IPeut - écrits et documents
ManagementMarketingEconomieDroit
ss
Accueil # Contacter IPEUT




economie générale icon

ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » economie générale

économie littéraire et économie mathématique

économie littéraire et économie mathématique
Un enthousiasme sans réser pour la formulation mathématique conduit A  dissimuler le contenu conceptuel de l'argument sous la formidable faA§ade des signes algébriques.


W. Leontief.


Depuis quarante ans, de faA§on accélérée, l'économie s'est mathéma-tisée, tout autant dans le domaine théorique, où les schémas explicatifs ont été complètement formalisés, que dans le domaine appliqué, où les techniques d'estimation et d'optimisation se sont imposées. Prenant pour référence la physique, la formalisation de l'économie exerce sur les autres disciplines sociales et sur les économistes eux-mASmes A  la fois une fascination, due A  la - scientificité - apparente qu'elle véhicule, et une répulsion, due A  l'appauvrissement conceptuel qu'elle entraine. Aussi est-il nécessaire de bien préciser la nature du travail formel selon le niau de spécification considéré, A  savoir une articulation précise entre propositions bien spécifiées d'une théorie, ou un passage explicite entre variables d'entrée et de sortie d'un modèle. Une question cruciale est alors de savoir si un système formel véhicule une interprétation privilégiée ou autorise des interprétations multiples et si le raffinement des structures formelles peut amener un surcroit d'intelligibilité.


Formalisation de l'économie.


Jevons (1874) ou Schumpeter (1933) remarquaient que, si la plupart des disciplines ont A  innter des processus de mesure pour leurs variables, l'économie admet une quantification naturelle, les biens échangés étant repérés par leurs quantités physiques, numériques par construction. Ils auraient pu ajouter que les prix (et les renus) se présentent aussi d'emblée sous une forme numérique, cette caractéristique étant cette fois due A  la monétarisation. processus qui exprime toutes les valeurs en fonction des quantités de l'étalon monétaire. Il a néanmoins fallu attendre les années trente pour assister, de faA§on systématique, A  des dénombrements de quantités et des relevés de prix (voir III, 1), et voir se constituer des bases statistiques quantitatis (NBER aux USA, Compilité Nationale en France). Sur ces données se sont dès lors exercées des techniques mathématiques spécifiques, méthodes de modélisation (estimation, analyse des données) pour définir des relations entre variables (voir III, 3), méthodes d'optima-tisation pour calculer les valeurs souhailes de variables contraintes (voir III, 6).
En revanche, si les théories des grands classiques (Smith, Ricardo, Marx) sont essentiellement littéraires, l'introduction des mathématiques comme langage de représentation théorique de l'économie est déjA  amorcée par Cournot (1838), et affirmée par Jevons (1871) et Walras (1874), le premier étant aussi logicien et le second ayant reA§u une formation scientifique. Toujours au xixe siècle, elle est renforcée par le calcul économique préconisé par les ingénieurs (Dupuit, 1848), mASme si elle est combattue par les libéraux, qui arguent que l'économie est d'abord une science morale et d'observation avant d'AStre une science abstraite. Au xxc siècle, Pigou ou Hayek restent fidèles au langage littéraire, tout comme Marshall ou Keynes, bien que ces derniers connaissent mieux les mathématiques (Keynes a rédigé en 1921 un traité de probabilités). Si Hicks renvoie les mathématiques en annexe, Knight (1940) reconnait que - la science économique est une science hautement abstraite et déducti, comme la géométrie ou la mécanique rationnelle -, mais la formalisation reste toujours bien discrète.
- Il y a une solide tradition A  Cambridge, qui remonte A  Marshall, pour penser qu'un économiste bien élevé cache ses mathématiques soigneusement, comme les femmes de l'époque cachaient leurs chevilles - (Waelbroeck, 1983). La meilleure illustration en est Sraffa (1960) qui publia, aux termes d'un long travail, un ouvrage original où il montrait, sous des hypothèses rigoureusement définies, que les prix d'équilibre ne dépendent que des conditions de la production et non de la demande. On admira qu'un raisonnement littéraire pût avoir une pareille rigueur jusqu'au moment où l'on s'avisa que le cteur-prix de Sraffa ressemblait beaucoup au cteur propre d'une matrice de Leon-tief. Dès lors, il fut clair qu'il y avait, derrière le texte de Sraffa, du calcul matriciel qui en assurait la cohérence, comme l'auteur le reconnait d'ailleurs ; il ne resta plus qu'A  trour son inspirateur, l'opinion publique désignant Mr Watson.
A partir de la dernière guerre, A  la suite de la théorie des jeux (von Neuman-Morgenstern, 1944) et sous l'impulsion notamment de G. Debreu (1960), la formalisation est denue systématique et a permis A  l'économie de se démarquer du discours commun. L'économie mathématique a engendré des revues spécialisées (Econometrica, Review of Economie Studies) et s'est infiltrée dans les revues traditionnelles (American Economie Review), tout comme elle se déloppe dans les enseignements unirsitaires et en favorise les carrières. Tous les outils mathématiques nouaux se sont plus ou moins rapidement appliqués A  l'économie, systèmes d'équations linéaires, puis systèmes d'équations différentielles jadis, outils topologiques (théorèmes de point fixe, théorèmes de séparation) et systèmes dynamiques (théorie des catastrophes, théorie des bifurcations) aujourd'hui (Ribeill, 1975 : Balasko, 1978; Benhabib-Day, 1981; Grandmont. 1985). En sens inrse, l'économie a soulevé des problèmes mathématiques nouaux peu A  peu résolus (Debreu, 1984), l'économie mathématique finissant parfois par apparaitre comme une mathématique économique, simple branche appliquée des mathématiques, de plus en plus prise en charge par des mathématiciens nus A  l'économie.

Niaux de formalisation.

Si tout modèle simule le comportement d'un système économique concret, cette simulation peut rester implicite (modèle mental) ou denir explicite (modèle réel), dans quel cas elle peut prendre une forme matérielle (maquette) ou une forme symbolique (schéma conceptuel). La première a été exploitée par Tustin, qui a mis au point un circuit électrique reproduisant les lois de fonctionnement supposées d'un système économique ; mais il s'agit lA  d'un modèle analogique dont la conception a en fait exigé un détour par une expression abstraite, la matérialisation ne faisant que faciliter la - résolution - du modèle. Ac le déloppement de l'informatique, la seconde est denue prédominante dans la mesure où les techniques numériques de résolution se sont déloppées ; mais a priori, mASme sous forme abstraite, dirs types de formalisation des modèles sont envisageables, ac un passage plus ou moins aisé des uns aux autres.
Les modèles rbaux sont énoncés dans le langage usuel sous forme de propositions articulant dirs concepts : - la mauvaise monnaie chasse la bonne -, - le déficit commercial favorise l'inflation -. - quand le batiment va, tout va -. Les modèles graphiques permettent de visualiser des relations entre phénomènes ou variables, sous forme de graphes ou de matrices : schéma de déloppement d'une crise, réseau de relations causales entre variables, leau des échanges intersectoriels, représentation de flux d'échanges entre agents (Forrester). Les modèles analytiques se présentent sous forme de structures mathématiques plus complexes, généralement des systèmes d'équations entre variables (pouvant inclure des conditions de maximisation) : modèle d'équilibre général walrasien, modèle économétrique keyné-sien. Ces derniers modèles font eux-mASmes internir des niaux successifs de spécification : type de logique adoptée -> choix d'un formalisme mathématique ' spécification générale des variables et des relations -> hypothèses sur les paramètres.
Les modèles abstraits définissent, pour une économie idéale, des relations très générales entre des variables observables ou non, relations statiques ou dynamiques seulement soumises A  quelques propriétés restrictis (monotonicité, continuité, conxité). Ils permettent, A  partir des hypothèses formulées sur le fonctionnement du système, d'en déduire certaines conséquences qualitatis (existence, unicité et silité d'équilibres ; propriétés caractéristiques de fonctions de comportement). Les modèles numériques présentent, pour une économie géographiquement située et historiquement datée, des relations essentiellement dynamiques entre des variables supposées mesurables, et complètement spécifiées A  l'aide de paramètres numériques. Ils permettent d'apprécier les conséquences, sur les états internes et les sorties d'un système, de modifications sur ses entrées (variables d'action d'un agent, variables d'environnement non contrôlées, paramètres).
Si les modèles numériques se placent généralement dans un cadre aléatoire pour pouvoir s'adapter aux données (du fait d'erreurs de mesure ou de spécification), les modèles abstraits se contentent sount d'un cadre déterministe, sauf si un contexte aléatoire s'impose conceptuellement, permet d'étendre des résultats ou fournit des explications originales. Dans le choix individuel en incertitude, on suppose que l'agent est incertain quant aux états de l'environnement possibles ;
mais, s'ils sont probabilisables (voir 11,6), on se trou ramené, en fait, A  un - déterminisme en probabilités -. En théorie des jeux, il est commode d'introduire des équilibres en stratégies mixtes où chaque joueur peut choisir, selon des probabilités définies, entre ses actions possibles ; mais il s'agit lA  d'une opportunité bien plus théorique que réelle. Enfin, l'hypothèse d'anticipations rationnelles (voir II, 6) suppose que l'agent possède une représentation quasi parfaite, mais néanmoins aléatoire, du système dans lequel il est inséré, ce qui permet en particulier de rendre compte du - cycle des affaires - par des chocs exogènes et aléatoires (Phelps, 1970).

Raisonnement hypothético-déductif.

Toute théorie économique se présente sous forme d'un système hypothético-déductif, qui associe A  des hypothèses de départ des conclusions dérivées selon des règles d'inférence logique, et qui met en jeu des propositions catégoriques (-on a Z-) et des propositions conditionnelles (- si X, alors Y -). Elle se compose donc d'un calcul logico-mathématique de base (symboles primitifs, règles de formation des propositions, axiomes formels, règles de déduction) et d'un calcul propre au domaine économique (symboles exprimant des concepts, axiomes exprimant des propositions spécifiques). La logique formelle habituellement considérée est le calcul classique des propositions ou des prédicats ; elle s'avère en pratique largement suffisante mASme si d'autres ont pu AStre proposées (logiques multivalentes ou déontiques) et reste sount implicite aux formalismes mathématiques concrètement utilisés. S'il est alors indéniable qu'une théorie procède A  un raisonnement syntaxique purement tautologique, les axiomes posés et les théorèmes déduits reA§oint chacun de leur côté une interprétation -sémantique- propre, tout comme d'ailleurs les démonstrations elles-mASmes.
Le travail des économistes consiste, dès lors, en un jeu formel visant A  exhiber des - résultats - significatifs, c'est-A -dire A  trour des conditions généralement suffisantes (mais non forcément nécessaires) pour justifier une conclusion : - une entreprise A  rendements décroissants ayant un comportement concurrentiel nd au coût marginal -. Des relations d'équivalence entre propositions sont sount recherchées, ac des conditions différentes pour aller dans un sens ou un autre :
- un équilibre walrasien est un optimum de Pareto - sous des hypothèses peu restrictis, mais - un optimum de Pareto est décentralisa-ble en un équilibre walrasien - sous des hypothèses strictes de conxité. Une typologie usuelle distingue entre - hypothèses techniques-, qui n'ont pour objet que de faciliter les démonstrations, et -hypothèses factuelles-, qui traduisent des propriétés concrètes. Cependant, les premières ne sont pas toujours sémantiquement anodines, et les secondes peunt AStre retenues pour leur seule maniabilité mathématique (possibilité d'appliquer les théorèmes mathématiques standard).
Nombre de résultats argumentes littérairement peunt recevoir une démonstration analytique rigoureuse avant d'AStre retraduits A  nouau en - théorèmes qualitatifs -, le détour ayant pour avantage de baliser leur domaine précis de validité. Ainsi, peut-on dire assez généralement que - l'agrégation des ensembles de production favorise leur conxification - ou, ac plus de résers, que - la diffusion d'information dans un système économique le rapproche d'une situation optimale -. Par ailleurs, certains résultats sont obtenus sous une forme axiomatique particulièrement précise et explicite, A  savoir que l'on pose une série d'axiomes auxquels un phénomène doit satisfaire et l'on recherche la forme analytique qu'il doit alors revAStir (et inrsement) ; quant A  son interprétation, un tel système axiomatique ne doit AStre ni trop transparent, sous peine d'AStre trivial, ni trop opaque, sous peine d'apparaitre comme artificiel. Il en est ainsi pour la dérivation de critères de choix en incertitude (axiomatique de Savage ou Milnor, voir II, 6) ou de procédures de choix collectif (axiomatique d'Arrow ou de Rawls, voir II, 7), comme pour la définition de solutions de jeux coopératifs (axiomatique de Nash) ou la construction d'indicateurs d'inégalité de renus.
Le raisonnement formalisé permet d'enchainer logiquement les démonstrations les unes aux autres et d'enclencher ainsi une combi-natoire particulièrement féconde ; A  partir d'une caractérisation axiomatique implicite des choix individuels (réflexivité, transitivité, continuité), on peut d'abord exprimer le comportement sous forme explicite et intensi (maximisation d'une fonction d'utilité sous contraintes), puis sous une forme explicite et extensi (fonction de réaction liant l'action A  l'environnement). Il permet de rechercher des résultats de plus en plus généraux, en particulier de découvrir des hypothèses de moins en moins restrictis justifiant une conclusion donnée ; l'existence d'un équilibre concurrentiel a d'abord reposé sur la continuité des fonctions d'offre et de demande des agents, elle-mASme obtenue pour des préférences et technologies conxes, mais elle a pu ensuite AStre démontrée en présence de non-conxités. Il permet enfin de changer de niau de spécification et de construire des théories générales dont les théories plus spécifiques ne sont que des cas particuliers : l'ensemble de la théorie de l'équilibre est ainsi immergé dans la théorie des jeux, dont les résultats sont aussi bien utilisés dans les modèles micro-économiques de concurrence parfaite ou imparfaite que dans les modèles macro-économiques de relations états-agents.

Calcul formel sur modèles.

Un modèle peut AStre considéré comme une théorie particulière qui permet de déterminer le niau des variables (proposition - x prend la valeur -) A  partir de relations (- si x a la valeur. y a la valeur -), selon un processus de calcul algébrique plus que de déduction logique. Les variables sont classées en variables exogènes, déterminées en dehors du modèle, et variables endogènes, calculées A  chaque période en fonction des variables exogènes et endogènes prédéterminées (voir III, 5). Si le modèle est défini de prime abord sous - forme structurelle -, les relations spontanément interprétées mélangeant les deux types de variables, la résolution du modèle permet de passer A  la - forme réduite -, où les variables endogènes sont exprimées directement A  partir des variables exogènes. Bien entendu, on est sount A  mASme de montrer l'existence d'une solution sans pour autant AStre en mesure de la calculer explicitement, pour un modèle numérique (solution numérique) et plus encore pour un modèle abstrait (solution analytique).
Cependant, la résolution du modèle ne conduit A  une solution unique que sous des conditions analytiques draconiennes (pour un modèle linéaire, égalité du nombre de relations et de variables endogènes, et condition de non-singularité sur les paramètres). Si elles ne sont pas satisfaites, le modèle peut ne pas avoir de solution, ce qui pose d'emblée le problème de son interprétation sémantique, dans la mesure où le système qu'il décrit se trou, lui, manifestement, dans un état réalisable. Le modèle peut également admettre des solutions multiples, dans quel cas, si l'on conser une approche -déterministe -, il faut reconnaitre son incomplétude et définir des relations supplémentaires, cohérentes ac les relations initiales et susceptibles de ler l'indétermination. Enfin, certaines solutions s'avèrent insles (au regard d'autres conditions analytiques) et. lA  encore, on considère usuellement qu'elles ne sauraient correspondre A  un état observable et durable.
Samuelson (1947) a fait remarquer qu'un modèle abstrait ne permet généralement pas de définir sans ambiguïté le sens de variation d'une variable endogène induit par des variations de variables exogènes sans passer par un détour quantitatif, c'est-A -dire un modèle numérique. Au niau d'une relation, cette variation est directement fournie, toutes choses égales par ailleurs, par le modèle numérique, alors qu'un modèle abstrait peut ne pas pouvoir trancher si les variables exogènes ont des effets de signes opposés (influence des prix sur la demande individuelle). Au niau global, cette variation résulte du bouclage complet par les différentes relations d'un modèle numérique, alors qu'un modèle abstrait ne peut sount arbitrer entre effets antagonistes associés aux dirses relations (effets d'une relance sur l'inflation). Actuellement, il est d'usage de calculer des - multiplicateurs -. qui rapportent A  une variation marginale d'une variable exogène les variations induites sur une variation endogène, ce qui ne dispense pas de reconstituer et d'interpréter le cheminement de l'une A  l'autre A  trars le dédale des relations.
Plus généralement, des analyses de sensibilité sont effectuées pour évaluer la - probance - ou la - robustesse - du modèle, en mesurant la variation de ses solutions (en particulier leur sens d'évolution) lorsque l'on modifie dirses de ses caractéristiques. Elles peunt ainsi porter sur des variations des variables exogènes ou des conditions initiales, sur des modifications des paramètres numériques, sur des changements de spécification des relations, et, A  la limite, sur la aison entre deux modèles concurrents (voir III, 6). Ces analyses de sensibilité permettent en particulier d'apprécier si des modèles voisins conduisent A  des solutions voisines, ce qui permet de justifier les approximations faites A  leur sujet, aussi bien - analytiques - (sur leurs paramètres) que - structurelles - (sur leurs spécifications). Or. pour des modèles non linéaires, la - sensibilité aux conditions initiales - et a fortiori l'- insilité structurelle - par rapport aux paramètres, peunt AStre très fortes ; deux solutions voisines au départ peunt rapidement dirger au cours du temps, ce qui montre que le - déterminisme laplacien - des modèles ne garantit pas une bonne prédictibilité de leurs variables (Ruelle, 1984).


Apports de la formalisation.


La formalisation est d'abord un langage d'exposition précis et rigoureux qui permet, dans un cadre cohérent, de définir les concepts de faA§on si possible unique et d'énoncer les propositions sous une forme sount ramassée. A partir d'affirmations floues et mal articulées, elle conduit A  décanter et A  - nettoyer - les schémas théoriques littéraires en leur donnant une traduction formelle claire et en repérant d'éntuelles incohérences logiques. Il s'agit d'éviter ce qu'Allais (1956) dénonce A  propos des débats sur Keynes : - quiconque prend connaissance de toute cette littérature, s'il a l'esprit scientifique, ne sait de quoi s'étonner le plus : de l'obscurité des discussions et du néant presque total de leurs résultats, ou des prétentions de ceux qui déclarent sans rire y comprendre quelque chose -. Le travail formel est denu une condition nécessaire de la réflexion A  un stade de déloppement d'une théorie, la démonstration par Sraffa d'une incohérence dans la conception ricardienne de l'égalisation des taux de profit ayant eu plus d'impact que la mise en évidence de son irréalisme.
La formalisation est ensuite un instrument puissant de démonstration et de calcul, qui permet de mieux cerner les conditions de validité logique des énoncés théoriques et d'engendrer progressiment des propositions noulles. En s'appuyant sur les acquis logico-mathéma-tiques, elle autorise une combinatoire bien plus riche et plus féconde que l'articulation séquentielle et approximati permise par le langage littéraire usuel et montre que certaines intuitions ont en fait un domaine de validité restreint. - Je ne reconnais que deux écoles en économie politique : l'école de ceux qui ne démontrent pas et celle de ceux qui démontrent leurs énonciations -, proclame L. Walras (1874) ; - il n'y a pas de voie supérieure d'accès A  la connaissance que les pures déductions logiques -, renchérit F. Hahn (1984). Le travail formel est, de fait, denu un moteur fondamental de l'évolution des idées économiques, ac un rôle particulier joué par les conjectures et les contre-exemples, les paradoxes et les théorèmes d'impossibilité (voir III, 4).
La formalisation est également un outil efficace de rapprochement entre deux théories, voire de construction d'une théorie synthétique, car deux structures formelles peunt toujours AStre considérées comme des variantes d'une mASme structure globale, si l'on se place A  un niau suffisant de généralité. MASme si le langage commun permet déjA  la aison des théories, elle approfondit le débat auquel elles donnent lieu en situant plus précisément leurs différences au niau de leurs présupposés fondamentaux, des spécifications de leurs relations ou encore de leurs paramètres. La confrontation entre les modèles macro-économétriques existants (Muet, 1979) montre ainsi qu'ils ont une structure commune (d'inspiration keynésienne) et diffèrent surtout par la valeur de certains paramètres (retour des prix sur la demande, retour financier). A un niau plus élevé, la structuration d'un ensemble de théories suffisamment voisines sous forme d'arbre (ou de treillis), sur un critère d'emboitement formel, a été systématisée par l'école structuraliste allemande (Stegmuller-Balzer-Spohn, 1982). La formalisation est enfin un support utile pour confronter les théories aux observations, car elle permet de dérir des théories des énoncés analytiques mieux tesles, et inrsement, de remonter plus aisément des propositions réfutées A  leurs hypothèses. MASme si une confrontation qualitati de schémas théoriques A  des faits historiques massifs permet déjA  un dégrossissage indispensable, elle fait mieux voir ce qui manque et ce qui dépasse et autorise la mobilisation des méthodes usuelles de test et d'estimation (voir II, 5) dans un cadre aléatoire rigoureusement défini. Le débat entre monétaristes et keyné-siens, par exemple, outre le rôle attribué A  la monnaie ou A  la spécification des ajustements de prix et des schémas d'anticipation, s'est focalisé assez précisément sur l'influence A  court terme du taux d'intérASt sur la demande de monnaie. Quant A  l'activité économétrique de validation des théories, en plein déloppement, du moins dans les pays anglo-saxons, elle est grandement facilitée par l'existence de données quantitatis, bien qu'elle soit en partie adaple A  des données qualitatis (voir III, 3).


Limites de la formalisation.


Le formalisme est d'abord critiqué en ce qu'il enferme la réalité dans un carcan insoutenable où nombre de concepts sont appauvris ou mutilés, voire évacués, et où les propositions sont simplifiées et aseptisées pour les exprimer dans un langage orthodoxe et maniable. Une réduction (parfois qualifiée de - métronomie -) conduit par exemple A  attribuer abusiment une structure quantitati A  certaines variables (Thom, 1974) ou A  doter des relations de propriétés de continuité ou mASme de conxité par pure commodité mathématique. Walras (1874) reconnaissait lui-mASme ces limites temporaires ou définitis aux formalismes : - la mathématique ignore les frictions qui sont tout en sciences sociales-, -la liberté humaine ne se laissera jamais mettre en équations-. Et un mathématicien appliqué, J.-P. Benzécri (1973), dénonce le sens erroné de la précision qu'ils véhiculent en affirmant que - les problèmes cruciaux de l'économie ont aussi peu A  gagner du calcul infinitésimal que la taille des étoffes aux calibres de l'ajusteur-.
La formalisme est ensuite dénoncé parce qu'il conduit A  un fonctionnement augle et autonome des déductions logiques, polarisé sur des problèmes expurgés ou imaginaires faciles A  traiter, en une sorte de - délire paranoïaque - impossible A  arrASter, une fois lancé. Nombre d'auteurs se contentent, A  la sautte, d'interpréter grossièrement leurs hypothèses et conclusions, renvoient A  un relachement futur des hypothèses pour plus de réalisme, ou mASme répliquent : - si vous n'aimez pas ma liste d'hypothèses, donnez-m'en une autre et je vous ferai un autre modèle - (Leontief, 1971). Keynes (1936) dénonA§ait déjA  le manque d'idées simples et claires derrière les spéculations mathématiques de son temps, - qui autorisent l'auteur A  perdre de vue les complexités et les interdépendances du réel dans un dédale de symboles prétentieux ou inopérants -. Morishima ( 1984) s'en prend A  son tour aux jeux formels sur des mondes inexistants : - les propositions congelées sous forme de théorèmes ne sont autres que les conclusions logiques des hypothèses faites, et ne créent que l'illusion de décourtes scientifiques -.
La formalisation est aussi accusée de -normaliser- les grandes théories littéraires soit en des modèles triviaux, qui dévitalisent des pensées riches et subtilement conceptualisées, soit en des modèles ornementaux, qui leur imposent un habillage mathématique sans apporter de valeur ajoutée. Elle dissout les images, extirpe les connotations, gomme les nuances, sans que pour autant la aison des schémas formels associés A  deux théories ne permette toujours aisément de préciser le niau réel où se situent leurs différences. J. von Neumann reconnait que - les traitements mathématiques de l'économie n'ont fait, jusqu'ici, que traduire en langage sibyllin les résultats de l'économie littéraire-. N. Wiener (1958) est plus incisif: -de mASme que les peuplades primitis adoptent les modes occidentales d'habillement cosmopolite et du parlementarisme A  partir d'un vague sentiment que ces accoutrements les porteront d'emblée au niau de la culture et de la technique moderne, de mASme les économistes se sont habitués A  affubler leurs idées plutôt imprécises du langage du calcul infinitésimal -.
La formalisation se voit enfin reprocher de cacher la faible signifi-cativité conceptuelle et pertinence factuelle de ses assertions derrière des formalismes opaques et des méthodes sophistiquées, voire d'exercer un - terrorisme intellectuel - pour se protéger des intrus ou impressionner le lecteur. Si elle rendique une facilitation de la validation empirique, elle se heurte A  la multiplicité des spécifications concrètes associée A  toute théorie (voir II, 5) et débouche fréquemment sur une querelle d'experts dans l'interprétation des tests économétriques (voir III, 3). Parlant de Tinbergen, Keynes (1940) déclare : -je ne suis pas persuadé que cette sorte d'alchimie statistique soit mûre pour denir une branche de la science ; mais Newton, Boyle ou Locke ont tous flirté ac l'alchimie, ainsi laissons-le continuer-. Hicks (1979) n'est guère moins pessimiste : - la pertinence des méthodes statistiques pour l'économie ne doit pas AStre tenue pour acquise ; Keynes ne serait pas surpris de découvrir que Féconométrie est A  présent en situation de désarroi -.

Syntaxe et sémantique.

Les rapports entre syntaxe et sémantique, plusieurs fois évoqués précédemment, peunt AStre entendus en deux sens voisins (correspondant aux notions de modèle en science empirique et en logique), A  savoir les rapports entre un formalisme et son contenu empirique, et les rapports entre un formalisme et son interprétation conceptuelle. Dans le second sens, Lcijonhufvud (1981) remarque que, - en économie, la substance et la forme des théories sont moins étroitement liées qu'elles ne le sont en sciences physiques ; en physique, les praticiens trouraient rarement une raison de distinguer entre la substance d'une hypothèse et son énoncé formel : il se peut qu'il n'y ait qu'une manière de l'exprimer précisément, et toutes les autres formulations sont, au mieux, des métaphores grossières destinées uniquement A  sa présentation vulgarisée -. En fait, en physique comme en économie, si une proposition reA§oit sount une interprétation dominante, elle peut cependant en admettre plusieurs, surtout aux niaux les plus profonds (équation de Schrôdinger en mécanique quantique).
En économie, deux écoles extrASmes peunt AStre distinguées (Schmidt, 1985), les -logicistes- qui considèrent qu'il existe une interprétation privilégiée associée A  une formule, et les - formalistes - qui estiment que le support formel d'un énoncé est disjoint de ses interprétations, sount multiples. Les premiers sont représentés par Samuelson (1947), qui voit dans le formalisme le langage le plus adapté A  l'expression d'une idée et va jusqu'A  prétendre que la - fécondité des théorèmes ne peut naturellement dépasser l'hypothèse d'origine -. Les seconds sont représentés par Koopmans (1957), qui affirme que - les interprétations peunt fort bien AStre détachées du corps du raisonnement -, étant entendu que - sans interprétation, les postulats ne sont que des énoncés sans intérASt-. Debreu (1986) adopte une position intermédiaire : - bien qu'une théorie axiomatique puisse donner l'impression d'une séparation de la forme mathématique et du contenu économique, leur interaction est sount forte dans la phase de décourte comme de consolidation -.
La syntaxe déborde la sémantique lorsque des résultats mathématiques sont obtenus de faA§on purement mécanique, un effort important étant alors nécessaire pour - comprendre ce qui se passe -, en particulier le rôle joué par chaque hypothèse. Cependant, lorsqu'un résultat important est ainsi interprété, il est sount possible d'en simplifier la démonstration et mASme de la rendre littérairement transparente, A  l'instar de la démonstration par l'absurde qu'un équilibre concurrentiel est un optimum (Debreu, 1986). Inrsement, la sémantique déborde la syntaxe lorsqu'une proposition est interprétée de faA§on plus large qu'il n'est légitime, et introduisant - A  la main - de noulles variables pertinentes ou en la prolongeant hors du champ de validité de ses hypothèses. Mais il est alors sount possible de retraduire formellement cette extension et de mettre au jour des conditions de validité plus générales, non sans quelques surprises, par exemple lorsque l'on ut étendre A  la dynamique des résultats obtenus en statique.
Si Morishima (1984) dénonce la sophistication mathématique qui ne peut conduire qu'A  des rendements décroissants si elle s'exerce sur une sémantique inchangée, on peut craindre en sens inrse qu'un foisonnement de l'interprétation qui s'appuierait toujours sur les mASmes outils ne devienne également stérilisant. Mais c'est l'hypertrophie syntaxique qui est actuellement le plus A  redouter, les économistes déloppant une syntaxe ac l'idée que - la sémantique suivra -, ou du moins se contentant d'associer A  la syntaxe une - sémantique minimale -. En pratique, syntaxe et sémantique doint se délopper suivant des rythmes parallèles, la prise en compte d'instruments nouaux devant aller de pair ac une réflexion plus fine sur les concepts et les mécanismes en jeu. Et, de fait, l'évolution de la pensée économique se fait bien par avancées différentielles, une noulle interprétation nant se greffer sur un formalisme é (métamorphoses du concept d'utilité) ou un formalisme nouau nant soutenir un schéma conceptuel silisé (traductions successis du concept d'équilibre walrasien).


Interprétations multiples d'un formalisme.


On peut reconnaitre, ac Arrow (1983), que l'- un des grands avantages des méthodes abstraites hypothético-déductis réside dans le fait qu'un mASme système peut donner lieu A  plusieurs interprétations, permettant une économie de temps considérable -. Ainsi, un mASme formalisme, qui véhicule ac lui des propriétés générales, est utilisé au niau du comportement individuel ou de l'équilibre global pour expliquer des cycles par des - non-linéarités -, des discontinuités par des - catastrophes -, des indéterminations par des - bifurcations -. Plus spécifiquement, une mASme structure formelle s'applique aussi bien au choix en incertitude, au choix collectif et aux choix multicri-tères ; ils reposent sur des axiomes semblables (dominance) et proposent des règles de choix analogues (minimax). A un niau instrumental, le coefficient de Gini, qui caractérise la dispersion des renus individuels, a été transposé de faA§on purement syntaxique A  la dispersion des probabilités attachées A  des états de l'environnement ; A  un niau théorique, le modèle d'équilibre général ac biens usuels a été étendu ac sa sémantique aux biens datés ou aux biens contingents.
Une structure formelle assez précisément spécifiée peut également donner lieu A  des - lectures - différentes plus ou moins - naturelles - ou - forcées -, sans mASme envisager des interprétations dirgentes dans des cadres théoriques concurrents (voir II, 5). Ainsi, la - théorie - du renu permanent, qui fait dépendre la consommation d'un agent de la chronique de ses renus passés, peut AStre considérée comme traduisant un effet d'inertie par rapport aux consommations passées ou comme un effet d'anticipation extrapolati du renu futur. La structure de préférences d'un agent peut AStre interprétée comme une simple traduction de la cohérence des choix ou comme le reflet d'une vérile appréciation subjecti (Sen, 1982) ; dans ce dernier cas, elle peut exprimer une satisfaction purement personnelle ou la perception individuelle de l'intérASt social (Harsanyi, 1976). La réalisation d'un équilibre concurrentiel peut enfin AStre vue comme le résultat d'un processus de régulation centralisé (- commissaire-priseur -) ou l'expression d'un ordre spontanément réalisé (- main invisible -).
Deux formalismes équivalents, emboités ou voisins peunt enfin recevoir des interprétations fort différentes, mASme si Samuelson ( 1947) estime que - la traduction d'hypothèses de départ en un autre langage ne change pas leur nature et n'ajoute, ni ne retranche rien A  leur validité -. Ainsi, si l'utilité de tout agent dépend de l'utilité des autres et de sa propre action, on peut toujours résoudre le système et exprimer l'utilité de l'agent en fonction de son action et de celle des autres, mais le glissement de sens qui s'opère est ici manifeste. De mASme, le modèle de choix A  deux niaux de Lancaster ou le modèle saiisficing de Simon sont formellement inclus dans le modèle optimisateur de comportement (voir II, 2), mais ils ont des résonances psychologiques qui lui sont presque antagonistes. Enfin, si les équilibres de jeux en horizon infini sont formellement des cas limites d'équilibres en horizon fini, ils n'ont pas la mASme signification et d'ailleurs diffèrent considérablement dans leurs propriétés (voir II, 4).
En sens inrse, un schéma conceptuel exprimé littérairement peut recevoir des formalisations différentes selon qu'elles n'en retiennent que certaines facettes, adoptent des points de vue théoriques privilégiés ou s'appuient sur des outils spécifiques. Toutes les théories fondatrices ont subi un ou plusieurs processus de - réécriture - (Schmidt, 1985), qu'il s'agisse de Ricardo par Sraffa, de Marx par Morishima, de Smith par Walras et Debreu, de Keynes par Hicks et Barro-Grosman. Si les idées neus, grandes ou petites, sont littéraires avant d'AStre formalisées, on obser également des traductions formelles multiples d'intuitions théoriques plus restreintes, qu'il s'agisse de la concurrence entre entreprises ou des mécanismes du sous-déloppement. De plus, toute théorie, une fois traduite mathématiquement, est ensuite réinterprétée, si bien qu'on assiste A  une -relecture- de la théorie via sa réécriture formelle, processus qui peut se poursuivre sans qu'aucune formalisation n'épuise jamais définitiment sa substance.



Privacy - Conditions d'utilisation




Copyright © 2011- 2024 : IPeut.com - Tous droits réservés.
Toute reproduction partielle ou complète des documents publiés sur ce site est interdite. Contacter