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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Spinoza

LES MIRACLES
Spinoza, Traité théologico-politique, rrad. Ch. Appuhn, GF-Flammarion, 1965, p. 117-l21.

Spinoza écrit ce Traité en 1670, dans une actualité conflictuelle. L'opposition à l'intérieur du calvinisme entre Remontrants (arminiens partisans de la tolérance religieuse et du primat du pouir politique) et Contre-Remontrants ou gomaristes (ulant soumettre le citoyen à un pouir double, politique et religieux) rend urgente la redéfinition des liens du politique et du religieux (cf. E. Balibar, Spinoza et la politique, PUF, 1985, p. 28-34). Spinoza sépare la théologie et la politique, mais aussi la philosophie et la théologie. Bref, il veut opposer le mode de connaissance du vulgaire par l'imagination et les signes, utile à la pratique, mais inadéquat, à la connaissance certaine de la nature des choses par elles-mêmes. Ce problème théorique sert à comprendre l'actualité. Si Spinoza arrive à élir que la prophétie (question théologique) a pour origine l'imagination des hommes pieux, qui n'informent pas la foule sur des point de doctrine (ils ont à cet égard une connaissance très vulgaire de Dieu), mais sur la pratique et les règles à suivre pour le salut, il peut délimiter le domaine d'intervention de la religion : non pas la connaissance, mais l'action. Vouloir utiliser le matériau des Ecritures dans un but d'instruction est alors une erreur, qui proque l'intolérance religieuse et les persécutions. La meilleure source de connaissance à cet égard est la connaissance naturelle, celle qui se prouve par la vérité de son objet et non par un témoin extérieur. C'est pourquoi si Spinoza garde, dans une posture d'« écriture persécutée » (cf. Léo Strauss, La Persécution et l'art décrire, trad. O. Berrichon-Seydenn, Agora-Pocket, 1989, chap. I et v), un profil bas au sujet des prophètes qu'il reconnait sans discuter, il rend en revanche à la philosophie son terrain d'exercice, et professe ouvertement l'absurdité des miracles. Cette question est en effet philosophique, et relève de la connaissance de la nature de Dieu, et non des règles de vie.
S'adressant à un public large, le Traite'iécrit anonymement) part des habitudes lexicales communes. Ainsi de la notion de loi : qu'elle soit de nature ou qu'elle soit instituée par une décision des hommes, elle désigne tout comportement partagé par une communauté d'individus (p. 85)- Cependant, après air dit que la loi humaine est plutôt une règle de droit, c'est finalement et surtout à la loi naturelle qu'il refuse le nom de loi au sens de commandement (influence suarezienne). Une loi naturelle découlant nécessairement de la puissance de Dieu ne saurait être pensée, qu'elle ne soit réalisée. Chez les êtres finis, l'entendement se distingue de la lonté, mais pas chez Dieu. Aussi, aucun de ce que, par concession à l'usage, Spinoza appelle les décrets de Dieu, ne souffre d'écart entre le fait d'être pensé par Dieu et le fait d'exister. Ce que Dieu pense existe. Seuls les hommes croient que Dieu donne des lois ; la pseudo-interdiction de manger la pomme faite par Dieu à Adam n'était qu'une révélation des conséquences néfastes de cette manducation. Autour de la notion de miracle et de loi se précisent des enjeux théologiques : il y va de la toute-puissance de Dieu. L'association presque païenne des miracles à la toute-puissance divine doit être rejetée. Un merveilleux succède à un autre merveilleux au xvii siècle : ce n'est plus l'extraordinaire qui doit être admiré. Le fait qu'il existe de l'ordre dans la nature est bien plutôt la marque de la présence divine. Ayant compris ce que sont ces lois de la nature, on comprend nécessairement que Dieu ne saurait y déroger. Un miracle est non seulement impossible, mais la croyance à celui-ci est encore contre-productive, puisqu'elle est contradictoire avec l'idée de Dieu qu'il faut décidément cesser d'opposer à la nature comme s'il était son rival ou son prince. Les autres philosophes classiques tentent d'autres ies, qui en général privilégient les lontés générales de Dieu parce qu'elles sont plus conformes à sa sagesse, même s'ils acceptent parfois la notion de miracle. Rien ne se fait hors des lois et de l'ordre universel selon Leibniz, mais l'extraordinaire répond à des lois supérieures à celles de l'ordre commun de la nature (Discours de métaphysique, VI, Agora-Pocket, 1993, p. 28). Spinoza place l'origine de cette illusion des miracles (ou dérogation à l'otdre de la nature) dans plusieurs aspects de la fini-tude humaine. L'homme ne connait pas tout de l'ordre de la nature, ce qui déroge à ce qu'il connait est interprété comme dérogeant à l'ordre réel. En plus de projeter ses représentations incomplètes sur le réel, et de réduire ce dernier aux premières, l'homme projette aussi ses passions et attentes sur les événements naturels : ainsi, la superstition nait dans les moments de crainte où le moindre événement est interprété en rapport avec nous (Traité, p. 20), et les miracles, surtout s'ils apporrent des gains, sont intégrés dans un téléoiogisme ou dans un anthropocentrisme (Éthique, appendice de la première partie, trad. B. Pautrat, Le Seuil, 1988). Enfin, à cet écran sur lanature que projette la finitude humaine s'ajoute l'écran de la transmission de faits historiques par des hommes ignorants. Les narrateurs ne mentionnetont par exemple que la cause divine, sans mentionner les causes moyennes, et instillent l'erreur peu à peu traité, p. 33). S'ils gagnent de l'argent, ils disent que Dieu l'a enyé, etc.

De même que cette science qui dépasse la compréhension de l'homme est appelée divine, les hommes ont accoutumé d'appeler ouvrage divin, c'est-à-dire ouvrage de Dieu, un ouvrage dont la cause est ignorée du vulgaire ; le vulgaire pense en effet que la puissance et la providence de Dieu n'apparaissent jamais plus clairement que lorsqu'il semble arriver dans la Nature quelque chose d'insolite et de contraire à l'opinion qu'il en a en vertu d'habitudes acquises ; surtout si cet événement est pour lui l'occasion d'un gain ou d'un avantage ; et il estime que nulle preuve plus claire ne peut être donnée de l'existence de Dieu qu'une apparente dérogation à l'ordre de la Nature. Pour cette raison ceux-là lui semblent supprimer Dieu, ou au moins la providence de Dieu, qui expliquent les choses et les miracles par des causes naturelles ou s'appliquent à les connaitre clairement. Il estime, autrement dit, que Dieu n'agit pas aussi longtemps que la Nature agit selon l'ordre accoutumé ; et au contraire que la puissance de la Nature et les causes naturelles sont inactives quand Dieu agit. Il imagine donc deux puissances numériquement distinctes l'une de l'autre : la puissance de Dieu et celle des choses naturelles, cette dernière déterminée cependant par Dieu en une certaine manière ou créée par Dieu (comme la plupart aiment mieux croire aujourd'hui). Quant à ce qu'il entend par l'une et l'autre et aussi par Dieu et par Nature, il n'en sait rien, sinon qu'il imagine la puissance de Dieu semblable au pouir d'une majesté royale, celle de la Nature semblable à une force déchainée. Le vulgaire donc appelle miracles ou ouvrages de Dieu les ouvrages insolites de la Nature, et, tant par détion que par désir de protester contre ceux qui cultivent les sciences de la nature, préfère ignorer les causes naturelles des choses et ne veut entendre parler que de ce qu'il ignore le plus et par suite admire le plus. Cela tient à ce qu'il n'y a pour lui de raison d'adorer Dieu et de tout rapporter à sa puissance et à sa lonté, qu'autant qu'on supprime les causes naturelles et imagine des choses supérieures à l'ordre de la Nature ; et la puissance de Dieu ne lui parait jamais plus admirable que lorsqu'il se représente la puissance de la Nature comme vaincue par Dieu. Opinion qui semble air son origine chez les premiers Juifs : pour convaincre les Gentils de leur temps qui adoraient des Dieux visibles, tels que le Soleil, la Lumière, la Terre, l'Eau, l'Air, etc., et leur montrer que ces Dieux étaient faibles et inconstants, c'est-à-dire changeants et soumis au commandement d'un Dieu invisible, ces Juifs racontaient leurs miracles et s'efforçaient de montrer en outre par là que toute la Nature était dirigée à leur seul profit par le Dieu qu'ils adoraient. Cela plut tellement aux hommes que jusqu'à notre temps ils n'ont pas cessé de forger par l'imagination des miracles pour qu'on les crût plus aimés de Dieu que les autres et qu'on vit en eux la cause finale en vue de laquelle Dieu a créé et dirige continuellement toutes choses. Quelles ne sont pas les prétentions de l'humaine déraison, l'absence de toute idée saine de Dieu et de la nature, dans la confusion qu'elle fait entre les décisions de Dieu et celles des hommes, dans les limites enfin qu'elle assigne fictivement à la Nature dont elle croit l'homme la partie principale ! Mais en ilà assez sur les opinions et les préjugés du vulgaire concernant la Nature et les miracles ; toutefois, pour procéder avec ordre en cette matière, je montrerai : 1) qu'il n'arrive rien qui soit contre la Nature et qu'elle conserve un ordre éternel, fixe et immuable et je ferai ir en même temps ce qu'il faut entendre par un miracle ; 2) que nous ne pouns par les miracles connaitre ni l'essence, ni l'existence, ni par conséquent la providence de Dieu, tandis qu'on les peut connaitre beaucoup mieux par l'ordre fixe et immuable de la Nature. 3) Je montrerai aussi, par quelques exemples tirés de l'Écriture, que l'Écriture elle-même, par décrets et litions de Dieu et conséquemment providence divine, n'entend rien d'autre que l'ordre même de la Nature, conséquence nécessaire de ses lois éternelles. 4) Enfin, je traiterai de la façon dont il faut interpréter les miracles de l'Écriture et de ce qui est à noter principalement dans les récits des miracles. Telles sont les principales thèses rentrant dans le sujet du présent chapitre, et je crois ces considérations de grande importance pour l'objet même de tout l'ouvrage.
À l'égard de la première thèse on en fait ir aisément la vérité par le principe démontré au chapitre iv au sujet de la loi divine : que tout ce que Dieu veut ou détermine enveloppe une nécessité et une vérité éternelles. Nous ans conclu en effet de ce que l'entendement de Dieu ne se distingue pas de sa lonté, que c'est tout un de dire que Dieu veut quelque chose et qu'il conçoit quelque chose : la même nécessité qui fait que Dieu par sa nature et sa perfection conçoit une chose comme elle est, fait aussi qu'il la veut comme elle est. Puis donc que nécessairement rien n'est vrai, sinon par un décret divin, il suit de là très clairement que les lois universelles de la nature sont de simples décrets divins découlant de la nécessité et de la perfection de la nature divine. Si donc quelque chose arrivait dans la nature qui contredit à ses lois universelles, cela contredirait aussi au décret, à l'entendement et à la nature de Dieu ; ou, si l'on admettait que Dieu agit contrairement aux lois de la Nature, on serait obligé d'admettre aussi qu'il agit contrairement à sa propre nature, et rien ne peut être plus absurde. La démonstration pourrait encore se tirer aisément de ce que la puissance de la Nature est la puissance même et la vertu de Dieu, et la puissance de Dieu absolument identique à son essence ; mais j'aime mieux laisser cela de côté quant à présent. Il n'arrive donc rien dans la Nature qui contredise à ses lois universelles ; ou même qui ne s'accorde avec ses lois ou n'en soit une conséquence. Tout ce qui arrive en effet, arrive par la lonté et le décret éternel de Dieu ; c'est-à-dire, comme nous l'ans déjà montré, rien n'arrive que suivant des lois et des règles enveloppant une nécessité éternelle. La Nature observe donc toujours des lois et des règles qui enveloppent, bien qu'elles ne nous soient pas toutes connues, une nécessité et une vérité éternelles, et par suite un ordre fixe et immuable. Aucune bonne raison n'invite à attribuer à la Nature une puissance et une vertu limitées et à croire que ses lois s'appliquent à certaines choses seulement, non à toutes ; car puisque la vertu et la puissance de la Nature est la vertu même et la puissance de Dieu, que les lois et règles de la Nature sont les décrets mêmes de Dieu, il faut croire sans restriction que la puissance de la Nature est infinie et que ses lois sont assez larges pour s'étendre à tout ce qui est conçu par l'entendement divin. En juger autrement, ne serait-ce pas admettre que Dieu a éli une Nature si impuissante et éli des lois et des règles si stériles, qu'il est souvent obligé de lui venir en aide pour qu'elle se conserve et que les choses tournent selon son vœu ? et j'estime une telle croyance aussi contraire que possible à la raison. De ces principes donc que rien n'arrive dans la nature qui ne suive de ses lois ; que ses lois s'étendent à tout ce que conçoit l'entendement divin ; qu'enfin la Nature observe un ordre fixe et immuable, il suit très clairement que le nom de miracle ne peut s'entendre que par rapport aux opinions des hommes et signifie tout uniment un ouvrage dont nous ne pouns assigner la cause par l'exemple d'une autre chose accoutumée, ou que du moins ne peut expliquer l'auteur relatant le miracle. Je pourrais dire à la vérité qu'un miracle est un événement dont on ne peut assigner la cause par les principes des choses naturelles tels que la Lumière Naturelle les fait connaitre ; toutefois, puisque les miracles ont été faits à la mesure de la compréhension du vulgaire, lequel ignorait totalement les principes des choses naturelles, il est certain que les anciens ont tenu pour miracle ce qu'ils ne pouvaient expliquer par le moyen dont le vulgaire a coutume d'user pour expliquer les choses naturelles, c'est-à-dire en recourant à sa mémoire pour se rappeler un cas semblable qu'il se représente sans surprise à l'ordinaire ; le vulgaire en effet estime assez connaitre ce qu'il it sans surprise. Les anciens donc et presque tous les hommes jusqu'au temps présent n'ont eu d'autre règle applicable aux miracles ; il n'est pas douteux en conséquence que les livres saints ne racontent beaucoup de faits soi-disant miraculeux dont il serait facile d'assigner la cause par les principes connus des choses naturelles ; nous l'ans déjà indiqué au chapitre il en parlant de l'arrêt du soleil au temps de Josué et de sa rétrogradation au temps d'Achaz, mais nous traiterons ce point plus longuement tout à l'heure, ayant promis de nous occuper dans ce chapitre de l'interprétation des miracles.
Il est temps maintenant de passer à ma deuxième proposition, je veux dire de montrer que l'on ne peut connaitre l'essence de Dieu non plus que son existence ou sa providence par les miracles, mais au contraire qu'on les perçoit beaucoup mieux par l'ordre fixe et immuable de la Nature ; pour le démontrer, je procéderai comme il suit. L'existence de Dieu, n'étant pas connue par elle-même, doit nécessairement se conclure de notions dont la vérité soit si ferme et inébranlable qu'il ne puisse y air ni être conçu de puissance capable de les changer. Du moins faut-il qu'à partir du moment où nous en conclurons l'existence de Dieu elles nous apparaissent telles si nous ulons que notre conclusion ne soit exposée à aucun risque de doute ; si nous pouvions conceir que ces notions fussent changées par quelque puissance que ce fût, nous douterions de leur vérité et par suite nous douterions aussi de notre conclusion, c'est-à-dire de l'existence de Dieu, et ne pourrions jamais être certains de rien. En second lieu nous sans qu'une chose ne s'accorde avec la Nature ou lui contredit qu'autant que nous ans montré qu'elle s'accorde avec ces mêmes notions fondamentales ou leur contredit. Par suite si nous pouvions conceir que quelque chose arrivat dans la Nature par une puissance (quelle qu'elle pût être) qui contredit à la Nature, c'est donc que cette chose contredirait à ces notions premières et devrait être rejetée comme absurde, ou bien il nous faudrait douter des notions premières (comme nous venons de le montrer) et conséquemment de Dieu et de tout ce que nous ans perçu par un moyen quelconque. Tant s'en faut donc que les miracles, si l'on entend par là des ouvrages qui contredisent à l'ordre de la Nature, nous montrent l'existence de Dieu ; ils nous en feraient douter, au contraire, alors que sans les miracles, nous pourrions en être certains, je veux dire quand nous sans que tout dans la Nature suit un ordre fixe et immuable.




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