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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Aristote - ethique a  nicomaque

Aristote - ethique a  nicomaque
A lire les textes de faA§on quelque peu superficielle, on se devrait de constater une continuité d'idée entre Platon et Aristote dans la mesure où le Traité de la justice que représente le Livre V de L'Ethique A  Nicomaque reprend certaines formules identiques littéralement A  celles de Platon. En réalité, au delA  d'une homologie formelle, c'est une rupture de fond qu'Aristote instaure : c'est la possibilité du droit, d'une science du droit élie sur des fondements spécifiques qui est l'objet de la réflexion d'Aristote. Pour Michel Villey, l'un de historiens contemporains les plus notoires de la philosophie du droit, Aristote est sans aucun doute le vérile fondateur de notre notion moderne de droit précisément parce qu'il a su, le premier, distinguer et extraire le droit de la morale.
Il ne s'agit pas pour Aristote de réduire l'importance et la leur de l'idée de justice, bien au contraire : d'ailleurs il ne manque pas de rappeler que "la justice est communément regardée comme la plus importante de toutes les vertus". Mais il y a justice et justice, ou plus précisément il y a une détermination plus précise de la notion de justice, qu'Aristote privilégie dans son analyse et qu'il désigne sous l'expression de "justice particulière", l'opposant alors A  la notion générale et morale de justice que chaque homme possède ou doit posséder en lui-mASme ; la "justice particulière" repose sur un principe clairement éli : attribuer A  chacun ce qui lui revient, ce A  quoi il a droit.
Cette justice, et c'est par lA  qu'elle est inconteslement le vérile fondement de notre conception moderne du droit, ne s'intéresse pas au rapport de l'homme avec lui-mASme, avec sa conscience (c'est lA  l'objet de la morale) mais elle a pour but de régir et régler les relations aussi bien des hommes entre eux que des hommes aux biens qu'ils possèdent, produisent et échangent, et cela selon la norme de la bonne mesure ou encore du juste milieu. Cette rupture essentielle entre la morale et le droit (mASme si la science du droit demeure comprise au sein de la science de la justice) se trouve très nettement incarnée par l'opposition entre "AStre juste" et "accomplir le juste" : A  la limite je peux ne pas AStre juste (dikaios) et néanmoins réaliser le juste (to dilution) c'est-A -dire accomplir des actes justes. Le droit est ainsi nettement distingué de la morale : A  cette dernière qui s'attachera A  l'étude de notre conscience, de notre volonté, de nos intentions et de nos mobiles, Aristote oppose la posi-tivité du droit qui règle et organise les faits et les relations plus qu'il ne doit juger la conscience des hommes.

Livre V
I. Il s'agit d'examiner dans quelles actions se trouvent l'injustice et la justice ; quelle disposition moyenne est exprimée par ce mot, et entre quelles choses ce qui est juste est le milieu qu'approuve la raison. Appliquons donc A  ce nouvel objet la méthode dont nous avons déjA  fait usage.
Or, nous voyons que tout le monde appelle justice le penchant ou la disposition qui nous porte A  AStre justes, A  agir d'une manière conforme A  l'équité, en un mot, A  vouloir en tout ce qui est juste. Et pareillement nous voyons que l'injustice est le penchant qui nous porte A  commettre des actes injustes, et A  vouloir ce qui n'est pas juste. VoilA  donc une première esquisse, grossière et imparfaite de ce sujet ; car il n'en est pas des dispositions ou des habitudes, comme des sciences et des facultés.
En effet, la mASme science et la mASme faculté peuvent donner lieu A  des actes ou A  des résultats tout-A -fait opposés ; mais la disposition ou l'habitude ne peut rien produire qui lui soit contraire. Par exemple, la santé n'admet aucun acte qui puisse annoncer ou manifester un état opposé ; et nous disons d'un homme que sa démarche annonce la santé, lorsqu'il marche comme le fait celui qui est sain. Au lieu que souvent il arrive qu'on reconnait l'habitude ou la disposition contraire, par l'habitude contraire : et que les habitudes, en général, se reconnaissent aux circonstances qui les accomnent. Car, si le bon état du corps se manifeste avec évidence, le mauis état n'est pas moins évident ; et si la bonne disposition du corps se conclut des circonstances qui l'accomnent, réciproquement on peut conclure, de cette bonne disposition connue, l'existence de ces mASmes circonstances. Par exemple, si des muscles bien fournis sont l'indice de cette bonne disposition, nécessairement la maigreur sera le signe d'une disposition contraire ; et tout ce qui contribuera A  produire l'état de vigueur et de santé, contribuera également A  donner au corps le degré d'embonpoint qui convient A  cet état.
Il suit de lA  que, presque toujours, si l'un des termes par lesquels on désigne une disposition ou une manière d'AStre a plusieurs acceptions diverses, celui par lequel on désigne la disposition contraire, pourra également AStre pris dans plusieurs sens différents. Par exemple, cela aura lieu A  l'égard des mots juste et injuste, qui ont en effet plusieurs acceptions assez diverses ; mais on ne s'en aperA§oit pas, parce que les idées qu'ils expriment ont une grande analogie entre elles. Au contraire, lorsque ces idées sont, s'il le faut ainsi dire, fort distantes, la différence devient évidente. Telle est, par exemple, celle qui distingue les espèces : ainsi le mot grec signifie A  la fois l'os qui se trouve au-dessous du col des animaux [la clavicule], et ce qui sert A  fermer une porte [la clé].
Examinons donc en combien de sens divers peut se prendre le mot injuste. Or, on appelle ainsi l'homme qui viole les lois, celui qui est ambitieux, et qui méconnait l'égalité entre les citoyens : par conséquent on appellera juste celui qui observe les lois et qui respecte l'égalité des droits ; par conséquent, enfin, le juste en soi sera ce qui est conforme aux lois et A  l'égalité, l'injuste ce qui est contraire aux lois et A  l'égalité.
D'un autre côté, comme l'homme injuste est aussi ambitieux et avide, il le sera sans doute des biens, mais non pas de tous : il le sera seulement de ceux qui contribuent A  la prospérité, et dont l'absence est une cause d'infortune ; je veux dire ce ceux qui sont toujours des biens en eux-mASmes, quoiqu'ils ne le soient pas toujours pour tel ou tel individu. Néanmoins, ces derniers sont précisément ceux que les hommes souhaitent avec ardeur, et qu'ils poursuivent sans relache, en quoi ils ont tort : on doit, au contraire, souhaiter les biens qui sont tels par eux-mASmes, désirer qu'ils soient des biens réels pour nous, et donner simplement la préférence A  ce qui nous est personnellement antageux. Au reste, il y a des cas où l'homme injuste, loin de prétendre obtenir plus que les autres, préfère, au contraire, la moindre part, et c'est lorsqu'il s'agit de ce qui est un mal en soi ; mais comme alors le moins est, en quelque sorte, un antage, et que l'ambition a surtout le bien pour objet, par cette raison, on trouve encore l'homme injuste, ambitieux et avide dans ce cas-lA 
Il est aussi ennemi de l'égalité et violateur des lois ; car l'une ou l'autre de ces deux habitudes ou dispositions comprennent toute espèce d'injustice. Mais s'il est vrai que celui qui viole les lois soit injuste, et que l'homme juste les respecte, il s'ensuit évidemment que tout ce qui est conforme aux lois, l'est aussi, jusqu'A  un certain point, A  la justice. Car, ce qui est prescrit ou permis par la législation, est légitime ; et l'on peut affirmer que cela est en mASme temps juste. Or, les lois s'expliquent sur tous les objets, et ont pour but ou l'intérASt générai de la société, ou celui des hommes les plus dignes, ou celui des personnes qui ont autorité, soit A  cause de leur vertu, soit sous tout autre rapport du mASme genre. En sorte qu'on appelle justes, en les comprenant sous un mASme point de vue, toutes les choses qui contribuent A  produire ou A  entretenir la prospérité de la société civile, aussi bien dans l'ensemble que dans les détails. En effet, la loi prescrit les actes de courage, comme de ne point abandonner son poste, de ne point prendre la fuite, de ne point jeter ses armes ; ceux qui constituent la tempérance, comme de ne point commettre d'adultère, de n'outrager personne ; ceux de douceur et de bienveillance, comme de ne frapper et de n'injurier personne ; et ainsi de tous les autres vices et de toutes les autres vertus, défendant de certaines actions, et en ordonnant plusieurs autres ; avec raison, dis-je, quand elle a été faite comme elle doit l'AStre, et moins bien quand elle a été faite A  la hate, et comme improvisée.
La justice est donc une vertu accomplie, non pas dans un sens absolu, [et considérée dans l'homme pris isolément], mais dans les rapports qu'il peut avoir avec ses semblables. Aussi est-elle communément regardée comme la plus importante de toutes les vertus ; ni l'astre du soir, ni l'étoile du matin, n'inspirent autant d'admiration ; et la maxime d'un poète qui dit que dans la justice sont comprises toutes les vertus, est devenue proverbe parmi nous.
C'est surtout parce qu'elle est l'exercice d'une vertu parfaite, que la justice est elle-mASme parfaite ; et elle est telle, parce que celui qui la possède peut en faire usage pour les autres, et non pas seulement pour son propre antage. Car plusieurs peuvent faire servir la vertu A  leur propre utilité, mais non l'employeur A  l'utilité des autres. Aussi Bias a-t-il eu raison de dire que l'autorité révèle ce qu'est un homme, car celui qui a l'autorité ou la puissance est déjA  en rapport avec les autres, et dans un état de société ou de communauté. Par la mASme raison, on peut regarder la justice dans le bien dautrui ; et elle est, entre les vertus, la seule qui soit dans ce cas, puisqu'elle a pour but l'utilité ou l'antage d'un autre, soit celui qui a la puissance, soit le peuple tout entier.
Le plus méchant des hommes est sans doute celui qui fait servir ses vices A  son propre dommage, ou qui nuit A  ses amis ; mais le plus vertueux est celui dont la vertu ne sert pas A  lui-mASme, mais aux autres, car c'est lA  une tache pénible. Aussi la justice n'est-elle pas une partie de la vertu, mais l'assemblage de toutes les vertus, la vertu tout entière ; et l'injustice, de son côté, n'est point une partie du vice, mais le vice tout entier. On voit clairement, par ce qui vient d'AStre dit, en quoi la vertu diffère de la justice proprement dite ; car elle est bien la mASme chose, mais elle n'a pas la mASme essence. La vertu, en général et absolument parlant, est une disposition, une habitude d'une espèce particulière et déterminée en tant que cette habitude se rapporte au bien ou A  l'antage des autres, elle est Injustice.
II Mais nous cherchons ce que c'est que la justice, en tant qu'elle est une partie de la vertu (car il y a, suint nous, une telle vertu particulière), et nous voulons savoir aussi ce que c'est que l'injustice envisagée sous le mASme point de vue. Ce qui prouve qu'elle existe en effet, c'est qu'un homme dont les actions sont vicieuses sous d'autres rapports, agit, A  la vérité, contre la justice, mais sans qu'il en résulte pour lui aucun profit, aucun antage. Par exemple, s'il jette son bouclier en prenant la fuite, par lacheté ; s'il parle mal de quelqu'un, par animosité ; si, par arice, il refuse de l'argent A  quelqu'un qui en a besoin. Au lieu que, lorsqu'il cherche son profit ou son antage, ce n'est souvent par aucune des passions vicieuses dont on vient de parler ; ce n'est surtout pas par toutes A  la fois : mais il y a dans sa conduite un vice particulier ; et c'est parce qu'elle est contraire A  la justice, que nous la blamons. Il y a donc une sorte d'injustice particulière, qui est, pour ainsi dire, une partie de l'injustice, en général, ou prise dans un sens absolu ; il y a l'injuste considéré spécialement, et qui diffère de l'injuste proprement dit, qui est la violation de la loi.
Supposons encore qu'un homme entretienne un commerce adultère, en vue du gain qu'il lui rapporte, et du prix qu'il en reA§oit, tandis qu'un autre ne s'y livre que pour satisfaire sa passion, et que mASme il y dépense de l'argent : celui-ci passera plutôt pour un débauché que pour un homme avide et intéressé ; au lieu qu'on dira de l'autre, qu'il commet une action injuste, mais non pas qu'il est un débauché. D'où il suit clairement que c'est le profit ou le gain qui fait ici la différence. On rapporte mASme toujours ainsi tous les autres délits A  quelque vice : l'adultère, au penchant pour la débauche ; l'abandon d'un poste de nt l'ennemi, A  la lacheté ; l'action de frapper quelqu'un, A  la colère : mais, dans tous les cas, le gain ou le profit ne se rapporte qu'A  l'injustice. Par où il est évident qu'il y a une espèce particulière d'injustice, différente de l'injustice en général et proprement dite, qui est désignée par le mASme nom qu'elle ; car on peut la définir comme appartenant au mASme genre, puisque l'une et l'autre ont cela de commun que leur effet se rapporte au prochain. Mais l'une comprend les honneurs, les richesses, les moyens de se sauver ou de se garantir du danger, enfin, tout ce qui, dans ce genre, peut AStre compris sous un mASme terme, et rappelle l'idée du plaisir que procure un profit ou un antage quelconque ; au lieu que l'autre embrasse tout ce qui intéresse l'homme sage et vertueux. Il est donc hors de doute qu'il y a plusieurs sortes de justice ; et qu'outre la vertu en général, il y a une vertu particulière qui en diffère. Il reste A  déterminer ce que c'est que cette vertu, et quelle elle est.
Or on a défini précédemment le juste et l'injuste, ce qui est conforme ou contraire, soit A  la loi, soit A  l'égalité ; et l'on a parlé d'abord de l'injustice qui consiste dans la violation des lois. D'ailleurs, comme inégalité et quantité plus grande ne sont pas la mASme chose, mais différent l'une de l'autre, comme la partie diffère du tout (car, dans l'idée de quantité plus grande est sans doute comprise l'idée d'inégalité, mais on ne peut pas dire que tout ce qui est inégal soit une quantité plus grande), l'inégalité et l'injustice ne sont pas non plus la mASme chose ; mais l'une peut AStre considérée comme le tout, et l'autre comme la partie ; c'est-A -dire que l'injustice est, en quelque sorte, partie de l'injuste ; et enfin, puisqu'on en peut dire autant de la justice, il s'ensuit qu'on doit traiter de la justice et de l'injustice, et aussi du juste et de l'injuste.
Laissons donc, quant A  présent, la justice envisagée comme vertu universelle ou absolue, et l'injustice considérée sous le mASme point de vue ; dont l'une est l'emploi de la vertu en général, et l'autre la pratique du vice, aussi en général, A  l'égard des autres. On voit dès-lors comment il faut distinguer le juste et l'injuste, conformément A  ces deux points de vue. Car presque toutes les actions conformes aux lois sont le résultat de la vertu en général ; puisque la loi ordonne qu'on suive, dans la conduite de la vie, tout ce qui est conforme A  chaque vertu particulière, et qu'elle interdit tout ce qui peut AStre l'effet de chaque vice en particulier. Et mASme tout ce que la législation prescrit, relativement A  l'instruction de la jeunesse, en vue du bien de la société, est propre A  produire la vertu en général. J'aurai A  examiner, dans la suite, si c'est A  la politique, ou A  quelque autre science, de donner les règles ou les préceptes d'où résulte la vérile et solide vertu dans chaque individu ; car peut-AStre n'est-ce pas la mASme chose pour tout homme d'AStre vertueux en général, et d'AStre un bon citoyen.
Quant A  la justice de détail, s'il le faut ainsi dire, et A  ce qu'on appelle juste sous ce rapport, il y en a une espèce qui s'applique au partage ou A  la distribution des honneurs, des richesses, en un mot, de tout ce qui se distribue entre les membres d'une mASme société politique (car toutes ces choses peuvent AStre l'objet d'un partage égal ou inégal) ; et il y en a une autre espèce, destinée A  conserver l'ordre et la régularité dans les transactions entre citoyens. Et mASme entre celles-ci, il y en a de volontaires et d'involontaires. Par exemple, les ventes, les achats, les prASts, [soit d'argent, soit d'effets], les cautionnements, les dépôts, les salaires, toutes ces transactions sont appelées volontaires, parce que le principe en est dans la volonté de ceux qui y concourent. Mais il en est où l'on se trouve compromis sans le savoir, soit que ceux qui agissent ainsi A  notre égard le fassent secrètement et A  la dérobée, comme dans le cas du vol, de l'adultère, de l'empoisonnement, des intrigues infames, de la corruption de nos esclaves, de l'assassinat, du faux témoignage ; soit qu'ils agissent contre nous avec violence et A  force ouverte, comme il arrive dans le cas des sévices, de l'emprisonnement, du meurtre, ou quand on ravit avec violence ce qui appartient A  un autre, quand on le frappe au point de l'estropier, qu'on lui adresse des paroles offensantes, ou des provocations outrageantes.
III. Puisque le caractère de l'injustice est l'inégalité, il est évident qu'il doit y avoir un milieu par rapport A  ce qui est inégal, et ce milieu sera précisément ce qui est égal. Car, dans toute action où il peut y avoir du plus ou du moins, il doit y avoir aussi une égalité possible ; et par conséquent, si on appelle injuste ce qui s'ésectiune de cette égalité, le juste sera ce qui y est conforme, ainsi que tout le monde en peut juger sans beaucoup de raisonnements ; et, puisque c'est dans le milieu que se trouve l'égalité, ce sera lA  aussi que se trouvera la justice. Or l'égalité ne peut exister qu'entre deux termes au moins : le juste doit donc nécessairement AStre un milieu, une égalité par rapport A  des choses et A  des personnes. Comme milieu, il se rapporte A  de certaines choses, qui sont le plus et le moins ; comme égal, il suppose deux termes ; enfin, comme juste, il se rapporte A  des personnes. Par conséquent, la notion du juste comprend au moins quatre termes : car cette notion, appliquée aux personnes, en suppose deux ; et, appliquée au choses, elle en suppose aussi deux. Et la mASme égalité devra se trouver dans les choses et dans les personnes ; car le mASme rapport qui existe entre les choses, doit exister aussi entre les personnes, puisque, s'il n'y a pas égalité entre celles-ci, elles ne devront pas posséder des choses égales.
Mais c'est précisément lA  qu'est la source des querelles et des plaintes, lorsque ceux qui sont égaux n'ont pas, ou ne peuvent pas obtenir des antages égaux, ou lorsque, A  mérite inégal, ils en obtiennent d'égaux. Cela devient évident par la aison du rang et de la dignité entre les personnes. Car on convient généralement que, dans la distribution des honneurs, c'est surtout au rang et A  la dignité qu'il faut avoir égard. Mais tous les hommes n'attachent pas la mASme idée A  cette dignité ; les partisans du gouvernement démocratique la font consister dans la liberté ; ceux qui préfèrent l'oligarchie la voient, soit dans les richesses, soit dans la noblesse ; et les partisans de l'aristocratie, dans la vertu.
La justice consiste donc dans une sorte de proportion car la proportionnalité n'est pas exclusivement propre aux nombres abstraits, mais elle est une propriété du nombre en général ; et ce qui constitue la proportion, c'est l'égalité de rapport au moins entre quatre termes. Et d'abord cela est évident pour la proportion discrète : mais la mASme chose a lieu aussi pour la proportion continue, car alors l'un des termes est répété deux fois. Par exemple, lorsqu'on dit : le rapport de A A  B, est le mASme que celui de B A  C, on répète deux fois le terme B, en sorte qu'il y aura quatre termes en proportion.
La notion du juste suppose pareillement quatre termes au moins, et le rapport entre eux est le mASme. Car il y a pareille différence entre les personnes A  qui l'on adjuge leur part de certaines choses, et entre les choses que l'on distribue. On dira donc : comme le terme A est au terme B, ainsi le terme C est au terme D ; et, en alternant, comme A est A  C, ainsi B est A  D ; en sorte qu'un rapport tout entier est é avec l'autre rapport tout entier, composé des termes tels que les donne la distribution ; et si la composition se fait de cette manière, la combinaison des deux rapports sera juste. Ainsi donc l'union ou la combinaison du terme A avec le terme C, et du terme B avec le terme D, est [le type ou la formule de] Injustice distributive. Le juste est ce qui tient le milieu entre deux termes qui s'éloignent ou s'ésectiunent de la proportion : car la notion de proportionnalité comprend l'idée de moyen terme ; et celle de justice suppose l'idée de proportionnalité.
Les mathématiciens donnent A  cette espèce de proportion le nom de géométrique ; car ce qui la caractérise, c'est qu'il y ait mASme relation entre un rapport tout entier, et l'autre rapport, aussi tout entier, qu'entre les deux termes de chaque rapport. Toutefois ce n'est pas une proportion continue ; car la personne et la chose ne peuvent pas AStre exprimées par un seul et mASme terme en nombre.
Le caractère de cette sorte de justice est donc la proportionnalité, et le caractère de l'injustice, c'est le défaut de proportion ; car dès-lors il y aura d'un côté plus, et de l'autre moins qu'il ne faut. C'est ce qui se voit par les faits mASmes ; car celui qui commet une injustice obtient plus d'antages, et celui qui la souffre en a moins qu'il n'en doit avoir. C'est tout le contraire quand il s'agit du mal ; car un moindre mal, é A  un plus grand, peut AStre compté pour un bien, puisqu'il est certainement préférable A  un mal plus grand, et que ce qu'on préfère, c'est toujours le bien, et cela d'autant plus, qu'il est plus grand. Telle est donc l'une des espèces comprises sous la notion générale de justice.
IV. L'autre espèce, que l'on peut appeler justice de compensation, a lieu dans les transactions sociales, tant volontaires qu'involontaires : mais elle se présente sous une forme différente de la précédente. En effet, la justice qui préside A  la distribution des biens communs A  tous, se règle toujours sur la proportion que nous avons dite. S'il est question de partager de l'argent qui appartient au public, on devra y observer le mASme rapport qu'ont entre elles les sommes qui ont été mises en commun ; et l'injustice, opposée A  cette sorte de justice, sera de s'ésectiuner de cette proportion.
Quant aux transactions entre citoyens, la justice s'y trouve bien aussi dans l'égalité, et l'injustice dans l'inégalité ; seulement elles ne suit pas la proportion géométrique, mais c'est sur la proportion arithmétique qu'elle se règle. Car il importe peu que ce soit un homme considérable qui ait dépouillé d'une partie de ses biens quelque citoyen des dernières classes du peuple, ou que ce soit celui-ci qui ait fait tort A  l'autre ; que ce soit l'un ou l'autre qui ait commis le crime d'adultère : la loi n'envisage, en pareil cas, que la différence des délits, et considère comme égaux A  ses yeux celui qui commet l'injustice et celui qui la supporte, celui qui a causé le dommage et celui qui l'a souffert ; de sorte que le juge s'efforce de rélir l'égalité altérée par cette injustice. En effet, lorsqu'un homme a été frappé, ou a perdu la vie, et qu'un autre lui a porté des coups, ou l'a tué, l'action de l'un et le dommage de l'autre se partagent, pour ainsi dire, en deux parts inégales ; et le juge, par l'amende ou la peine qu'il impose, cherche, en diminuant l'antage de l'une des parties, A  rélir l'égalité entre elles.
Dans les considérations de ce genre, bien que ces expressions ne conviennent pas peut-AStre A  plusieurs cas particuliers, on se sert du mot gain ou antage, en parlant de celui qui a frappé, et du mot perte, en parlant de celui qui a été frappé : mais, lorsque le dommage a été apprécié ou élué, ces deux expressions doivent AStre prises en sens inverse. Toujours est-il que ce qui rélit l'égalité entre le plus et le moins, c'est un juste milieu entre l'un et l'autre. Les mots gain et perte peuvent exprimer l'un plus et l'autre moins dans des sens opposés : gain signifie ici plus de bien et moins de mal, et perte, au contraire, [moins de bien et plus de mal] ; le milieu entre l'un et l'autre sera l'égalité, qui, selon nous, est la justice ; en sorte que le juste, par compensation, sera le milieu entre la perte et le gain : aussi a-t-on recours au juge, toutes les fois qu'il s'élève une contestation. Or, recourir au juge, c'est recourir au droit ; car le juge est, en quelque sorte, le droit personnifié, et l'on cherche un juge impartial, un de ces hommes que quelques-uns appellent arbitres ou médiateurs, comme étant sûrs qu'ils sont dans le droit, s'ils peuvent AStre dans le juste milieu. Le droit est donc, en effet, quelque chose qui consiste dans cette obsertion du terme moyen, puisque c'est également lA  la fonction du juge. Car il s'attache surtout A  rélir l'égalité ; et, comme on le pratique A  l'égard d'une ligne partagée en deux parties inégales, il retranche A  la plus grande partie la quantité dont elle excède la moitié, pour l'ajouter A  la plus petite. Mais, lorsqu'un tout est ainsi divisé en deux portions égales, et que chacun en reA§oit une, alors on dit que chacun a ce qui lui appartient. Or, ce qui est égal, c'est la quantité moyenne entre une plus grande et une plus petite, suint la proportion arithmétique ; et de lA  vient que le mot [qui signifie juste] exprime ce qui est partagé en deux, et [juge] celui qui fait ce partage. Car, si, de deux quantités égales, on diminue l'une de quelque partie, pour l'ajouter A  l'autre, celle-ci surpassera la première du double de la partie dont cette première a été diminuée : mais, si l'on ne fait que la lui retrancher, sans l'ajouter A  la seconde, cette seconde ne surpassera la première que de la seule partie dont celle-lA  a été diminuée. Cette quantité surpasse donc le moyen terme d'une seule partie, et le moyen terme surpasse aussi d'une partie celle dont on a retranché quelque chose. Par ce moyen donc, nous pourrons connaitre ce qu'il faut ôter A  celui qui a plus, et ce qu'il faut ajouter A  celui qui a moins, c'est-A -dire qu'il faut retrancher de la plus grande quantité toute la portion dont elle excède la plus petite.
Soient AA', BB', CC, des lignes égales entre elles ; soit retranchée de AA', la partie AE, que l'on ajoutera A  CC, et qui donnera ainsi la partie CD, en sorte que la ligne entière CCD surpasse EA' de CD et de CZ, et pas conséquent BB' de CD.
[ Cela a lieu encore dans les autres arts ; car ils ne pourraient pas exister, si leurs moyens d'action n'aient pas un effet, ou un résultat, déterminé sous le rapport de la quantité, aussi bien que sous celui de la qualité, et si la quantité ou la qualité de leur action ne pouit pas AStre déterminée. ]



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