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MARKETING

Le marketing, parfois traduit en mercatique, est une discipline de la gestion qui cherche à déterminer les offres de biens, de services ou d'idées en fonction des attitudes et de la motivation des consommateurs, du public ou de la société en général. Il favorise leur commercialisation (ou leur diffusion pour des activités non lucratives). Il comporte un ensemble de méthodes et de moyens dont dispose une organisation pour s'adapter aux publics auxquels elle s'intéresse, leur offrir des satisfactions si possible répétitives et durables. Il suscite donc par son aspect créatif des innovations sources de croissance d'activité. Ainsi l'ensemble des actions menées par l'organisation peut prévoir, influencer et satisfaire les besoins du consommateur et adapter ses produits ainsi que sa politique commerciale aux besoins cernés.


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Des valeurs ou comment les valeurs d'entreprise n'ont de valeur que lorsqu'elles coûtent

Dans les années quatre-vingt, peu de réunions se déroulaient avec nos clients sans que nous parlions de projet d'entreprise. Je me souviens de l'actuel patron d'Auchan, Christophe Dubrulle, nous disant air choisi notre agence parce qu'il nous sentait plus A  mASme de rédiger son projet.
C'était le concept A  la mode. Un projet conciliait des objectifs commerciaux, des progressions de parts de marché et des velléités d'ordre immatériel. Une entreprise se devait d'air des valeurs. A€ la fin, tout le monde revendiquait les mASmes, puisqu'il n'existe pas des centaines de valeurs disponibles. Le sujet était galvaudé, et il l'est resté. Aujourd'hui, chaque entreprise met en œuvre des programmes liés A  la - responsabilité sociale -, programmes qui embrassent tout et rien. Il se crée ainsi, de faA§on cyclique, des manies collectives et temporaires, des sortes de tics de langage institutionnel.
Pourtant, personne ne croit plus que moi aux valeurs d'entreprise. Le concept a pu AStre surexploité, il n'en reste pas moins essentiel ; il faut le prendre au sérieux, ne pas en faire une sorte de supplément d'ame factice pour entreprise en mal de communication. Tel que je le conA§ois, il s'agit au contraire de le mettre au cœur de l'entreprise, d'en faire son ADN, son capital génétique.
L'ambiguïté du mot valeur a du sens : valeur financière, valeurs humaines. On crée de la valeur grace aux valeurs, mais rien n'est jamais gratuit. Cette valeur coûte. Les valeurs d'entreprise ne comptent que si elles représentent un investissement. Comme le disait Bill Bernbach, le fondateur de DDB, A  propos du monde des affaires : - Un principe n'est un principe que s'il us coûte de l'argent. -
Ce constat s'applique précisément A  ce qui fut le fondement de notre entreprise, la transparence.

Transparence

Pendant longtemps, les agences se sont ménagé deux sources de revenus, toutes deux sous forme de commissions. L'une, réglée par leurs clients, était officielle. L'autre, versée par les médias, était officieuse, car occulte. Ces revenus cachés étaient appelés surcommissions.
Le seul moyen pour les médias de financer ce qu'ils accordaient aux agences était de réduire d'autant leurs rabais aux annonceurs. En fin de compte, l'argent perA§u par les agences était celui de leurs clients. Ces surcommissions occultes étaient donc injustifiables sur le éthique.
Dès notre création en 1984, nous nous sommes élevés contre cette pratique et ans garanti une totale transparence A  nos clients. Comme nos concurrents, nous recevions des surcommissions de tous les médias, télévisions, radios, sociétés d'affichage, presse magazine, etc. Mais, A  la différence de ces concurrents, nous ne les gardions pas pour nous. Nous ans demandé A  Arthur Andersen de venir auditer nos comptes et de confirmer A  chacun de nos clients que le montant qui lui était versé correspondait effectivement A  ce qui lui était dû. Nous étions alors des précurseurs. La transparence était une valeur inconnue dans notre métier, et la mode des sociétés éthiques ne naitrait pas de sitôt.
C'était une époque où les leaders du marché, en confondant les genres, s'étaient octroyé des positions plus que dominantes. Ils cumulaient les activités de conseil en publicité et de régie publicitaire, tout en étant actionnaires de nombreux médias. Les conflits d'intérASt se multipliaient.
Avec un mélange d'intégrité sincère et de lonté d'en découdre avec les caciques du métier, nous ulions appuyer lA  où cela faisait mal et dénoncer les pratiques occultes et la concurrence déloyale, inextricablement liées. Nous ulions contrecarrer les habitudes ancrées chez les grands de la profession, qui, protégés par une sorte de loi du silence, avaient fait de pratiques contesles la norme du marché.
Dans un article paru dans Le Monde, je m'élevais contre - l'éternel problème des croisements d'intérASt entre les activités de régie, de conseil et d'achat d'espace -. Quelques jours plus tard, j'ajoutais dans Libération : - Nous sommes le seul pays où une mASme entreprise est A  la fois médecin, pharmacien et laboratoire pharmaceutique Cela fait beaucoup. - L'un des leaders du marché alla jusqu'A  déclarer dans la presse qu'il - nous avait laissé réussir -. Je fus abasourdi par cette posture de grands concurrents qui prétendaient tenir notre destin entre leurs mains. En réponse, je n'hésitai pas A  parler dans une interview A  Libération de - parrains - et de - mafia -. Notre bataille était juste. La Tribune titra : - BDDP dénonce le cancer qui ronge la publicité franA§aise. - Le Monde s'interrogea : - Réclamer une réglementation contre les positions dominantes et analyser les phénomènes de concentration équivalent-ils A  de la diffamation ? - Plus tard, le Conseil de la concurrence parlerait de - pratiques concertées -.

Excédés de nous sentir face A  un oligopole, nous ans en effet décidé de saisir le Conseil. Philippe Calleux, bientôt suivi de Jean-Claude Boulet, avait initié le mouvement quelques années auparavant. Qu'il leur soit rendu hommage pour leurs prises de position. Philippe Michel et moi leur ans emboité le pas. Je me reis encore en consultation avec l'ancien président de la Commission de la concurrence, ancAStre du Conseil de la concurrence. Etant A  la retraite, il m'avait reA§u dans un de ces bureaux réservés aux serviteurs de l'état, derrière l'Assemblée nationale. Il m'expliqua la différence entre les saisines pour avis et les saisines en contentieux.
Incapables d'apporter des preuves tangibles de ce qui était une évidence pour tous, nous nous sommes contentés d'une saisine pour avis. Une saisine pour avis n'aboutit le plus souvent A  rien, ce qui fut le cas, ou presque. Au moins cette saisine avait-elle fait éclater le sujet au grand jour.
Quelques années plus tard, en 1992, le Conseil s'autosai-sissait, cette fois en contentieux. Au mASme moment, le nouveau Premier ministre, Pierre Bérégoy, inaugurait une politique d'éthique et de transparence visant en particulier deux secteurs très visibles : la publicité et l'immobilier. Les représentants de la profession se succédèrent au ministère. Une loi dont - l'objectif était la préservation de l'indépendance de la presse, la restauration d'une concurrence claire dans le secteur de la publicité, l'arrASt de pratiques obscures et opaques - fut tée. Appelée loi Sapin, elle semblait épouser les combats que nous menions depuis des années.
En réalité, mal conA§ue, baclée et manquant de discernement, elle eut un effet tout autre. Les agences se virent interdire de profiter des flux financiers liés A  l'achat d'espace. Or cette activité dégageait une trésorerie très importante. En toute légalité. Du jour au lendemain, cette trésorerie disparaissait. Pour BDDP, c'était plus qu'un revers. Nous perdions d'un coup plusieurs dizaines de millions d'euros de trésorerie moyenne, au moment mASme où nous prenions de plein fouet les conséquences de nos difficultés. La chronologie ne pouvait AStre pire.
Le gouvernement de l'époque avait réagi dans l'excès, créant une exception franA§aise de plus. La loi Sapin reste unique au monde, aucun autre gouvernement n'ayant légiféré de la sorte.
Cet épisode douloureux eut pour seule vertu de finir de me convaincre de l'importance des valeurs d'entreprise, de leur place prépondérante. La transparence fut comme un acte fondateur. Quand on paie aussi cher de tels choix de comportements d'entreprise, on ne peut que se dire que l'on a raison. Sinon, autant arrASter.
Nous agissions non par moralisme, mais parce que nous avions décidé que l'éthique serait une composante de notre entreprise. - L'éthique, c'est l'esthétique du dedans -, disait Pierre Reverdy. Ce point de vue nous a guidés. Nous ulions, et je veux toujours, construire une belle entreprise.
La transparence sur le financier entraina des modifications de comportement sur les autres s. L'intégrité crée des obligations, A  commencer par une franchise totale dans la faA§on dont us parlez A  s clients et A  s employés. Nous ans toujours dit A  nos clients ce que nous pensions, quel qu'en fût le prix, ce qui n'interdisait pas un minimum de diplomatie. De mASme, la transparence us oblige A  bannir toute ambiguïté quand us exposez A  s collaborateurs ce que us attendez d'eux. Elle conduit A  parler avec netteté, en évitant l'A -peu-près.
C'est plus facile A  dire qu'A  faire. Plusieurs collaborateurs de qualité nous ont quittés parce que nous ne leur ans pas promis un poste qu'A  notre avis ils ne pouvaient remplir. Nous n'ans pas promis, nous n'ans mASme pas laissé entreir. L'ambiguïté est la première des manipulations. Parfois, cela nous a coûté cher, certains clients ayant pu s'attacher A  l'un ou l'autre de ces collaborateurs, mais nous n'ans pas pour autant déguisé la réalité.
Peu A  peu, nous en sommes venus A  nous interdire le plus véniel des mensonges, le mensonge par omission, quitte A  créer des situations embarrassantes. Ce n'était pas A  proprement parler de la procation, mais plutôt une faA§on d'entretenir, si je puis dire, notre réputation, laquelle se nourrissait chaque jour de nos rapports avec nos collaborateurs.
Telle est notre première valeur, la transparence. Les deux autres sont l'audace et l'ouverture d'esprit. Je confesse qu'elles ne brillent pas par leur originalité. Comme je le notais précédemment, il n'y a pas des dizaines de valeurs disponibles. Ce qui compte, en définitive, ce sont les actes. On peut toujours se prévaloir de telle ou telle valeur, encore faut-il agir en conséquence et ne pas se contenter de pieux discours. Il faut rendre les valeurs coûteuses, c'est-A -dire engageantes psychologiquement et financièrement. Je sais le prix que nous ans payé A  nous élever contre les usages de notre industrie.
D en va de mASme de l'audace. Dans un métier de services, on doit se mettre - au service -, ce qui peut vite déboucher sur de la complaisance. Il faut un certain courage pour ne jamais cacher sa pensée A  un client ou A  un collaborateur.
Quant A  l'ouverture d'esprit, c'est lA  notre vraie richesse, laquelle réside bien davantage dans ce que nous dens apprendre que dans ce que nous sans. L'essentiel, ce sont les connaissances des autres.

Audace

L'ambition et le courage se rejoignent dans l'audace. H ne faut pas hésiter A  ir grand. Dès les premiers jours de BDDP, lors d'une conférence de presse, nous avions affiché notre lonté de nous situer dans les trois premiers en France et de créer un réseau international. Nous ans été perA§us comme plus déterminés que présomptueux. Afficher un tel objectif le rendait crédible, et donc possible, ire probable. Selon un mouvement bien connu, par lequel l'image précède la réalité, nous étions considérés comme un des futurs grands du métier avant mASme que la première de nos camnes fût sur les murs.
J'indiquais il y a peu, dans un discours interne, ne ir aucun élément sérieux devant empAScher TBWA de se rapprocher un jour de la première place mondiale. Si nous restons fidèles A  nos valeurs et A  nos principes, ce ne sera qu'une question de temps. Mais cette condition se révèle toujours la plus délicate A  remplir. On perd si facilement le fil.
H n'y a pas d'ambition possible sans courage. Certains renoncent vite. Les agences les plus médiocres emploient parfois des créatifs talentueux, qui, dans d'autres agences, auraient réussi. Hélas, la complaisance prévaut trop souvent : on donne A  son client ce qu'il attend, ni plus ni moins. Or toute camne digne de ce nom se doit de contenir ce que j'ai appelé naguère un saut créatif, en d'autres termes un saut dans l'inconnu. Si us ne ressentez pas un minimum d'angoisse devant une proposition créative, celle-ci aura peu de chance de marquer les esprits et rejoindra la cohorte des messages dénués d'intérASt qui encombrent les écrans.
Lee Clow parle de brave thinking (- pensée courageuse -). J'aime cette idée de braure dans la pensée. Chacun de nous se doit d'AStre brave, de faire preuve d'audace dans ce qu'il fait, que ce soit pour le client ou pour l'entreprise. La tentation de se résigner et d'arriver avec des solutions toutes faites n'est jamais loin, rampante. AŠtre brave, c'est s'enthousiasmer pour l'inattendu et se réjouir du changement. C'est chercher A  renverser les obstacles, et Dieu sait s'il y en a dans notre métier. Des collaborateurs de l'agence aux responsables chez l'annonceur, en passant par les réalisateurs de films ou les spécialistes médias, tellement d'intervenants entrent en scène. Il suffit que l'un ne joue pas le jeu, qu'il ne cherche pas A  placer la barre plus haut, pour qu'une douce médiocrité, très vite, s'insinue.

Ouverture d'esprit

La troisième valeur que nous nous efforA§ons chaque jour de défendre est l'ouverture d'esprit. L'ouverture aux autres, A  leurs différences, A  leurs faA§ons d'AStre et d'agir doit AStre ancrée en nous. Il parait bien difficile de ne pas adhérer A  une valeur aussi universelle. Pourtant, combien d'entreprises se montrent fermées, repliées sur elles-mASmes, focalisées sur l'intérieur ? De telles entreprises érigent des murailles entre elles et le monde extérieur.
L'ouverture d'esprit implique curiosité et respect. Tom Peters, l'auteur du Prix de l'excellence, est l'un des écrivains les plus prolifiques du monde des affaires américain. Il parle de - travailleurs de la curiosité - (curiosity workers) pour définir le profil des employés des entreprises du xxr siècle. Les collaborateurs de ces entreprises ne peuvent avancer que s'ils s'intéressent A  ce que peuvent leur apporter les autres bureaux, les autres pays. On finit par éprouver un vrai plaisir, une sorte de jubilation lorsqu'on se laisse aller A  AStre vraiment curieux, A  s'ouvrir sans préjugés.
Nous ans la chance d'AStre présents dans une centaine de pays. Pour celui qui veut s'en donner la peine, il y a toujours A  apprendre de l'autre côté d'une frontière. Appartenir A  un réseau mondial nous donne sans cesse des occasions de nous enrichir.
Je suis pourtant frappé par le manque de curiosité qui prévaut des deux côtés de l'Atlantique, et je multiplie les initiatives pour rompre avec ce travers et faire en sorte que chacun s'ouvre au meilleur de l'autre.
L'Amérique a de très grands moyens. Les entreprises y sont capables de décliner plus loin qu'ailleurs la spécialisation des métiers. Si des comnies telles qu'Auditoire, l'une des meilleures agences événementielles franA§aises, se rencontrent dans le monde entier, il n'en existe pas aux états-Unis. LA -bas, les professionnels de l'événement franchissent un pas de plus dans la spécialisation.
Creusons ce parallèle, car il est instructif. Lors des conventions biennales que McDonald's organise avec ses franchisés, dix mille d'entre eux sont réunis dans une mASme salle. Seules les villes d'Orlando et de Las Vegas offrent des locaux de taille suffisante. Les prestations pour cet événement sont morcelées entre de multiples partenaires : une event ning agency pour l'organisation logistique (hôtels, bus, location des salles) ; une exhibition com-pany pour mettre en place l'exposition des fournisseurs de McDonald's ' ils sont plus d'une centaine '; une société de production pour la mise en scène et la production technique du spectacle ; une agence institutionnelle pour l'écriture des discours ; un speakers bureau pour suggérer des intervenants extérieurs ; plusieurs autres agences locales pour l'organisation des soirées, des diners de gala, etc. A€ Paris, comme A  Londres ou A  Shanghai, la mASme agence ferait tout. Avec professionnalisme, mais sans le niveau de maitrise requis pour certaines de ces prestations qu'autorise la spécialisation américaine.
En 1996, quand j'ai publié aux états-Unis un livre intitulé Disruption, j'ai cherché une attachée de presse spécialisée dans les livres de management. On m'a répondu que c'était trop large. J'ai précisé les livres de marketing. Encore trop large. On m'a finalement proposé une personne spécialisée dans les ouvrages sur la publicité. Il y en avait plusieurs A  New York, qui ne s'occupaient que des relations presse pour les livres de publicité.
Quand us ulez connaitre le meilleur de chaque discipline, la réponse se trouve souvent de l'autre côté de l'Atlantique. Un degré supplémentaire de spécialisation entraine un niveau d'expertise plus élevé. Les publicitaires européens auraient tout intérASt A  s'intéresser plus vite aux derniers développements de leur métier. Il leur faudrait juste un peu plus de curiosité.
Par contraste, la limitation des ressources dans une grande partie du monde a créé des formes nouvelles d'en-treprenariat. Les pays avec moins de moyens se posent d'autres questions. L'intégration, par exemple, cette capacité A  optimiser les ressources entre les diverses disciplines de la communication, n'est devenue une préoccupation aux états-Unis que depuis une petite dizaine d'années, alors que notre agence d'Afrique du Sud a développé des systèmes d'optimisation entre disciplines il y a plus de vingt ans. En France, nous ans créé Tequila, notre société de marketing direct, A  peine un an après la naissance de BDDP.
D'où vient cette lonté de prendre des initiatives différentes ? Tout simplement de l'étroitesse des marchés publicitaires sud-africains et franA§ais, en aison de l'immensité du marché américain. Les agences hors états-Unis ont donc dû inventer des formes de développement différentes. Nous sommes souvent étonnés par tous ces articles sur l'intégration publiés dans la presse professionnelle américaine. Comme s'il s'agissait d'une idée neuve ! Les mASmes articles pouvaient AStre lus dans la nôtre il y a bien longtemps.
En 1991, j'avais pu discuter A  Cincinnati avec John Smale, l'ex-président de Procter & Gamble, qui venait de prendre sa retraite. Je lui avais posé une question concernant l'élution des techniques de marketing : - Que savez-us aujourd'hui qui contredise ce que us pensiez A  s débuts ? - En guise de réponse, il me conta une anecdote.
Jeune chef de marque, responsable du dentifrice Crest, il avait proposé de lancer une brosse A  dents Crest, une hérésie A  l'époque. - A€ chaque produit, une marque ; A  chaque marque un produit -, tel fut le credo proctérien pendant des décennies. Sa recommandation fut donc refusée. Quarante ans plus tard, quelques jours avant notre entrevue, Crest venait de lancer une brosse A  dents. Peu A  peu, il était devenu trop coûteux de lancer une marque pour tout nouveau produit. Pis encore, bien trop souvent, les marques n'étaient que des appellations. Il valait donc mieux créer une marque ombrelle recouvrant une gamme de produits complémentaires. La marque aurait ainsi plus de poids et plus de sens. La réalité économique s'imposait A  Crest.
Or la mASme réalité s'était imposée vingt ans auparavant en Europe. Les dépenses publicitaires par tASte d'habitant y étant plus faibles, il était vite apparu que certains lancements de produits ne pourraient générer les budgets nécessaires pour créer une nouvelle marque. Nécessité faisant loi, on créa en conséquence de nombreuses marques ombrelles. Je me rappelle les dizaines de recommandations faites A  nos clients, A  commencer par Danone, sur la question des marques ombrelles : comment étendre sans diluer ? comment accueillir de nouveaux produits sans perdre l'essence de la marque ? Nous nous inventions une nouvelle expertise, nous avions vingt ans d'avance.
Je is encore le responsable américain d'Oil of Olay, une marque qui est passée d'un produit unique dans les années quatre-vingt A  une gamme de quatre-vingt-cinq produits aujourd'hui, venir consulter les nombreuses recommandations que nous avions rédigées sur des problèmes aisinant les siens.
Dernier exemple : l'achat d'espace. Les médias anglais attribuent la création des centrales d'achat aux frères Saat-chi, qui ont lancé Zenith Media dans les années quatre-vingt. En fait, nous sans tous que ce métier est né en France, A  la fin des années soixante, et qu'il n'est apparu aux états-Unis qu'au milieu des années quatre-vingt-dix. Dans un mouvement symétrique A  celui que je suggérais pour les Européens, les Américains auraient tout A  gagner A  s'intéresser plus, et plus vite, A  ce qui se passe de ce côté de l'Atlantique.
Le parallèle entre le reste du monde et l'Amérique est instructif. Les Européens ont souvent un temps d'avance, alors que les Américains ont tendance A  pousser la spécialisation un pas plus loin. Seulement, au heu d'apprendre les uns des autres, l'esprit ouvert, la curiosité en alerte, c'est trop souvent le contraire qui se produit. On fait mine de s'intéresser, mais dès qu'on a le dos tourné, on passe A  autre chose.
L'autre versant de la curiosité est le respect. Nés avant guerre, les réseaux américains les plus anciens répandent leur culture d'entreprise depuis New York et exportent l'américanisme dans leurs valeurs, leur faA§on d'AStre et leurs faA§ons de faire. D'autres réseaux américains, souvent plus récents, se prétendent multiculturels, mais l'attitude de leurs dirigeants frise souvent la complaisance, ire l'affectation. Ils se penchent sur les initiatives de l'agence suédoise ou de l'agence thaïlandaise mais les oublient dès leur retour A  New York.
La complaisance altère l'ouverture d'esprit. Nous essayons de construire un réseau différent. Différent, parce que né de l'idée d'absorber différentes cultures et d'apprendre A  leur contact, sans chercher A  créer un ensemble trop homogène. La diversité de nos cultures donne A  notre entreprise une richesse unique. Nous ans compris depuis longtemps que - l'avenir peut venir de n'importe où -.
La richesse de ce métier tient A  ce que l'agence de publicité fait office de carrefour. C'est d'ailleurs lA  sa raison d'AStre. Son organisation transversale en fait une entreprise de pointe dans les industries de l'immatériel. Nous sommes experts en décloisonnement, en fertilisation croisée. Nous sans décupler les chances que, du travail en commun, jaillisse une idée. Nous sans aussi que la probabilité en est d'autant plus élevée que nous ans réuni sur place des gens de culture et de profil différents, qui surenchérissent et rivalisent d'idées nouvelles. Les idées naissent de leur confrontation.
Par définition, une entreprise de publicité se doit de proposer sans cesse des solutions inédites. Pour y parvenir, elle doit s'ouvrir plus que les autres, sans retenue, au changement. - Le monde va plus vite que la pensée, mais seule la pensée peut rendre compte du monde -, a écrit Jean-Pierre Barbou, un homme avec lequel j'ai commencé A  travailler, en 1972, il y aura bientôt trente-cinq ans. Si toute entreprise doit se réinventer en permanence, constat convenu, l'agence doit se repenser sans cesse, réellement, d'autant plus A  l'heure d'Internet, de la fragmentation des audiences et de la prolifération des médias.
Depuis cinq ans, nous ans revu de fond en comble le mode d'organisation de notre réseau ainsi que son modèle économique. J'imagine qu'en 2010, encore plus de chemin aura été parcouru.

Quelle que soit notre entreprise, nous rASns tous, de faA§on plus ou moins explicite, de participer A  la construction de quelque chose de différent, doté d'une identité propre et d'un supplément de sens. Henry Ford disait que la recherche exclusive du profit constituait une approche bien pauvre du monde des affaires. Je crois qu'une entreprise comme la nôtre se définit davantage par ses valeurs, telles l'intégrité, l'audace, l'ouverture d'esprit, que par ses fonctions, qui recoupent toutes les disciplines de la communication et sont communes A  l'ensemble de nos concurrents.
En mars 2003, nous ans réuni quatre cents collaborateurs de notre réseau pour une session de deux jours A  Los Angeles. Présentations et discours prononcés par les collaborateurs des différentes agences représentées se succédèrent. Nous ans eu aussi le privilège d'accueillir deux invités de marque, Frank Gehry et Steve Jobs.
Frank Gehry était venu nous parler de créativité, nous expliquer comment les idées naissaient dans le cabinet d'un des plus grands architectes contemporains. Il était fatigué, car il venait de passer la nuit dans l'avion. Soudain, équant tous les projets qui aboutirent au musée de Bilbao, il s'enflamma. Nous étions médusés, incapables de discerner quoi que ce soit dans cette suite de gribouillis, que seuls les jeunes architectes formés par lui auraient pu décrypter. Il nous expliquait comment il imaginait ses lumes. Il les yait comme des sculptures, des sculptures immenses, démesurées. Nous admirions la créativité A  l'état pur.
Le lendemain, Steve Jobs nous parla une bonne heure, une heure d'improvisation sur le thème du courage et des valeurs. Il fut aussi brillant qu'A  l'accoutumée, si ce n'est plus, s'adressant A  un auditoire conquis d'avance, derrière des portes closes. Parmi les conseils qu'il nous donna ce jour-lA , me revient le suivant : - Ayez le courage d'AStre us-mASme. Je pense que la plupart des entreprises ont oublié ce principe. Je crois au management par les valeurs. D faut engager des gens qui partagent s valeurs. Il us arrivera, au cours du temps, de discuter tel ou tel point, mais, en fin de compte, us savez que us ne serez jamais en désaccord sur le fond. -
J'ai souvent fureté dans les rayons des librairies consacrés aux livres de management. J'ai lu et relu les grands auteurs, Peter Drucker, Tom Peters, Michael Porter et surtout Gary Hamel. Ils s'interdisent désormais d'employer certains mots, qu'ils savent usés jusqu'A  la corde, des mots tels que - paradigme -, - vision -, - avantage compétitif durable -, - projet d'entreprise -, mais aussi - valeur -. Pourtant, ce dernier reste pour moi irremplaA§able, mASme s'il parait quelque peu suranné. Il décrit ce qui doit AStre au cœur de l'entreprise, ce qui définit son esprit pour ne pas dire son ame, cette valeur qui donne de la valeur.
Mark Kelleher, le président de South West, la comnie aérienne américaine qui réussit le mieux dans son pays, donne le conseil d'- embaucher des attitudes et d'enseigner des compétences -. Il a raison. On s'attache trop aux expertises et aux talents de ceux que l'on cherche A  recruter, sans se préoccuper assez de ce qu'ils pensent et attendent de leur vie dans l'entreprise, ni vérifier qu'ils aimeront la culture qu'ils nt y rencontrer.
Et on le regrette toujours.



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