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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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économie positive et économie normative



économie positive et économie normative
Les économistes, en alertant peu nos sociétés sur ce qui les attendait et en leur indiquant mal la voie A  suivre, ont contribué A  l'aveuglement collectif.




E. Malinvaud.


La séparation entre le règne des faits et celui des valeurs, postulée par D. Hume (1839), fonde la coupure entre économie positive et normative, précisée par N.W. Senior, J.S. Mill et J.N. Keynes, et acceptée par les principaux économistes A  quelques exceptions près (Knight, Hayek). Mais ceux-ci ne donnent pas pour autant le mASme statut et la mASme importance aux deux approches, et si Pigou affirme que - l'économie est une science positive de ce qui est et tend a AStre -, Marx réplique que - l'essentiel n'est pas de comprendre le monde, mais de le transformer -. En fait, la ligne de démarcation est malaisée A  tracer, car les propositions positives sont toujours empreintes de valeurs, et les propositions normatives tendent A  adopter des formulations neutres, les prescriptions ayant finalement une structure très semblable aux explications. Cependant, l'élaboration de recommandations adaptées A  une situation concrète suit un cheminement long et complexe qui exige diverses précautions, d'autant que l'aide A  la décision met face A  face deux types d'acteurs fort dissemblables, les analystes et les décideurs.


Normatité des propositions positives.


Nombre d'économistes ont affirmé la nécessité de purifier leurs propositions de tout caractère métaphysique, politique ou éthique, ont énoncé des critères méthodologiques pour aller dans ce sens, et fait de réels efforts pour les mettre en œuvre. Pour Debreu ( 1984), - l'économie n'est pas un objet de préférence personnelle ou d'opinion politique, ses fondements sont scientifiques- et pour Friedman (1953), il faut - fonder une science positive indépendante de toute position éthique ; ainsi, le monétarisme n'est ni de gauche ni de droite, il est scientifique -. Cependant, les jugements de valeur s'insinuent sous diverses formes dans les interstices du savoir, et, -dans un domaine où il n'existe pas de procédure reconnue pour éliminer les erreurs, les doctrines ont la e longue - (J. Robinson. 1962). Le discours idéologique tend fréquemment A  nier cette intrusion, mASme si l'on ne peut généraliser en sens inverse et prétendre que - l'économie est fondamentalement une science normative se présentant sous le déguisement d'une science positive - (Ward, 1972).
La normatité s'exprime d'abord par le fait, largement reconnu, que la recherche économique choisit ses thèmes en fonction du contexte sociopolitique de son époque et des préoccupations économiques plus immédiates de cette époque. Pour un libéral comme Hayek (1933), - l'analyse économique n'a jamais été le produit d'une curiosité intellectuelle détachée de tout soubassement social, mais d'un besoin intense de reconstruire un monde qui engendre une profonde insatisfaction-. Pour les radicaux (Franklin-Resnik, 1974), -un modèle ou un concept abstrait n'est pas un simple outil esthétique ; il est conA§u volontairement pour aider l'accomplissement d'un changement désiré et décrire les obstacles A  franchir pour y aboutir -. Mais, au-delA  de ce constat relativement banal qui concerne aussi bien les petites que les grandes théories (néoclassique, keynésienne), la vérile question est de savoir si celles-ci sont ainsi influencées jusque dans leurs contenus mASmes.
La normatité se manifeste aussi, en effet, par la constatation que les concepts sont chargés de connotations et d'images mal maitrisées, et les modèles sujets A  des simplifications et des réductions fatalement orientées. Plus encore, les faits sont immanquablement imprégnés de théorie, tant quant A  leur sélection qu'A  leur interprétation, et les théories peuvent avoir un caractère autoréalisateur et favoriser l'apparition des relations postulées. Soumises en tout état de cause A  un certain arbitraire, les théories ne peuvent s'abstraire de tout présupposé métaphysique et restent ancrées dans les mythes (voir I, 8), aussi bien en physique (théorie du big-bang) et en biologie (théorie de l'évolution) qu'en économie (théorie de la croissance). Ces difficultés peuvent AStre limitées, mais non contournées, en recourant A  une méthodologie critique sévère, qui a effectivement conduit A  des remises en question spectaculaires de théories, dans le sens de leur reconnaissance ou de leur abandon, plus en sciences naturelles (Galilée vs Lyssenko) qu'en économie (Keynes vs Malthus).
La normatité s'introduit finalement A  travers la définition mASme des critères de validation des modèles, sur lesquels il n'existe pas de vérile consensus, surtout en économie où la relation entre théorie et empirie est particulièrement lache. Ces critères constituent une fonction d'évaluation multidimensionnelle qui permet de er deux théories (voir II, 5), en particulier lorsqu'elles rendent compte également des faits, voire lorsqu'elles s'avèrent toutes deux autoréalisatrices. Ces critères reflètent généralement une attitude -neutraliste- (cohérence logique, adéquation aux faits) qui constitue une position éthique particulière, en droit ni plus ni moins légitime qu'une attitude -partisane- (Katouzian, 1980). Il est vrai, cependant, que, résultant d'une longue maturation, ils ne sont pas quelconques et peuvent faire l'objet d'un accord entre défenseurs de théories rivales, avant mASme que celles-ci ne soient soumises A  l'épreuve.

Neutralité des propositions normatives.

Par opposition aux propositions positives qui affirment l'existence d'une régularité empirique entre éléments d'un système, les propositions normatives expriment une préférence pour certains agencements de ces éléments, qu'ils soient de nature matérielle ou sociale. N'étant pas tesles, elles sont fréquemment considérées comme non scientifiques, mais sont insignifiantes pour l'empirisme logique et signifiantes pour Popper ; elles n'en constituent pas moins un pan important de la théorie et de l'analyse économiques. Elles se présentent, sous forme brute, comme des propositions évaluatives du type : - la ification centralisée est meilleure que le libre échange-, ou impératives du type : - il faut favoriser une redistribution des revenus -. Cependant, d'innombrables efforts sont accomplis pour aboutir A  une forme plus neutre des propositions normatives, A  l'image du passage de l'injonction : - tu ne tueras point - A  la proposition : - tuer est une action socialement désilisatrice- (Blaug, 1980).
Une première voie consiste A  exprimer les propositions normatives sous forme conditionnelle et non plus catégorique, les aspects positifs et normatifs étant associés en une condition suffisante du type : - si, alors -, ou nécessaire du type : - pour, alors -. De faA§on très générale, l'énoncé : - un équilibre concurrentiel est un optimum de Pareto - (et sa réciproque) met en édence une propriété jugée intéressante d'un marché, utilisée sous forme apologétique dans la doctrine du - laisser-faire - (voir II, 7). De faA§on plus spécifique, l'énoncé: - la suppression de la taxation directe est une incitation au travail et relance l'économie - associe, de faA§on plus floue, un moyen A  un effet désirable ou indésirable, et fait partie de tout un catalogue de préceptes formant la culture économique des politiciens (voir III, 4). Mais, dans l'un et l'autre cas, il ne faut pas oublier que les instruments sés ont d'autres qualités ou défauts que ceux qui sont indiqués, et que d'autres instruments peuvent permettre d'arriver A  des résultats désirés analogues.
Une deuxième voie consiste A  conserver une expression aussi générale que possible des préférences introduites, ce qui éte la régression A  l'infini engendrée par leur évaluation par des métapréférences, et conduit A  des -jugements de valeur qui peuvent AStre considérés comme unanimement acceples - (Arrow, 1951). Au niveau indiduel déjA , les préférences échappent A  la controverse en ne satisfaisant qu'A  des exigences minimales de rationalité (transitité), auxquelles les agents obéissent spontanément ou reennent si on leur fait observer l'existence d'une déance (voir II, 6). Au niveau collectif, le critère de Pareto, mASme s'il est incomplet et critiquable (voir II, 7), assure sa neutralité en se ramenant aux seules préférences indiduelles (révélées) et en étant soigneusement leur aison. Plus généralement, la construction de préférences collectives A  partir des préférences indiduelles est soumise, dans l'axiomatique d'Arrow, A  des conditions considérées comme - raisonnables -, mASme si elles s'avèrent encore trop sévères pour conduire A  un résultat toujours positif.
Une troisième voie consiste inversement A  se limiter A  des préférences tronquées, en arrAStant l'évaluation au niveau d'arguments intermédiaires mesurables entre préférences et éléments évalués (A  l'image des - caractéristiques - de Lancaster pour le consommateur). Sur le théorique, on peut er deux formes de subvention en faveur de la consommation d'un bien, l'aide A  la personne et l'aide au bien (par les prix), la première plus favorable quant A  l'utilité du consommateur, la seconde quant A  l'efficacité de la subvention. Sur le empirique, on peut er deux mesures de politique économique en simulant leurs effets sur les grands agrégats (emploi, solde extérieur, solde public, inflation), sans chercher A  agréger ces effets en une préférence collective. Dans une optique un peu différente, une fonction d'utilité collective peut, si l'on introduit l'hypothèse de distribution optimale des revenus, ne pas AStre spécifiée et donner naissance au critère opératoire du surplus collectif, qui s'exprime en fonction des seuls prix et des quantités échangées (dans un cadre concurrentiel).




Structure sémantique des prescriptions.


La structure sémantique de la prescription obéit A  un schéma analogue au modèle - déductif-nomologique - de l'explication, A  savoir le modèle - déductif-axiologique -, faisant passer des propositions normatives les plus - principielles - aux plus - opérationnelles - (Wolfels-perger, 1985). Simplement, les lois universelles L sont complétées par des normes universelles N'qui, associées A  des conditions singulières c, permettent de déduire des propositions prescriptives p, les trois prémisses devant AStre coordonnées et adaptées : L & N & c -> p. On peut ainsi obtenir des implications entre énoncés d'un mASme niveau, en particulier A  un niveau profond où les lois sont peu tesles et les normes peu controversables ; des constructions comme la théorie des jeux ne sont plus alors ni vraiment descriptives ni vraiment normatives, mais simplement spéculatives. Cependant, le schéma précédent est généralement utilisé par récurrence pour obtenir des prescriptions emboitées dans des conditions de plus en plus précises : une proposition normative de bas niveau résulte alors d'une série d'hypothèses positives et normatives se situant A  divers niveaux théoriques, une seule hypothèse normative suffisant A  rendre une conséquence normative.
L'implication peut AStre utilisée dans un sens direct, et une mASme norme générale, interprétée dans des sens différents ou appliquée A  des contextes économiques variables, va conduire A  des prescriptions différentes, sinon opposées. Ainsi, des axiomes généraux de rationalité collective (indidualisme, conséquentialisme) peuvent, en fonction d'un axiome supplémentaire, conduire au critère de choix social de Rawls ou celui de Bentham ; ce dernier (maximisation de la somme des utilités indiduelles) peut, selon ses conditions d'application (structure des fonctions d'utilité), conduire A  préconiser une distribution égalitaire des revenus ou s'en ésectiuner. De mASme, la recherche d'un optimum de Pareto pour l'économie conduit A  prescrire, pour les entreprises publiques, une tarification au coût marginal, modulée par un péage variable en fonction de leur situation particulière et des contraintes économiques générales (voir II, 7).
L'implication peut AStre considérée en sens inverse, et une mASme prescription peut alors résulter de normes et de théories différentes, ce qui fait dire A  Majone (1979) que -la politique est un ensemble de conclusions en quASte de prémisses -. Des convergences entre économistes sur des actions concrètes peuvent ainsi se révéler plus faciles que sur les valeurs et les représentations qui les sous-tendent, comme on s'en rend fort bien compte A  partir d'enquAStes sant A  mettre en édence leurs zones respectives d'accord et de désaccord (Frey et al., 1984 ; Bobe-Etchegoyen, 1981). Les mesures keynésiennes prises après guerre avaient déjA  fait l'objet d'un vaste consensus, et Keynes (1937) déclarait alors, en parlant de Pigou, que, -quand on en ent A  la pratique, il y a vraiment peu de choses qui nous séparent -. Cet una-nimisme est d'autant plus facile A  obtenir que les économistes - parlent le mASme langage, se comprennent A  demi-mot, peuvent se renvoyer par simple allusion des arguments fondés sur des concepts très élaborés - (Kolm, 1986).
Les divergences entre économistes peuvent finalement AStre attribuées, de faA§on non univoque, A  des hypothèses A  divers niveaux et de diverses natures, en particulier au rôle respectif des normes et des représentations. Pour Friedman (1965), par exemple, - les différences sur la politique économique entre citoyens désintéressés dérivent principalement de présions différentes sur les conséquences économiques de leurs actions, plutôt que de différences fondamentales dans leurs valeurs de base -. Force est cependant de reconnaitre qu'elles sont souvent dues aussi A  des sensibilités politiques différentes, de gauche et de droite, reflétées par deux courants de pensée autonomes (Mingat-Salmon-Wolfelsperger, 1985). Ils se distinguent au niveau de l'économie positive théorique (théorie du déséquilibre vs nouvelle macro-économie classique) ou plus empirique (modèles keynésiens vs monétaristes), comme de l'économie normative principielle (interventionnisme vs libéralisme) ou plus opérationnelle (politique macroéconomique vs action sur les structures).

Caractéristiques d'un modèle normatif.

A un niveau général d'application, une théorie normative e des états sociaux selon des normes sociales, mais sans spécifier les modalités d'action sur ces états ou encore les agents supports des préférences. A un niveau plus opérationnel, un modèle normatif e les moyens d'action d'un acteur prilégié, en fonction de leurs effets présibles sur les états sociaux et des préférences attribuées A  l'agent sur ces mASmes états. Bien entendu, le modèle est réellement normatif quand il est prescrit A  l'agent, mais deent positif si l'agent le suit, le modèle rationnel de comportement de l'agent étant d'ailleurs qualifié tantôt d'- équilibre -, tantôt d'- optimum - de l'agent. Tout modèle normatif comprend trois éléments qui doivent AStre compatibles, un modèle descriptif (et invariant) du système dans lequel baigne l'agent, un ensemble d'instruments d'intervention sur ce système (en entrées du modèle) et une batterie de critères d'évaluation (sur les sorties du modèle). L'acteur prilégié (voir II, 7) peut AStre un agent élémentaire comme l'entreprise (modèles de ification et de gestion, calcul économique privé) ou global comme la collectité, assimilée A  l'état quant A  ses moyens d'intervention (évaluation de politiques macroéconomiques et sectorielles, calcul économique public).
Les moyens d'intervention de l'entreprise concernent, A  des horizons différents, ses niveaux de production et ses prix, puis ses technologies et son organisation interne, mais aussi ses actions financières et publicitaires, son accès aux marchés et son association avec d'autres entreprises. Les moyens d'intervention de l'état vont des actions physiques (achats publics, production publique) ou financières (prix administrés, transferts) aux mesures réglementaires (droit du travail, contrôle d'entreprises, création d'institutions), en passant par les politiques macro-économiques (monétaire, budgétaire, fiscale). A l'un des extrASmes, on cherche A  restructurer fortement le système par des interventions massives, qui risquent d'avoir des conséquences malaisées A  prévoir et nécessitent des mesures d'accomnement pour limiter les effets défavorables sur certains agents. A l'autre extrASme, on cherche simplement une modification A  la marge du système, selon une méthode incrémentaliste, pour maintenir son adaptation A  un contexte évolutif, bien qu'une telle action puisse néanmoins avoir des effets non prévus importants.
Les critères d'évaluation de l'entreprise sont variés, car, outre la maximisation du profit ou du taux de profit, elle peut vouloir obtenir un chiffre d'affaires suffisant ou conserver sa part de marché, et enfin assurer un bon climat social et une structure financière acceple. Les critères d'évaluation de l'état concernent, A  un niveau global, l'allocation efficace des ressources, la justice redistributive et la silisation macro-économique, complétées par des objectifs extra-économiques ou plus spécifiques. Pour l'un comme pour l'autre, A  la recherche d'un optimum au sens d'un critère synthétique unique se substitue souvent la recherche d'un optimum sous des contraintes supplémentaires traduisant des objectifs plus opérationnels (optimum de second rang). Plus profondément, du point de vue d'un ensemble de critères, les actions - optimales - sont souvent remplacées par des actions - améliorantes - (qui permettent de se rapprocher de l'optimum) ou mASme - satisfaisantes - (qui permettent d'atteindre des normes minimales).


Les représentations de l'entreprise, plus ou moins formalisées, concernent son enronnement économique (demande, concurrence), juridique (état) et financier (banques), tout comme son organisation interne sur le technique, administratif ou social. Les représentations de l'état portent sur le fonctionnement du système économique, A  un niveau supranational, national, sectoriel ou mASme local, mais aussi, plus rarement, sur son organisation interne (structures décisionnelles, financières). Bien entendu, les représentations de l'agent prilégié portent en particulier sur le comportement des autres agents ; si ceux-ci sont aussi supposés rationnels, leurs contraintes, représentations et préférences sont, cette fois, internes au modèle descriptif (voir II, 6 et 7). Ces représentations permettent de er une - situation de référence- A  une situation modifiée par les actions possibles et doivent donc AStre suffisamment - réalistes - pour permettre une présion fiable des écarts (voir III, 3 et 7).


Traduction concrète d'un modèle normatif.


A travers toute une gamme de modèles plus ou moins théoriques et homogènes, il existe une longue chaine permettant de passer d'une situation insatisfaisante analysée par un acteur aux actions concrètes qu'il met en œuvre pour l'améliorer (Landry-Malouin-Oral, 1983).
Si une politique n'aboutit pas aux résultats souhaités, il est dès lors très difficile d'attribuer cet échec A  l'un des maillons, en particulier de savoir si c'est le modèle normatif lui-mASme qui est en cause ou l'adaptation de ce modèle A  la situation ou au décideur. En fait, si la validation logique est généralement assurée, les controverses jaillissent parallèlement A  propos de la validation conceptuelle (situation complexe et mouvante, objectifs conflictuels) et de la validation opérationnelle (moyens mal interprétés ou inadéquats). Pour Malinvaud (1977), les théories spéculatives sont directement en cause si l'on admet que - ce ne sont pas les modèles qui ont une influence décisionnelle, mais les conceptions théoriques qui les sous-tendent -. Mais pour Lesourne (1984), la crise actuelle des politiques - ne se situe pas au niveau de la théorie pure (elle ne s'est jamais si bien portée), elle ne concerne pas l'élaboration des statistiques de base (elle n'a jamais été si développée), elle ne peut porter que sur la théorie interprétative et la doctrine -.
La mobilisation d'un modèle normatif peut utiliser deux stratégies quant aux niveaux sémantiques enjeu : déduire d'un modèle normatif abstrait des prescriptions générales ensuite traduites en prescriptions spécifiques, spécifier d'abord le modèle normatif abstrait en un modèle concret pour en dériver directement des prescriptions spécifiques. Ainsi, l'évaluation d'un projet par un surplus micro-économique s'appuie sur un critère soutenu par une sion très générale (représentation par un équilibre général, fonction d'utilité collective peu spécifiée) ; son évaluation A  travers une simulation macro-économique repose au contraire sur une sion bien plus spécifique du système (modèle méso- ou macro-économique, objectifs de l'état spécifiés). La première méthode a l'avantage de dégager, une fois pour toutes, tout un ensemble de prescriptions cohérentes entre elles ; la seconde est en revanche plus réaliste dans la mesure où elle s'appuie sur des modèles mieux adaptés A  tel ou tel problème, mais nécessite une réévaluation au coup par coup.
La mobilisation d'un modèle normatif peut également s'appuyer sur deux stratégies quant A  la prise en compte de l'expérience : appliquer des prescriptions définies a priori A  partir de modèles normatifs dûment validés, amorcer un processus d'apprentissage en tirant parti a posteriori des leA§ons d'actions passées suffisamment semblables. Ainsi, une étude ex ante sur une dévaluation projetée consiste A  mesurer et A  évaluer ses effets au travers d'un modèle descriptif et d'une fonction-objectif prédéfinie ; une étude expost cherche A  apprécier les effets observables, objectifs ou subjectifs, de dévaluations effectuées dans le passé ou d'autres pays et A  les adapter au contexte actuel. Cependant, cette adaptation n'est possible que si les effets observés peuvent AStre interprétés dans un cadre théorique déterminé ; l'apprentissage peut alors consister aussi bien A  modifier directement les instruments généraux utilisés ex ante, qu'A  en rester implicitement A  un modèle spécifique de la mesure étudiée.

De la théorie A  l'action.

Une thèse fréquente veut que les théories économiques aient finalement peu d'influence sur les décisions prises, comme les théories linguistiques sur l'usage de la langue (selon Cournot) ; mais on peut seulement affirmer que cette influence est lente A  s'exercer, utilise des voies détournées et se mélange A  bien d'autres éléments. Pour J.M. Keynes (1937), - les idées des économistes et des penseurs politiques, qu'elles soient justes ou fausses, sont plus puissantes qu'on ne le suppose en général ; de fait, peu d'autres facteurs gouvernent le monde. Les décideurs, qui se croient exempts de toute influence intellectuelle externe, sont généralement les esclaves de quelque économiste défunt ; mais, tôt ou tard, ce sont les idées, et non les intérASts élis, qui sont essentielles, pour le meilleur ou pour le pire-. L'influence des théories peut mASme s'avérer plus rapide si elles sont suffisamment simples et rencontrent un terrain politique favorable ; ainsi, contrairement aux thèses keynésiennes, les thèses monétaristes ont faA§onné les politiques économiques récentes des pays anglo-saxons du vant de leurs inspirateurs.
Une thèse symétrique affirme que les problèmes économiques sont appréhendables directement en s'affranchissant de toute théorie, mais les analyses effectuées ne font souvent que redécouvrir maladroitement des mécanismes que les théoriciens ont fort bien explorés. Certes, - de mASme qu'en médecine, on peut savoir faire un excellent diagnostic sans participer A  la recherche médicale, on peut AStre un économiste asé et donner d'excellentes recommandations de politique économique sans faire de travail théorique- (Malinvaud, 1986). Mais, pour interpréter les informations statistiques, décrypter les observations monographiques, comprendre les tenants et les aboutissants d'une situation, évaluer les conséquences de mesures prises, il faut néanmoins disposer de grilles de lectures théoriques préalables. D'ailleurs, les lectures naïves de problèmes économiques sont truffées de concepts théoriques, mASme s'ils se sont banalisés en perdant de leur substance, et imprégnées de schémas théoriques, qui ont acquis progressivement un caractère d'édence.
Au risque d'un corpus théorique trop déconnecté des réflexions pratiques, on peut opposer le danger inverse de court-circuit entre la théorie et l'application, aucun modèle théorique n'étant directement et simplement applicable A  une situation concrète. Hayek (1933) constate que, - quand on en arrive au point où [la théorie] égare certains de nos meilleurs penseurs en leur faisant croire que la situation décrite a une pertinence directe pour la solution de problèmes pratiques, il est grand temps de se souvenir qu'elle ne traite pas du tout du processus social et n'est rien de plus qu'un préliminaire dans l'étude des principaux problèmes -. Quant A  Boiteux (1956), il reconnait, A  propos de son propre travail, pourtant A  sée opérationnelle, que - les résultats [théoriques] obtenus ont un caractère assez approximatif du fait des hypothèses dont la réalité nous donne une image assez peu encourageante ; on peut se demander si l'application pratique des résultats obtenus présente un réel intérASt -.
Il est indéniable que -certains économistes, américains notamment, ont agi A  la légère en voulant immédiatement transformer des conjectures théoriques, intéressantes, mais fragiles, en recettes de politique économique - (Lesourne, 1984). Cela est d'autant plus vrai que, sur les grands problèmes, - souvent les théoriciens sont un peu en retard : comme les généraux, ils ont besoin de la guerre pour réfléchir sur ce qu'il eût fallu faire - (Malinvaud, 1987). MASme dans le domaine technologique, l'adaptation est progressive : - l'aérodynamique est une théorie fortement charpentée et très développée, mais il est impossible de construire un aon sur papier et de le produire directement ; la conception passe par le test sur maquettes dans des souffleries et peut exiger des modifications ad hoc, mal comprises - (Hahn-Hollis, 1979). Aussi ne peut-on qu'AStre étonné de la prescription sans précautions de doctrines sur la seule base de résultats formels, comme n'hésite pas A  le faire Debreu (1984) : - la supériorité de l'économie libérale est incontesle et mathématiquement démontrée ; le mieux qu'une économie socialiste puisse faire, c'est de mimer une économie de marché -.




Aide A  la décision.


L'aide A  la décision, qui se doit de relier sémantique et pragmatique, est fondée sur l'idée qu'il existe une dichotomie entre des experts qui détiennent un savoir et des acteurs qui détiennent un pouvoir, les premiers pouvant aider les seconds A  dégager des actions satisfaisantes. Elle postule que, - dans toute situation devant entrainer décision, il existe au moins une action qui, avec suffisamment de temps et de moyens, puisse AStre objectivement démontrée comme étant optimale et ceci en restant neutre par rapport au processus de décision - (Roy, 1975). Sacrifiant au mythe du one best way et de l'expert au-dessus de la mASlée, Arrow (1951) observe que -l'économiste, par formation, pense qu'il est le défenseur de la rationalité, le juge de la rationalité des autres, le prescripteur de la rationalité collective -. Mais, pour Bour-dieu (1983), - une partie de ceux qui se désignent comme sociologues ou économistes sont des ingénieurs sociaux qui ont pour fonction de fournir des recettes aux dirigeants des entreprises privées ou des administrations, en offrant une rationalisation de la connaissance pratique ou demi-savante que les membres de la classe dominante ont du monde social -.
Les économistes théoriciens s'engagent souvent avec réticence dans l'aide A  la décision, mASme s'ils se sentent obligés de dire qu'ils vont se préoccuper des interventions concrètes (Walras a d'ailleurs complété son ouvrage théorique par un ouvrage appliqué de bien moindre audience). Surtout, ils s'y engagent plus ou moins profondément (Koopmans a écrit sur le fret des tankers), certains se cantonnant A  l'économie positive, d'autres s'en tenant A  des prescriptions générales, les plus audacieux ne s'aventurant pas au-delA  de recommandations bien assurées. Les décideurs acceptent eux-mASmes avec réserve de recourir A  l'aide A  la décision : - ils sont unanimes A  considérer que l'économie est tale, mais pensent également que moins les économistes sont consultés, mieux l'on se porte- (Ramsay, 1980). Ils - consultent - plus ou moins volontiers selon les problèmes en discussion, et confrontent les as exprimés A  leurs positions a priori, aux influences d'autres intervenants et directement A  leurs expériences antérieures.
L'économiste praticien est, en principe, dans une position de synthèse, car si le théoricien en sait plus que le politique sur le fonctionnement global de l'économie, le politique en sait plus que l'économiste sur le contexte et les enjeux précis de la décision. En fait, il est toujours dans la position inconforle du grand écart entre le théoricien, qui le rejette pour son manque de rigueur et de culture, et l'homme d'action, qui le rejette pour son manque de réalisme et d'opportunisme. Plus profondément, il peut AStre pris en tenaille de leurs attentes respectives, car - les hommes politiques ont besoin des économistes pour cautionner leurs choix idéologiques, et les économistes ont besoin des hommes politiques pour vulgariser leurs idées - (Leroux, 1985). La tentation est alors grande de se présenter comme politique par rapport aux scientifiques, pour capter leur intérASt, et comme scientifique par rapport aux politiques, pour s'assurer de leur confiance.
L'aide A  la décision ne saurait vérilement s'imposer que si le praticien adopte, par rapport au théoricien, une sion davantage centrée sur les problèmes concrets, mieux équilibrée quant aux facteurs responsables d'un phénomène et plus directement compréhensible. Il doit expliciter un schéma de référence, souvent semi-formalisé et hybride, mais qui permet d'articuler selon une logique - naturelle - les données concrètes de la situation analysée et des hypothèses théoriques suffisamment simples issues de champs variés. Le processus d'élaboration de ce schéma s'avère d'ailleurs plus important que ses résultats en termes de propositions d'action, car il oblige A  mobiliser toutes les informations pertinentes au problème et A  examiner l'applicabilité des théories A  la situation. Ainsi, pour P. Massé (1968), - l'élaboration et la discussion d'un modèle, si imparfait soit-il, ne sont pas des taches vaines ; elles sont, pour l'homme d'affaires, ce qu'est le kriegspiel pour l'homme de guerre -.

Relations analystes-décideurs.

L'aide A  la décision oppose ainsi deux types d'acteurs : les analystes qui modélisent la situation décisionnelle et émettent des recommandations, les décideurs qui fournissent les orientations générales et traduisent les prescriptions en décisions. Pour une décision donnée, les décideurs peuvent AStre multiples et mASme difficiles A  identifier : - si l'économiste demande où la politique est définie, la réponse peut AStre partout et nulle part- (Cairncross, 1985); de mASme, les analystes occupent des registres variés, depuis les conseillers directs des hommes politiques jusqu'aux bureaux d'étude privés, leur dépendance institutionnelle ne préjugeant pas forcément de leur liberté d'opinion. Si les rôles d'analyste et de décideur peuvent AStre remplis séquentiellement, voire simultanément, par le mASme indidu ou organisme (l'analyste étant souvent tôt ou tard tenté par le pouvoir), on peut également noter qu'un mASme analyste peut travailler pour divers décideurs et un mASme décideur recourir A  plusieurs analystes. A ce propos, Samuelson (1947) rappelle l'anecdote circulant avant guerre en Angleterre selon laquelle - si le Parlement avait A  demander leur opinion A  six économistes, il obtiendrait sans doute sept réponses, dont deux du versatile Mr. Keynes -.
Décideur et analyste utilisent des langages différents, le premier adoptant un discours verbal et polymorphe, appuyé sur des schémas qualitatifs et imagés grossièrement articulés, le second un discours plus abstrait et spécialisé, ancré dans des modèles formalisés et quantitatifs, d'abord cohérents. Ils s'inspirent aussi de rationalités divergentes, et si l'un se des actions partielles compatibles avec ses contraintes organisationnelles, s'intéresse A  leurs effets directs et de court terme sur des groupes cibles prilégiés et les adopte si elles satisfont A  des seuils minimaux sur des critères multiples et enchevAStrés, l'autre préconise des actions plus globales et mieux coordonnées, est sensible A  leurs effets d'abord matériels et cherche A  les optimiser selon un métacritère synthétique et homogène. Ils adoptent enfin des démarches distinctes, le décideur qui se présente comme le gestionnaire des vrais problèmes cherchant A  défendre ses positions dans une négociation et A  se protéger des effets néfastes de la décision, l'analyste qui se pose en garant de la rigueur intellectuelle cherchant A  asseoir sa notoriété intellectuelle et A  se garder des critiques de ses pairs.
Vu A  travers le prisme du modèle - rationnel - de décision, l'analyste est censé dégager une solution A  un problème dont le décideur fixe les déterminants dans leurs grandes lignes (Frisch, 1970), mais en fait, l'analyste a du mal A  lui faire expliciter ces déterminants, qui se révèlent, au mieux, progressivement au cours du processus. Le décideur fixe, en principe, plus spécialement les finalités, et l'analyste adapte les moyens, mais, en pratique, l'analyste est souvent sollicité pour définir les objectifs et le décideur prilégie certains types d'intervention, la frontière entre moyens et objectifs étant, en plus, souvent difficile A  tracer. Quant aux représentations du système sur lequel on veut agir, le décideur en possède un modèle conceptuel, et l'analyste en propose un modèle formalisé, la compatibilité n'étant réalisable qu'en conservant un schéma qualitatif renforcé par des zones formelles ou en retenant un cadre formel complété par des considérations qualitatives.
D'une part, l'analyste domine le décideur en l'enfermant dans un modèle normatif, mais il oscille, en pratique, entre une situation où il reflète fidèlement ses hypothèses de choix et une autre où il lui impose ses propres déterminants, voire ses choix. Il fait souvent preuve d'une certaine - schizophrénie - dans la mesure où, abandonnant brutalement ses conctions théoriques, il propose au décideur des solutions pragmatiques conformes A  ses attentes, mASme s'il leur conserve un brin de - déance -. D'autre part, le décideur domine l'analyste en étant le commanditaire de l'étude demandée, mais il oscille, en fait, entre une situation où il s'en désolidarise ou la néglige, et une autre où il l'endosse complètement et la traduit fidèlement en décision. Il pratique un certain - cannibalisme - quand, cassant la logique démonstrative de l'étude, il en récupère des informations prilégiées, des bouts de raisonnement ou des arguments porteurs qu'il réintègre dans sa problématique personnelle de décision (Walliser, 1983).





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