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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Maastricht, le dernier dÉbat technocratique



1 - Impossible de parler du contenu du débat et de la logique des arguments employés, de part et d'autre, sans rappeler rapidement les principales dispositions du Traité.



La politique
• Le traité institue une Union européenne dont le but est de :
- promouvoir le progrès économique et social;
- affirmer son identité sur la scène internationale, notamment par une politique étrangère et de sécurité commune;
- instaurer une citoyenneté de l'union;
- développer une coopération étroite dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.
• Le Conseil européen (les chefs d'Etat et de gouvernement) définit les orientations générales. Le Conseil des ministres des Affaires étrangères met en œuvre la politique étrangère et la défense commune. Les organismes statuent soit à l'unanimité, soit à la majorite qualifiée. La Commission, organe permanent désigné par les gouvernements, confirmée par le Parlement, est chargée de l'exécution des règles et décisions prises par le Conseil. Elle a, par ailleurs, droit d'initiative exclusif en matière de législature. L'Union de l'Europe occidentale (UEO), qui compte neuf membres en attendant de s'élargir, élabore la future politique de défense commune et deendra par étape « la composante de défense de l'Union européenne * en liaison avec l'Alliance atlantique.
• La citoyenneté de l'Union permet la liberté de circulation et d'installation, le vote et l'éligibilité aux élections municipales de l'Etat membre où le citoyen réside, ainsi qu'aux élections du Parlement européen. Elle permet de bénéficier de la protection diplomatique et consulaire des autres pays quand celui-ci se trouve sur le territoire d'un pays tiers. Le citoyen dispose du droit de pétition devant le Parlement européen et du droit de recourir au médiateur institué par ce même parlement.


L'économie

L'objectif est de compléter l'Union économique par une Union monétaire avec, à terme, une monnaie unique et une politique monétaire commune.
L'Union économique commencée en 1979 a abouti au marché unique au 1 janer 1993'. L'Union monétaire a également commencé en 1979 avec le Système monétaire européen (SME). L'Institut monétaire européen sera créé le 1" janer 1994 pour renforcer la coordination des politiques économiques et financières. Entre le l janer 1997 et le 1" janer 1999 au plus tard, seront instituées la Banque centrale européenne et la monnaie unique. Cette décision est subordonnée à quatre conditions pour les différents pays s'y soumettant : silité des prix; modération du déficit des finances publiques; respect des marges de fluctuation des monnaies nationales au sein du SME ; convergence du taux d'intérêt à long terme.


Les politiques communes au sein de l'Union

Celles-ci concernent la politique, l'économie, le social et se caractérisent par un transfert de souveraineté de la pan des gouvernements et des parlements nationaux vers les organismes communautaires '. Ces tranferts doivent respecter le principe de subsidiarité selon lequel le niveau supérieur, celui de la commission, ne peut se saisir de ce qui peut être fait au niveau inférieur, celui des Etats membres (art. 3.B), puisque la communauté agit « dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le Traité».

La politique étrangère et de défense commune interent graduellement, n'interdisant pas la décision « d'actions communes ».
La politique sociale fait l'objet d'un protocole à onze, puisque la Grande-Bretagne ne l'a pas signé. Elle marque la volonté de promouvoir « l'emploi, l'amélioration des conditions de travail, une protection sociale adéquate » Les décisions concernant la sécurité sociale, la défense des travailleurs, les conditions d'emploi des ressortissants de pays tiers seront prises à l'unanimité. Par contre les rémunérations, le droit d'association, de grève et de lock-out ne relèvent pas du droit communautaire. Encore faut-il nuancer la portée de cette décision, car l'Europe a surtout été conçue jusqu'à présent comme un espace de consommation, plutôt que de production, la réticence face à la mise en oeuvre de politiques industrielles directives étant très grande2.
La politique industrielle devra être décidée à l'unanimité, et favoriser l'innovation, la recherche et le développement technologique.
A défaut d'une politique commune en matière d'immigration, le titre IV prévoit une coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures délicates du droit d'asile, de l'immigration et de la coopération judiciaire et douanière.
En conclusion, on remarque qu'il n'y avait donc rien d'extraordinaire dans ce texte, fait plutôt pour corriger le libéralisme de l'Acte unique et renforcer l'autorité des Etats par rapport à la Communauté et à son administration. Il fut en réalité l'occasion d'une mise en cause de cette attitude technocratique, et l'occasion d'un premier débat politique, sans que les uns et les autres l'aient réellement lu.
Les élites politiques et les élites qui avaient continué d'avancer, sans se soucier réellement de l'appui des opinions publiques, tout en le souhaitant, s'étonnèrent de ne trouver personne derrière elles quand elles se retournèrent vers les opinions publiques, pour obtenir leur - acquiescement ». Les opinions publiques étaient restées chacune dans leur Etat-nation. Ce formidable projet n'avait aucun appui, aucune assise sociale ou populaire. Phénomène qu'avait analysé Annick Percheron, avec trois ans d'avance, lorsqu'elle parlait d' « une adhésion à l'Europe sans fondement ». En effet, si les trois quarts des Français se disaient favorables à l'idée européenne, 73 % des enquêtes reconnaissaient être mal ou très mal informés sur les échéances de 1993 par exemple. Et la preuve la plus tangible que l'Europe était encore loin d'être une réalité socioculturelle tient à ce que « pour les deux tiers des personnes interrogées, les différences entre les pays de la Communauté l'emportent largement sur leurs ressemblances, non seulement dans les domaines économiques et politiques, mais aussi et surtout dans celui des modes de e ' ». Maastricht correspondait à la réalité des 50 000 Européens, acteurs de l'Europe depuis cinquante ans, nullement à celle des 340 millions à qui on demandait d'un seul coup d'avoir une opinion. C'est au moins autant ce de collectif, politique et culturel, que la hardiesse timide des réformes qui suscita en Europe les passions, et les controverses.



2 - Quels étaient les arguments utilisés en faveur du Traité?

Le malentendu de départ continua : les élites demandèrent aux opinions publiques, comme si cela allait de soi, d'approuver le Traité. La différence de nature avec les autres traités ne fut guère soulignée. Maastricht était présenté comme la suite « logique », alors qu'il introduisait un réel changement dans la manière de faire l'Europe. Mais ce changement n'était pas perçu. C'étaient les mêmes antiennes que depuis trente ans, à connotation économique : faire de l'Europe une grande puissance. Le parti socialiste fit d'ailleurs camne sur ce thème, en représentant un Européen coincé entre un Japonais et un Américain, avec pour slogan : « Faire l'Europe, c'est faire le poids. » Les autres forces politiques, à l'exception du parti communiste français et du Front national, jouaient sur le même argument.
• Les arguments d'ordre politique en faveur de la ratification pouvaient se résumer dans la formule : « refuser d'avancer, c'est reculer ». Henri Emmanuelli donna une des illustrations les plus claires de cette argumentation : « Pour moi, face à l'Europe comme face au destin, il n'y a qu'une alternative : créer ou subir, c'est-à-dire être ou disparaitre. S'arrêter c'est échouer, et refuser tout ou partie de Maastricht, c'est tourner le dos à l'Europe et ruiner quarante ans d'efforts patients '. » Avancer, c'était renforcer la construction politique de l'Europe, commencée le 18 avril 1951 par le Schuman et la CECA, poursuie par le traité de Rome du 25 mars 1957; l'Union douanière du 1" janer 1968; l'Europe des Neuf, le 1" janer 1973; la naissance de l'écu le 1" janer 1979; la première élection du Parlement au suffrage universel les 7-l0 juin 1979; et la signature de l'Acte unique, les 2-3 décembre 1985 pour la création du grand marché européen le 1" janer 1993!. Continuer paraissait édent, par fidélité à l'engagement de deux générations qui s'étaient durement battues, malgré les disions et la guerre froide, pour offrir à l'Europe un avenir de paix et de progrès et un pôle de silité politique démocratique. L'Union européenne était en soi « un message d'espoir et de fraternité entre les peuples ». Le renforcement de l'Europe ouvrait une troisième voie entre la nation et le fédéralisme; en tout cas, elle était la condition pour aider l'Europe de l'Est. Faire adopter cette stratégie de l'approfondissement de la construction européenne comme condition de son élargissement ultérieur nécessitait au moins un débat politique au européen, pour lequel l'appui des opinions publiques était indispensable. Mais personne, de janer à avril 1992, ne douta de cet assentiment. Car, comme le rappelait un ministre, «on ne peut pas faire l'Europe uniquement avec les gouvernements, il faut que les opinions publiques en fassent leur affaire ' ».
Renforcer l'union politique européenne était également présenté comme le moyen d' « arrimer » l'Allemagne à l'Europe pour éter sa position hégémonique à l'Est. C'était aussi garantir à terme l'indépendance militaire de l'Europe face aux Etats-Unis, et éter la reconnaissance du tandem anglo-américain.
Les plus engagés dans le combat européen ne manquèrent pas, surtout au début des débats, de rappeler la finalité fédérale de la construction européenne, et l'intérêt à dépasser le règne de l'Etat-nation, cause de tant de millions de ctimes depuis un siècle. Mais rapidement, les réticences manifestées à toute logique fédérale ont conduit les partisans de Maastricht, dans tous les pays, à se taire sur ce sujet et à insister davantage sur l'idée, plus simple, de renforcement de l'Europe dans un univers politique international insle.
Le réel argument sur lequel les partisans de Maastricht ne transigèrent pas était le suivant : « Il est impossible d'être contre Maastricht, si on est pour l'Europe. » Ce qui était un moyen, comme on dit dans une négociation, de «globaliser» le choix. Peu importaient les imperfections du Traité, l'essentiel était « qu'il allait dans le bon sens », pour tous ceux qui, de bonne foi, voulaient l'Europe. Un doute pointait sur l'engagement européen de ceux qui, en critiquant le Traité, se trouvaient dans la situation inconforle d'avoir à justifier qu'ils puissent adhérer à l'Europe tout en étant hostiles à Maastricht.
• Quels étaient les principaux arguments d'ordre économique ?
Principalement ceux de la puissance économique. La mondialisation des échanges rend l'échelle nationale trop étroite, et « l'Europe des entreprises » est déjà en partie réalisée, les capitaux, les serces et les produits dépassant les cadres nationaux. Renforcer l'Europe économique est d'autant plus utile que notre souveraineté en ce domaine est déjà un leurre. Accroitre la silité économique de l'Europe est indispensable face au désordre financier et monétaire mondial, autant pour l'Ouest lui-même que pour aider à la reconstruction économique de l'Est européen. Ce sont ces idées que développa le président de la République française, en préconisant pour les anciens pays de l'Est « la création ou le développement de pôles d'attraction, par la multiplication des accords d association, entre la Communauté et chacun des autres pays ».
De ce point de vue, la création d'une monnaie unique paraissait nécessaire sur le international comme sur le européen pour dépasser les inéles rivalités. Comme le rappelait Valéry Giscard d'Estaing : « Si nous choisissons de ne rien faire, la monnaie européenne sera le deutsche mark, géré par la Bundesbank 2. » Cette volonté d'accélérer l'intégration économique et financière de l'Europe fut aussi celle des grands syndicats. En accord avec les patrons, ils déclarèrent en juillet 1992 lors du dialogue social communautaire: «Si l'on souhaite élir un cadre économique crédible et présible, il ne faut épargner aucun effort pour veiller à ce que les décisions prises à Maastricht soient mises en pratique dans les délais prévus. Il n'existe pas d'alternative able vers l'intégration européenne. La communauté doit rester unie3. »
Les arguments de cohérence étaient autant à sée sociale qu'économique puisque la justification finale de la construction de l'Europe devait faire de celle-ci la puissance économique capable de rivaliser directement avec le Japon et les Etats-Unis4. Maastricht ou le moyen d'accélérer la constitution de la première puissance économique et commerciale du monde. La revanche de l'Europe du xxi'siècle, par rapport à l'éncement dont elle fut l'objet au profit des Etats-Unis et du Japon, au xxc siècle. Sentiment qu'exprima Laurent Fabius lors de l'université d'été du parti socialiste, fin août 1992 : « La monnaie unique assise sur la première puissance commerciale du monde sera plus forte que le yen et le dollar. » Ces arguments de force et de puissance jouaient également en faveur de la France. Faire l'Europe, c'était économiquement renforcer la France comme le soulignait la camne pour le oui en faveur du référendum: «Grace à l'Europe, la France sera plus forte » ou « Le problème n'est pas de choisir entre la France et l'Europe, mais entre la France faible parce que hors de l'Europe, et la France forte parce que dans l'Europe. » Ou encore, comme le disait Michel Sapin, le choix était entre « une souveraineté limitée solitaire » et « une souveraineté renforcée en commun ».




3 - La prédominance d'une approche technocratique


Non seulement le nouveau cadre politique ne correspondait à aucune expérience concrète pour un citoyen, mais de plus présenté comme la suite « naturelle » de l'Europe économique, il donnait le sentiment d'un renforcement du pouvoir technocratique, même si, dans la réalité, l'objectif inverse était sé. Conçu pour desserrer l'étau technocratique, il fut au contraire perçu comme un renforcement de celui-ci. Rien ne semblait donner au citoyen l'impression qu'il serait davantage acteur de l'histoire. La filiation technocratique était reconnaissable à la structure de l'argumentation : Maastricht était la suite logique de l'Acte unique et de l'Europe économique. Il fallait une autre dimension, sous peine d'en rester à un simple projet de libre échange. Ne pas avancer, c'était reculer.
La construction de la zone de libre échange instituée par le Traité nord-américain (ALENA) entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, signé le 12 août 19922, symbolisait ce qu'il fallait dépasser. Le chantage équivalait à choisir entre le passé et le futur, entre l'ambition et la peur de l'avenir. Cette attitude s'est doublée pendant la camne de deux autres orientations.
D'abord donner le sentiment de l'inélucle : « Les décisions sont déjà prises, les calendriers doivent être respectés, le temps est compté. Ne perdons pas de temps, soyons efficaces, voyez l'URSS et l'Europe de l'Est ; les risques de rejet sont beaucoup plus importants que l'acceptation d'un traité imparfait. » Cette position renversait la charge de la preuve : il ne s'agissait pas pour le citoyen d'exprimer sa liberté de choix, mais de justifier le déséquilibre qui résulterait de son refus du texte. En un mot, s'opposer, c'était non seulement casser un calendrier déjà difficile à réaliser, mais c'était aussi « faire le jeu de l'ennemi » et renier le passé.
La seconde attitude consistait systématiquement à disqualifier les arguments hostiles à Maastricht en les décontextualisant. S'opposer à Maastricht, ce n'était pas refuser un traité, mais marquer sa défiance par rapport à l'Europe. C'était finalement la peur du changement et la manifestation d'un certain conservatisme. La dichotomie n'opposait pas deux conceptions du Traité ou de l'Europe, mais finalement une sion progressiste, confiante, ambitieuse, contre une autre, passéiste, frileuse, conservatrice. Ce sont ces attitudes qui ont donné le ton du débat sur Maastricht et renforcé cette perception technocratique qui irrita nombre de citoyens, favorables ou défavorables au Traité. Le ton général était celui de l'édence: mais comment peut-on être opposé à Maastricht? Donc à l'Europe? Attitude d'autant plus paradoxale que simultanément les « maastrichtiens » n'arrêtaient pas d'en appeler à un débat politique « ouvert ». « Ouvert » à condition d'être « pour ». Sinon, s'opposer au Traité « trahissait » une opposition à l'Europe, avec pour conséquence l'obligation de se légitimer. Ainsi les adversaires du non se sentaient-ils en permanence obligés de justifier leur « européanité ». Tous leurs rappels de l'importance de la souveraineté nationale, de l'identité française étaient connotés comme autant de références au passé, peur de l'avenir, repli sur soi. Avec une telle dévalorisation il était difficile de concevoir un débat équilibré. On retrouva la bonne eille dichotomie technocratique : les « forces de progrès et de la modernisation » s'opposent aux « forces de la réaction, du passé et de la peur ».
On eut le sentiment qu'il n'y avait de débat qu'à condition d'être d'accord avec les propositions du « oui ». Le « sens de l'histoire » comme le disaient volontiers les chefs d'entreprise français ' était du côté du « oui », toute hostilité ou ralliement au - non » plaçait le citoyen dans la délicate situation de renforcer l'extrême droite, M. Le Pen, ou l'extrême gauche, le PCF.
Cette attitude technocratique, dans la manière de présenter les arguments, était contradictoire avec l'objectif démocratique avancé. Et ce d'autant plus que l'on demandait aux citoyens de prendre position sur un texte illisible, rédigé dans un style dont le mélange de juridisme, de concessions politiques et de langue de bois donnait plus ene de s'éloigner que de le lire.
Tirer le texte en millions d'exemplaires dans les différents pays ne le rendait pas plus accessible : qui pouvait trouver dans ce texte le moyen de s'approprier réellement le Traité? L'obligation d'être compris dans douze pays, douze cultures, douze traditions ne simplifiait rien. Tout cela aurait pu être expliqué, mais ne le fut pas.
Le texte sans mise en valeur, sans présentation, donné tel quel, avait toutes chances de ne pas enthousiasmer le lecteur courageux. On aurait pris plus de précautions pour un accord entre copropriétaires d'un immeuble '.
Non seulement l'objectif démocratique ne s'accomna d'aucun effort de pédagogie mais, en outre, la camne de discussion publique s'ouvrit sans que l'on donnat aux citoyens le moyen de resituer ce texte par rapport à l'histoire de la CEE. Et au premier chef, par rapport à l'Acte unique qui avait été signé sept ans auparavant.
Si l'Acte unique, qui avait constitué l'horizon de la CEE, apparaissait d'un seul coup, à huit mois de son application, si incomplet et si peu politique, pourquoi la même aventure n'arriverait-elle pas pour Maastricht? Il n'y avait même pas d'explication claire dans la différence d'approche et de contenu par rapport à l'Acte unique. Pas non plus d'informations synthétiques sur l'action passée du Marché commun, depuis par exemple dix ans. La CEE, qui pourtant au travers de la Direction générale n° 102 poursuit une grande actité de communication, n'avait pas réussi à produire des documents accessibles au grand public. Non pas seulement pour rappeler des grandes dates - ces documents existent - mais pour essayer d'expliquer les résultats et les faiblesses, les difficultés et les progrès. On confondit la transparence réelle assurée par les médias et les journalistes avec l'effort spécifique, certes difficile mais indispensable, qu'il aurait fallu faire pour les citoyens. D'ailleurs, les acteurs de bonne foi n'ont pas vu la différence entre la communication pour le public et celle pour les journalistes. C'est ce qu'exprima par exemple le directeur de cabinet de Jacques Delors : « Il y a un excédent démocratique en matière d'accès des médias à l'information. Au niveau communautaire, la représentation est sans doute imparfaite, la communication, elle, est totale. La salle de presse de la Commission n'a d'équivalent que celle de la Maison Blanche, et tous les jours, à midi, les journalistes sont informés des actités de la Commission. »


Cette faiblesse de la politique de communication de la CEE est significative du décalage entre la volonté d'ouvrir « un large débat démocratique sur l'Europe » et l'absence de moyens et de temps permettant réellement à l'information de s'intégrer dans une perspective grand public.
Deux autres arguments sont venus renforcer la logique technocratique. Le premier porte sur les jeunes. Non seulement, il n'y avait qu'un pas à franchir entre l'opposition à Maastricht et l'identification à une position conservatrice, mais en outre la culpabilité était utilisée par rapport à l'age, car les partisans du «oui» ne manquaient jamais une occasion de rappeler que les jeunes étaient «naturellement» européens. Par opposition sans doute implicite avec « les eux » incapables de s'adapter. Cet argument était tout simplement faux. Bien sûr, la catégorie d'age la plus favorable à Maastricht fut les 18-24 ans, avec 58% de vote «oui» chez les jeunes hommes. Mais ce chiffre n'atteint que 43 % chez les jeunes filles, selon l'enquête BVA. C'est déjà suffisamment souligner que l'on peut être jeune et contre Maastricht. Mais en sus, les deux catégories d'age en faveur du vote « oui » furent les 65 ans et plus et les 50-64 ans, avec des chiffres variant entre 52% et 58%. L'adhésion à l'idéal européen rassemble donc une génération d'espoir et une génération de mémoire. La quête d'un avenir pour fuir un présent sans espoir, ou la recherche d'une collaboration propre à ne plus jamais revre les traumatismes du passé, tels furent les deux piliers de l'adhésion à l'Europe.
L'autre argument de cette logique technocratique concerne le rapport à l'Allemagne. L'argument peut se résumer de la manière suivante : l'Allemagne a consenti de réelles concessions en matière monétaire, pour la création de la Banque centrale et de l'écu, en contrepartie de la réunification. Mais si Maastricht n'est pas accepté, rien ne permet de croire que, demain, les Allemands seraient encore prêts à faire de telles concessions. Pierre Bérégovoy, européen convaincu et appartenant à une génération marquée par la guerre, rappelait ce poids de l'histoire : « L'unification de l'Allemagne pose en d'autres termes l'avenir de l'Europe, du continent européen () Nous avons un peuple allemand qui est aujourd'hui européen [], mais il est européen si l'Europe se fait. Si la France prenait, par malheur, la responsabilité de ne pas ratifier le traité de Maastricht, le jeu serait à nouveau totalement ouvert, et l'histoire nous enseigne que les déchirements se produisent à ce moment-là, te. »
Cet argument soulevé avec franchise et honnêteté en disait long sur les craintes des partisans du oui. Jacques Delors résuma en une formule ce mélange de craintes et de considérations : « Je préfere un écu qui ressemble au deutsche mark qu'un deutsche mark sur lequel je ne peux avoir aucune influence '. » Le traité de coopération franco-allemand signé le 22 janer 1963 par Charles de Gaulle et Konrad Adenauer marqua le début d'une collaboration approfondie entre les deux Etats, en faveur de la construction européenne. Mais cette collaboration ne signifie pas une adhésion des peuples. Il s'agit « d'un mariage de raison plutôt que d'une passion folle2». De nombreuses différences culturelles, sources d'incompréhensions, persistent, car « les hommes d'entreprise des deux côtés du Rhin n'ont pas la même conception du temps, de la hiérarchie, de l'information, de la carrière3».
C'est d'ailleurs ce qui, dans la durée, apparait le plus nettement : la rhétorique de Maastricht, en valorisant les forces de progrès et en diabolisant celles du passé, était beaucoup plus polémique que rationnelle. Ou plutôt, elle exprimait un acte de foi, et l'importance des passions, plutôt que la tranquille sagesse technocratique. Une bonne partie de la réaction antitechnocratique qui alimenta le débat sur Maastricht aurait été étée si ceux qui maitrisaient l'espace symbolique du débat politique avaient renoncé à cette posture apparemment rationnelle, et accepté de reconnaitre que, dans un cas comme dans l'autre, pour le oui comme pour le non, il existait une grande dimension de pari. Admettre qu'en réalité, adversaires et partisans de Maastricht étaient engagés ensemble dans un débat idéologique et non dans un débat où s'opposaient les forces de la modernisation contre celles du passé. En niant la dimension de passion inhérente à un tel débat, celle-ci rent masquée. C'est ce que l'on vécut en France à la fin de la camne pour le référendum entre le 1" et le 20 septembre. Les partisans du oui, face à la pression des adversaires, acceptèrent enfin de se départir de leur bonne conscience pour entrer dans l'arène et assumer la part de subjectité, de pari qu'il y avait dans le Traité. Ceci était préférable au ton du début de la camne, tout emprunt de la rigidité et de la fétichisation du texte. Féti-chisation d'autant plus surprenante que chacun sait par expérience qu'un traité signé vaut par son contexte d'application, plus que par le contenu de ses dispositions.
Le paradoxe du débat sur Maastricht restera que, conçu volontairement pour démocratiser les discussions sur l'Europe, il aboutit au résultat inverse donnant le sentiment, une fois de plus, que la logique technocratique s'appropriait toute la légitimité.
Comme si l'argumentation apparemment rationnelle d'un texte mélangeant lui-même plusieurs logiques ' pouvait éteindre ce qu'il y avait de conction et de passion dans un traité surgi, fin 1991, de la tête de dirigeants européens pour essayer de calmer l'histoire qui s'emballait.





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