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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Un échec qui vient de loin : l'europe et l'idée constitutionnelle



Contrairement A  ce qui s'est produit pour d'autres systèmes politiques composites1, la naissance de l'Union européenne n'est pas le fruit d'une révolution dramatique et soudaine, pas plus qu'elle ne repose sur une doctrine préélie. La longue période qui s'ouvre au lendemain de la Seconde Guerre mondiale apparait marquée par une succession incertaine d'avancées et d'échecs. Avocats du - grand soir - fédéral, tenants d'une approche plus graduelle et partisans d'une Europe intergournementale se sont régulièrement affrontés. Compromis après compromis, cette évolution a débouché sur une forme de gournance internationale sans précédent. Dans ce processus, l'idée de constitution n'est pas neu ; elle apparait dès les premières étapes. Au politique, elle n'a rencontré que des succès éphémères. De faA§on inattendue, c'est de la filière judiciaire que sont nues les innovations les plus remarquables, auxquelles nous devons la forme originale de - constitutionnalisme sans constitution - qui caractérise le projet européen dans son état actuel.



1. Les rers de ltdée constitutionnelle

Dès le départ, l'idée d'une voie constitutionnelle rs l'unité a occupé une place centrale dans les débats sur l'intégration européenne. Au congrès qui s'est tenu A  La Haye en mai 1948 A  l'initiati des mouments européens, de nombreuses voix se sont élevées pour défendre l'idée qu'une assemblée constituante devait AStre convoquée pour définir les règles de base de la coopération entre les états européens. Le modèle américain était une source d'inspiration constante pour ces moument fédéralistes, qui demandaient ac insistance que l'Europe ait sa propre - conntion de Philadelphie -. Dans les mois qui suivirent cependant, l'opposition entre les gournements qui soutenaient cette vision fédérale et ceux qui envisageaient l'anir de l'Europe selon les canons plus traditionnels de la coopération intergournementale devait montrer que le fruit n'était pas mûr. Dix gournements s'entendirent finalement pour signer le traité élissant le conseil de l'Europe en mai 1949. Mais les bases du consensus qui permit le lancement de ce que l'on appelait alors - la grande Europe - était tellement étroites que celle-ci paraissait condamnée A  la stagnation.
La déclaration Schuman du 9 mai 1950, par laquelle la France a lancé l'idée d'un - pool charbon acier -, a marqué un changement de stratégie. - L'Europe, y lisait-on, ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes marquant d'abord une solidarité de fait. - Sur cette lancée, les Etats les plus intéressés par la construction européenne s'engagèrent dans une démarche fonctionnaliste : en multipliant les projets de coopération, ils entendaient avancer pas A  pas rs une construction politique ambitieuse. Pour eux, fédéralisme et fonctionnalisme ne s'opposaient que sur le de la tactique ; leurs objectifs A  long terme étaient semblables.
Dans les mois qui suivirent la signature du traité de Paris, la dynamique de l'intégration sembla effectiment s'accélérer. Dans un contexte international marqué par l'intensification de la guerre froide, les six Etats-membres de la CECA envisagèrent (A  nouau A  l'initiati de la France) d'étendre leur coopération au domaine militaire. On négocia pour ce faire un traité qui devait élir une - Communauté européenne de défense - (CED). Comme l'armée européenne envisagée dans ce projet devait bien AStre soumise A  une forme d'autorité politique, les gournements des Six convoquèrent une - assemblée constitutionnelle - (en fait une formation élargie de l'Assemblée de la CECA, prudemment baptisée - assemblée ad hoc - dans les textes officiels) pour définir le cadre institutionnel unique dans lequel devaient s'inscrire les différentes formes de coopération entre les Etats européens. En mars 1953, l'Assemblée adopta un projet de constitution pour une - Communauté politique européenne - clairement inspirée par des principes fédéralistes2. Mais cette phase constitutionnelle fut de courte durée : un an plus tard, la CED était rejetée par l'Assemblée nationale franA§aise après un débat public d'une rare intensité, et la Communauté politique sombrait ac elle.
L'échec de la CED conduisit A  un regain d'intérASt pour l'approche fonctionnaliste. La - relance - opérée par la conférence de Messine en 1955 déboucha sur la création du Marché commun et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) par les traités de Rome (1957). Pendant 25 ans, les (nombreuses) adaptations qui suivirent s'effectuèrent dans ce cadre ou en marge des traités. La voie constitutionnelle semblait bel et bien fermée. Bien que le - Projet de traité élissant l'Union européenne -, adopté en 1984 par le premier Parlement européen élu A  l'initiati d'un infatigable militant fédéraliste, Altiero Spinelli, s'inspirat de modèles fédéraux, il évitait prudemment toute référence explicite A  une constitution. Cela n'empAScha pas son échec. Les quatre grandes réformes institutionnelles qui suivirent, jusqu'au traité de Nice (2001), se présentaient toutes comme des modifications aux traités existants. Les principales d'entre elles, l'Acte unique européen (1986) et le traité de Maastricht (1992), s'inscrivaient dans une matrice fonctionnaliste. La premier se présentait comme le corollaire institutionnel du projet de - Marché unique - lancé par la commission Delors. Quant au second, il est passé A  l'histoire (non sans mal !) comme le texte qui donna naissance A  la monnaie unique.
Le parcours chaotique de la construction européenne apparait ainsi sous-tendu par deux idées-forces. L'idéal fédéraliste y a de tout temps servi de référence, et d'objectif pour certains. Mais c'est A  l'approche fonctionnaliste que l'on doit les principales avancées. L'histoire de l'Europe peut ainsi se lire comme une succession de grands projets, du pool charbon-acier A  la monnaie unique, en passant par le Marché commun ou le Marché unique de la commission Delors. Et l'histoire de la voie constitutionnelle est tout aussi linéaire. Toutes les tentatis pour donner une base constitutionnelle se sont soldées par un échec. Vu de la sorte, le rejet du projet de traité élissant une constitution pour l'Europe s'inscrit dans une remarquable continuité historique. J'aurai l'occasion de renir plus avant sur les causes de cette tendance lourde. A€ ce stade, contentons-nous de reler que cette prééminence de la voie fonctionnaliste tient en une large mesure au rôle des gournements dans la procédure de réforme des traités. Dès lors que ceux-ci doint donner leur accord unanime A  toute modification, tout transfert de pouvoir au niau européen devra faire l'objet d'une négociation entre les pays membres. Et dans une union d'Etats aux traditions dirses, dont les intérASts immédiats ne conrgent pas toujours, il sera plus facile de s'entendre sur des projets aux contours relatiment concrets, dont les bénéfices peunt AStre évalués de manière plus ou moins précise, que sur une vision abstraite du juste et du bien.

2. UN CONSTITUTIONNALISME SANS CONSTITUTION

Si l'option constitutionnelle classique, par laquelle les représentants d'une société déterminent la faA§on dont ils entendent AStre gournés, s'est jusqu'A  présent révélée hors de portée, la construction institutionnelle de l'Europe, A  laquelle on a assisté au cours des cinquante dernières années, n'en a pas moins comporté plusieurs facettes qui s'y apparentent de faA§on indirecte.
Pour les pionniers de la cause européenne, au lendemain des deux conflits mondiaux qui avaient saigné A  blanc l'Europe, ac leur cortège de ruines et de barbarie, il était clair qu'il fallait dépasser le système hérité de la paix de Westphalie, construit sur le principe d'une souraineté illimitée des états, et dans lequel les rapports interétatiques étaient avant tout des rapports de force. L'idée d'un noul ordre européen, dans lequel les - monstres froids - que constituent les Etats seraient soumis A  un ensemble de principes régulateurs, apparaissait comme la seule alternati A  l'- état de nature - dans lequel les appareils étatiques avaient coexisté jusqu'alors.


Il était naturel que cet effort de réorganisation porte en premier lieu sur les Droits de l'homme, avant que Jean Monnet et Robert Schuman ne découvrent, ac l'idée de - solidarités de fait -, le moyen d'enclencher une logique rtueuse de collaboration. La nécessité de garde-fous contre les atrocités qui avaient marqué la Seconde Guerre mondiale faisait l'objet d'un vaste consensus. Le préambule de la Conntion européenne des Droits de l'homme, signée A  Rome le 4 nombre 1950, évoque - un patrimoine commun d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit -. Sous un discours fortement teinté de références au droit naturel, on voit clairement poindre la volonté politique de soumettre l'action des états au contrôle de ce que l'on n'appelait pas encore la communauté internationale. C'est précisément parce que ce - patrimoine commun - n'avait pas empASché les atrocités que l'on sait, que l'on a ressenti la nécessité de conférer A  ces principes supérieurs la force de règles de droit, auxquelles nul gournement ne devait pouvoir se soustraire. Dans cette optique, le caractère contraignant de la conntion était essentiel. Il fallait dépasser le cap des principes purement déclara-toires, auquel s'était arrAStée la Déclaration unirselle des Droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en décembre 1948, et enchainer l'état dans un réseau d'engagements internationaux qui pourraient AStre invoqués A  l'appui de sanctions contre les gournements, si ceux-ci portaient atteinte A  la démocratie et aux droits fondamentaux3.
L'internationalisation de la protection des droits fondamentaux assumait ainsi la mASme fonction que leur reconnaissance au niau constitutionnel : dans un cas comme dans l'autre, des principes essentiels étaient érigés en règle supérieure, de faA§on A  les protéger contre les errements de majorités occasionnelles. La - constitutionnalisation internationale - ne fait que prolonger le constitutionnalisme que nous connaissons au niau national. Certes, on ne vise plus seulement ici les rapports entre les gournements et ceux qui sont soumis A  leur autorité, mais aussi les rapports entre Etats. Dans un cas comme dans l'autre, cependant, l'objectif est le mASme : combattre l'absolutisme et l'arbitraire en soumettant les actes des gournants A  l'emprise du droit.
Si l'ambition - constitutionnalisante - de la Conntion européenne des Droits de l'homme est manifeste, il n'en va pas de mASme des traités communautaires. Comme on l'a vu, ceux-ci mettent en place une architecture institutionnelle révolutionnaire, centrée sur l'idée de transferts de souraineté A  des organes supranationaux. Toutefois ' fonctionnalisme oblige ', dans leur mouture originale, les traités apparaissaient au premier abord comme un catalogue de dispositions A  caractère essentiellement technique. Cela n'a pas empASché une école de pensée allemande ' Yordolibéralisme ' d'y voir une reconnaissance de l'économie de marché, érigée au rang de principe métajuridique appelé A  structurer nombre d'interprétations du traité et de la jurisprudence communautaire ' et donc indirectement le comportement des états-membres. Bien que cette vision de la - constitution économique - communautaire n'ait jamais fait l'unanimité4, elle est symptomatique d'une volonté de lecture constitutionnelle de l'intégration européenne, dont on a évidemment trouvé bien des échos dans la récente camne référendaire.
La cour de Justice de Luxembourg a toutefois puissamment œuvré dans le sens d'une - constitu-tionnalisation - des traités. Sans insister ici sur une évolution qui fait l'objet de commentaires approfondis dans tous les manuels juridiques, il peut AStre utile de rappeler ici quelques éléments-clefs de ce processus. Tout d'abord, dès 1962, la Cour a donné une interprétation extrASmement large des interdictions de discrimination contenues dans le traité CEE, dans lesquelles elle a vu une source de droits que les plaignants pouvaient invoquer devant les juridictions nationales, mASme lorsque le libellé de ces dispositions laissait clairement entendre qu'elles s'adressaient principalement aux états-membres5. érigeant le traité en un catalogue de droits individuels, elle a du mASme coup ourt aux particuliers les portes d'un arsenal argumentaire dont ils ont pu faire usage chaque fois que les autorités nationales leur paraissaient violer leurs droits. Ensuite, passant outre au silence des traités sur la question, la Cour allait très rapidement affirmer qu'en cas de conflit ac des dispositions nationales - fussent-elles de droit constitutionnel - la règle communautaire devait toujours prévaloir6. Enfin, répondant aux inquiétudes exprimées par certaines juridictions nationales, qui craignaient que la primauté du droit communautaire ne débouche sur une remise en cause des dispositions constitutionnelles relatis A  la protection des droits fondamentaux, la Cour a progressiment admis qu'elle devait contrôler la conformité des décisions communautaires, puis des décisions nationales qui s'y rapportent, ac - les droits fondamentaux reconnus et garantis par les constitutions [nationales] - ainsi qu'ac les - instruments internationaux concernant la protection des Droits de l'homme auxquels les Etats-membres ont coopéré ou adhéré - ' langage quelque peu sibyllin, mais qui visait clairement la Conntion européenne des Droits de l'homme7.
Décision après décision, les juges communautaires ont ainsi jeté les bases d'un édifice normatif qui s'imposait aux Etats-membres. Pour ce faire, ils ont adopté des méthodes d'interprétation beaucoup plus proches de celles des cours constitutionnelles que de celles des juridictions internationales. Loin de s'en tenir A  l'intention réelle ou supposée des parties contractantes ' point de référence obligé dans l'interprétation des accords internationaux -, ils se sont abondamment inspirés des objectifs ultimes de l'intégration, énoncés de faA§on générale dans le préambule du traité de Rome.


Si l'on a pu parler A  ce propos de - constitutionnalisation - des traités, c'est parce qu'il apparaissait clairement que, en proclamant la supériorité du droit communautaire sur les normes nationales, ce processus tendait A  un transfert de souraineté implicite, jetant ainsi les bases du conflit qui allait agiter l'Europe au moment de la ratification du traité de Maastricht, puis lors des débats relatifs au projet de traité constitutionnel. Les juridictions nationales ne s'y sont pas trompées, et c'est sount du bout des lèvres qu'elles ont accepté le principe de primauté du droit communautaire. La réticence était particulièrement prononcée parmi les cours constitutionnelles. Sount, tout en admettant le principe et ses effets ' la nécessité d'ésectiuner une norme nationale qui contrevient au droit communautaire -, celles-ci ont en effet fondé leur décision sur le fait que ceci correspond A  une volonté des Etats-membres, qui ont accepté de confier A  l'Europe la gestion de certaines taches, alors que la cour de Justice a toujours vu dans le caractère spécifique de l'intégration la source de la primauté. La différence peut paraitre ténue mais elle a son importance. Si l'on accepte la thèse des cours constitutionnelles, il faut aussi accepter que les Etats pourraient reprendre ce qu'ils ont donné Cette idée d'une primauté réclamée par l'Union européenne, et librement consentie par les systèmes juridiques nationaux, confère au système institutionnel européen une autorité particulière, plus prononcée que celle du droit international classique, mais moins sle que celle qui dérirait d'une constitution étatique9. Sur ce point, le projet de traité constitutionnel, en proclamant officiellement la règle de primauté du droit communautaire10, allait clairement au-delA  de la simple codification qu'il prétendait réaliser, puisqu'il rendait expressément obligatoire ce qui était auparavant librement accepté.


3. CONSTITUTIONNALISATION ET JUDICIARISATION


Proclamer un ensemble de règles - constitutionnelles - ne pouvait suffire; encore fallait-il en assurer l'application effecti. La soumission des états au droit avait pour corollaire la création de juridictions internationales, chargées de iller A  la mise en œuvre des principes supérieurs définis dans les textes de base. La nouauté du procédé était d'autant plus remarquable que les Etats s'étaient longtemps montrés hostiles A  toute forme de - judi-ciarisation - des relations internationales, dans la mesure où celle-ci pouvait porter atteinte A  leur autonomie. Le nt de constitutionnalisme qui a soufflé dans l'Europe de l'après-guerre s'est toutefois traduit par la recherche de contre-pouvoirs susceptibles de s'opposer au totalitarisme. La faiblesse dont avaient fait preu les régimes parlementaires européens devant la montée du nazisme et du fascisme interdisant aux parlements de se poser en garants des libertés fondamentales, il était naturel de se tourner rs des organes spécialisés. A€ ce niau aussi, la logique était semblable A  celle qui a présidé A  la création de juridictions constitutionnelles au niau national : dans un cas comme dans l'autre, le recours A  une juridiction spécialisée apparaissait indispensable pour garantir l'effectivité des règles fondamentales qui naient de faire l'objet d'une reconnaissance solennelle.
Il serait toutefois exagéré de dépeindre cette évolution rs des formes de contrôle juridictionnel international comme une marche triomphale de l'ombre rs la lumière. Bien au contraire, ce qui frappe lorsque l'on parcourt les débats qui ont accomné la naissance de la Conntion européenne, ce sont les objections élevées par de nombreux esprits pétris de l'esprit classique du droit international A  l'encontre de ce qui leur apparaissait A  juste titre comme une menace pour la toute-puissance des Etats. Le système juridictionnel mis en place par la Conntion européenne des Droits de l'homme multiplie les garde-fous, A  la recherche d'une synthèse entre action judiciaire et action diplomatique. La décision de mettre en place une cour de Justice a causé moins d'alarme lors de la création de la CECA, mais il est vrai que ce noul organe judiciaire visait moins les états que la haute autorité de la CECA. Celle-ci s'étant vu attribuer d'importants pouvoirs de gestion, il semblait naturel de prévoir la possibilité d'un contrôle juridictionnel de ses décisions. Le traité de Paris comporte ainsi un arsenal de voies de recours inspiré par le contentieux administratif franA§ais. Dans le mASme élan, les Etats-membres des communautés européennes ont accepté l'autorité de la Cour, dont la compétence est obligatoire. Les traités confèrent aussi A  un organe autonome, la Commission européenne, un rôle essentiel dans la répression des infractions au droit communautaire : gardienne des traités, la Commission peut saisir la Cour lorsqu'elle estime qu'un état a manqué A  ses obligations n. Ce modèle centralisé de contrôle judiciaire tranche ac le principe du libre choix par les états des mécanismes de règlement des différends, qui reste la règle en droit international.
Quelle qu'en fût l'importance, la mise en place de juridictions internationales ne suffisait pas A  garantir le respect du droit. Dans de nombreux cas, en effet, un gournement préférera fermer les yeux, au nom des intérASts supérieurs de la nation, plutôt que de s'immiscer dans ce que l'on appelle pudiquement les - affaires intérieures - de ses partenaires. La logique constitutionnelle qui sous-tendait l'intégration européenne appelait donc un pas supplémentaire : donner aux titulaires des droits noullement créés la possibilité d'agir en justice pour les protéger.
Le saut qualitatif était d'importance : il permettait l'irruption sur la scène internationale, traditionnellement réservée aux états, d'individus qui échappaient A  leur contrôle. On ne s'étonnera donc pas qu'il ait rencontré une opposition déterminée n. Ces résers devaient conduire A  une reconnaissance limitée des possibilités de saisine individuelle des cours européennes. Le temps devait toutefois avoir raison de nombre de ces préntions.


De nos jours, c'est essentiellement A  l'initiati de personnes privées que le comportement des Etats-membres est soumis au jugement de la Cour. Le succès de cette forme de contrôle - constitutionnel - sur les actes des états-membres ne s'est jamais démenti. C'est A  la suite de recours individuels que certains des principaux arrASts de la jurisprudence communautaire ont été rendus : l'alliance entre la cour de Justice et les personnes privées a ainsi infléchi le cours de l'intégration européenne A  plus d'une reprise.
Cette vérile révolution, qui érige l'individu en acteur du processus d'intégration, n'est toutefois pas sans limites. Les recours A  Strasbourg et A  Luxembourg restent des parcours du combattant, A  la fois longs et onéreux, fermés aux exclus s'ils sont dépourvus de conseils spécialisés, voire de moyens. Au niau communautaire, les voies de recours individuel contre les décisions des institutions restent limitées, mASme si elles ont occasionnellement été élargies par la cour de Justice au nom de l'Etat de droit13. Du reste, A  supposer mASme que l'on apporte une réponse A  ces critiques, elles ne doint pas faire oublier les limites intrinsèques de la justice constitutionnelle. Celle-ci a été conA§ue pour protéger les droits individuels et le débat démocratique ; elle n'a pas pour but de supter ce dernier.

4. LE CONSTTTUTIONNALISME TRANSNATIONAL : INNOVATION OU SYNTHÀSE TRANSITOIRE ?

Ainsi, alors qu'en apparence la voie constitutionnelle - ordinaire - lui était fermée, l'Europe a donné naissance après la Seconde Guerre mondiale A  une variante originale, le constitutionnalisme transnational. Celui-ci s'inscrit dans la mouvance libérale qui a inspiré le déloppement de garanties constitutionnelles A  l'échelon national au XIXe siècle. En accréditant l'idée de limites A  la souraineté étatique et d'un contrôle juridictionnel sur les actes des gournements, l'Europe a dépassé le stade primitif où les rapports entre Etats sont avant tout des rapports de force pour entrer progressiment dans un monde de règles. Le changement ne s'est pas limité aux rapports interétatiques, puisque les pouvoirs discrétionnaires des administrations nationales ont eux aussi été soumis aux règles européennes. Dans la société européenne qui est en train de se créer, ce qui se passe A  l'intérieur des frontières nationales ne constitue plus le domaine réservé des états.
Ce progrès incontesle ne s'est toutefois accomné que d'une forme de socialisation transnationale relatiment limitée. Les Européens se définissent d'abord et avant tout par rapport A  leur pays ; dans le meilleur des cas, l'identité européenne n'entre en ligne de compte qu'en rang secondaire. Entravé notamment par l'absence d'une langue et d'une culture politique communes, le débat politique européen reste limité, et les mouments transnationaux relatiment faibles. En dépit des références incantatoires A  la citoyenneté européenne contenues dans le traité de Maastricht, il reste difficile au commun des mortels de faire entendre sa voix : les décisions qui intéressent le sort de la collectivité sont prises par une élite relatiment restreinte. Les difficultés qui ont surgi A  l'occasion de la ratification de ce traité ont montré que les opinions publiques ne se satisfaisaient pas de cette situation.
En forA§ant un peu le trait, on pourrait dire qu'A  l'instar des sociétés bourgeoises du siècle passé, qui avaient combattu l'arbitraire en ignorant aussi bien les femmes que les pauvres, la société européenne doit maintenant parfaire sa révolution constitutionnelle par une révolution démocratique. Cela demande un saut qualitatif : une Europe basée non plus sur la défense de droits subjectifs, mais sur la possibilité pour les citoyens de peser sur les décisions qui sont prises au niau européen. Dans cette optique, l'apport d'une Charte des droits fondamentaux, par exemple, ne peut AStre que limité. A quoi bon proclamer en grande pompe de nouaux droits qui, dans le meilleur des cas, ne seront effectiment invoqués que par une infime minorité de personnes ?
Après avoir innté le constitutionnalisme sans constitution, l'Europe se trou A  nouau confrontée A  un problème sans précédent : comment réserr une plus grande place aux citoyens sans pour autant que les états, auxquels ces mASmes citoyens s'identifient toujours en priorité, voient leur rôle réduit A  la portion congrue ? Tache difficile assurément, mais A  la mesure des ambitions unirsalistes des promoteurs de l'intégration européenne.
Faut-il pour cela une constitution en bonne et due forme ? On l'a beaucoup soutenu, en faisant valoir A  la fois l'utilité d'une affirmation symbolique de l'ampleur du saut qualitatif, et la nécessité d'une remise en ordre dans le maquis des textes qui régissent aujourd'hui la vie de l'Union européenne. Aucun de ces arguments n'est cependant décisif. Ni la simplification, ni la démocratisation de l'architecture institutionnelle européenne ne nécessitent le passage A  un régime de type constitutionnel. Les traités actuels ont été modifiés A  de nombreuses reprises pour renforcer les droits du Parlement européen ; ils pourraient l'AStre A  nouau si par exemple l'on souhaitait élir un lien direct entre les élections européennes et le choix d'un gournement européen. De plus, la force du lien national est telle dans la plupart des vieux pays européens que la légitimité que l'Europe retirerait d'une constitution est incertaine ' ce que résume d'une formule lapidaire l'ancien juge constitutionnel allemand Dieter Grimm : - Sans peuple, pas de constitution14. -
Enfin, si la construction européenne représente bien une innovation politique, comme cela a été dit plus haut, pourquoi chercher A  toute force A  la couler dans le moule traditionnel des constitutions15 ?
Le but ultime du processus n'est pas de conduire progressiment A  la mise en place d'un super-Etat centralisé, mais au contraire de réguler la coexistence pacifique et harmonieuse de vieilles nations sount jalouses de leurs traditions, et d'innter des modes de gestion des affaires publiques plus en phase ac les attentes de l'opinion. En revAStant l'Europe des oripeaux de l'état, n'occulte-t-on pas tout ce qui fait l'originalité et l'intérASt de la noulle construction ?





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