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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en œuvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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L'individualisme mÉthodologique

Son apport dépasse bien évidemment très largement le domaine de la théorie des organisations, puisqu'il constitue une théorie sociologique complète et une approche spécifique des problèmes sociaux. Néanmoins l'exposé de ses principaux postulats éclaire considérablement tout un pan de l'analyse des organisations.
Une bonne base de départ pour illustrer ses principes peut être une présentation résumée de la typologie élaborée par Boudon'. Nous l'adaptons à nos fins sous notre propre responsabilité, sans, nous l'espérons, déformer trop la pensée de l'auteur.
Au départ, "un sujet croit en une idée, y adhère, bien évidemment bien qu'elle puisse être fausse. Nous ajouterons qu'il peut de plus non seulement croire, mais aussi agir, parfois, et aussi sans le savoir, au détriment du but qu'il recherche.
Il agit ainsi soit pour des raisons6, soit du fait de causes extérieures et étrangères à lui qui croit ou qui agit.
Dans le premier cas de ure, les causes de sa croyance ou son action se font pour des raisons, il identifie la cause de son action à ces raisons. Ce cas se décompose en deux sous-hypothèses : ces raisons peuvent être objectivement bonnes, constales, par exemple deux plus deux font quatre, ou le feu brûle, ou bien elles peuvent toujours être subjectivement bonnes, mais tout en étant objectivement bonnes ou fausses : l'individu a de bonnes raisons d'y croire, ou d'agir, mais ces raisons peuvent ou non être fondées. Par exemple, comme l'indique Boudon, le paysan qui refuse les méthodes modernes de culture, alors qu'elles augmenteraient sans doute les rendements de ses récoltes, attend en fait d'en voir les effets chez les autres et se méfie de l'administration qui tente de le convaincre que ce qui est dans son intérêt propre est aussi dans le sien à lui, alors qu'il s'agit de la même administration que celle qui prélève l'impôt et lève les conscrits. Plus généralement le jeu de la rationalité limitée explique ce mécanisme ainsi que nous l'avons exploré plus haut.
Dans le deuxième cas de ure, les causes de la croyance ou de l'action de l'individu sont différentes des raisons qu'il a de ce faire. Là aussi il se décompose en sous-hypothèses, et l'on peut en dénombrer quatre. Dans la première, ces causes sont affectives et observables : nous sommes l'esclave de nos passions, ou de nos vœux. Ici, Boudon cite Pascal et La Rochefoucauld : « l'esprit est la dupe du cœur ». Othello est convaincu que Desdémone le trompe, et il l'étrangle. Par ailleurs nous pouvons être amenés à croire ce que nous voulons croire, bien que parfois nous rationalisions des raisons qui sont simplement de couverture. Ce sont nos sentiments, pulsions, imagination qui guident notre conduite.
La deuxième sous-hypothèse vise les causes non affectives non observables, telle la lutte des classes. Dans « L'idéologie allemande », Marx estime, bien que Boudon note qu'il utilise lui aussi parfois des analyses de la catégorie précédente et que ce type d'analyse soit surtout caractéristique de certains de ses successeurs, que le fait pour un individu d'appartenir à une classe sociale déterminée impose à ce « sujet social » - à son insu - des croyances collectives auxquelles il ne peut en aucun cas échapper. Il en est de même pour l'explication par la mentalité primitive qui explique la croyance en la magie comme confusion de la corrélation entre les phénomènes et la corrélation entre les mots ou les symboles. Les explications par l'héritage génétique, l'organisation mentale différente des classes inférieures, le darwinisme social sont du même type.
La troisième sous hypothèse vise les causes affectives non observables et les modes d'explication des actions et croyances élaborées par Freud ou Pareto. Il s'agit de l'inconscient (et la rationalisation) dans le premier cas. Dans le second cas, les croyances qui ne sont pas le résultat de raisons objectives sont « non-logiques » et s'expliquent par un « vernis logique », qui sont des justifications pseudo-logiques, que nous donnons à nos sentiments.
Dans ces trois sous-hypothèses les raisons que le sujet peut éventuellement se donner du bien-fondé de ses croyances ont un caractère purement illusoire. Son comportement ou sa croyance sont causés à l'extérieur de sa raison. L'argumentation (les raisons) est alors l'effet, plutôt que la cause de la croyance. L'on peut dire, dans une terminologie que nous retrouverons plus bas, que le sujet est agi, plutôt qu'il n'agit. Il interprète, de bon ou de mauvais gré, mais obligatoirement un script élaboré et écrit en dehors de lui.
La dernière sous-hypothèse est celle des causes non affectives observables : par exemple l'action sous l'effet de la drogue ou de l'alcool. Il n'y a plus d'argumentation, la cause du comportement est visible, l'usage de substances obscurcissant le jeu de la raison.
Or, dès qu'une croyance ou une action parait étrange bizarre, fausse, note Boudon, l'explication que l'on en donne généralement spontanément ressort du deuxième cas de ure, et plus particulièrement et plus souvent de sa deuxième modalité. L'on cherche des causes extérieures qui s'imposent, et qui imposent à l'individu, plutôt que des raisons résultant de l'analyse par lui-même et l'on tend à considérer celles qu'il s'en donne comme de simples illusions dépourvues d'effet réel sur ses croyances (ou ses actes). Les taux de natalité restent éles dans les pays en voie de développement, par exemple. Cela, qui contribue à la famine et à la perpétuation du sous-développement, va être le plus fréquemment attribué à l'asservissement à la tradition ancestrale. Cependant, du point de vue des intéressés, ils ont d'excellentes raisons de continuer à avoir une progéniture nombreuse, du fait de la solidarité inter-générationnelle, qui remplace des retraites inexistantes, et du taux de mortalité infantile éle. L'effet individuel est positif même si au niveau collectif il est négatif.
Or, si tous les modèles peuvent être pertinents, dans différents cas de ure, l'individualisme méthodologique s'attache à, sinon partout, mais dans tous les cas où cela est possible, remplacer les explications relevant du second cas de ure par des explications relevant du premier. Il cherche au moins à proposer et essayer de rendre compte des comportements par des explications en découlant. Jusqu'à preuve du contraire, toujours possible, pour l'individualisme méthodologique les croyances et les actes, même les plus curieux et incompréhensibles doivent être expliquées tentative-ment d'abord par des raisons que les individus se donnent, qu'elles soient bonnes ou non, fondées ou non. C'est ensuite, et à défaut de mieux, que peuvent être envisagées les explications par des causes extérieures aux raisons d'agir des individus.
L'acteur, le plus souvent domine son comportement, certes, il est parfois mû par des forces qui le dépassent et échappent à son contrôle, ou incapable de se dominer, mais il est plus fructueux de tenter de le considérer, d'abord comme agissant car il a de bonnes raisons de faire ce qu'il fait, même si ces raisons nous paraissent ou sont objectivement erronées. Cela nous garde de tomber dans les travers du sociologisme et de la projection dans le comportement d'un autre, qui si nous ne le comprenons pas est plus commodément, mais faussement, explicable par analogie avec le nôtre. Il est donc alors irrationnel, puisqu'il ne le réplique pas, ou bien il est le fait de forces obscures, car différent de ce que serait le nôtre dans ces circonstances.
Faute du succès de la rification tentée de cette hypothèse zéro, alors, bien sûr, des explications ressortissant du second cas de ure peuvent et doivent être recherchées.
S'opposent à ce point de vue, partiellement au moins, certaines doctrines que nous avons déjà rencontrées, telles celles qui réifient l'organisation ou la théorie des systèmes, et plusieurs autres, que nous évoquerons dans des chapitres ultérieurs. Par exemple, pour les positivistes seuls les faits analogues à la physique, mesurables peuvent être pris en compte (Auguste Comte par exemple, et dans une mesure plus nuancée et complexe, Durkheim). Pour les néo-marxistes n'est pas scientifique la prise en compte d'états subjectifs : les comportements sont fonctions de déterminismes sociaux extérieurs et l'acteur ne peut que nourrir des illusions sur les raisons qu'il donne aux comportements dans lesquels il est enraciné. Pour les structuralistes, l'homme reproduit sans le savoir ni le vouloir des structures immanentes et permanentes.
Ceci dit, ainsi que l'exprime Boudon", la méthodologie individualiste n'implique aucune vision atomiste des sociétés. Elle n'interdit pas et elle exige même que les individus soient considérés comme insérés dans un contexte social. En outre, elle invite à traiter comme identiques des individus situés dans la même situation et, ainsi, permet l'analyse des phénomènes collectifs. Mais elle se distingue de la méthodologie holiste en ce qu'elle s'astteint toujours à mettre en évidence les raisons individuelles de ces phénomènes collectifs, et qu'elle refuse, par principe de traiter un groupe comme un acteur, qui, comme l'individu, serait doté d'une identité, d'une conscience et d'une volonté. Et lorsqu'elle traite d'un groupe comme d'un individu, c'est qu'elle a de bonnes raisons, justifiées, de le faire. Ainsi, la sociologie économique d'inspiration individualiste considérera sans difficulté le groupe familial comme une unité de décision.
L'individualisme méthodologique n'exclut donc pas que l'on puisse traiter les acteuts en catégories, s'ils se trouvent dans une situation analogue. Par exemple, note Boudon, c'est le cas des consommateurs ou des calvinistes, qui partagent certains intérêts ou idées, et de la part de qui l'on peut s'attendre à une attitude commune sur certains points. Il est même nécessaire parfois de regrouper en idéaux types les individus. Cependant le principe de l'individualisme méthodologique ne peut être appliqué dans des situations pertinentes, mais où les causes responsables du phénomène agrégé que l'on souhaite expliquer sont trop nombreuses et trop hétéroclites pour être identifiées et décrites. Par exemple, l'on peut avoir un idéal type du consommateur, du haut fonctionnaire, du calviniste, pas du suicidaire.
Par ailleurs, l'individualisme méthodologique n'exclut pas non plus automatiquement tous les acteurs collectifs. Il permet, ainsi qu'indiqué plus haut dans la citation de Boudon, sous certaines conditions, pour certains objectifs, d'en considérer certains. Par exemple peuvent notamment être légitimement reconnus ceux qui sont munis d'un système de décision collective. Cela serait le cas d'un parti politique ou d'un syndicat, dans une situation d'analyse de choix politique, mais pas de la classe ouvrière.
En d'autres termes, l'individualisme médiodologique donne pour l'explication des phénomènes sociaux, et donc organisationnels, la primauté à l'analyse du comportement de l'acteur individuel rationnel. Mais celui-ci n'est pas dans le vide, il est placé, situé, dans un système d'action concret, qui n'est pas composé de forces obscures qui dictent ses croyances et comportements, mais qui constitue des données qu'il doit prendre en compte. Les organisations sont des structures de systèmes d'interaction d'individus dont le comportement obéit à des raisons.
Les deux notions de l'acteur individuel rationnel et situé appellent des précisions.
L'idée de rationalité rejoint les développements que nous avons consacrés à la rationalité limitée au chapitre 7. Boudon" illustre les cas où il estime que l'individu est rationnel. Il l'est pour lui quand il avait de bonnes taisons de faire ce qu'il a fait, que ces bonnes raisons soient correctes ou fausses. Reprenant les catégories de Weber, ces bonnes raisons sont illusttées ainsi par des exemples. La rationalité pouvait être utilitaire car ce qui a été fait cotrespondait aux intérêts ou aux préférences de l'individu. Elle peut être téléologique, car cela semblait être le meilleur moyen apparent d'atteindre un but recherché. Elle peut être aussi axiologique, car ce qui a été fait découlait d'un principe normatif quelconque, que l'acteur croyait en ce principe normatif et avait de bonnes raisons d'y croire. Elle peut être traditionnelle, car l'individu avait toujours fait ainsi et n'avait aucune raison de remettre cette pratique en cause.
Une catégorie est ajoutée à celles traditionnelles et précédentes, celle de la rationalité cognitive''. Dans ce cas, l'individu a agi ainsi, car son action découlait d'une théorie, en laquelle il croyait et qu'il n'avait aucune raison de remettre en cause. En effet, l'acteur utilise des a priori, qui peuvent être efficaces dans certaines circonstances, mais qui le sont moins dans d'autres. Ils lui fournissent cependant des principes de décision qu'il appliquera dans tous les cas, car ils lui semblent « aller de soi »10. L'individu avait ici les meilleures raisons de choisir une stratégie, qui souvent est gagnante, dans des cas apparemment semblables, mais qui à cause d'une différence mineure peu facilement perceptible, ou des apparences trompeuses, ne l'est plus forcément dans le cas où il est placé. L'exemple donné par Boudon est celui d'un sujet placé dans une situation où il est averti qu'il est en face d'un jeu de pile ou face altéré. La pièce retombe en moyenne quatre fois face pour une fois pile. Quand il lui est demandé de prédire le résultat des tirages sur une série de coups, le sujet annonce généralement quatre fois face pour une fois pile. Ce qui correspond en réalité à une probabilité de succès de 68%. En fait, si il prédisait toujours face, son espérance de gain serait de 75 %, donc supérieure. Cependant, suivre dans son annonce la distribution des chances est généralement une stratégie gagnante. Cela n'est pas exact dans ces circonstances, mais cela est peu apparent, et l'individu a de bonnes raisons de la suivre cependant, car généralement elle lui est profile et il ne discerne pas facilement la différence de situations.
Par ailleurs, l'individu n'est pas dans un vide abstrait. Il est situé dans des circonstances qu'il doit prendre en compte et qui l'influencent. Il en découle donc des effets de situation. Boudon", tout en estimant qu'il est inutile d'en élir le catalogue en donne quelques exemples.
L'effet de position de l'individu par rapport à un phénomène explique par exemple l'illusion mercantiliste aux yeux du commerçant qui s'enrichit et croit que le commerce crée de la valeur ajoutée. Il justifie la destruction des métiers par le luddite qui perd son emploi du fait de la machine, de son point de vue. Il se traduit dans l'effet de perspective qui opère quand un même objet peut être perçu de points de vue différents correspondant à des images différentes dudit objet. On peut y ajouter les effets de distance à l'égard du phénomène obser qui n'apparait pas de la même façon à l'observateur et l'individu impliqué. Sans doute nocives à long terme pour les intéressés, les conséquences de certains de leurs comportements leur bénéficient à coup sûr à court terme. S'y ajoutent les effet de rôle. Certains rôles attirent l'attention des individus qui les ont endossés vers certaines théories.
Les effets de disposition viennent du fait de ce que, quand l'on tient soi-même quelque chose pour évident, que l'on sait ou croit savoir, cette connaissance est attribuée quasi automatiquement à l'esprit de celui que l'on observe. Si lui-même ne le sait pas et agit différemment, cela nous rend de ce fait le comportement de l'obser inintelligible et opaque. Expérience et savoir antérieurement acquis créent ces effets. Boudon distingue cinq cas : l'individu sait qu'il sait ; il sait qu'il ne sait pas et qu'il est difficile de savoir ; il sait qu'il ne sait pas mais perçoit des solutions alternatives au problème ; il ne sait pas qu'il ne sait pas et croit qu'il sait ; enfin, il ne sait pas qu'il ne sait pas et est convaincu de savoir.
S'ajoutent aux précédents deux autres types d'effets. D'une part, on note les effets de communication. Ils proviennent du fait qu'une théorie peut être vraie ou non et/ou utile ou non pour celui qui l'utilise. De même elle peut être intéressante ou non à ses yeux. D'autre pan, viennent aussi jouer les effets d'autorité. Ils amènent à choisir une théorie comme l'on pourrait parfois choisir un objet, c'est-à-dire en confiance. Cela n'a rien de péjoratif, mais provient du fait que l'on n'a pas toutes les connaissances nécessaires dans tous les domaines et que l'on peut avoir généralement confiance en une source d'information scientifique ou en son proateur, éventuellement rifiée dans le passé par expérience.



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