a) But

Conalité versus efficacité

La conversation a pour but d'entretenir les relations humaines, de tuer le temps, de rapprocher les AStres, tout en les tenant A  distance pour ne pas les conduire jusqu'A  l'intimité. Son contenu est fait normalement de banalités, d'édences, de théories qui n'engagent A  rien. Il s'agit souvent de parler pour ne rien dire, mais grace A  cela les gens s'accrochent les uns aux autres. Il ne s'agit donc nullement d'efficacité, de rendement. A€ toutes les fois qu'il s'agit d'entretenir des rapports humains, de les dépoussiérer, le style de la conversation est requis. L'entretien est différent. L'intuition le remarque puisqu'il ne ent A  l'idée de personne de dire -je vais tenir une conversation d'appréciation -. C'est donc que le but est autre. L'objectif de l'entretien est l'efficacité, l'effacement des personnes devant un résultat. Il n'apporte pas nécessairement la joie. Si vous me dites -je n 'éprouve aucun plaisir A  tenir un entretien d'appréciation -, je ne suis pas impressionné. Cela n'est pas surprenant et ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas le tenir. A€ toutes les fois qu 'il y aura une question d'efficacité enjeu, un infléchissement de direction, une nouvelle tache, il sera nécessaire de glisser vers le genre littéraire de l'entretien.
II va de soi que les deux et donc la maitrise des deux sont indispensables dans l'entreprise. J'aurais peur d'une entreprise où ne se tiendraient que des entretiens. Il y aurait peu de joie de vre. Mais je plains l'entreprise où les échanges ne se feraient que sur le mode conversationnel : l'efficacité serait peut-AStre en péril.

b) Nature

Une scène de théatre
La conversation est essentiellement un jeu. Le plaisir déjouer est plus grand que le plaisir de gagner. L'enjeu de ce jeu est minime. S'il fallait choisir un jeu, je dirais qu'il s'agit de celui où les gens jouent un rôle ; ils sont acteurs ; chacun s'adresse A  l'autre moins en interlocuteur qu'en auditoire. La conversation est ainsi une suite de petites pièces avec un rôle principal, les autres servant A  ce moment-lA  de faire-valoir. On comprend que l'analyse transactionnelle se soit développée A  partir d'un ouvrage ayant pour titre Des jeux et des hommes*. C'est pourquoi la texture de la conversation est souvent une simulation et les mots qui commencent de nombreuses phrases sont - sij 'étais -. Assurément cela peut procurer des joies intenses puisque libre cours est laissé A  l'imagination sans aucun risque.
La simulation en conversation
J'ai entendu un jour dans un café derrière moi quelqu'un dire : - Si j'étais Hidalgo, je mettrais Platinihors course et je ferais rentrer Michel. - Je me retournai, m'attendant A  trouver une sorte d'entraineur national d'appoint. Nullement, cette parole était prononcée par une sorte d'alen boutonneux, laissé pour compte dans les vestiaires, mais qui vait un moment de haute stratégie.
Deux points doivent déjA  AStre soulignés par rapport A  cette nature de la conversation :
Un excès de conversation (qui ent toujours quand le travail fait trop défaut), aboutit A  un excès de simulation. Chacun passe son temps alors A  faire des phrases de ce genre : - Sij 'étais aux achats, je me débarrasserais de 50 % des produits ; ce ne serait pas long. - Au mASme moment aux achats, on avance : - Si j'étais A  la production, je mettrais 50 % des gens en retraite pour supprimer les improductifs ; ce ne serait pas long. - Quelqu'un qui entend cela se dit que miraculeusement, on pourrait tout améliorer en quinze jours en changeant les postes. Malheureusement il n'en est rien, car dans ce cas de conversation, on ne dit jamais ce que l'on compte faire lA  où on est.
Il arrive fréquemment que les collaborateurs ennent A  une réunion en restant dans le registre de la conversation alors que le but exigerait le genre littéraire de l'entretien. Cela arrive surtout dans les réunions de concertation. On peut alors entendre les idées les plus étranges, les suggestions les plus saugrenues qui ne sont telles que parce qu'il n'y a pas la sanction de la mise en application par la suite.

Une confrontation

L'entretien, quant A  lui, est essentiellement un sport, c'est-A -dire un challenge, une confrontation, un face A  face. L'enjeu est considérable. L'idéal est que les deux parties gagnent, mais pas la mASme chose. Autrui n'est pas un auditoire qui m'écoute, mais un partenaire, avec et contre qui je joue.

c) Règles

Un clignotant

Pour que l'échange ait lieu sur ce dernier registre, il faut que les deux interlocuteurs soient en phase. C'est pourquoi celui qui déclenche l'entretien, vous en l'occurrence, doit nettement le marquer par une annonce claire, une rupture de ton, un signal, une lumière rouge, l'équivalent de la phrase des hôtesses de l'air - votre attention s'il vous plait -. Cela permet A  l'interlocuteur de dire si pour lui le moment est opportun ou non. - Je vous ai fait venir, Leduc, parce quej 'ai quelque chose d'important A  vous dire - ; -j'ai demandé A  vous voir, Monsieur le Directeur, parce que j'ai une suggestion très importante pour le serce A  vous soumettre -. La personne ainsi interpellée peut ainsi jouer au mASme jeu que celle qui a eu l'initiative de la rencontre.

Une négociation

Cela posé, il est important pour le manager de bien distinguer ce qui ent de son pouvoir et ce qui lui est étranger ; en d'autres termes, ce qui est non négociable et ce qui l'est. Cela fixe le terrain de l'échange. Cela affirme la position et laisse en mASme temps une place aussi grande que possible A  la liberté. - Ce que j'ai A  vous dire va causer du dérangement dans votre équipe. Aussi je voudrais étudier avec vous ce qui pourrait vous aider pour que le dérangement soit réduit au minimum. VoilA , il faut que vos deux collaborateurs Dupont et Dupont aillent pendant deux jours aider le serce de maintenance qui compte plusieurs malades. En quoi puis-je vous aider pour minimiser ce dérangement ? -
Cette distinction permet un travail fructueux. Si la frontière entre négociable n'est pas élie, l'échange a de la difficulté A  se situer. Certains, plus agressifs voudront négocier sur tout, s'exposant A  des refus et perdant du temps pour des négociations qui pourraient AStre fructueuses ; d'autres plus effacés se censureront eux-mASmes et ne réclameront pas ce qu'ils pourraient pourtant parfaitement négocier.
L'idéal d'ailleurs est de rendre le non-négociable aussi léger que possible, de le limiter A  ce qui est indispensable A  la marche du serce, étant donné les informations reA§ues, les données présentes de la situation. Agir autrement permettrait peut-AStre d'exercer le pouvoir mais nullement de l'utiliser avec autorité.
Et enfin l'entretien se termine par une opérationnalisation des décisions prises. Quand les deux parties en présence se séparent, chacun sait ce qui a été décidé et comment cela sera exécuté.
Un ectoplasme
Faute de procéder ainsi, le manager va vouloir exercer son pouvoir sur le registre de la conversation qui ne lui permet mASme pas de mettre en oeuvre son influence. Le collaborateur sera pris de court et aura le sentiment d'AStre manipulé, mASme si telle n'était pas l'intention explicite du responsable, et cela uniquement parce qu'il n'a pas voulu initier clairement l'échange au nom de sa fonction. Le dialogue reste flou et deent une rencontre entre deux ectoplasmes.