestion des identités internes et la cohabitation externe de sociétés politiques. En sachant que la forme de l'Etat-nation n'est pas la solution i ces deux types de cohabitation. Ce qui oblige A  un trail sans a priori sur les concepts essentiels d'acculturation, d'identité, d'assimilation, de cosmopolitisme, en prenant appui sur l'histoire et l'anthropologie.


» Troisième objectif: réduire l'exclusion.

Le problème de l'accueil de - l'autre -, ou des réfugiés, est probablement la plaie la plus béante de l'Europe actuelle, son plus grand échec, A  l'antipode de ses traditions et de son histoire. Echec d'autant plus visible qu'il a lieu au moment où triomphent, sur les ruines des idéologies, les thèmes des droits de l'homme et de l'action humanitaire.
Comme si l'Europe, en son propre sein, n'arriit pas A  faire vivre les idéaux superbes qu'elle exporte au monde entier. Cette contradiction majeure dit assez que si la réalité sociologique est de plus en plus multiculturelle, les leurs culturelles n'ont pas évolué dans le mASme sens, ni aussi vite. On ne saurait d'ailleurs se débarrasser du problème en parlant de - mentalité en retard sur les faits -, car ce sont les mentalités qui commandent les faits, comme le prouve la guerre de Yougoslavie. Les millions de réfugiés de l'Europe ne sont pas seulement l'envers douloureux des discours humanistes, ils traduisent la crise d'identité de l'Europe elle-mASme. A une époque où la communication des médias montre de manière spectaculaire les formidables ressources de générosité humaine, autant que les plus sordides et archaïques mécanismes de refus de l'autre, il n'est plus possible de se sortir de cette contradiction en mobilisant les catégories raisonnables de la démocratie pluraliste. La communication médiatique montre plus vite le décalage structurel entre ce projet politique démocratique d'ouverture et une réalité sociologique plus hostile A  cette mASme ouverture. C'est en cela que la question de la communication comme reconnaissance de l'importance des échanges entre les points de vue devient constitutive du projet démocratique européen.
Pour combler cet écart entre les hésitations de l'opinion publique et la force du projet européen, il faudrait dessiner des étapes de la discussion et de l'action, montrer concrètement le chemin allant de l'Europe technocratique A  l'Europe démocratique. On a en effet beaucoup plus ménagé les étapes de l'Europe économique que celles de l'Europe politique. Pourquoi moins pour l'Europe démocratique que pour l'Europe économique? Pourquoi les intérASts pèsent-ils plus lourd que les leurs ? Cette fameuse citoyenneté européenne, après laquelle chacun court, comment pourrait-elle émerger sans représentation d'intérASts et de leurs non économiques, mais politiques ? Où y a-i-il la place pour un tel débat?
Je voudrais prendre deux exemples dans des registres classiques de la politique, pour montrer que l'exclusion ne concerne pas seulement le statut des étrangers, ou leur condition d'insertion, mais également les Européens. Le premier A  travers les transports concerne le domaine de plus en plus sensible des rapports entre l'espace et la nature. Malgré la conscience de plus en plus nette d'une problématique écologique, l'infrastructure physique des communications de l'Europe de demain se fait dans les pires conditions technocratiques. On continue d'aménager de manière automatique le découe des territoires, au point de trouver - scandaleuses - les associations qui, par moment, arrivent avec leurs militants A  retarder de quelques heures les impeccables horaires du TGV, des aéroports ou des autoroutes. De ce point de vue, il n'est pas sans signification symbolique que la première grève réellement européenne, en novembre 1992, ait été celle des cheminots, montrant ainsi l'importance des solidarités professionnelles et culturelles, en mASme temps que l'importance de l'infrastructure physique de communication entre la ville et l'espace. Ce symbole est d'autant plus significatif que les cheminots ne font plus partie des - images - de la culture moderne. Ils font partie de l'imagerie de la société industrielle, mASme si tout cela est arbitraire. Et réussir la première grève européenne A  partir d'une catégorie professionnelle qui, a priori, ne symbolise pas la modernité, mais qui par sa fonction relie différentes identités, n'est pas sans signification. Les cheminots, après les paysans; cela devrait faire réfléchir les docteurs en tous genres de l'unité européenne qui n'y voient que - manifestation protestataire de catégories socioprofessionnelles en déclin-.
Le mépris dans lequel sont tenus les peuples d'Europe des conditions d'installation des infrastructures physiques de communication de demain en dit long sur le décalage entre l'appel A  la démocratie européenne lancé par les dirigeants politiques et leurs attitudes A  l'égard des publics. Faire débattre collectivement les différentes infrastructures de communication permettrait de mettre A  jour les - sectiunes mentales de communication - qui existent entre l'Europe du Nord et du Sud, les représentations sur l'éloignement et la proximité Les réseaux physiques font partie de la géographie culturelle de demain, d'autant que leur visibilité s'oppose A  l'invisibilité des autres réseaux de communication que sont les infrastructures de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel. Faire émerger une conscience collective en Europe sur la communication physique est d'autant plus nécessaire que celle-ci, par opposition A  la communication médiatisée qui abolit les échelles de temps et d'espace, met au premier la notion d'espace physique, et avec lui le rôle capital de la géographie humaine. Cette discipline est sans doute A  la fois un symbole et un enjeu du projet européen. MASme si peu d'acteurs le voient ainsi tant la géographie humaine est restée finalement modeste, beaucoup trop modeste en ce siècle d'expansion des sciences sociales. Avec l'Europe cependant, elle saura trouver ses lettres de noblesse.
Le deuxième exemple - d'exclusion - des Européens eux-mASmes concerne la politique de la famille, de la protection maternelle et de l'enfant. Ce serait pourtant un bon domaine pour une réflexion A  caractère européen2. D'abord, on y retrouve le rôle central joué par l'enfant, la mère et la famille dans tout projet de société. On retrouve aussi la tradition des leurs chrétiennes, mASme si aujourd'hui les politiques sont d'inspiration laïque. On trouve enfin dans ce domaine, si complexe et rétif A  la mise sur pied d'une simple politique sociale, la limite du mouvement d'émancipation individuelle si puissant depuis un demi-siècle. Les résultats considérables obtenus, en termes notamment législatifs et culturels, pour l'émancipation des femmes, illustrent aussi la limite d'une société faite d'individualités libres, mais repliées sur leurs solitudes '. Les acquis du mouvement de libération des femmes sont aujourd'hui suffisamment puissants pour qu'il soit possible de revenir sur le problème du couple, de la famille et des enfants sans paraitre défendre un modèle patriarcal. On y verrait enfin, au-delA  des politiques sociales différentes, un minimum de points communs importants A  loriser dans le cadre moins d'une politique de la démographie que dans celui d'une anthropologie de la famille, cellule de base de toute société.
Après un demi-siècle de mouvement social, politique et culturel centré sur l'individu, on voit revenir l'urgence d'une réflexion sur le rôle de la famille dans une société où tous les rôles ont été redéfinis. Et comme une bonne partie de ces mouvements sont partis de l'Europe, trailler A  une autre définition possible de la famille, des rôles et des responsabilités serait bénéfique A  la culture européenne.
Par contre, il serait plus délicat, quoique les deux domaines soient apparemment jumeaux, de mettre sur pied une politique européenne de la santé. D'abord parce que les traditions de politiques publiques sont différentes, et la protection inégale, mais surtout parce qu'au travers de la santé se gère une tradition culturelle des rapports A  la mort qui reste relativement différente d'un pays A  l'autre. La santé, c'est d'abord - sa - santé, avec tous les identifiants nationaux qui s'y rapportent. Non qu'il n'y ait pas de politique commune A  entreprendre - il y en a déjA  beaucoup - en matière de cancérologie, sida, pharmacologie, toxicomanie, mais a priori, l'Europe de la santé n'est pas un thème » naturel - pour un citoyen déjA  bien encombré, la plu-pan du temps, par une politique de la santé - nationale -. Ce serait plutôt pour une deuxième étape. D'une faA§on générale, les mots de santé publique, chômage, instruction, ville ou immigration n'ont pas le mASme sens ni la mASme histoire dans les différents pays. Ils ne donnent pas lieu aux mASmes politiques publiques. Pour susciter l'intérASt progressif des opinions publiques, pourquoi ne pas prendre le temps de démonter, expliquer, comprendre les origines des différentes politiques publiques dans ces domaines? Comprendre ce qui sépare les traditions des uns et des autres est la condition d'un intérASt mutuel. On fait comme si les connaissances réciproques de ces domaines, vitaux pour toute vie politique, étaient suffisantes, alors que chacun ignore tout de la traduction et de l'état d'esprit de son voisin. C'est en faisant apparaitre la singularité des histoires, des problématiques et des institutions que l'on crée les conditions ultérieures d'une communauté.
» Quatrième objectif : relancer l'utopie politique nécessaire pour susciter le désir d'autre chose. Toute la difficulté réside dans la distinction A  maintenir entre -utopie nécessaire- et -utopie dangereuse -. Le critère serait peut-AStre le suint : serait dangereuse une utopie comme on l'a vu, par exemple, avec la révolution de 1792 ou avec le régime communiste, qui veuille faire le rase du passé. Comme serait dangereuse une utopie qui veuille faire - retrouver - A  l'Europe d'aujourd'hui son passé.
Ne pas croire, non plus, que l'on puisse facilement rompre avec le passé, symbolisé ici par la question de l'Etat-nation, l'identité nationale, et croire d'un seul coup possible l'émergence d'autres identités. On ne retrouvera pas plus l'universalisme de la Renaissance que le régime des despotes éclairés et leurs conseillers courtisans, les philosophes du xvin siècle. L'avenir incertain et aride doit AStre rASvé sans illusion de rupture avec l'histoire, mais en cohabitation avec elle. C'est pour cela, par exemple, que des disciplines comme l'histoire, la sociologie, la géographie, la sociologie politique et l'anthropologie peuvent AStre de bons tuteurs. La difficulté est de rester A  mi-chemin, entre l'impossible réplique du passé et l'illusion de la rupture.
Ce rapide tour d'horizon des chantiers A  ouvrir illustre bien l'enjeu de l'Europe démocratique. Il n'est pas de mobiliser les élites, il n'est mASme pas d'inventer des solutions institutionnelles originales, ni de constituer des comités de sages, ni mASme d'intensifier encore plus l'information sur l'Europe. Non, il est de trouver des moyens de mobiliser le citoyen. Ce qui manque, ce sont des raisons d'adhérer, des leurs, en deux mots une idéologie et un imaginaire.



Privacy - Conditions d'utilisation




Copyright © 2011- 2024 : IPeut.com - Tous droits réservés.
Toute reproduction partielle ou complète des documents publiés sur ce site est interdite. Contacter