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MARKETING

Le marketing, parfois traduit en mercatique, est une discipline de la gestion qui cherche à déterminer les offres de biens, de services ou d'idées en fonction des attitudes et de la motivation des consommateurs, du public ou de la société en général. Il favorise leur commercialisation (ou leur diffusion pour des activités non lucratives). Il comporte un ensemble de méthodes et de moyens dont dispose une organisation pour s'adapter aux publics auxquels elle s'intéresse, leur offrir des satisfactions si possible répétitives et durables. Il suscite donc par son aspect créatif des innovations sources de croissance d'activité. Ainsi l'ensemble des actions menées par l'organisation peut prévoir, influencer et satisfaire les besoins du consommateur et adapter ses produits ainsi que sa politique commerciale aux besoins cernés.


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Le concept pour maitriser les forces concurrentielles



C'est le fait de maitriser les forces concurrentielles de son marché, disions-nous, qui permet A  l'entreprise de créer de la leur. Voyons maintenant dans quelle mesure et sous quelles conditions, détenir un concept permet de contrôler ces forces adverses.



Le concept face A  la concurrence des autres entreprises du secteur

Tout d'abord, quand vous détenez un concept, dans l'esprit du client, vous apparaissez comme le spécialiste du domaine. Quand on fait appel A  un spécialiste, c'est pour obtenir une garantie, l'assurance d'un certain niveau de qualité, d'une prestation sans surprise ; et, bien sûr, on est prASt A  en payer le prix. La stratégie de spécialisation est souvent gagnante par rapport A  celle du généraliste. D'autre part, apparaitre comme étant le spécialiste est, par définition, apparaitre comme étant différent des autres. Il ne saurait y avoir dans un domaine donné, une multitude de spécialistes. L'un d'entre eux finit toujours par émerger comme étant plus spécialiste que les autres.
Attention ! Souvent, lorsqu'on parle de spécialiste, il y a la notion d'un produit ou d'un service qui lui est associé. Ce n'est pas dans ce sens que le mot est pris ici. Nous parlons du spécialiste du concept qui sous-tend la leur que l'on attribue au produit en fonction de l'usage que l'on en fait ou de l'application que l'on en tire. Dans l'exemple du chapitre précédent, on peut dire que toutes les sociétés citées sont des spécialistes du matériel de bureau. Elles font toutes un excellent trail et connaissent parfaitement leur métier. En renche, aucune d'entre elles n'a réussi A  trouver ce concept qu'elles pourraient s'approprier pour offrir une leur particulière A  leur clientèle. Dans le secteur de l'automobile, il y a plusieurs constructeurs qui pourraient se réclamer d'AStre spécialiste du haut de gamme. Mais ceci n'a pas une réelle importance. Ce qui est important, c'est que Volvo soit le spécialiste de la sécurité et soit perA§u comme tel par le marché.
C'est cette perception qui assure au spécialiste du concept sa survie. A€ long terme, en effet, on sait que dans un segment donné, seules deux marques restent au sommet.
AŠtre propriétaire d'un concept signifie marquer de son empreinte un domaine donné, un domaine réservé où les autres concurrents apparaissent ant tout comme des suiveurs. Le leader par le concept ne développe que rarement son antage par les coûts mais cultive la différence, la singularité. Si vous AStes maitre d'une perception client, c'est que les autres ne le sont pas. Ce type de perception ne se partage pas. Les autres entreprises apparaissent alors comme des imitatrices, ce qui renforce le leader dans sa position.
La société Sidel est le leader mondial des machines utilisées pour la confection de bouteilles en plastique. C'est elle qui, dans ce marché, indique le rythme qui faire basculer les marchés de l'emballage en verre vers le plastique. C'est ce dernier mot qui lui est associé dans l'esprit des clients : Sidel signifie plastique ! Elle a cinq concurrents. Son président, F. Olivier, me déclarait : - Nous savons que nous sommes copiés et nous sommes heureux de l'AStre car ceci veut dire que dans l'esprit de chaque client la marque Sidel est vendue six fois ! -

Le concept face au pouvoir de négociation de l'acheteur

Celui-ci est limité car l'acheteur doit traiter avec des entreprises qui ne sont pas en concurrence frontale. En faisant appel au spécialiste, il accepte de payer le prix de la qualité que cette spécialisation induit. La détention d'un concept permet de fixer les conditions contractuelles. Les prix du leader deviennent les prix de référence du marché. Il sera en mesure de faire respecter entre lui et ses concurrents un écart qui représente la prime que les clients sont prASts A  lui payer pour obtenir la garantie d'une leur supplémentaire.
Un des exemples les plus repris dans la littérature économique A  ce titre est celui de Fédéral Express qui a commencé A  connaitre un échec retentissant lorsqu'il a attaqué fronta-lement le leader de l'époque, la société Emery Airfreight, en opposant aux trois offres de service de cette société des offres équilentes positionnées A  un niveau de prix plus agressif. Après des débuts catastrophiques. Fédéral Express décide d'un changement de stratégie en se spécialisant sur les petits colis A  livrer rapidement, du jour au lendemain, - overnight -. Leur publicité disait : - When it absolutely, positively, has to be there overnight -.
Les deux sociétés étaient des spécialistes du transport de colis. Fédéral Express a su devenir le spécialiste d'un concept.
Il n'est plus question de positionnement par le prix, il est question d'AStre la société incontournable lorsqu'il y a une urgence absolue d'AStre livré le lendemain. Fédéral Express s'est attaché A  détenir le concept - overnight -. Dès ce moment, les marges bénéficiaires sont maitrisées, les priorités d'investissements mieux contrôlées car ceux-ci sont exclusivement dirigés vers les éléments de la chaine de leur propres A  renforcer la spécialisation et sa perception par les clients.


Le concept face au pouvoir de négociation des fournisseurs


En général, un spécialiste essaye de dépendre le moins possible de ses fournisseurs sur les éléments clés de sa chaine de leur. C'est la condition pour lui de conserver son rang de spécialiste.
Le fondateur de la société Brita, spécialisée dans les filtres A  eaux, déclarait A  H. Simon : - Brita est le leader du marché mondial parce qu'il a un produit exclusif fabriqué sur des machines exclusives. - 1
Un autre dirigeant d'un champion caché illustrait très bien cette volonté de non dépendance par rapport A  des sous-traitants : - Nos clients sont bien conscients que tous les acteurs en présence utilisent les mASmes composants des mASmes fournisseurs. Ils ne trouvent pas normal de payer nos produits chers s'ils sont tellement semblables aux autres. En fin de compte, seuls diffèrent l'assemblage et l'apparence extérieure. Non, nous devons absolument avoir des composants de base exclusifs dans nos produits et dans ceux de personne d'autre. -
C'est ce que H. Simon appelle l'approche - étroite et profonde. - Etroite, parce que ce type de leadership ne peut se batir que sur un marché peu diversifié, avec une offre constituée de peu de produits. Le client ne peut vous percevoir comme spécialiste que si vous vous concentrez sur le domaine en question. Profonde, parce que vous avez pour but d'en maitriser tous les éléments constitutifs. C'est la raison pour laquelle vous méritez votre différenciation par rapport A  d'autres entreprises. Un spécialiste ne partage pas avec d'autres son savoir-faire. Il lui arrive de sous-traiter, de faire appel A  de l'- outsourcing -, mais ce n'est jamais sur les éléments de la chaine de leur qui lui sont essentiels.


Parfois des erreurs stratégiques sont commises, telle que celle, très célèbre, d'IBM sur les PC. Avoir laissé le marché du système d'exploitation A  Microsoft et celui du microprocesseur A  Intel a privé IBM des deux principaux éléments créateurs de leurs. En conséquence, IBM n'a jamais réussi A  faire de cette activité un - business - renle. Au fait, qui détient les concepts clés dans le marché des PC ? Quand vous achetez un PC, ne regardez-vous pas en premier s'il est équipé de Windows, s'il a - Intel Inside -, si vous pouvez le commander directement au fournisseur, Dell par exemple ? Aucun de ces concepts n'appartient A  IBM. Les chiffres montraient qu'IBM était un des principaux leaders, et mASme, pendant un certain temps, le leader incontesté de la vente de PC dans le monde. Mais les chiffres parlaient d'unités vendues, de chiffre d'affaires réalisé. Ils ne faisaient pas ressortir l'absence de maitrise des principaux concepts d'achat existant dans le marché. Or c'est dans cette maitrise que se situe la leur.

Le concept face aux menaces des nouveaux entrants et des produits de substitution

Précisons d'abord la nature de ces menaces afin de voir par la suite dans quelle mesure et comment le concept est une arme de protection efficace contre elles.
L'effritement des barrières contre les nouveaux entrants
Les remparts protégeant les entreprises - installées - dans un marché sont souvent décrits comme étant :
» les protections légales, brevets, réglementations, législations dont on sait aujourd'hui qu'elles sont de moins en moins efficaces et fiables, s'écroulant dent le poids des forces de transformation qui caractérisent l'ère économique moderne ;
» les protections financières et économiques. La renilité de l'investissement A  financer pour pénétrer un nouveau marché peut AStre difficile A  réaliser, soit du fait d'une mise de fonds initiale trop importante, soit du fait de la nécessité d'atteindre un effet de masse, un seuil critique trop élevé, soit du fait de ces deux problèmes, simultanément. LA  aussi ces protections se sont affaiblies avec le temps ainsi que le démontrent quelques exemples.
Le cas Canon/Xerox est significatif A  cet égard. L'utilisation de compétences centrales permet d'abaisser le coût d'entrée dans de nouveaux marchés. C'est en partie en utilisant les compétences que Canon possédait dans le marché de la photographie que cette société a pu se développer dans le marché de la reprographie jusqu'A  prendre une position de leader dans le bas de gamme et dans le segment de la couleur. C'est l'exemple type cité par les adeptes de la stratégie - pôles de compétences -, par ailleurs décriée car son point de départ se situe dans l'entreprise sans considérer en premier lieu le besoin du marché.
Un autre exemple, plus d'actualité, est la stratégie suivie par Sony. En début d'année, le lancement de la station Playstation 2 a été un événement considérable au Japon, une vérile hystérie collective. Mais, si le phénomène était d'importance pour tous les fanatiques de jeux vidéo, il ne l'était pas moins pour l'entreprise. Le président de Sony déclarait alors : - La playstation est un pilier majeur de notre activité électronique qui constitue le cœur de l'activité de Sony. - Il signifiait par lA  que l'enjeu n'est pas seulement le marché des jeux vidéo mais bien la capacité de Sony d'utiliser les acquisitions technologiques de cette nouvelle console pour la distribution de contenus numériques : les jeux, bien sûr, mais aussi la musique, les films. L'unité centrale de la console affiche des performances trois fois supérieures A  celle du processeur Pentium 3. Les entreprises attaquées ne sont pas seulement Sega ou Nintendo mais aussi Intel et Microsoft.

On vient de voir deux exemples de stratégies, dont l'une avec le recul peut AStre qualifiée de réussie, menée par des concurrents inattendus qui n'étaient pas A  l'origine dans le marché du leader. Xerox regardait plutôt du côté de Kodak et d'IBM. On ne peut manquer A  ce sujet de penser A  la célèbre phrase du général G. Doriot, conseiller au Pentagone, professeur A  Harrd et l'un des fondateurs de llnsead : - Souvenez-vous toujours que quelqu 'un, quelque part, conA§oit un produit qui rendra votre produit obsolète. -
Cette remarque est encore plus actuelle du fait de l'émergence des nouvelles technologies qui permettent de toucher rapidement un marché mondial : la concurrence peut venir de partout et devenir mondiale du jour au lendemain. La fameuse chaine de librairies - BARNES and Nobles - l'a appris A  ses dépends, qui ne s'attendait pas A  perdre sa position de leader en aussi peu de temps, face A  un concurrent jailli de nulle part, Amazon.com.

L'effritement des barrières contre les technologies de substitution
C'est ce que craignent le plus les champions cachés. Ils se sont spécialisés dans des niches de marché réclamant soit une technologie, soit un savoir-faire de pointe. Leur crainte est de voir ces antages se banaliser et leur niche transformée en un marché de masse. Des produits A  performance presque identique sont proposés A  des prix tellement inférieurs que l'effet de spécialisation, de différenciation, ne joue plus et que la concurrence bascule, au niveau du fameux rapport qualité/prix, en faveur des nouveaux venus.
On a déjA  mentionné ici comme exemple le cas des montres digitales asiatiques. On peut aussi citer l'insion des marchés occidentaux par les puces A  mémoire venant des mASmes pays. En 1978, celles en provenance des états-Unis étaient trois fois plus nombreuses que celles venant d'Asie. Au début des années 1980, la situation s'inversa, ce qui obligea Intel, qui commenA§ait A  perdre de l'argent, A  se retirer de ce marché pour se repositionner complètement sur celui des microprocesseurs. L'histoire est riche d'exemples de ce type dans tous les marchés, les motos, l'automobile, la photographie, etc.
Il n'y a donc pas de forteresse imprenable. Tout leader doit vivre en étant perpétuellement aux aguets car sa position peut AStre remise en cause très rapidement. Cependant il y a des leaders plus ou moins exposés A  ce type de risque. Le vrai leader, celui qui tient sa puissance de par le concept, a une position privilégiée pour se défendre, mais A  une condition, celle de remplir ses devoirs.


La force du concept

En effet, nous avons vu plus haut que devenir le leader par le concept précédait l'avènement en tant que leader - part de marché -. En sens inverse, c'est la perte du concept qui, sans apparaitre clairement, précède néanmoins la perte de leadership en parts de marché. Cette raison est souvent cachée et n'apparait pas dans les analyses que l'on fait. Elle n'en est pas moins réelle. Dans ce sens-lA  aussi, les mots ont la prééminence sur les chiffres. Nous verrons dans les exemples qui suivent que ce sont bien souvent les erreurs du leader, entrainant la perte du concept, qui expliquent la victoire du challenger, plutôt que la stratégie de celui-ci.
Comment alors ne pas perdre le concept et quelles sont les erreurs A  ne pas commettre ? Il y a des devoirs qu'un leader doit assumer ; ils sont au nombre de deux. a–  Le premier devoir est de cultiver sans cesse la perception


qu'a le client de cette position de leader. Si ce n'est pas fait,


le marché se détournera de l'entreprise.

Par exemple, on a vu que c'est la stratégie - pôles de compétence - qui explique maintenant le succès de Canon. Mais il y a une autre analyse possible. Xerox, A  cette époque, ait déjA  potentiellement perdu sa place de leader dans l'esprit du marché car il n'était plus considéré comme le spécialiste de la photocopie. Investissant en priorité dans les domaines des services financiers, ayant manqué l'évolution dans le domaine des micro-ordinateurs personnels au profit d'APPLE, Xerox négligeait son marché de base. Cela apparaissait clairement aux analystes financiers, cela se sait également de faA§on latente dans le marché qui ne demandait qu'un signe pour manifester son désintérASt pour la société. Canon n'a fait que mettre A  jour cette faiblesse potentielle.
A€ l'opposé, quand un leader remplit ses obligations, il peut rester leader pour longtemps.
Qu'en sera-t-il pour Sony face A  Microsoft et Intel ? L'avenir le dira, mais, si ces deux dernières sociétés restent bien concentrées sur leur marché en y assumant leur devoir de leader, on peut imaginer qu'il ne sera pas facile de les détrôner. En fait, l'histoire ne milite pas trop en faveur de la stratégie de Sony. Amstradt, dans le contexte différent il est vrai des technologies de l'époque, ait aussi voulu profiter de la synergie entre les deux mondes mais, A  vouloir l'un et l'autre, il ne réussit dans aucun des deux.

Pour cultiver cette perception, le leader est aidé par le fait que les mots restent dans l'esprit des clients. - La perception, dit A. Ries, est la chose la plus difficile A  changer. - Ceci donne au leader qui a fondé sa position sur la maitrise de la perception clients deux antages très forts pour contrer de nouveaux venus :
» c'est d'abord sa marque qui restera ancrée en priorité dans l'esprit du client, le cas extrASme étant atteint lorsque le nom du leader est devenu le nom générique du marché, utilisé couramment par les utilisateurs du produit ou du service (ainsi, aux états-Unis - Xerox it for me -, - Please, fedex it - sont des expressions qui montrent l'empreinte psychologique de ces entreprises sur leur marché) ;
» d'autre part, le nouveau concurrent venant d'un autre monde aura des difficultés pour imposer sa marque en lieu et place de celle du leader.
Le cas de Volkswagen aux états-Unis dans les années 50 est très significatif A  cet égard . Ayant réussi A  imposer la Beetle sur un segment de marché laissé libre par les constructeurs de Détroit, Volkswagen décida, ce qui peut A  de nombreux yeux apparaitre très sensé, de monter dans la gamme. Après tout, le constructeur allemand ait une gamme de voiture très performante en Europe. Mais le consommateur américain n'était pas l'européen. Pour lui, Volkswagen signifiait ant tout : - petite voiture pas chère, pas luxueuse, pas belle - et la société, dans l'esprit de cultiver cette différence avec les entreprises américaines, ne s'en excusait pas. La publicité de cette époque qualifiait la Beetle d'- ugly - . Lorsqu'il a fallu monter dans la gamme, cet antage s'est retourné contre celui qui en ait profité : comment cette société, spécialiste de la petite voiture, pouit-elle en mASme temps devenir le spécialiste du haut de gamme ? A€ chacun, son métier. Et lA , le retour de manivelle peut AStre brutal. L'image de la société se dilue et celle-ci finit par perdre son identité. Volkswagen a échoué dans sa stratégie haut de gamme mais a aussi perdu sa place de leader sur le bas de gamme au profit des constructeurs japonais.
Un autre exemple célèbre d'échec est celui de Levi Strauss, lorsque cette société tenta d'utiliser sa marque dans des nouveaux créneaux tels que le vAStement de sport, les chaussures, etc. Laissons leur vice-président global marketing, R. Holloway l'expliquer1 : - The challenge faced by compa-nies with successful brands is to décide where to take the brand after it has become eslished in the minds of custo-mers. Perhaps the most common mistake when you become successful is to try to stamp your brand on everything It often takes a calamity to focus a company's collective mind. When you are doing well the temptation is to keep adding bits hère and there. Ultimately you risk losing your core customer. - 2
Il semble bien que ce fut lA  le point de départ de l'affaiblissement de la marque qui progressivement a conduit la société dans une position financièrement très critique.
L'exemple de Porsche montre également la puissance du concept pour un leader et aussi ses dangers si on ne l'utilise pas A  bon escient. Fin des années 80 et début des années 90, la société dut faire face A  une spectaculaire régression de ses ventes, qui passèrent sur son marché des états-Unis de plus de 30 000 unités en 1986 A  moins de 5 000 en 1993. Cette perte de parts de marché se fit au profit de la concurrence japonaise dont les performances n'aient plus rien A  envier A  celles du constructeur allemand, et pour un prix bien inférieur.
VoilA  bien l'exemple qui démontre, me direz-vous, que, finalement c'est bien le seul rapport qualité/prix qui compte et que le client n'hésitera pas A  changer de fournisseur s'il trouve mieux ailleurs. Mais la question reste en fait posée :
est-ce le challenger qui a gagné du fait de sa stratégie ou est-ce le leader qui a tout fait pour perdre ? La perte du mot, disions-nous, précède la perte du chiffre.
Bien ant de perdre des parts de marché, Porsche ait perdu la position qu'il détenait dans l'esprit du client. Cette perception pouit se résumer A  un mot, ou plutôt A  un numéro : 911. Dans les années 70, Porsche était certainement le plus petit constructeur indépendant en ce qui concerne les chiffres. En renche c'était un leader puissant sur un segment bien déterminé, celui de la 911. Mais, par la suite, Porsche sortit de sa citadelle et s'aventura sur d'autres terrains avec des modèles - 924, 944, 968 - qui, pour les inconditionnels de la marque, n'étaient plus cohérents avec la perception qu'ils en aient : des prix plus bas mais seulement 4 cylindres, des pièces d'origines diverses, une fabrication en partie sous-traitée, cela fait beaucoup. En fait, Porsche traA§a la route A  suivre pour ses concurrents. D'où vint le redressement de la société qui a pour objectif de vendre plus de 45 000 véhicules, dont 20 000 aux états-Unis, en 2000, après avoir annoncé pour 1999 une croissance de son chiffre d'affaires de 25,5 % et un doublement de son profit ? Devinez ! De la 911. Une récente publicité faisait dire au personnage : - Je conduis toujours une 911. Ce n'est plus la mASme que celle que j'ais il y a trente ans, mais c'est une 911. - Le cabriolet Boxster a complété la gamme avec un prix inférieur A  celui des 911 mais, contrairement aux 924 et 944, il se situe dans la lignée technique Porsche. C'est bien d'une Porsche dont il s'agit.
Au chapitre des occasions manquées, on peut citer celle de Xerox qui fut le premier A  lancer la technologie d'impression A  laser mais en se cantonnant au très haut de gamme avec un produit, le 9 700, dont le prix avoisinait le million de francs. HP fut plus prompt A  comprendre que le marché le plus attractif pour cette technologie d'impression était celui des petites imprimantes de bureau. J. Trout raconte 1 qu'il fut amené A  proposer A  Xerox de lancer le concept de - lasographie - pour, sur ce segment de marché, se substituer au terme - xérographie -. Cette proposition, non retenue, aurait pourtant été de nature A  batir la perception que Xerox était bien le leader innoteur pour cette technologie et cela lui aurait certainement permis de mieux faire face A  la mainmise de HP sur le bas de marché.


a–  La seconde responsabilité qui incombe A  un leader pour ne pas perdre le concept est de ne pas manquer la nouvelle génération de technologie. Parce que sa position de leader est bien ancrée dans l'esprit de chacun, c'est bien sûr lui qui doit montrer la voie. Mais, attention ! s'il ne le fait pas, la déception sera A  la mesure de l'attente et l'idole tombera de son socle.
Certaines sociétés assument très bien ce rôle de leadership technologique. Gillette a toujours introduit le premier une nouvelle génération de rasoirs et de lames, de la double lame au récent Mach 3, en passant par le rasoir jele. De ce fait, la société a toujours coupé l'herbe sous le pied de ses concurrents en les empASchant, pour certains d'entre eux, de prendre place sur ce marché, comme ce fut le cas pour Bic et son rasoir jele. Gillette fut fondée en 1901 et possédait déjA  en 1920 80 % du marché américain du rasoir et des lames !
Comprenons que ce qui pourrait sembler une évidence stratégique n'est pas chose aisée, ni A  décider ni A  faire. Quand un leader prend la décision d'imposer une nouvelle ancée technologique, c'est d'abord lui qui en souffrir. Les nouveaux produits auront un effet de destruction de la ligne de produits antérieure, effet dit de cannibalisation, et parfois avec des marges unitaires plus faibles. Alors, peut-on penser, est-ce bien la bonne décision, est-ce bien le bon moment, ne faut-il pas mieux attendre ? Il était enseigné que les produits aient une durée de vie et qu'il fallait gérer le remplacement des produits actuels par les produits futurs en fonction de cette courbe de vie. C'était ignorer toutes les ruptures dues aux initiatives concurrentes, A  l'évolution des attentes, de l'environnement, des comportements. Les méthodes d'ingénierie concurrentielle ont aussi entrainé un raccourcissement important des temps de développement de nouveaux produits et, nous l'avons déjA  signalé, une des caractéristiques de la nouvelle économie est de donner encore un coup d'accélérateur A  l'ensemble de ces phénomènes.
Prenons l'exemple de Digital Equipment Corporation, au temps où cette société était la reine des marchés financiers. Sa réussite exemplaire dans le domaine des mini-ordinateurs ait fait d'elle, de manière incontestée, le leader du segment - petit et décentralisé - par opposition A  IBM qui signifiait - grand et central -. Apple ait dans le mASme moment lancé le micro-ordinateur personnel mais n'ait eu de succès que dans le marché du petit - business - et celui de la maison. Apple ait échoué dans ses tentatives de pénétrer l'entreprise. Si une société était placée pour réussir dans le domaine du micro-ordinateur en entreprise, c'était donc bien DEC qui ait déjA  introduit les concepts nécessaires au succès. DEC ne l'a pas fait, laissant le champ libre A  IBM et la suite de l'histoire est connue.
Si le raisonnement est si limpide, pourriez-vous demander, si les échecs sont si prévisibles, pourquoi y a-t-il matière A  discussion, quel est le problème ? Les décisions pour un leader d'attaquer sa propre ligne de produits ant que la concurrence ne le fasse ne sont pas si faciles A  prendre - et pas parce que l'on est dans l'ignorance de ce que fait le concurrent : il était de notoriété publique, par exemple, qu'IBM traillait en priorité sur le PC professionnel, et, souvent, il existe de nombreux signes laissant présager l'arrivée future d'un nouveau produit (presse, dépôt de brevets, rumeurs dans les salons professionnels, fuite de partenaires ou de fournisseurs, imprudence d'un vendeur, etc.). Ce n'est donc pas par ignorance des projets concurrentiels mais pour les raisons suintes :
» D'abord, les sommes en jeu sont bien souvent considérables. Le coût de développement du Mach 3 a été de 750 millions de dollars et le coût total de lancement probablement aux alentours du milliard. Si vous aviez A  décider de l'emploi de telles sommes, il est vraisemblable que vous hésiteriez A  investir en priorité lA  où vous AStes fort, lA  où votre part de marché est déjA  majoritaire. Vous pourriez plutôt AStre tenté d'investir ailleurs, de diversifier votre ligne de produit, de gagner quelques points de croissance incré-mentaux en vous aventurant sur d'autres marchés. Il n'est jamais difficile sur le court terme de grappiller quelques pourcentages de croissance par une diversification. Le problème ne se pose qu'après.
» Ensuite, il existe un amalgame d'arrogance, d'histoire, d'amour propre, de culture qui freine votre décision. A. Ries cite quelques réflexions de K. Olsen ', le président emblématique de DEC face au PC : - The personal computer wiïl fait flat on its face in business. - 2 ou encore : - If IBM goes first, we can beat their specs. - H est connu qu'A  cette époque, il était difficile chez DEC d'aborder le sujet du micro-ordinateur. DEC était la société du mini et toute sa culture d'entreprise était ancrée autour de ce produit. - On ne change pas une équipe qui gagne - est un axiome sportif qui n'a pas sa place en économie. Avoir une forte culture a été dans le passé considéré comme une force importante. Certaines grandes sociétés s'en enorgueillissaient sans s'apercevoir que la difficulté d'intégrer des talents externes, d'introduire de la diversité, était une faiblesse qui pouit A  terme conduire A  leur perte. En répondant A  une question sur quel était le principal risque qu'il voyait pount lui faire perdre son antage concurrentiel, L. Doublet me répondit : - Ne plus savoir écouter les jeunes de moins de 24 ans. -
Apprendre A  oublier est un des thèmes de La conquASte du futur de Hamel et Prahalad, en particulier apprendre A  oublier ce qui a fait son succès. Il faut savoir se libérer de ce fameux code génétique qui impose au sein des entreprises une mASme faA§on immuable de penser.
Ainsi, assumer ses obligations de leader ne pas sans difficultés, mais celui qui a réussi A  s'imposer par le concept, on l'a vu, maitrise les forces concurrentielles du marché : celle de l'acheteur, parce qu'il apparait comme le spécialiste incontournable, celle des fournisseurs, parce qu'il a réduit au maximum sa dépendance vis-A -vis d'eux, celle de ses concurrents, parce que la maitrise du concept lui assure le degré de différenciation indispensable, celle de la menace des nouveaux entrants car la perception, si on la cultive, reste acquise A  l'entreprise qui a su la créer, celle des nouvelles technologies, mais A  condition que le leader sache se remettre continuellement en cause.
Le concept est créé par l'entreprise mais ce sont les clients qui se l'approprient. Il représente le lien indestructible entre le fournisseur et son marché. C'est pourquoi, dent la déréglementation, les possibilités de contoumement des brevets, l'affaiblissement des technologies comme antage concurrentiel durable, finalement, le concept reste la protection la plus efficace A  la disposition du leader, s'il sait en faire bon usage. Sous ces conditions, les forces concurrentielles qui visent A  s'approprier le profit de l'entreprise sont maitrisées et la propriété d'un concept est créatrice de leur.





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