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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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La globalisation partielle



La globalisation partielle
C'est une vision commune que la globalisation serait l'avenir soit naturel, soit fatal de tous les pays qui ne voudraient pas se condamner A  la marginalisation. Souvent, le débat public le plus général peut mASme donner l'impression qu'on serait déjA  dans une économie globale, dotée de régulations entièrement élies au mondial. Les économistes insistent certes sur les nombreuses barrières A  l'échange qui subsistent, y compris dans le Marché unique européen ; mais, in fine, la voie serait la mASme : au moins dans les premières lignes introductives des articles les plus savants, le présupposé d'une globalisation irrésistible et uniforme transparait bien souvent. Tout au plus cette force pourrait-elle AStre rompue par la protestation sociale, mais A  nouveau la difficulté A  articuler une stratégie alternative de croissance peut parfois laisser passer l'expression d'un certain fatalisme.


La globalisation se résumerait ainsi A  l'ouverture et A  la conjonction des marchés nationaux, autorisant une circulation toujours plus large des biens et des actifs, A  la limite sans solution de continuité. La propriété et la liquidité monétaire seraient un attribut intrinsèque des agents, dont ils pourraient disposer librement sur le marché mondial, c'est-A -dire en user et en abuser. Toute limitation A  la libre circulation de ces droits sera alors reA§ue comme une atteinte inadmissible A  la liberté individuelle et aux règles du jeu communes.
Or une image toute différente est ressortie ici, avec une netteté croissante : alors que les réformes institutionnelles appelées par la globalisation sont présentées généralement comme un problème d'ajustement, de friction, ou de - retard du politique - par rapport aux marchés, il apparait qu'un certain nombre d'institutions de premier ordre résistent A  la convergence ou ne la suivent que lentement, ou bien par leur propre voie. On retrouve ici la monnaie et les droits de propriété. Alors qu'elles déterminent de manière très directe la silité de la coordination de marché, ces deux institutions restent très fortement ancrées au national. Elles résistent tant A  la convergence qu'A  toute forme de sélection internationale, aussi bien lorsqu'elles fonctionnent correctement que lorsqu'elles montrent des défaillances structurelles qui réduisent leur qualité de bien public. La conséquence est de réduire la qualité des ajustements de marché puis éventuellement de produire des crises dangereuses : des sortes de court-circuits entre les flux globaux et les institutions locales.
Tel est le paradoxe de la globalisation partielle dans laquelle le monde est entré A  grande vitesse, depuis 1990 : alors que l'on décrit généralement un vaste mouvement de convergence et d'homogénéisation conduisant vers un marché global unifié, elle rend en fait les marchés internationaux beaucoup plus vulnérables aux défaillances et A  la diversité des institutions économiques locales.
On a analysé ce déséquilibre dans le cas des marchés financiers mais, remarque-t-on. il s'observe dans des termes ables au commercial. Jusqu'aux années quatre-vingt incluses, l'ouverture concernait des transactions simples et robustes parce qu'elles reposaient sur le transfert définitif de la propriété, tant sur des matières premières que sur des biens manufacturés. Les enjeux contractuels et monétaires étaient certes présents, mais ils étaient peu exposés aux insuffisances du cadre institutionnel. Au pire, l'échange pouvait prendre la forme du troc, comme dans les accords de compensation : il suffisait de s'accorder sur les termes de l'échange, c'est-A -dire sur une unité de mesure.
De manière croissante depuis 1990, l'expansion des échanges internationaux a porté sur des contrats beaucoup plus complexes, parce qu'A  caractère intertemporel : on transfère provisoirement et contre rémunération certains droits d'usage attachés A  la propriété sans que celle-ci soit cédée définitivement : c'est le cas tout particulièrement des droits de propriété intellectuelle : brevets technologiques, logiciels, molécules pharmaceutiques, droits d'auteur, soit plus généralement une grande partie des échanges de services. Le contrat est alors vulnérable parce que celui qui cède son droit est exposé A  des risques bien plus sérieux de spoliation : le bénéfice de l'échange reste le mASme sur le théorique, mais il peut AStre entièrement accaparé par l'un des contractants. Or, pour se protéger, le producteur ne peut que faire appel aux institutions juridiques du pays de l'acquéreur, qu'il soit canadien, russe ou chinois. Rien ne permet de penser que l'extension des échanges va modifier cet état de fait. Ainsi, quand l'OMC a voulu élir un cadre pour le développement des échanges de droits de propriété, elle n'a aucunement cherché A  élir une définition unique, déjA  globale, des brevets ou du droit d'auteur : elle a imposé aux pays signataires de l'accord de se doter d'une loi cohérente, A  laquelle les contractants locaux et étrangers pourraient faire appel dans leurs transactions.
L'extension du commerce des biens tangibles aux droits de propriété intellectuelle, tout comme la substitution de la dette souveraine par des titres de dette privés impliquent ainsi, A  la - frontière de la globalisation -, une mASme forme de relocalisation et donc d'affaiblissement du cadre institutionnel de l'échange international (Sgard, 2001). Ces marchés deviennent plus fragiles et rien ne permet de penser que les causes structurelles de cette fragilité se résorberont d'elles-mASmes, sous la seule pression des intérASts privés.
Cela n'est certes pas un constat entièrement nouveau. Le capitalisme a toujours montré une capacité irrépressible A  étendre les échanges A  des espaces qui ne répondent que très imparfaitement A  ses propres règles ; mais comme son développement reste conditionné par un cadre juridique sle et prévisible, ce dynamisme est aussi une source de fragilité systémique. Dans Standing Guard (1985), qui retrace l'histoire de la protection des investissements internationaux, Charles Lipson souligne le dualisme géographique qui dominait déjA  au xixc siècle les flux de capitaux. Entre les économies du centre, ils étaient très protégés par les principes du droit international public, remontant au traité de Westphalie, par lesquels les états étaient mutuellement garants de la propriété des étrangers sur leur sol. En revanche, dans les échanges avec la périphérie, l'enjeu de la propriété et de la discipline contractuelle était plus difficile A  gérer et il contraignait fortement l'extension des intérASts économiques occidentaux.
Trois cas de ure sont identifiés. En Amérique latine, des élites engagées dans un processus de construction d'un état moderne ont pu apporter assez vite des garanties suffisantes, quitte A  AStre rappelées A  l'ordre par des interventions militaires de temps A  autre : Lipson en dénombre quarante entre 1820 et 1914, du seul fait du Royaume-Uni, dont trente-six étaient motivées par la défense des droits commerciaux de sujets britanniques. En Afrique, où les structures étatiques et juridiques n'étaient guère, voire pas développées, une solution alternative était de prendre de facto le contrôle de certains territoires, la colonisation apparaissant alors comme une réponse aux contraintes institutionnelles du capitalisme dans cette première ère de globalisation'. Enfin en Chine ou dans l'Empire ottoman, un principe d'extratcrritorialité imposé par différentes variantes des traités inégaux permettait aux entreprises européennes d'opérer selon le droit de leur pays d'origine et de régler leurs différends devant leurs juridictions nationales.


Ainsi, des réponses ont pu AStre trouvées face A  la diversité et A  la fragilité des droits de propriété, au international. Le problème est qu'aucune de ces méthodes n'est encore valide : l'intervention militaire, la colonie et l'enclave juridique sont désormais exclues, mASme avec les états les plus faibles. Telle est la différence majeure entre l'expérience de globalisation antérieure A  1914 et celle des années quatre-vingt-dix. La première, A  la fois libérale et impérialiste, reposait sur une structure juridique et in fine sur des garanties politiques de l'échange (renforcement) qui pouvaient AStre apportées de manière unilatérale par un pouvoir international A  caractère hégémonique. Aujourd'hui, l'ordre international est très largement fondé sur le principe de souveraineté dont l'extension, avec la décolonisation, est allée de pair avec le développement très large des prérogatives et des institutions des nouveaux états - aussi grandes soient leurs difficultés A  faire fonctionner ces institutions et ce droit.
C'est la raison principale pour laquelle la coordination ou la convergence internationale des normes économiques, sur lesquelles deaient reposer les marchés, restera centrée sur les acteurs étatiques et sur leur action collective, c'est-A -dire sur la scène multilatérale. Elle sera certainement confortée par le développement rapide de normes de type infralégal, A  caractère jurisprudence), provenant de diverses sources : arbitrage privé international, décisions quasi judiciaires d'instances tel l'Organe de règlement des différends de l'OMC, coopération entre les agences nationales de régulation des marchés (Sgard, 2002b). Mais, comme dans le cas des règlements de faillite négociés - A  l'ombre de la loi -. ces diverses formes de conventions supposent la référence A  la loi dure des états et A  leurs accords mutuels. Tel sera aussi le cas en Europe, où la construction d'- institutions globales - - le Marché unique et l'euro -n'a pas conduit A  la disparition des formes de coopération alternatives, destinées A  pallier la non-convergence de nombreuses institutions décisives - l'infralégal et F interétatique pour résumer. Au-delA  de l'espace européen, la normalisation de l'économie globalisée continuera de reposer in fine sur ces deux principes et singulièrement sur l'accord multilatéral.
D'où le paradoxe suivant : la silité des marchés globalisés, comme l'insertion réussie de chaque pays, demande elle-mASme le renforcement des capacités institutionnelles des états, qui doivent AStre capables de faire respecter les normes économiques de plus en plus complexes sur lesquelles ils s'engagent, éventuellement, A  travers les accords internationaux - par exemple sur les brevets. Non seulement la globalisation partielle implique la persistance d'institutions régulatrices nationales, mais elle appelle elle-mASme le renforcement de l'état, singulièrement celui de l'état de droit.
Le discours A  la fois simpliste et moralisant sur la discipline de marché et l'auto-institution des marches éclaire d'une lumière crue le principal contresens qui a dominé les réformes des années quatre-vingt-dix : la libéralisation et la privatisation de l'activité économique posent d'abord un problème d'institution publique. Toutes les expériences de transition en Europe de l'Est ont ainsi conduit A  la mASme leA§on : détruire le n'est pas difficile, une journée suffit ; en revanche, imposer aux agents les règles du jeu propres A  une économie de marché, A  commencer par le respect des contrats et de la norme de solvabilité privée, est infiniment plus difficile. Cela passe par un face-A -face entre d'une part des agents decoordonnées, mais qui résistent méthodiquement A  toute contrainte non négociable, et de l'autre un état qui est le seul in fine A  pouvoir instituer la règle, dans une interaction qui est sensiblement plus complexe que l'affichage solennel d'une règle de politique monétaire.
C'est comme la seule pelouse interdite, au jardin public, un beau dimanche de juin : il n'est pas difficile pour l'agent de service de remettre le promeneur distrait sur le bon chemin, mais si tout le monde décide de s'installer au soleil, les forces de l'ordre sont débordées et l'institution s'effondre. Pendant la transition, l'état est bien en charge de fonctions régaliennes classiques, mais, concrètement, il est confronté avant tout A  d'infinis enjeux de type -micro-institutionnel- : sa crédibilité et sa capacité A  élir une nouvelle règle du jeu économique - renforcement - se jouent dans l'interaction avec des agents privés opportunistes qui ne sont porteurs d'aucun principe alternatif de coordination. Construire une économie de marché demande ainsi d'instituer simultanément, l'un en face de l'autre, un espace public et un espace privé : c'est-A -dire un rapport entre la règle publique et l'intérASt privé A  partir d'une situation qui n'était pas tant caractérisée par un écrasement de celui-ci par celle-lA  que par la confusion ou l'indistinction despotique du privé et du public (Sgard, 1997).
Le mASme problème se pose, toutes choses égales par ailleurs, face A  tout programme de libéralisation et d'ouverture. La globalisation expose les économies les moins instituées A  des tensions brutales en mASme temps qu'elle leur offre des possibilités de croissance nouvelle : pour que ce potentiel ait des chances de se réaliser, elle doit aller de pair avec un effort de construction et de renforcement de l'état de droit et non pas de -recul de l'état-, comme on l'a répété inlassablement depuis 1990. Tel est le point sur lequel se joue le succès ou l'échec. A€ défaut, le risque est que l'état se privatise et se corrompe face A  l'émancipation de l'intérASt individuel, avant qu'il ne perde pied éventuellement devant le partage sauvage des biens communs, comme en Russie, ou devant la décoordination violente des marchés. A€ la limite, on ne saurait rendre plus clair, et plus terrifiant, cet enjeu A  la fois public et privé sur lequel se joue le succès de la libéralisation. Or, construire l'état ne saurait se réduire A  de V institution-building, ou A  cet étonnant nation-building apparu après les guerres yougoslaves et afghane, dans une sorte d'apothéose du discours de l'ingénierie sociale.


Ici, les politologues ont sans doute deux ou trois choses A  apprendre aux économistes, qui leur permettront de mieux comprendre l'économie elle-mASme.
Dans les économies les plus développés, dont le développement en Europe a été lié historiquement A  la formation des Etats modernes, les mASmes problèmes sont aussi réapparus avec force. Aujourd'hui, la libéralisation les soumet de nouveau A  ces contraintes, après l'abandon des modèles de développement d'après guerre. L'état fort et interventionniste auquel ces derniers sont associés était aussi un état plus fruste que celui qu'appelle la libéralisation : ses interactions avec les agents étaient beaucoup moins formalisées, dans un monde où la différenciation entre le public et le privé était volontairement plus faible, ce qui se reflétait dans les institutions de régulation - singulièrement la monnaie et la propriété.
Plutôt que de demander le démantèlement de l'état, la libéralisation et la globalisation demandent de le redéfinir et de le renforcer comme acteur public, éli dans une relation critique avec l'initiative et les marchés privés. Au moment où ces derniers voient leurs champs d'action s'étendre, l'état doit montrer avant tout une capacité accrue A  définir et A  défendre dans l'espace privé une règle du jeu universelle. Il doit imposer des règles d'interaction stricte avec les agents privés, et entre eux, appliquée de manière anonyme, homogène et prévisible A  l'ensemble des agents : ce n'est qu'une fois cela éli que la notion d'une - discipline de marché - peut commencer A  prendre forme. En d'autres termes, l'universalité des marchés, comme principe de coordination décentralisée, appelle l'universalité de l'état de droit. Telle est l'extrASme singularité de l'ordre libéral : il repose, dans son principe, sur une individualisation très poussée du sujet de droit face A  l'état, comme de l'agent économique face A  la concurrence et la norme de solvabilité2.
Cela exprime une condition ex ante A  une régulation de marché, qui appartient A  une théorie de l'économie libérale, et non A  une divergence logiquement ultérieure, qui relèverait d'une analyse ative de la pluralité des capitalismes.
Il ne s'agit donc pas de discuter ici de préférences collectives, de la recherche d'une - régulation sociale du marché -, ou de la volonté de défendre tel projet politique ou telle exception nationale plus ou moins sympathique. Ces revendications sont souvent légitimes et elles sont portées de fait par le système politique, avec des réussites inégales. Du reste, l'économie globalisée est beaucoup plus tolérante sur ce point qu'on ne le dit souvent : elle est surtout plus rigoureuse quant aux conditions dans lesquelles interagissent et se forment mutuellement la règle publique et le marché, au-delA  desquelles des préférences collectives peuvent prendre forme. Dans une très large mesure la qualité de cette relation détermine la possibilité de répondre aux contraintes de la libéralisation tout en défendant des préférences politiques, des équilibres sociaux ou des principes d'équité ou de solidarité.
Instituer fortement l'espace public autour de l'état de droit est nécessaire pour que le marché et la concurrence bénéficient au plus grand nombre, mais c'est aussi une condition pour préserver les instruments de l'action publique. C'est pourquoi, sur des registres différents, le contrôle de la concurrence, la supervision des risques bancaires, la répression des conflits d'intérASts, la fiabilité des règles comples, la lutte contre la corruption ou le blanchiment de l'argent ne relèvent pas de préférences politiques particulières, mais leur sont préalables. Dans des termes un peu schématiques, il est légitime de souhaiter un état régulateur, redistributif ou interventionniste dans son rapport aux préférences sociales ou, par exemple, A  l'environnement ; mais, avant cela, son rapport A  l'initiative économique privée, qui est désormais l'enjeu critique par lequel il se constitue, doit s'inscrire dans une interaction normalisée et très rigoureuse, fondée sur un principe de règle, par opposition A  l'action discrétionnaire.
La question est de définir la - rigueur - de cette relation. Ici ont leur origine deux des contresens les plus désastreux, charriés sans fin par le discours de la globalisation et par sa pratique : contrairement A  ce qu'on a tant dit, cette rigueur n'est pas instituée et défendue par les marchés, et elle ne s'applique pas A  tout l'espace de l'action publique. Elle doit AStre imposée aux agents économiques pour que l'espace public démocratique soit préservé.
A€ négliger ce point, on continue de tomber dans l'angle mort qui rend si stérile le débat entre les partisans du - recul de l'état - et nombre de leurs critiques, défenseurs notamment de l'- enchassement du marché - dans des régulations sociales {embeddediiess. Polanyi. 1983). Pour les divers courants insti-tutionnalistes, comme pour la plupart des critiques de la libéralisation, l'universalité des marchés et l'individualisme qu'ils impliquent sont souvent l'objet ultime de leur critique, face A  l'effort pour restaurer un principe supérieur de cohérence sociale ou politique. Et, généralement, cela se reflète dans un état posé en tendance comme un régulateur discrétionnaire ou le porteur d'un volonté collective, A  moins que le marché ne soit noyé dans une multitude d'institutions, de compromis sociaux, de régulations non marchandes ou dans des principes anthropologiques plus ou moins métaphoriques.
Sans qu'on nie la réalité empirique et la légitimité politique de ces cléments, la solution théorique qui est alors proposée se révèle souvent inopérante : l'affirmation d'un principe d'ordre social englobant, ou la recherche des - fondements - sociaux du marché, se traduisent épistcmologiquement par le mariage évidemment impossible d'une approche holiste avec l'individualisme méthodologique sur lequel est fondée la science économique. Et celle-ci fait évidemment les frais de l'opération : elle est perdue en cours de route et la connaissance du social n'a guère progressé. On pourra produire une connaissance cohérente et falsifiable d'une expérience concrète, mais son degré de généralité sera faible. Il sera très difficile de tirer des leA§ons un peu générales quant aux relations entre l'économique et telle variable sociale ou institutionnelle, ce qui était pourtant l'aspiration initiale. C'est pourquoi aussi une grande partie des recherches institutionnalistes ne sont pas prises en compte (ni légitimées) par la théorie économique standard : elles n'ont pas de prise sur elle pour des raisons qui sont d'abord épistémologiques.


En revanche, pour l'économie plus orthodoxe l'universalité des marchés est indiscule, puisqu'elle relève d'un principe de méthode. Les conditions en ex ante sous lesquelles une économie de marché concrète peut fonctionner de manière satisfaisante, et valider ainsi les modèles de la théorie, sont alors enfermées dans des axiomes : c'est-A -dire, pour résumer, des hypothèses très générales, posées a priori, et qu'on s'est empressé ensuite d'oublier, ne serait-ce que parce que le développement de toutes leurs conséquences formelles, moyennant quelques ajustements de paramètres, s'est révélé tout au long du xxc siècle d'une très grande richesse.
Ici, la nouveauté est venue de la transition en Europe de l'Est et des crises systémiques en Asie, qui ont demandé de se ressaisir de ces axiomes : ils sont redevenus problématiques, que l'on considère les droits de propriété, la discipline des contrats, le fonctionnement de l'unité de compte monétaire ou la silité du système de paiement. Ils ne peuvent plus AStre simplement supposés : si on ne parvient pas A  les instituer (au sens actif du verbe), ou si elles sont détruites par une crise systémique, alors le marché ne réapparait pas. Désormais, on sait cela positivement.
En d'autres termes, les axiomes ne sont pas des vues de l'esprit, absolument arbitraires, mais ils sont significatifs. Dans certains contextes, il peut AStre nécessaire de reproblématiser théoriquement les institutions dont ils sont le signe lointain, afin de comprendre pourquoi le marché déraille. Cela n'implique pas que les règles normales d'ajustement que formalise la théorie économique se dissolvent dans ces institutions et leur économie politique. On se contente d'expliciter comment leur défaillance peut produire des dérèglements économiques majeurs dont on ne parvient pas sinon A  rendre compte. Mais cela revient aussi A  préciser dans quelles conditions ces hypothèses institutionnelles peuvent AStre considérées comme acquises, ou non, ce qui permet de les reporter dans les axiomes, A  moins qu'elles ne soient traitées de manière différentielle A  l'intérieur de lois continues.
D'où la méthode suivie ici : rester au plus près des axiomes de l'économie, notamment par l'attention constante prAStée aux comportements qui sous-tendent les dynamiques agrégées, et refuser les concepts importés par lesquels on croit parfois mettre l'économie A  sa place, dans une sorte de science sociale réunifiée - ce qui est évidemment un mirage. Préserver logiquement les hypothèses et les concepts économiques permet de s'en servir légitimement, ce qui est utile vu leur puissance et les contraintes de cohérence qu'ils imposent. De manière plus générale, on peut alors essayer de mieux comprendre le conditionnement institutionnel d'une économie de marché, en ex ante, sans perdre pour autant la connaissance acquise de cette économie en ex post. Tel est le cas de la règle de faillite : elle est absente ou non problématisée au regard de la théorie générale, bien qu'elle trouve aisément sa place entre ses concepts, sans les perturber ou les contredire logiquement ; et parce qu'elle est aussi un concept historique et atif, elle peut éclairer la formation et les crises de cet objet toujours étonnant - une économie capitaliste coordonnée par le marché.
Cette économie politique analytique réservait toutefois une surprise. Si l'on considère sur longue période la formation de la science économique, en remontant au-delA  de la révolution marginaliste, il apparait que ces axiomes, qui servent ainsi de fenAStre vers les institutions, sont en fait le résidu fossile d'un passé ancien : en un mot, l'économie politique libérale du xtxc siècle, A  laquelle on inclura volontiers Adam Smith et Karl Marx, et dont on trouve aussi des échos chez quelques hétérodoxes de l'entre-deux-gucrres - von Mises, le jeune Hayek ou Keynes par exemple. Il s'agit de paradigmes, c'est-A -dire d'une constitution de la discipline et aussi de l'objet économiques, dans lesquels la formation d'un ordre capitaliste n'est pas supposée a priori, afin d'en étudier seulement le fonctionnement et les dérèglements. Parce que cet ordre était aiment révolutionnaire, dans des sociétés qui sortaient A  peine de l'Ancien Régime, ou qui étaient confrontées aux crises de l'entre-deux-guerres, il était en tant que tel l'objet de l'interrogation des économistes. Pour eux, le capitalisme libéral n'allait pas de soi : c'est ce qui donne aujourd'hui une grande fraicheur A  ces théoriciens.
Bien sûr, les sociétés occidentales, l'économie capitaliste actuelle, la science économique elle-mASme n'ont plus grand-chose A  voir avec celles du xixc siècle. Le concept de valeur-travail, pour ne prendre qu'un exemple, est devenu absolument incompréhensible au non-spécialiste. Mais il y a au moins une limite A  ce constat : par leur radicalisme mASme A  la périphérie, parfois par la violence de leurs échecs, également par leur pression plus mesurée dans les économies développées, les réformes libérales des années quatre-vingt-dix ont fait réémerger des enjeux théoriques que la science économique avait pu longtemps négliger ou ésectiuner.
A€ l'évidence, il s'agit aussi d'enjeux politiques, qui sont formulés par une demande sociale parfois tonitruante, dans des termes qui tout bien compté ne sont pas radicalement nouveaux. Le capitalisme (ou la globalisation) est-il sle ou connait-il des crises récurrentes qui le disqualifient ? L'Etat, notamment dans sa forme démocratique, est-il condamné A  dépérir devant les - forces du marché -, ou doit-il AStre redéfini ? Le contrat et l'intérASt privé peuvent-ils AStre surpassés par un principe collectif, exprimé par le vote, au national mais aussi international ? La propriété et la souveraineté sont-elles conciliables ? Ces questions qu'on a retrouvées tout au long de ce lie ont illustré le besoin, face A  la théorie de l'économie libérale, d'une théorie de l'état de droit, qui ne soit pas celle de sa dissolution et qui inclue aussi l'espace public. Dans le temps, on a su élir ce lien entre libéralismes économique et politique. Il n'y a pas de raison pour que ce ne soit plus possible.





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