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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Formes de la modernité

Le processus de marchéisation déclenché par l'émergence de l'économie de marché a révélé clairement la contradiction entre les exigences de cette économie et celles de la société. En économie de marché, le trail et la terre deient AStre traités comme de vraies marchandises, avec leurs propres marchés libres et pleinement développés, alors que ce sont des marchandises fictives. C'est de la mASme contradiction qu'est née la longue lutte sociale qui a fait rage pendant plus de cent cinquante ans, de la révolution industrielle au dernier quart du xxe siècle, entre ceux qui dominent l'économie de marché (l'élite capitaliste qui contrôle la production et la répartition) et le reste de la société. Les premiers (avec le soutien d'autres groupes sociaux qui bénéficiaient du cadre institutionnel) voulaient marchandiser le plus possible le trail et la terre, c'est-A -dire réduire au minimum tous les contrôles sociaux visant A  les protéger : leur libre flux au moindre coût serait ainsi assuré. Quant A  leurs adversaires, en particulier la classe ouvrière, en plein développement pendant toute cette période, ils cherchaient A  étendre au maximum les contrôles sociaux en faveur du trail (mais pas tellement de la terre, jusqu'A  l'apparition du mouvement vert), c'est-A -dire l'autodéfense de la société contre les périls de l'économie de marché, A  commencer par le chômage et la pauvreté.
C'est l'issue de cette lutte sociale qui a décidé, A  chaque période historique, de la nature et des principales caractéristiques de la modernité. Mais l'influence respective des facteurs - objectifs - et - subjectifs - sur cette issue est controversée. Pour les marxistes, des facteurs objectifs comme les changements de technologie sont cruciaux, quand ils ne déterminent pas l'histoire elle-mASme (en dernière instance). Pour les partisans de la tradition de la démocratie/autonomie comme Castoriadis, en renche, des facteurs subjectifs comme l'- imaginaire social - jouent un rôle aussi essentiel, et l'issue est donc indéterminée. Il est bien sûr hors de doute que des facteurs - objectifs - ont été A  l'œuvre pendant toute l'histoire du système de l'économie de marché, mASme si ce n'est pas au sens strict que postule la - science - marxiste de l'économie (- lois -, - baisse tendancielle du taux de profit -, - phases d'accumulation -, etc.), mais plutôt au sens large du - croitre ou mourir -, la dynamique de l'économie de marché. Cela dit, si ces facteurs objectifs peuvent expliquer des motitions et des actes, en particulier ceux des élites, l'issue économique et sociale de la lutte qui en découle a toujours été indéterminée et imprévisible, comme le souligne A  juste titre Castoriadis. Néanmoins, s'il est faux de dire que les facteurs - objectifs - l'emportent de loin sur les - subjectifs - dans l'histoire de l'économie de marché, il serait tout aussi faux de trop privilégier les - subjectifs - aux dépens des - objectifs -. Ce livre postule que c'est l'interaction entre les deux types de facteurs, tout aussi importants, qui conditionne le développement historique - interaction qui (A  la différence du rapport - dialectique - marxiste) a toujours un résultat indéterminé.
Sur la base de cette problématique, nous pouvons distinguer trois formes de la modernité depuis l'instauration du système de l'économie de marché : la modernité libérale, la modernité étatiste et la modernité néo-libérale.

La modernité libérale
Une fois opérée la transition des marchés sous contrôle social A  un système de marché autorégulateur A  la fin du xvine siècle (transition dont une étape cruciale a été l'institutionnalisation de la mobilité physique de la main-d'œuvre en Angleterre en 1795), l'affrontement entre ceux qui dominaient l'économie de marché et le reste de la société a commencé sérieusement. Un mouvement de la classe ouvrière est apparu presque aussitôt - politique et - industriel - : sous sa pression ont été introduites des lois sur les usines et une législation sociale. Mais toutes ces dispositions institutionnelles étaient incompatibles avec F autorégulation des marchés et l'économie de marché elle-mASme. D'où un contre-mouvement de ceux qui la dominaient en Angleterre : il s'est terminé par le vote de mesures législatives pour instaurer un marché du trail concurrentiel (1834), étendre la liberté de contrat A  la terre (entre 1830 et 1860), abolir les droits de douane sur les exportations et les réduire sur les importations (dans les années 1840). De fait, les années 1830 et 1840 (qui ne sont pas sans ressembler aux années 1980 et 1990) ont connu une vérile explosion de lois supprimant des réglementations restrictives.
Pendant la période de la modernité libérale, qui a duré en gros un demi-siècle, des années 1830 aux années 1880, la dynamique - croitre ou mourir - a entrainé une internationalisation croissante de l'économie de marché. Celle-ci s'est accomnée de la première tentative systématique des élites économiques pour instaurer une économie de marché internationalisée purement libérale : libre-échange, marché du trail - flexible - et système de taux de change fixes (l'étalon-or). Le point culminant du mouvement favorable au libre-échange a été atteint dans les années 1870 : ce fut la fin du système des blocs commerciaux privilégiés et des restrictions au commerce qui aient caractérisé la croissance des empires coloniaux ant 1800. Le libre-échange universel ne fut pas instauré A  l'époque, puisque, en fin de compte, seuls la Grande-Bretagne et les Pays-Bas adoptèrent des politiques libre-échangistes, mais, pendant une brève période, dans les années 1860 et 1870, le monde parvint tout au bord d'un système autorégulateur tel que l'envisage la théorie économique classique13.
Cette première tentative échoua néanmoins, et la modernité libérale s'effondra, car il lui manquait la condition nécessaire A  une économie de marché autorégulatrice : des marchés ouverts, flexibles et universels des biens et des capitaux. Manifestement, ces marchés n'étaient pas réalisables A  une époque où de grandes puissances coloniales comme l'Angleterre et la France exerA§aient encore un contrôle presque monopoliste sur d'importantes régions du globe, aux dépens de puissances non coloniales en plein essor (comme les états-Unis) ou de puissances aux territoires coloniaux bien plus réduits (comme l'Allemagne)14. L'échec de cette première tentative d'internationalisation était donc inévile : les élites économiques A  cette époque étaient d'ailleurs purement nationales, contrairement A  ce qui se passe aujourd'hui où est apparue une élite économique transnationale - condition nécessaire au développement d'une économie de marché vraiment internationalisée.
Aux niveaux théorique et politique, le conflit entre dominants et dominés s'est exprimé par la lutte entre le libéralisme économique et le socialisme, dont l'affrontement a été, de la révolution industrielle au milieu des années 1970, le facteur clé de l'histoire occidentale. Le libéralisme économique visait principalement A  justifier le projet de marché autorégulateur que mettaient en œuvre les politiques de laisser-faire, de libre-échange et de contrôle réglementaire. Le socialisme entendait essentiellement légitimer le projet de contrôle social sur les ressources économiques pour satisfaire les besoins de tous (et pas seulement de ceux qui étaient capables de survivre A  la concurrence, comme dans le libéralisme économique) et protéger l'organisation de la production et la main-d'œuvre. Le libéralisme économique exprimait donc les intérASts des maitres de l'économie de marché, et le socialisme les aspirations des dominés, en particulier la classe ouvrière.
C'est le conflit entre le libéralisme économique et le socialisme, les idéologies des deux camps principaux de la lutte sociale pendant cette période, qui a conduit - après une phase transitoire de protectionnisme - A  une nouvelle forme de la modernité : l'éta-tisme15. Le renforcement considérable du mouvement socialiste -dû A  l'importante expansion de la classe ouvrière au début du xxe siècle et A  l'affaiblissement parallèle des élites capitalistes après la Grande Guerre et la Grande Crise - a joué un rôle décisif dans cette évolution. La forme étatiste de la modernité s'est caractérisée, A  l'Est, par une tentative d'élimination radicale de l'allocation des ressources fondée sur le marché et, A  l'Ouest, par un effort parallèle pour imposer aux marchés d'importants dispositifs de protection des trailleurs.


La modernité étatiste

La modernité étatiste a pris des formes différentes A  l'Est et A  l'Ouest. A€ l'Est pour la première fois A  l'époque moderne, il y a eu une tentative - systémique - pour inverser le processus de mar-chéisation et créer une forme de la modernité entièrement différente du type libéral ou social-démocrate (puisque ce dernier constitue, en un sens, une version de la modernité libérale). Cette forme d'étatisme appuyée sur l'idéologie marxiste s'efforA§ait de réduire au minimum le rôle du mécanisme du marché dans l'allocation des ressources et de le remplacer par une ification centrale. En Occident17, en renche, l'étatisme a pris une forme social-démocrate et s'est fondé sur les politiques keynésiennes : l'Etat contrôlait activement l'économie et s'ingérait considérablement dans le mécanisme d'autorégulation du marché, pour assurer le plein emploi, une meilleure répartition des revenus et la croissance économique. Si cette forme d'étatisme s'est dessinée dans rentre-deux-guerres, elle a connu son apogée durant la période d'après la Seconde Guerre mondiale : A  l'époque du consensus social-démocrate, jusqu'au milieu des années 1970, les partis de gouvernement de toute tendance appliquaient des politiques keynésiennes.
Néanmoins, tant dans sa version social-démocrate que dans sa version soviétique, la modernité étatiste conserit la principale caractéristique de la modernité libérale : la société restait officiellement séparée de l'économie et de l'état. La différence fondamentale entre les formes libérale et étatiste de la modernité portait sur les moyens d'assurer cette séparation. Dans la modernité libérale; elle l'était par la - démocratie - représentative et l'économie de marché ; dans la modernité étatiste, soit par la - démocratie - représentative et une version modifiée de l'économie de marché (social-démocratie occidentale), soit par la - démocratie - soviétique et la ification centralisée (étatisme de l'Est). De plus, les formes libérales et étatistes de la modernité partageaient une idéologie commune de la croissance, fondée sur l'idée de Progrès issue des Lumières - idée qui a joué un rôle crucial dans le développement des deux types d'économie de croissance : la - capitaliste - et la - socialiste - (voir chapitre 2). On voit que, mASme si l'économie de croissance est fille de la dynamique de l'économie de marché, il ne faut pas confondre les deux concepts : on peut avoir une économie de croissance qui n'est pas une économie de marché, et c'est notamment le cas du - socialisme réel -.
Mais - nous y reviendrons - les deux formes étatistes de la modernité se sont effondrées. Celle de l'Ouest dans les années 1970, quand l'internationalisation croissante de l'économie de marché, résultat inévile de sa dynamique - croitre ou mourir -, est devenue incompatible avec l'étatisme. Celle de l'Est une dizaine d'années plus tard, quand les dispositifs institutionnels qui aient été introduits dans les pays du - socialisme réel - conformément A  l'idéologie marxiste-léniniste (en particulier la ification centralisée et la démocratie de parti) sont devenus une entrave A  la poursuite de la croissance.

La modernité néo-libérale et l'internationalisation
L'émergence de la forme néo-libérale de la modernité peut AStre expliquée par des changements structurels et par leurs effets sur les paramètres de la lutte sociale : ils ont provoqué l'effondrement de la forme étatiste de la modernité en Occident. Ces changements structurels ont été essentiellement économiques : ils sont nés de l'ouverture croissante des marchés des biens et des capitaux qui a suivi l'apparition et l'expansion des firmes transnationales (FTN). Cette internationalisation de l'économie de marché néo-libérale a coïncidé avec d'importantes transformations technologiques (la révolution de l'information), qui ont marqué le passage de l'économie de marché A  une phase postindustrielle et ont changé radicalement la structure de l'emploi et par conséquent la structure de classes des économies de marché ancées (en raison de la déci-mation de la classe ouvrière), avec d'importantes conséquences politiques et sociales18. La résultante du changement radical des exigences des entreprises et de l'affaiblissement du mouvement ouvrier et socialiste a été la floraison du néo-libéralisme.
Pourquoi cette ouverture croissante des marchés ? Tout au long de la période d'après-guerre, l'internationalisation de l'économie de marché a été, certes, délibérément encouragée par les pays capitalistes ancés, notamment face A  l'expansion du - socialisme réel - et des mouvements de libération nationale dans le Tiers Monde. Mais, fondamentalement, elle résulte de facteurs - objectifs -, liés A  la dynamique de l'économie de marché. C'est son ressort profond, - croitre ou mourir -, et en particulier l'apparition et l'expansion continue des FTNl9 et le développement parallèle du marché de l'eurodollar20, qui a donné A  l'économie de marché sa forme internationalisée d'aujourd'hui.
Avec les restrictions imposées par l'état aux marchés durant la période étatiste, le marché du trail n'était pas libre de fixer les niveaux de salaire et d'emploi en fonction de l'offre et de la demande, comme l'exige une économie de marché. D'où la crise du début des années 1970, qui, contrairement A  ce que l'on dit souvent, n'était pas essentiellement due aux chocs pétroliers, mais ait une cause bien différente : le degré d'internationalisation alors atteint par l'économie de marché n'était plus compatible avec l'étatisme. Pour les raisons suintes :
a) Avec une circulation transfrontière toujours plus libre des capitaux (outre celle des produits), le contrôle effectif de l'économie par l'état-nation était devenu pratiquement impossible. Dans la période d'après-guerre, si l'ouverture au commerce international s'était déjA  beaucoup accrue, les marchés financiers, eux, n'étaient pas ouverts, ce qui permettait aux états de suivre des politiques économiques indépendantes. Mais le développement des marchés des eurodevises a beaucoup réduit l'efficacité des contrôles sur les opérations en capital, et les multinationales ont alors constaté que leurs moyens de saper les politiques économiques nationales incompatibles avec leurs objectifs s'étaient considérablement renforcés.
b) Certains mécanismes inhérents A  l'expansion de l'étatisme provoquaient l'inflation et/ou étranglaient les profits, deux phénomènes particulièrement gASnants dans le contexte concurrentiel qu' instaurait l'économie de marché internationalisée. Les dépenses de l'état s'accroissaient A  un bon rythme (pour financer l'extension de son rôle économique et social), souvent plus vite que la hausse de ses revenus, ce qui incitait A  un financement inflationniste des déficits budgétaires ainsi créés. Un autre facteur a été encore plus important : les employeurs, pour réduire le plus possible l'impact sur les profits des hausses de salaires - excessives - (c'est-A -dire supérieures A  la croissance de la productivité), ont réussi A  faire supporter au consommateur une part importante du renchérissement du coût du trail, sous couvert du choc pétrolier. Mais, avec l'internationalisation croissante de l'économie, qui intensifiait la concurrence, répercuter sur les prix les augmentations salariales - excessives - s'est avéré de plus en plus difficile.
Quand les états, pour réduire les pressions inflationnistes nées de ces évolutions et de la crise du pétrole, se sont lancés dans des politiques traditionnelles de déflation, la stagflation des années 1970 est devenue inévile. Non seulement ces mesures n'ont pas réduit l'inflation, mais elles ont aggravé le chômage conjoncturel, en plus du chômage structurel de longue durée qui s'accélérait déjA  avec les progrès de la révolution de l'information.
Dans ces conditions, le mouvement néo-libéral qu'on a vu fleurir au cours des années 1970 n'exprimait pas seulement, comme le soutiennent souvent les théoriciens de gauche, un inévile - choc en retour - de la droite, parce que la nouvelle gauche s'était effondrée après le soulèvement avorté de Mai 68. La montée du néo-libéralisme traduisait surtout un urgent besoin des élites politiques et économiques : donner l'assaut A  l'étatisme, en raison des problèmes économiques (l'inflation, puis la stagflation) que créait son incompatibilité avec l'internationalisation en plein essor - et ces problèmes leur permettaient aussi, par la mASme occasion, d'inverser le rapport de forces en leur défaveur qu'ait instauré l'étatisme.
Né dans le milieu universitaire (l'école de Chicago, la résurrection de Hayek, etc.), puis adopté par les élites politiques anglo-américaines, le programme du mouvement néo-libéral exprimait, fondamentalement, les nouvelles exigences des élites économiques confrontées A  des changements dans les conditions objectives ' ceux que nous venons de citer. A€ la différence de la vieille droite libérale attachée A  la tradition, A  la hiérarchie et A  la philosophie politique, la nouvelle droite néo-libérale ait pour credo la démocratie - économique - par le marché et l'individualisme21, au sens de libération du citoyen de sa - dépendance - A  l'égard de l'état-providence. Paradoxalement, la grande revendication de la nouvelle gauche, l'autonomie, a été reprise et déformée par les néo-libéraux qui l'ont reformulée comme autodétermination grace au marché !
Quand le mouvement néo-libéral est parvenu au pouvoir, d'abord en Grande-Bretagne et aux états-Unis, puis dans l'ensemble des économies de marché ancées et au-delA  (sous la forme, essentiellement, des actuels gouvernements - sociaux-libéraux - de centre gauche), il a introduit une série de changements structurels qui reflétaient simplement ceux des - conditions objectives - - ce qui ait changé dans les paramètres de l'économie de marché, donc dans les exigences des élites qui la contrôlent. C'est dire que, fondamentalement, les mesures d'ouverture et de libéralisation des marchés prises alors par les élites économiques ont institutionnalisé (et non créé) l'économie de marché internationalisée. Ouverture et libéralisation s'inscriient dans la grande tendance historique déjA  évoquée, la marchéisation, dont l'objectif est de réduire au minimum les contrôles sociaux sur les marchés, en particulier ceux qui, pour protéger le trail et l'environnement, interfèrent avec l'- efficacité - économique et la renilité.
L'institutionnalisation de l'ouverture des marchés est venue au terme d'un processus continu dans ce sens, A  l'œuvre sur les marchés des biens pendant tout l'après-Seconde Guerre mondiale, aux niveaux tant étaire (les - rounds - du GATT qui réduisaient les droits de douane pour que les FTN puissent transférer aisément des produits entre leurs filiales) que régional (la Communauté économique européenne [CEEJ, l'Association européenne de libre-échange [AELE], l'Accord de libre-échange nord-américain [ALENA], le Marché commun du Sud [MERCOSUR], l'Association des nations du Sud-Est asiatique [ASEAN], la Coopération économique Asie-Pacifique [APEC]). De mASme, les marchés des capitaux ont connu un processus d'ouverture informelle tout au long des années 1970. Ce n'est qu'ensuite qu'ils ont été officiellement ouverts : A  la fin de cette décennie en Grande-Bretagne et aux états-Unis (où les contrôles des opérations en capital et les contrôles des changes ont alors été abolis), puis, au cours des années 1980 et 1990, dans le reste du monde.
Une fois l'ouverture institutionnalisée, la libre circulation transfrontière des capitaux et des marchandises exigeait la libéralisation parallèle de tous les marchés, c'est-A -dire la réduction au minimum des contrôles sociaux qu'on leur ait imposés - en particulier dans la période etatiste - sous la pression des luttes pour protéger du marché le trail humain et la société elle-mASme. MASme si les marchés du trail n'aient pas été ouverts (afin que l'exploitation du trail local bon marché, en particulier dans le Sud, puisse se poursuivre), il fallait donc les libéraliser aussi pour profiter pleinement des antages de l'ouverture des marchés des biens et des capitaux. Voici les principaux changements qui ont été introduits pour alléger radicalement les contrôles sociaux sur les marchés :
» La libéralisation du marché du trail, dans le but explicite de le - flexibiliser - pour réduire les coûts de production au minimum. Beaucoup de contrôles importants ont été éliminés (l'engagement de l'état A  maintenir le plein emploi a été abandonné, la sécurité de l'emploi dans le secteur ex-nationalisé abolie, etc.). D'autres ont été profondément modifiés en faveur des employeurs (les dispositions sur le licenciement abusif, les syndicats, etc.), dans l'intention avouée de soumettre dantage les salariés aux conditions du marché (culture du hire-and-fire, - on embauche-on licencie -). L'objectif réel était de - transformer le trail en marchandise - pas seulement dans le mode de fixation des salaires et des conditions, mais aussi dans la faA§on de le gérer sur le lieu de trail22 -. L'effet indirect de ces changements est clair : le chômage structurel créé par les bouleversements technologiques n'a pas été compensé par une action efficace de l'état, et on a laissé aux forces du marché le soin de régler le problème de l'emploi. De plus, en procédant A  la contraction du secteur public, les politiques néo-libérales contribuaient directement A  la montée du chômage. Il est donc devenu massif, tandis que la pauvreté et l'inégalité augmentaient aussi en proportion de la déréglementation du marché du trail. VoilA  comment, dans le groupe des sept économies de marché les plus ancées (états-Unis, Japon, Canada, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie), le chômage a plus que doublé entre 1973 et 1999.
» La libéralisation des marchés des capitaux par la levée des contrôles des changes et d'autres dispositifs. Elle a accru les possibilités d'ésion fiscale, érodé la base fiscale nécessaire au fïnancernent de l'état-providence, considérablement facilité la fuite des capitaux et - c'est le plus important - rendu impossibles toute ification indicative et tout contrôle effectif de la demande intérieure globale : en permettant A  d'énormes masses de capitaux de gabonder librement en quASte de gains spéculatifs, elle priit fort efficacement les états de toute possibilité de mettre en œuvre des politiques macro-économiques sensiblement différentes de celles de leurs concurrents.
» La fixation par l'OMC (qui a succédé au GATT) de règles internationales qui ont rendu le commerce aussi libre que possible. Elle a considérablement limité la capacité des états nationaux A  imposer des contrôles efficaces pour protéger le trail et l'environnement.
» La pritisation des entreprises publiques. Elle a - libéré - de nouveaux secteurs économiques de toute forme efficace de contrôle social, mais aussi donné aux FTN l'occasion d'étendre leurs activités A  de nouveaux domaines. Les pritisations massives ont eu pour effet secondaire de renforcer l'- individualisme - de cette forme de la modernité, qui tranche sur l'esprit quelque peu - collectiviste - de la modernité étatiste.
» La contraction spectaculaire de l'état-providence. Elle facilite l'expansion du secteur privé dans les services sociaux : A  l'heure où j'écris, un traité qui, prolongeant le GATS *, étendrait la liberté du commerce aux services du secteur public est en discussion A  l'OMC.
» La redistribution des charges fiscales en faveur des groupes A  haut revenu. Le fardeau fiscal pesant sur les élites économiques a été radicalemenl allégé par la contraction de l'état-providence. Et des mesures économiques présentées comme des - incitations - ont accru la concentration des revenus et des fortunes.
Les changements - objectifs - (économiques et technologiques) ont eu pour effet conjoint une très vive accélération de l'internationalisation de l'économie de marché depuis les années 1970. Le taux de croissance des exportations mondiales a augmenté de près de 73% du début de la modernité néo-libérale A  aujourd'hui24. Exprimées en pourcentage du PIB, les exportations mondiales sont passées de 14 % en 1970 A  22 % en 1999, tandis que les dépenses de l'état baissaient de 16 A  15 % du PIB entre ces deux dates25. La conclusion est évidente : les dépenses publiques, qui jouaient un rôle crucial pour la croissance dans la période étatiste, ont été remplacées dans l'actuelle période néo-libérale par la demande extérieure.
Engagée dans une internationalisation toujours plus poussée, l'économie de marché fonde de plus en plus sa croissance sur l'expansion du marché mondial, et non, comme hier, du marché intérieur. évolution qui a profondément modifié le rôle économique de l'état. A€ l'époque du consensus social-démocrate, la croissance économique reposait essentiellement sur celle de la demande intérieure, qui représentait près de 90 % de la demande totale dans les pays capitalistes ancés. Dans ce contexte, le secteur public offrait d'importants moyens de contrôler la dimension du marché par manipulation de la demande globale : les dépenses de l'état, l'investissement public et l'activité économique des entreprises nationalisées. Mais il y ait une condition nécessaire au fonctionnement efficace du système économique : l'internationalisation deit rester assez faible, compatible avec un cadre institutionnel où le marché intérieur était relativement protégé pour les produits, les capitaux et le trail. Avec les progrès de l'internationalisation de l'économie de marché, cette condition n'était plus remplie, et c'est cela, précisément, qui a rendu impossible de perpétuer le consensus social-démocrate.
Plus l'internationalisation se développe, plus la taille d'une économie de croissance dépend des conditions de l'offre, qui déterminent les résultats commerciaux, et non de l'expansion directe de la demande intérieure. Les conditions de l'offre contribuent puissamment A  l'accumulation et A  la croissance économique pour une raison simple : c'est le commerce international qui détermine la dimension de chaque économie de croissance nationale, positivement (quand les exportations la dynamisent) ou négativement (quand les importations la désindustrialisent). La compétitivité, dans ce contexte de libre-échange, devient donc encore plus cruciale, non seulement pour participer A  une croissance reposant toujours plus sur les exportations, mais aussi pour résister A  la pénétration des importations, qui finit par entrainer des fermetures d'entreprises nationales et la montée du chômage.
Pour le dire schématiquement, lorsque l'internationalisation s'intensifie, l'économie de marché passe d'une croissance fondée sur le - marché intérieur - A  une croissance fondée sur le - marché extérieur - - propulsée par le commerce. Dans ce nouveau contexte, les conditions qui prélent du côté - production - de l'économie deviennent cruciales, en particulier celles qui concernent les coûts de production. Il devient très important de les mettre tous sous pression - des coûts de main-d'œuvre aux impôts et aux cotisations d'assurance des employeurs. Mais, pour opérer cette pression, il fallait réduire radicalement l'étatisme, qui, pendant la période du consensus social-démocrate, était A  l'origine d'une hausse importante des coûts de production, tant directement qu'indirectement : directement parce que l'expansion de F état-providence alourdissait les charges et les impôts des employeurs ; indirectement parce que, dans la situation de quasi-plein emploi qui caractérisait la phase étatiste du processus de marchéisation, le trail organisé ait les moyens d'imposer des augmentations de salaire qui dépassaient sensiblement celles de la productivité.
Le système qui a été éli dans le dernier quart de siècle fonctionne déjA  comme un marché autorégulateur. Le dernier - round - du GATT dans les années 1990 et la création de l'Organisation mondiale du commerce ont de fait créé une immense - zone de libre-échange -, qui, avec l'ouverture des marchés des capitaux, a instauré un système autorégulé : les intérASts des élites qui le contrôlent sont pleinement satisfaits, presque - automatiquement -, par le simple jeu des forces du marché. Le libre-échange entre partenaires inégaux forcément conduire A  la domination du plus puissant (en termes de productivité, de compétitivité, etc.), c'est-A -dire, dans la situation actuelle, des firmes transnationales. Les économies de marché ancées le savent bien : ant de prAScher le libre-échange, elles aient elles-mASmes pris les mesures les plus radicales pour protéger leurs industries de ce mécanisme. Le libre-échange est le meilleur moyen de détruire l'indépendance des économies locales autocentrées et de les intégrer A  l'économie de marché internationalisée. D'ailleurs, si la première tentative d'internationalisation de l'économie de marché, au milieu du xixe siècle, a échoué, c'est justement parce que les économies de marché ancées n'aient pas encore atteint, A  cette date, un niveau de - maturité - able dans leur développement économique - et telle fut la cause ultime des deux guerres mondiales et de la Grande Crise.
Simultanément, l'élite transnationale nouvellement constituée au Nord a contraint les pays périphériques du Sud, au moyen d'une politique - de la carotte et du baton -, A  abandonner toute idée de développement ifié et A  ouvrir leurs marchés aux capitaux et aux marchandises étrangers. La carotte, c'étaient les prASts et l'aide du Nord, dont ces pays - qui en aient grand besoin - ne pouient bénéficier que s'ils acceptaient une série de programmes économiques d'- ajustement structurel-. Le baton, c'était la menace américaine de sanction contre les exportations de tout pays qui continuerait A  protéger sa production (par exemple, VUS Trade Act de 1988). Par cette méthode, non seulement les marchés ont été ouverts, mais toute subvention effective A  la production locale a été abolie, ce qui a créé un immense antage atif en faveur des produits des FTN et déprimé les prix des produits de base, dont dépendent les moyens d'existence de millions d'habitants du Sud. Avec un résultat inévile : l'énorme concentration de revenus et de richesse qui caractérise l'internationalisation en cours.
L'expérience des vingt-cinq dernières années montre donc que plus les marchés s'ouvrent et se flexibilisent, plus le degré de concentration des revenus et de la fortune chez une poignée d'individus augmente. Selon les chiffres officiels des Nations unies, l'écart des revenus entre le cinquième de la population mondiale vint dans les pays les plus riches et le cinquième vint dans les pays les plus pauvres, qui était de 30 A  1 en 1960, ant le début de la mondialisation, ait atteint 60 A  1, donc doublé, en 1990, et 74 A  1 en 1997. Suite A  cette évolution, A  la fin des années 1990, le premier détenait 86 % du PIB mondial et le second 1 % ! Une telle concentration implique, bien sûr, une concentration équilente du pouvoir économique : effectivement, ce mASme cinquième de la population contrôle aujourd'hui 82 % des marchés d'exportation de la ète et 68 % de l'investissement direct étranger27. Ne soyons donc pas surpris que les individus les plus riches du monde aient plus que doublé leur leur nette en cinq ans seulement, de 1994 A  1999, ce qui a porté la fortune cumulée de ces deux cents multimilliardaires A  1 135 milliards de dollars. En cette mASme année 1999, le revenu total des 609 millions d'habitants de l'ensemble des - pays les moins ancés - n'était que de 169 milliards de dollars - soit environ 15 % de la fortune de ces deux cents personnes ou l'équilent de celle des trois premiers multimilliardaires seulement28 !
Il est clair (et on peut le démontrer A  l'aide de la théorie économique radicale ou mASme de certaines composantes de la théorie orthodoxe) que la concentration des revenus, de la richesse et du pouvoir économique a été le résultat inévile de la dynamique d'ouverture et de libéralisation des marchés - l'essence mASme de la mondialisation néo-libérale. Il n'est d'ailleurs pas besoin d'une grande imagination pour supposer une corrélation forte entre l'accélération de la mondialisation dans la dernière décennie et l'aggration de la concentration du pouvoir économique, et par conséquent politique.
A€ la suite de ces changements, au début des années 1990, un ordre presque entièrement libéral a été instauré dans l'ensemble de la zone OCDE : il offre aux acteurs du marché un degré de liberté qu'ils n'aient pas connu depuis les années 1920. De plus, bien que le processus de production se caractérise aujourd'hui par la - démassifïcation - et la diversification, non par la production de masse qui dominait, notamment, A  l'époque de la modernité éta-tiste, ces tendances n'ont rien changé A  la concentration du pouvoir économique au niveau de la firme30 : elle a constamment augmenté depuis l'émergence de la modernité néo-libérale.
Cette nouvelle forme de la modernité est en bien meilleure position pour réussir A  créer une économie autorégulatrice durable que les précédentes, puisque le facteur fondamental qui a provoqué leur effondrement a été éliminé - les contrôles sur les marchés des biens, du trail et des capitaux qui y aient introduit diverses - rigidités -. Ces contrôles constituaient des dispositifs d'autoprotection de la société contre sa marchéisation, mais ils étaient par lA  mASme incompatibles avec le fonctionnement efficace de l'économie de marché. Aujourd'hui, la plupart ont été victimes du consensus néolibéral (auquel souscrivent les partis au pouvoir, tant conserteurs que sociaux-libéraux). C'est une occasion historique de pousser jusqu'au bout la marchéisation. L'important est de savoir non pas si la nouvelle économie néo-libérale est plus ou moins ouverte et intégrée que la vieille économie libérale, mais si son effort pour mettre en place une économie de marché internationalisée autorégulatrice a de meilleures chances de succès que la première tentative, qui a échoué A  la fin du xixe siècle et au début du XXe. A€ mon avis, ses chances sont bien supérieures aujourd'hui. Pour plusieurs raisons, qui se ramènent A  un fait fondamental : pour la première fois dans l'histoire, les quatre institutions majeures sur lesquelles, suint Polanyi3', s'appuie une telle économie sont instaurées. Ce sont :
» Le marché autorégulateur



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