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MARKETING

Le marketing, parfois traduit en mercatique, est une discipline de la gestion qui cherche à déterminer les offres de biens, de services ou d'idées en fonction des attitudes et de la motivation des consommateurs, du public ou de la société en général. Il favorise leur commercialisation (ou leur diffusion pour des activités non lucratives). Il comporte un ensemble de méthodes et de moyens dont dispose une organisation pour s'adapter aux publics auxquels elle s'intéresse, leur offrir des satisfactions si possible répétitives et durables. Il suscite donc par son aspect créatif des innovations sources de croissance d'activité. Ainsi l'ensemble des actions menées par l'organisation peut prévoir, influencer et satisfaire les besoins du consommateur et adapter ses produits ainsi que sa politique commerciale aux besoins cernés.


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Une journée démoralisante

Trois semaines plus tard, Pierre avait compris. Et ac lui, la France entière. Une France abasourdie, qui contemplait les effets de ce raz-de-marée qui l'avait submergée par surprise, emportant des décennies d'habitudes forgées par la société de consommation et l'atteignant au cœur de son addiction quotidienne aux sollicitations innombrables de la pub.
En sortant de chez lui après le désormais déprimant réil musical, Pierre jeta un coup d'ceil résigné rs le kiosque A  journaux qui jouxtait la bouche de métro. - Circulez, y a rien A  voir ! - pensa-t-il méchamment A  l'attention des autres bipèdes qui pressaient le pas autour de lui.
De fait, dépouillé de la quasi-totalité des courtures chamarrées plaquées sur ses vantaux ou empilées sur les présentoirs, le petit édicule rt bouteille semblait désormais encombrer inutilement le trottoir. La deuxième semaine, Pierre avait renoncé au bout de trois jours A  acheter son quo-tidien préféré pour meubler sa demi-heure de trajet. C'était idiot, mais sans aucune pub, son canard favori, désormais imprimé tout en noir et blanc, avait pris un côté terriblement rétro, voire nécro. Celui-ci avait en outre perdu pas mal de feuilles et annoncé rapidement A  ses - chers lecteurs - que toute augmentation drastique du prix de nte étant exclue dans l'immédiat, il se rrait contraint de suspendre A  court terme sa parution. Pierre s'était bien acheté un hebdo, mais lA , c'était encore pire. L'Express avait une ination très exactement réduite de moitié, beaucoup de texte, peu de photos, et évidemment pas l'once d'une pub. Déprimant. Dans son édito, Christophe Barbier, le rédacteur en chef, annonA§ait pareillement aux -chers lecteurs- que -toute augmentation drastique du prix de nte étant exclue- et qu'il se donnait encore deux numéros avant de suspendre sa parution. Pas vraiment réconfortant. C'était d'ailleurs l'un des rares news magazines A  tenter de persévérer, la plupart des revues spécialisées s'étant immédiatement retirées du circuit. Un méchant nt d'automne était passé par lA , qui avait emporté dans sa tourmente toutes ces feuilles imprimées et colorées qui d'habitude se moquent des saisons et égayent un peu la rue. MASme les gratuits avaient disparu de leurs paniers A  l'entrée des tourniquets du métro. Seul Vincent Bolloré ac Direct soir avait tenté de persévérer, finanA§ant sur ses deniers deux semaines de parutions. Puis, il avait renoncé. Sa position s'avérait complexe. D'un côté, il était mentalement dans une posture, où persévérer était fondamental. Ceux qui, depuis ses prises de participations dans les métiers de la corn', le côtoyaient l'avaient tous entendu, un jour, leur expliquer : - Ma relation au temps est différente de celle de beaucoup, le groupe Bolloré a connu des guerres, des révolutions, des querelles de succession et a toujours maintenu le cap des instissements. - Mais d'un autre côté, comment pouvait-il se désolidariser de ce métier dans lequel il avait mis beaucoup d'argent.
Les titres qui en avaient les moyens se retournèrent vite rs le Web où la plupart étaient déjA  présents en consultation libre ou partiellement payante. Mais la disparition brutale de la nte d'espace sur le papier n'était pas compensable par la déferlante des bannières et autres pop up qui vinrent rapidement encombrer les es journalistiques. De nombreux annonceurs, malgré les propositions alléchantes pronant de régies étrangères d'achat d'espaces, renoncèrent rapidement A  afficher leurs fenAStres plutôt que de se retrour noyés dans la soudaine et brè inflation publicitaire sur les écrans qui indisposa bientôt plus qu'autre chose des lecteurs pourtant motivés.
Heureusement, d'ailleurs, qu'il y avait Internet. Car la disparition de la plupart des médias nationaux avait provoqué, comme par enchantement, une inflation de sites de médias étrangers A  destination du public hexagonal. A€ défaut de recréer un support des - FranA§ais libres -, comme aux temps héroïques, les quotidiens francophones européens, bientôt rejoints par des allemands, des esnols, des italiens - et mASme Al Jahzeera (qui savait pouvoir toucher la population d'origine arabe) -ouvrirent des sites en franA§ais nourris de dépASches de l'AFP, de traductions de leurs propres articles, mais également de contributions de journalistes franA§ais contactés A  la hate et pas fachés de se voir assurer quelques piges biennues. La plupart des titres européens étaient présents et de nombreuses publicités pour les marques ndues en France naient agrémenter leurs es. Les groupes présents A  l'international, qu'ils fussent franA§ais ou étrangers, profitant de leurs réseaux, récupérèrent ainsi, via leurs agences situées autour de l'Hexagone, une partie de la manne disparue et purent maintenir une certaine présence des marques A  l'attention des consommateurs franA§ais. Mais cela ne suffisait pas !
Toujours sur le Net, l'explosion des blogs et autres podcasts permettait A  tout un chacun de s'exprimer sur l'actualité, quelle qu'en soit la nature : politique, culturelle, sociale. Les uns commentaient la grè pour s'en réjouir ou la déplorer, d'autres faisaient ac un succès certain et beaucoup de compétence du vérile journalisme en se transformant en correspondants locaux de cette presse virtuelle qui se structurait rapidement. Les plus malins (qui devaient certes disposer de temps pour le faire), s'autoproclamèrent ainsi sources d'informations attitrées de leur quartier, puis de leur ville, voire de leur département. Des blogueurs ayant déjA  acquis une certaine notoriété et de l'expérience collectaient astucieusement les informations concernant une zone ou un thème donné, recréant, A  leur niau, un vérile service de presse dont la mise en e, l'attractivité et le sérieux n'avaient rien A  envier aux supports officiels et momentanément disparus des kiosques et des écrans. La classe politique, mais également des municipalités, toutes sortes d'organismes publics ou privés qui profitaient habituellement des canaux financés par la pub, qu'ils fussent nationaux ou purement locaux, trouvèrent lA  aussi un exutoire et un formidable outil de remplacement pour communiquer momentanément sur leurs activités. Presse virtuelle plus que presse underground, n'était l'absence de papier qui empASchait évidemment de nombreux lecteurs d'y avoir accès - outre la contrainte de se trour devant un écran - elle remplissait son office tout comme une autre.
Beaucoup s'aperA§urent A  cette occasion que la disparition du média popularisé par Gutenberg n'était finalement pas si dramatique. Les vrais journaux pouvaient avoir du souci A  se faire pour l'anir. Paradoxalement, jamais la France, intrinsèquement si individualiste, n'avait vu ses citoyens tant communiquer entre eux et la - débrouille - nationale vérifier, une fois, qu'elle n'était pas un vain mot.
Après AStre sorti de chez lui, Pierre dépassa une rangée de bornes de Vélib' laissée A  l'abandon. Cela faisait huit jours que les camionnettes rutilantes J.-C. Decaux ne passaient plus pour nettoyer les potelets et remplacer les deux-roues abimés. Trois bicyclettes en tout et pour tout y restaient accrochées, ou plutôt drôlement entortillées autour de leur borne. Sans doute des candidats A  la location d'un Vélib' qui, de rage de ne pouvoir emprunter un véhicule disponible ou de s'AStre fait refuser un paiement (faute d'entretien, la totalité des bornes parisiennes était denue inutilisable), avaient dû consciencieusement se nger A  grands coups de lattes sur feu les élégants cycles gris perle. Ac quelques paniers arrachés et autres accessoires qui jonchaient le sol, le spectacle faisait étrangement penser A  un dépôt sauvage en pleine rue, en attente de ramassage par les camionnettes municipales des - gros enlèments -. En plein XVe arrondissement, A§a faisait un peu sordide.
Son moral s'enfonA§a d'un degré supplémentaire, quelques secondes après, lorsqu'il s'engouffra dans le métro. En fait, Pierre s'amusa presque de la tASte des gens autour de lui. Pas A  dire : eux aussi faisaient grise mine. Et il y avait de quoi. Du jour au lendemain, les 297 stations du métro parisien, tout comme les couloirs, les entrées et les sorties s'étaient transformés en paradis des - anti-pub -. Plus une affiche sur les quais, plus rien dans les caissons lumineux, désormais vides et éteints. Ne restait que la signalétique de base pour reler l'atonie brutale des couleurs du réseau. A€ croire que la RATP avait - délooké - toutes ses stations en vue d'une reconstitution en vraie grandeur des années noires du Paris occupé A  la manière du film Le Dernier Métro de FranA§ois Truffaut. Pierre n'aurait pas été surpris de voir surgir de vieilles rames bruyantes aux sièges de bois ac le wagon rouge de première classe au milieu et quelques uniformes rt-de-gris en descendre.
Pierre se fit d'ailleurs la remarque ac ironie que si les tenues de la RATP avaient justement remis le rt-de-gris A  l'honneur (la casquette plate en moins), on en voyait encore moins que d'habitude. Comme s'ils se sentaient un peu coupables de la situation, les employés du métro, déjA  peu nombreux et peu visibles dans les stations en temps normal (avant la grè, on pouvait trarser tout Paris dans le métropolitain sans croiser un seul de leurs uniformes passe-muraille), s'étaient claquemurés un peu plus derrière leurs comptoirs A  vitrage renforcé. La sinistre ambiance des couloirs et des quais ne les poussait certes pas A  aller affronter les demandes d'explication de la part d'usagers agressifs.
Le seul point positif qu'il avait noté depuis le début de la grè était la réduction de la quantité de papiers jetés A  terre ou débordant des corbeilles suspendues. 20 Minutes, Métro, A€ Nous Paris, les gratuits distribués quotidiennement avaient pris la tangente et cela faisait d'autant moins de papier A  ramasser. Mais comme les feuilles des quotidiens et hebdos payants s'étaient elles aussi envolées, si la propreté y avait gagné quelques points, A§a faisait un sacré paquet de lectures en moins pour patienter sur les quais ou dans les wagons. Le moral des usagers finissait par en prendre un coup.
Généralement placides face A  la dirsité des spectacles et situations les plus extravagants auxquels il leur était sount difficile d'échapper dans l'un des réseaux les plus denses du monde, ceux-ci avaient d'abord bien encaissé. Mais, passées les premières réactions de stupéfaction et d'anxiété des uns, les ricanements des autres, cette dégradation du décor qui augmentait un peu plus chaque jour finissait par peser. A€ raison d'une dizaine d'affiches de 4 mètres sur 3 par quai, sans compter les kilomètres de couloirs, les milliers de mètres carrés de panneaux atrocement surchargés qui jalonnaient désormais les déplacements n'avaient rien pour remonter le moral.
La nature ayant horreur du vide, des commentaires, des graffitis et des tags avaient en effet rapidement recourt A  hauteur d'homme toutes ces surfaces neutres ainsi offertes A  l'inspiration des franciliens. MASme Jack Lang - qui les avait qualifiés - d'ceuvres d'art - un jour que des tagueurs avaient maculé une station du métro parisien - n'aurait pu convaincre A  présent quiconque que l'esthétique y gagnait quoique ce soit. Comble de malchance : si les quais et les wagons étaient entretenus par les sociétés de nettoyage prestataires de la RATP, les panneaux d'affichage étaient du ressort des afficheurs. Et ceux-lA  étaient en grè. Pierre avait d'ailleurs rappelé A  Victoire - qui ressortait le moral dans les baskets chaque fois qu'elle empruntait une ligne - que la meilleure solution pour se passer de pub dans le métro était encore le bon vieux style stalinien tel qu'on pouvait l'admirer dans le réseau moscovite : marbre et fresques édifiantes dans toutes les stations !
Embarqué dans ses sounirs du film Le Dernier Métro, Pierre s'appliqua A  focaliser ses pensées rs la somptueuse Catherine Deneu goulûment culbutée par Gérard Depardieu et passa ainsi plus agréablement les quelques arrASts qui l'amenaient A  destination.
Une dizaine d'heures plus tard, en sortant du métro toujours aussi démoralisant, ac la soirée qui s'annonA§ait, la chape de grisaille de la rue lui parut encore plus visible qu'au matin. La disparition de l'affichage de rue avait suffi A  affadir les couleurs des villes, comme si les teintes les plus vis s'étaient effacées d'une palette d'habitude si bigarrée qu'on ne la remarquait mASme plus.
Depuis le démarrage de la grè, aucune camne d'affichage n'avait été renoulée. Sur les 4x3 traditionnels, un méchant papier marron-gris remplaA§ait désormais le kaléidoscope des offsets grand format. Partout, le mobilier urbain était denu muet. Le soir, c'était particulièrement sinistre. Plus aucune tonalité colorée n'animait les Abribus ou les - sucettes - Decaux lumineuses, désormais éclairés d'un blanc sale. Les grands caissons déroulants étaient bloqués sur leurs tubes néons que ne cachait plus aucune affiche et puisqu'il n'y avait plus rien A  éclairer, ils restaient éteints et se dressaient comme d'absurdes et inutiles totems. Les colonnes Morris jouaient les effeuillées et Pierre trouva mASme que les bus, qui n'affichaient plus que la nudité de leurs flancs et de leurs arrières, roulaient presque honteusement. En quelques heures, de jour comme de nuit, en surface comme en sous-sol, la -ville lumière - avait pris un sérieux coup de gris. Hormis la circulation automobile toujours aussi dense et des vitrines encore remplies et chatoyantes (pour combien de temps encore?), un sale petit air soviétique s'était vicieusement plaqué sur le décor de la capitale.
Le week-end dernier, Pierre était parti ac Victoire déjeuner chez des amis en Normandie pour respirer un grand coup et décompresser par quelques heures de bord de mer. En renant par les petites routes, il avait davantage pris conscience de l'ampleur des dégats. Les abords des zones commerciales ressemblaient ac leurs multitudes de structures métalliques de panneaux, dépouillés de leur affichage, A  des fantômes d'usines désaffectées, assez angoissantes A  la tombée de la nuit. Effectiment, plus une seule affiche A  l'entrée des villes et des villages, hormis celles que l'on ne remplace jamais et dont les couleurs s'estompent un peu plus chaque année qu'on repasse devant, A  l'image des vieilles affiches pour les machines A  coudre Singer qu'on voit encore sur des hangars, quarante ans plus tard. Sûr que la camne ne s'en portait pas plus mal. Les affiches aux couleurs criardes vantant agressiment le discount en pleine nature l'avaient toujours exaspéré et les petits bourgs retrouvaient un peu de sérénité visuelle, sinon leur authenticité d'origine. Mais les dizaines de panneaux désormais dépouillés dressés au bord des routes n'apportaient en contrepoint aucune élégance supplémentaire. Leur nombre attestait d'ailleurs que le paysage en avait été mité au-delA  du raisonnable. Ces routes sans affiches lui rappelaient étrangement une virée en - Deux Pattes -, il y avait près de trente ans, derrière le rideau de fer, sur les routes de Pologne. Jolies, mais tristounettes.
Pour le prochain week-end, le choix était maigre. Pas question de se - faire une toile - ac Victoire. Les distributeurs de films, désormais privés d'annonces par tous les médias, avaient suspendu la diffusion des copies dans les réseaux, trop peu assurés que les spectateurs s'engouffreraient A  l'auglette dans les salles obscures.
A€ Paris, - la plus belle anue du monde - avait perdu d'un coup une bonne part de son attrait, au propre comme au uré. Les promeneurs, l'air égaré, privés de leur boussole salvatrice que sont les guides des spectacles (éditions suspendues), levaient des yeux incrédules rs les frontons dépouillés des complexes multisalles fermés pour cause de relache. Tout comme de nombreux théatres qui avaient vu chuter brutalement leur fréquentation. Du jamais vu ! Et pour ajouter A  la sinistrose ambiante, l'absence de toute publicité pour les spectacles, outre qu'elle provoquait de nombreuses interruptions dans les programmations, faute de spectateurs, avait immédiatement retenti sur les réservations de voyages. Les Grands Boulevards, le quartier des grands magasins, Pigalie, les Champs-Elysées, la place d'Italie, sans leurs néons, sans leurs affiches, c'était comme Piccadilly Circus ou Broadway sans leurs kilowatts généreusement allumés jour et nuit. La capitale, l'une des premières destinations touristiques au monde, que ni l'embrasement des banlieues A  l'automne 2005, ni les grès contre le CPE deux ans plus tôt n'avaient réussi A  sérieusement ébranler, vit ainsi sa réputation grament dépréciée et sa fréquentation irrémédiablement dégradée par la défection de la pub, sa meilleure alliée.



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