IPeut - écrits et documents
ManagementMarketingEconomieDroit
ss
Accueil # Contacter IPEUT




economie europeneana icon

ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » economie europeneana

Le faux débat constitutionnel

A lire la presse, on pourrait croire que les camnes référendaires ont permis le grand débat sur l'anir de l'Europe que l'on attendait depuis un certain nombre d'années. Comme A  l'occasion de la ratification du traité de Maastricht, l'opinion publique, au départ un peu indifférente, a fini par se passionner par l'affrontement qui mettait aux prises partisans et adrsaires du traité constitutionnel.
Et pourtant Les clivages étaient moins précis qu'il y a douze ans : le débat n'opposait plus les sourainistes aux partisans de l'intégration ; on trouvait des - pro-européens - déclarés dans le camp du - non - comme dans celui du - oui -. Les arguments utilisés de part et d'autre révélaient un certain malaise. Les tenants du - oui - ont sount mené une camne défensi, soulignant les risques d'une réponse négati ; quant au camp du - non -, il a sount eu recours A  des arguments dont les liens ac le projet de traité n'étaient pas évidents.
Faut-il mettre ce débat tronqué sur le compte de choix tactiques ou d'une mauvaise information sur la portée exacte du projet ' mauvaise information que les citoyens eux-mASmes ont déplorée, comme l'ont montré les enquAStes qui ont suivi les référendums ? Je pencherais pour ma part pour une explication alternati : la qualité du débat, ac ses ambiguïtés et ses incertitudes, tient en large mesure au document qui a été mis aux voix. Non seulement le projet n'apportait pas de réponse claire aux problèmes structurels évoqués dans les chapitres précédents, mais son habillage constitutionnel a suscité de nombreuses réactions hostiles.
La déclaration de Laeken, par laquelle le Conseil européen a convoqué la conntion sur l'anir de l'Europe, soumettait A  cette dernière une (longue) liste de questions et l'invitait A  élir - un document final qui pourrait] comprendre soit différentes options, en précisant le soutien qu'elles ont recueilli, soit des recommandations en cas de consensus -. L'éntualité d'une constitution y était bel et bien envisagée, mais seulement comme une option pour le long terme, dont la conntion était invitée A  étudier les avantages et les inconvénients. On sait ce qu'il en advint : dès la session inaugurale de la conntion, son président, Valéry Giscard d'Estaing, parlait de - traité constitutionnel - A  propos de l'objectif A  atteindre, expression A  laquelle conntionnels et commentateurs devaient par la suite préférer la notion, plus simple, de - constitution -.
Le choix des mots n'est jamais neutre. Dans le cas présent, la référence A  une constitution a encouragé le parallèle ac d'autres - moments constitutionnels -, comme la conntion de Philadelphie, qui donna naissance A  la Constitution américaine. La procédure définie A  Laeken se prAStait A  cette lecture de la réalité : la grande majorité des membres de la conntion appartenaient A  des assemblées parlementaires ' nationales ou européenne ', alors que les révisions des traités avaient auparavant été préparées dans des enceintes diplo-matico-bureaucratiques. Nombre de conntionnels, A  commencer par leur président, ont insisté sur ce parallèle pour mieux souligner ce qui séparait cette assemblée des instances qui l'avaient précédée. Cette rhétorique constitutionnelle suggérait une rupture ac le passé. Or le texte qui sera adopté par la conntion, puis amendé par la conférence intergournementale, se situe plutôt dans une logique de continuité ac la situation actuelle ; il habille de neuf bien des éléments de l'ordre ancien. Ce décalage explique le tour parfois surprenant du débat référendaire. Pour en saisir la portée, passons en revue quelques dispositions-clefs du projet.

1. Une constitution en trompe L'œil

Les premiers mots de la Constitution américaine sont sount cités dans les manuels de droit, car ils énoncent de faA§on concise la portée du texte qui suit :
- Nous, peuple des états-Unis d'Amérique, en vue de former une union plus parfaite, [] nous décrétons et élissons cette Constitution pour les états-Unis d'Amérique. -
En revanche, si l'on a beaucoup parlé des valeurs auxquelles devait faire référence le préambule de la - constitution - européenne, qui connait les premiers mots du texte ? Ils méritent pourtant d'AStre cités :
- Sa Majesté le roi des Belges, le président de la République tchèque, Sa Majesté la reine du Danemark, le président de la République fédérale d'Allemagne, [] après avoir échangé leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, sont connus des dispositions qui suint [] -
Le recours A  ce langage éminemment diplomatique ne laisse er aucun doute quant aux intentions des auteurs du texte : dans leur esprit, c'est bien d'un traité international qu'il s'agit, mASme si celui-ci élit en l'occurrence une constitution pour l'Europe. La dernière partie du traité constitutionnel est d'ailleurs sans équivoque. Elle fait systématiquement référence au statut - du présent traité -. Celui-ci ne pourra entrer en vigueur qu'après avoir été ratifié par l'ensemble des - hautes parties contractantes -, conformément A  leurs règles constitutionnelles respectis1. Fait plus significatif encore : comme tous les traités européens qui l'ont précédé, il ne pourra AStre modifié qu'ac l'accord de chaque Etat-membre. Les dispositions permettant des formes de révision simplifiée pour certains aspects de la partie III, relati aux politiques de l'Union, ne dérogent en rien A  cette règle fondamentale2. Ce rrou met les états A  l'abri de toute évolution incontrôlée. Après avoir longtemps lutté contre cette disposition, le vice-président de la conntion Giuliano Amato se rendra A  l'évidence : - J'attendais une fille [une constitution] ; j'ai eu un garA§on [un traité] -, dira-t-il.
Arguties juridiques, diront certains. Elles n'en mettent pas moins en évidence la portée réelle du texte et la réalité politique du moment présent. Alors qu'une constitution élit la faA§on dont un peuple entend AStre gourné, ici les états ' entendez : les gournements ' restent les maitres : ce sont eux qui, A  la conférence intergournementale, ont décidé du contenu final du projet et ils entendent bien garder le contrôle de son évolution ultérieure. A€ l'inrse, le - We the people - de la Constitution américaine marquait bel et bien, au niau des principes au moins, l'avènement d'un nouau corps politique, le peuple des Etats-Unis, distinct de celui des treize colonies3. Du reste, conformément A  ce qui avait été prévu A  Philadelphie, cette constitution-lA  est entrée en vigueur dès que neuf Etats l'eurent ratifiée. La ratification décisi, celle du New Hampshire, est internue alors mASme que le débat - pour les besoins duquel furent écrits les fameux Federalist Papers ' faisait rage A  New York et en Virginie, Etat qui comptait alors un cinquième des habitants de l'Union. Imaginerait-on aujourd'hui que la - constitution européenne - puisse entrer en vigueur sans l'aval de l'Allemagne ou de la France ?
Certes, par plusieurs aspects, ce traité s'apparente A  une constitution. Au sens matériel, il fixe les conditions d'attribution et d'exercice du pouvoir au niau européen. Au sens formel, il s'agit d'un texte unique, qualifié de constitution par ses signataires, et qui rendique une valeur supérieure A  toute autre règle4. Mais si changement il y a A  ce niau, il n'est que marginal, puisque ces deux aspects existaient déjA  sous des formes différentes dans l'ordre - constitutionnel - antérieur5.
Parler de constitution dans un système jusqu'alors gourné par des traités, c'est suggérer une rupture ac le passé. Or le traité constitutionnel est, lui, marqué par une volonté assez nette de ne pas boulerser l'ordre éli et de préserr les équilibres entre les institutions européennes et entre les Etats. Nombre de nouautés introduites par ledit traité ne sont en fait que l'habillage nouau de réalités anciennes. La structure en - piliers - issue du traité de Maastricht est solennellement abolie, mais la politique étrangère commune n'en garde pas moins son statut particulier, marqué comme on l'a vu par la faiblesse du rôle qui y est dévolu aux institutions supranationales. La décision conjointe par le Parlement et le Conseil est présentée comme la procédure législati, alors que de nombreuses exceptions subsistent. La Charte des droits fondamentaux se voit reconnaitre un statut juridique, mais la plupart de ses dispositions ont pour origine la Conntion européenne des Droits de l'homme de 1950 ou la jurisprudence communautaire. Les dispositions de l'article 2-l0 relatis A  la - liberté de manifester sa religion -, dans lesquelles certains ont cru voir une remise en cause de la laïcité, proviennent ainsi d'un texte ratifié par la France voici plus d'un demi-siècle
Certes, en soi, cette continuité n'a rien d'un vice, comme l'a relevé Olivier Duhamel7. Elle s'inscrit mASme dans le droit fil de l'histoire de la construction européenne, tout entière faite d'ajustements progressifs. Mais pourquoi alors recourir A  cet habillage constitutionnel trompeur ?

2. Une constitution antifédéraliste

En fait, la genèse du traité constitutionnel semble avoir été dominée par la crainte des états de voir se diluer leur influence au sein du système politique européen. La nature de cette crainte variait selon les pays. Les grands états (A  l'exception nole de l'Allemagne) étaient unis par une volonté de contenir l'influence des institutions supranationales, tandis que les moins peuplés s'inquiétaient d'une éntuelle mainmise des - grands - sur les décisions prises au niau européen.
Ces deux types de craintes apparaissent en filigrane dans la structure institutionnelle définie par la constitution. De faA§on quelque peu paradoxale, c'est en faisant référence A  ce qu'il entendait éviter que l'on comprend le plus aisément ce texte. A€ l'évidence, on n'a pas souhaité favoriser l'émergence au niau européen d'un pouvoir fort, qui reposerait directement sur la volonté des citoyens.
Le débat sur le mode de nomination de la Commission l'a bien montré : les gournements ont clairement indiqué qu'ils entendaient garder le contrôle de la désignation du président de l'exécutif, et ils ont eu gain de cause. Les mésantures de la commission Barroso ne doint pas faire illusion : mASme si depuis Maastricht la procédure de désignation de la Commission est marquée par la montée en puissance du Parlement, celui-ci ne dispose en fait que d'un pouvoir d'amendement, dans une procédure qui reste largement déterminée par les choix des états-membres. En agitant la menace d'un refus de la confiance A  la Commission, le Parlement peut obtenir la mise A  l'écart d'un commissaire pressenti (comme l'Italien Rocco Buttiglione) ou un changement de portefeuille (comme celui qui a privé le Hongrois Lazlo Kovacs du dossier de l'énergie) ; il ne peut pas porter atteinte A  des équilibres politiques qui tiennent avant tout A  la composition du Conseil européen.
Si elle entre un jour en vigueur, la constitution ne devrait pas modifier cette situation. Bien que le lien ac les élections européennes ait été explicitement proclamé et le principe d'une élection du président de la Commission par le Parlement accepté, c'est sur proposition du Conseil européen que celui-ci se prononcera. En dépit du phrasé subtil de l'article 27, cette solution a toutes les apparences d'un statu quo, car nombre de parlementaires, dont l'élection dépend des formations politiques nationales, reculeront devant le risque d'un affrontement ac les responsables politiques représentés au sein du Conseil européen8.
Ce dernier apparait comme le bénéficiaire principal des changements introduits par la conntion. Son leadership politique a été réaffirmé ; il a mASme vu son pouvoir d'orientation étendu A  l'ensemble des relations extérieures de l'Union9 - résultat inconcevable il y a quelques années seulement. A€ la demande des grands Etats, on a souhaité améliorer son efficacité par la création d'une présidence permanente, tout en réaffirmant le rôle de la Commission en matière d'initiati politique, de coordination et de contrôle de la mise en œuvre des politiques.
Pour compenser ce qui apparaissait comme une victoire des - grands -, l'égalité entre Etats a été le mot d'ordre en ce qui concerne la réforme de la Commission. Bien que l'on ait accepté le principe d'une réduction de la taille du collège en vue d'en préserr l'efficacité, le principe absurde de - rotation égalitaire - entre Etats arrASté A  Nice a été retenu. Produit de craintes antagonistes, ce compromis boiteux interdira demain aux - grands - de désigner un commissaire dans chaque collège. On pourrait ainsi avoir une Commission où la Lettonie, Chypre et la Slovénie compteraient chacune un commissaire, mais pas la France et l'Angleterre ! Il est douteux que l'autorité du collège en sorte renforcée - d'où l'opposition farouche de la commission Prodi A  cette formule10.
La volonté de préserr les intérASts des Etats est tout aussi nette dans les dispositions relatis A  la politique étrangère. Le projet de constitution institutionnalise une concurrence entre trois pôles pour les relations extérieures : le nouau ministre des Affaires étrangères, chargé de l'élaboration et de l'exécution de la politique étrangère et de sécurité commune, le président du Conseil européen, chargé de -la représentation extérieure de l'Union11- dans les mASmes domaines, et la Commission, qui garde la haute main sur une panoplie d'instruments économiques, comme le commerce international ou l'aide au déloppement, ainsi que le droit de représenter l'Union dans ces domaines12. Si ce curieux ménage devait finir par voir le jour, on peut craindre que son fonctionnement ne soit pas de tout repos.
Du reste, nombre de gournements ont indiquéqu'ils entendaient conserr leur autonomie en matière de politique étrangère ' ce qui a interdit le passage A  la majorité qualifiée pour la plupart des décisions qui seront prises dans ce domaine. Interrogé au cours de la camne sur le fait de savoir si l'entrée en vigueur de la constitution pourrait amener la France A  accepter des décisions auxquelles elle serait opposée, le président de la République s'est voulu rassurant : - Impossible -, a-t-il répondu. Autant dire que ce n'est pas ce texte-lA  qui aurait permis A  la politique étrangère commune d'acquérir le tonus qui lui a fait défaut depuis son lancement.
A tous ces niaux, on le voit, face aux inquiétudes suscitées par les inconnues de l'élargissement, les préoccupations individuelles et de court terme des gournements l'ont emporté sur l'intérASt de tous A  définir un modèle de gournement durable pour la noulle Europe. Pour la plupart d'entre eux, l'essentiel semblait AStre de s'assurer qu'aucune décision dommageable pour leurs intérASts essentiels ne pourrait AStre prise. De lA  l'importance accordée aux mécanismes de défense : - lignes rouges - britanniques, minorité de blocage pour les Polonais et les Esnols, exception culturelle pour les FranA§ais. Dans ces conditions, on pouvait prévoir que les partisans du statu quo finiraient par l'emporter.
Poursuivant le parallèle ac la Constitution américaine, on pourrait dire qu'alors qu'A  Philadelphie les partisans d'un pouvoir central plus fort l'ont emporté, ici ce sont les - antifédéralistes -, défenseurs des droits des états, qui l'ont emporté13. En termes contemporains, on dirait comme Robert Badinter que le projet de traité est clairement d'inspiration britannique14 ' non seulement parce que les représentants de Sa Gracieuse Majesté ont négocié ac beaucoup d'adresse et d'obstination, mais aussi parce que le compromis final est plus proche des positions traditionnelles du Royaume-Uni que du modèle d'une Europe intégrée.
Cela ne signifie nullement que ce projet ne comporte aucun élément de nature A  consolider les institutions - centrales -. L'extension des pouvoirs législatifs du Parlement est considérable ; les avancées en matière de décision A  la majorité qualifiée indéniables. A€ défaut d'AStre plus lisible que celle de Nice, la formule mixte retenue pour le vote au sein du Conseil (55 % des Etats, comprenant au moins quinze d'entre eux, et réunissant 65 % de la population) a le mérite d'y rendre plus aisée la formation de coalitions15. La création d'un président du Conseil européen et la mise en place d'un conseil - affaires générales - pourraient contribuer A  améliorer le fonctionnement de la machine intergournementale. Et peut-AStre mASme le ministre des Affaires étrangères pourrait-t-il A  terme conférer une meilleure assise A  l'action internationale de l'Union, s'il sait tirer parti de ses noulles prérogatis. Sans AStre négligeable, tout cela ne représente pas un saut qualitatif exceptionnel. Par ces réformes, le projet de traité constitutionnel s'inscrit dans la ligne de changement graduel tracée par les traités de Maastricht, d'Amsterdam et mASme par celui de Nice, dont on a dit tant de mal. Tous ces accords avaient eux aussi inscrit A  leur actif des avancées dans les mASmes domaines16.
Cette continuité est aisée A  comprendre : on savait dès le départ que les débats au sein de la conntion seraient suivis d'une conférence intergoumementale des plus classiques. Les conntionnels ne pouvaient donc pas ignorer les préférences des gournements nationaux sans courir le risque de se voir censurer, comme le rappelaient régulièrement les plus réalistes d'entre eux17. La suite des événements devait montrer que cette prudence était loin d'AStre superflue. La première phase de la CIG (conférence intergournementale) va en effet buter sur deux points sur lesquels la conntion avait choisi d'ignorer les objections persistantes de plusieurs gournements - le vote A  la majorité qualifiée et la composition de la Commission ', avant que la victoire de José Luis Zapatero en Esne ne rende possible un compromis. En somme, le rrou mis en place A  Laeken a fonctionné : parce que les gournements sont largement restés maitres du jeu, les éléments de continuité l'ont emporté sur les facteurs de changement.


3. UNE RéFORME SANS PROJET


Si l'analyse qui précède est correcte, et si le projet de traité était beaucoup moins révolutionnaire que sa dénomination ne pouvait le laisser croire, comment comprendre alors les craintes qu'il a suscitées dans certaines catégories de la population, et les difficultés qu'ont éprouvées les partisans de la constitution A  en présenter les avantages concrets ? C'est ici que doit entrer en ligne de compte l'analyse des ambitions constitutionnelles du traité et de la faA§on dont il a été présenté.
Bien que la conntion ait été conA§ue comme une faA§on de rompre ac les erreurs du passé, elle est A  bien des égards la fille de ce traité de Nice qu'elle était appelée A  réformer. Comme celui-ci, elle s'est concentrée pour l'essentiel sur les questions de réformes institutionnelles. Et ce pour deux raisons : d'une part, il était clair que les institutions de l'Union devaient AStre adaptées A  la perspecti d'un élargissement désormais imminent ; d'autre part, depuis le traité de Maastricht, une idée reA§ue ut que la méthode fonctionnelle chère aux Monnet et aux Schuman, ac ses - petits pas - et ses - solidarités de fait -, ait désormais fait son temps. Reprise ac éclat par le ministre allemand des Affaires étrangères Joschka Fischer dans le discours remarqué qu'il prononA§a A  l'unirsité Hum-boldt de Berlin en mai 2000, cette idée va dominer les travaux de réforme des dernières années.
Or, pour les Européens, les questions institutionnelles sont secondaires. A€ la différence de la plupart des Etats qui la composent, l'Europe, ac ses vingt-cinq membres et sa vingtaine de langues officielles, ne peut pas s'attendre A  faire l'objet de l'adhésion émotionnelle qui déri du sentiment d'appartenance A  une communauté fondée sur des liens ethniques ou linguistiques. On ne doit pas non plus surestimer le pouvoir de légitimation des institutions. A€ l'exception peut-AStre d'un pays comme les Etats-Unis, où la croyance en la supériorité des institutions nationales semble largement répandue, l'adhésion populaire A  une forme particulière d'architecture institutionnelle reste un phénomène rare. Le changement institutionnel peut donc difficilement constituer une source de légitimité. Suffirait-il que l'Union européenne adopte le modèle britannique de gournement pour que l'euroscepticisme disparaisse ? Cela parait peu probable.
En définiti, la légitimité de l'Europe semble largement tributaire de sa capacité A  démontrer son utilité au quotidien. Ceci nous ramène au fonctionnalisme. Bien que cette méthode soit associée A  l'idée d'arrangements entre les élites, elle a l'immense avantage de fournir des réponses simples A  la question : A  quoi sert l'Europe ? La Communauté du charbon et de l'acier servait la cause de la paix et de la liberté ; le Marché commun avait pour but de renforcer la prospérité économique de l'Europe occidentale, tout comme le Marché unique des années 1980. L'identification d'objectifs précis permettait aux citoyens de donner du sens A  la construction européenne, tout en fournissant des paramètres simples pour en apprécier l'efficacité. En d'autres termes, c'est surtout sur la base des politiques qu'elle poursuit et des résultats qu'elle atteint que l'Union européenne est jugée.
Sans doute le mASme constat pourrait-il AStre fait A  propos des Etats, au sein desquels le désenchantement A  l'égard de la chose publique s'est singulièrement accru au cours des dernières années. Mais le phénomène est plus marqué encore au niau européen, en raison de la faiblesse des autres formes de légitimation. Parce qu'A  la différence des Etats-nations elle ne peut pas créer de - communauté imaginée -, l'Europe n'a pas le choix : elle a besoin de projets pour donner un sens A  son existence, et sa légitimité est tributaire de sa capacité A  atteindre des résultats positifs18.
Cela ne signifie pas que les réformes institutionnelles soient dépourvues de pertinence, car l'efficacité des politiques est naturellement déterminée par des contraintes d'ordre institutionnel. A l'évidence, ne fût-ce que parce qu'il alourdit la prise de décision au niau européen, l'élargissement risque d'amoindrir l'efficacité de l'Union. Néanmoins, ces problèmes d'ingénierie institutionnelle ne sont pas mobilisateurs. Un sondage effectué A  la demande de la Commission durant la conntion l'a bien montré : seul un tiers des personnes interrogées déclarait attacher une grande importance aux questions institutionnelles, la priorité étant donnée A  des questions comme le chômage, l'exclusion et la pauvreté (79 %), la démocratie et le respect des Droits de l'homme (74 %), la protection de l'environnement (71 %), la sécurité (65 %), la sécurité alimentaire (60 %)19. Le message est clair : pour la population européenne, les considérations d'ordre institutionnel sont secondaires ; ce ne sont que des moyens qui doint AStre mis au service de fins d'une autre nature.
Le fait que les institutions ne soient pas en elles-mASme porteuses de légitimité est d'ailleurs un élément positif pour l'Union européenne, qui réunit des pays de cultures politiques très différentes et où l'on ne peut donc pas se contenter de reproduire on ne sait quel modèle national. Il n'en a pas moins posé un réel problème aux partisans de la constitution. Comment - ndre - A  l'opinion un texte dont les ambitions premières sont de nature institutionnelle ? Nombre de traités antérieurs, on l'a dit, avaient pour objet la réalisation de grands projets aisés A  expliquer : le Marché unique pour l'Acte unique européen, la monnaie unique pour Maastricht. Mais quelles sont les grandes ambitions auxquelles la constitution était censée répondre ? L'élargissement, qui en constituait le point de départ, a été traité comme un problème technique - il fallait s'assurer que les nouaux membres intégraient bien P- acquis communautaire - ', alors qu'il soulevait une question politique majeure, celle des ambitions de l'Union élargie. Faute d'avoir été expliqué, il est aujourd'hui source de craintes diffuses, que l'on a retrouvé A  foison dans l'argumentaire des partisans du - non - (délocalisations, dumping fiscal, nillement par le bas de la protection sociale).
Bien plus que la technicité du traité, c'est l'absence de projets en phase ac les attentes des Européens qui en a rendu difficile l'explication et la défense devant l'opinion. Cette absence n'est pas accidentelle. Les débats au sein de la conntion ont mis en lumière qu'il n'existait pas A  l'heure actuelle de consensus sur ce que pourraient AStre les ambitions de l'Union élargie. Ni l'idée de faire de l'Europe un acteur international autonome, ni celle d'un espace de solidarité entre les personnes et entre les peuples, ni celle ' diamétralement opposée A  la précédente ' d'une zone au sein de laquelle on se limiterait A  réglementer la concurrence entre les Etats, ne recueillent l'adhésion de l'ensemble des pays membres. C'est dire combien les espoirs de renégociation, dont on a fait grand cas tout au long de la camne référendaire, risquent d'AStre déA§us.

4. Les inconvénients d'une démarche constitutionnelle

A€ ces obstacles déjA  considérables s'ajoutent encore les difficultés liées A  l'approche - constitutionnelle - choisie par les auteurs du traité.
Celui-ci nous a été présenté comme une rupture ac le passé ou tout au moins comme un nouau point de départ. Il - élit l'Union européenne20 -, comme si elle n'existait pas depuis le traité de Maastricht. L'Union se voit dotée de ses propres symboles. Le rituel qui a marqué sa naissance a voulu en souligner la nouauté : hymne officiel européen dans l'enceinte de la conntion et signature du texte par tous ses membres en juin 2003 ; signature en grande pompe du compromis final par les chefs d'Etat et de gournement A  Rome, berceau de la défunte Communauté économique européenne, le 29 octobre 2004, le tout assorti de nombreuses déclarations destinées A  souligner la portée - historique - du moment. Peu importe que cette analyse soit contredite par le contenu du texte, puisque rares sont ceux qui se sont infligé la lecture de ses 448 articles. Dans un monde où la politique est dominée par l'image et par les - petites phrases -, il était aisé de prévoir que l'impression de nouauté allait s'imposer, rendant notamment incontournable le cap du référendum dans de nombreux pays. En revanche, on n'a pas vu que cette démarche allait compliquer la tache de ceux qui auraient A  défendre le projet.
C'est en effet sur le caractère - constitutionnel - de celui-ci que se sont concentrées les critiques des tenants du - non - : les règles inscrites dans la constitution, ont-ils souligné, grant dans le marbre des choix politiques. Choix libéraux ac l'indépendance de la banque centrale, l'objectif de silité des prix, la - constitutionnalisation - du pacte de silité, le principe d'une - concurrence libre et non faussée - ; choix atlantiste en raison de la référence A  la nécessité d'une coopération ac l'OTAN.
Aucun de ces arguments ne résiste A  une analyse un tant soit peu attenti. S'il ne marquait pas de percée en matière sociale, le projet n'en engrangeait pas moins quelques avancées : inscription du plein-emploi et du progrès social dans la liste des objectifs de l'Union, octroi A  cette dernière d'une compétence législati en matière de services d'intérASt général, élissement d'un lien entre politique économique et politique de l'emploi, etc. Cela ne faisait pas de l'Union un acteur de premier dans ces domaines, mais une volonté d'avancer était affichée. Les principes libéraux énoncés par la constitution remontent en fait aux traités de Rome et de Maastricht, et l'on oublie trop sount que l'Europe, qui est A  l'origine de nombreuses réformes économiques, est aussi une instance de régulation du marché : dans des domaines comme l'environnement ou la protection des consommateurs, elle est généralement plus exigeante que la plupart des Etats-membres. Quant A  la référence A  la nécessité d'une compatibilité entre une éntuelle défense européenne et l'OTAN, elle date, elle, du traité d'Amsterdam.
Que l'on partage ou non ces choix, il est difficile d'en attribuer la paternité aux auteurs du projet de constitution. Mieux encore : celui-ci n'étant pas ratifié, ils n'en continuent pas moins A  peser sur le destin de l'Europe, puisqu'ils urent dans les traités actuellement en vigueur. Ajoutons enfin que les choix en question ne sont pas moins immuables dans le traité de Nice que dans le traité constitutionnel : dans un cas comme dans l'autre, l'unanimité est requise pour toute modification.
Comment expliquer alors que ces éléments aient occupé telle place dans l'argumentaire des partisans du - non - ? Cela tient pour partie au moins A  la présentation du texte de la constitution.
Héritage de l'approche fonctionnaliste, les traités antérieurs contenaient un grand nombre de règles relatis aux projets qui ont jalonné l'histoire de l'Europe : liberté de circulation, politique agricole, monnaie unique, etc. D'aucuns avaient proposé que cet acquis soit repris dans un protocole séparé, afin de préserr la simplicité du texte constitutionnel. Mais craignant que cela ne prélude A  la mise en place d'une procédure de révision simplifiée, qui pourrait menacer leurs intérASts fondamentaux dans un domaine sensible (politique agricole ou - exception culturelle - pour la France, politiques fiscale et sociale pour la Grande-Bretagne, immigration pour l'Allemagne), les gournements s'y sont opposés. Il a été nécessaire de couler dans un moule unique les différents textes qui régissaient jusqu'alors la vie de l'Union. On a ainsi repris dans la partie III du projet de traité les éléments relatifs aux politiques de l'Union.
Cette opération avait l'inconvénient de faire apparaitre comme neus des dispositions anciennes, parfois mASme très anciennes. Du coup, les débats de ratification, loin de se limiter aux nouautés introduites par la conntion et la conférence intergournementale, ont en réalité court l'ensemble de l'acquis communautaire. La difficulté avait d'ailleurs bien été perA§ue par la conntion, qui avait exclu de la constitution les dispositions relatis A  l'Euratom, de faA§on A  ne pas demander aux écologistes d'avaliser la politique nucléaire en acceptant le projet de constitution. La suite était prévisible : étant donné le peu d'intérASt des électeurs pour les questions institutionnelles, c'est sur la troisième partie qu'a porté l'essentiel du débat - d'autant que les politiques en question avaient rarement été soumises au jugement des électeurs. Les tenants du - oui - ont alors tenté d'expliquer que le traité ne changeait pas grand-chose aux politiques communautaires, mais comme leur argumentaire de base tendait A  exalter la nouauté du texte, leur volte-face n'a pas vraiment convaincu.
En somme, le débat référendaire a été en large mesure le produit de l'ambition - constitutionnelle - du projet. Pour avoir un texte unique, il a fallu - constitutionnaliser - les dispositions relatis aux politiques. La difficulté aurait pu AStre évitée si l'on s'était contenté de reprendre dans une partie du traité les dispositions qui avaient fait l'objet de modifications. Certes, le résultat final eût été moins élégant aux yeux des spécialistes des questions institutionnelles, sount épris d'ordre et de logique. Mais l'opinion publique, qu'intéressent fort peu ces mASmes questions, n'aurait pas eu cette impression fallacieuse de nouauté.

5. Conclusion

La plupart des objections qu'a suscitées le projet de traité constitutionnel portaient moins sur les réformes institutionnelles qu'il introduisait que sur ses ambitions constitutionnelles.
Sans AStre négligeables, les premières étaient plus modestes que ne le laissaient croire le texte et la faA§on dont il a été présenté. Elles s'inscrivaient dans une longue lignée de réformes graduelles des traités.
Il serait injuste de reprocher cette continuité A  ceux qui ont participé A  la rédaction du texte. Dans nos sociétés complexes, les réformes sont généralement progressis, sauf en cas de crise majeure. 11 en va de mASme, A  plus forte raison, dans un ensemble hétérogène comme l'Union européenne. On ne peut pas plus reprocher A  la conntion européenne l'absence d'un grand projet unificateur, car elle a consacré de longs débats, en séance plénière et dans ses groupes de travail, A  la recherche d'une lecture commune des attentes des Européens. Ces débats ont montré qu'il n'existe pas A  l'heure actuelle de grand projet qui permettrait de structurer l'Europe des vingt-cinq. Dans ces conditions, la raison recommandait de procéder A  des ajustements lA  où cela était possible, et de laisser la porte ourte A  tous ceux qui voudraient expérimenter entre eux des formes plus étroites d'intégration.
Recouvrir le compromis final d'un rnis constitutionnel n'en a pas altéré la nature ' intergournementale par ses origines et par son esprit. Cela a pu donner A  certains l'impression trompeuse d'un changement radical. Mais la constitutionnalisation des politiques a ourt une boite de Pandore. DéjA  A  l'occasion du référendum sur Maastricht, on avait pu noter que bien des craintes qui étaient exprimées avaient trait A  des choix antérieurs, comme le Marché unique. Le phénomène s'est reproduit ac le traité constitutionnel. Il est d'ailleurs compréhensible : frustrés par une Europe qu'ils ne comprennent pas et qui leur parait insensible A  leurs préoccupations, nombreux sont ceux qui ont saisi l'occasion qui leur était donnée de faire entendre leur voix pour remettre en cause des choix sur lesquels ils n'avaient pas été consultés, comme l'élargissement. Cela était d'autant plus aisé que le traité constitutionnel n'ouvrait aucune perspecti noulle quant A  l'évolution ultérieure du projet européen.
L'habillage constitutionnel de la réforme apparait ainsi comme un choix coûteux, alors que ses bénéfices étaient pour le moins incertains. Ceci explique le débat tronqué auquel nous avons assisté : d'un côté, des opposants qui - découvraient - des politiques qui n'avaient rien de neuf ; de l'autre des partisans du - oui - réduits, faute de mieux, A  faire valoir qu'un rejet de la constitution aurait des conséquences désastreuses. Les observateurs peunt se consoler en tirant de ce débat des enseignements quant A  la nature du lien social entre les Européens, qui parait encore bien ténu pour qu'une constitution digne de ce nom soit acceptée. Mais ceux qui croient au projet européen sont en droit de s'interroger sur une stratégie qui a suscité plus d'antagonismes que de soutiens.



Privacy - Conditions d'utilisation




Copyright © 2011- 2024 : IPeut.com - Tous droits réservés.
Toute reproduction partielle ou complète des documents publiés sur ce site est interdite. Contacter