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ECONOMIE

L'économie, ou l'activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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L'affaire de namibie

L'affaire de Namibie a présenté une importance politique évidente pour l'avenir de l'Afrique australe. Elle est née d'un imbroglio juridique que la Cour internationale de justice a tenté pendant vingt ans de démêler et elle a continué de poser de redoules problèmes de droit jusqu'à aujourd'hui. Une solution satisfaisante a pu cependant lui être trouvée avec l'aide des Nations unies en 1990.
Après avoir fourni certaines données de base concernant la Namibie, on traitera de l'affaire de 1946 à 1971, pour examiner enfin comment elle a évolué depuis cette dernière date.


I. LES DONNÉES DE BASE



A. La géographie

Le territoire, que l'on appelait autrefois « Sud-Ouest africain » et qui est devenu « Namibie », est situé au sud-ouest de l'Afrique. Il a une superficie d'environ 825 000 km2 et est borné par cinq pays : au nord, l'Angola; à l'est, la Zambie, le Zimbabwe et le Botswana; et, au sud, la République d'Afrique du Sud.
C'est un pays très sec. Un premier désert borde les côtes : un second, celui du Kalahari, occupe la partie orientale du territoire. Entre les deux, une région de montagnes de 1000 à 2000 mètres d'altitude constitue une zone moins aride dans laquelle se trouve l'essentiel de la population. Le Nord et la bande de Caprivi sont plus arrosés et un peu plus peuplés.
La population est d'environ 1 300000 habitants, dont un peu moins de 100000 Blancs (y compris un groupe important de souche allemande). La majorité de la population noire est, elle, d'origine Bantou avec un groupe ethnique dominant, celui des Owambos (600000 personnes). Il existe un grand nombre d'ethnies minoritaires très variées (dont des Bochimans).
Si les perspectives agricoles demeurent limitées, les eaux froides apportées par le courant de Benguela sont très poissonneuses. Les ressources minières sont importantes, notamment pour ce qui est du plomb, du diamant et de l'uranium. La France a ainsi une participation de 10% dans la mine d'uranium de Rossing.
En définitive, la Namibie est un pays assez vaste qui forme une sorte de zone tampon quasi désertique entre l'Afrique centrale et l'Afrique du Sud, avec des ressources agricoles limitées et une population peu nombreuse, mais des ressources minières et de pêche non négligeables.

B. L'histoire
Historiquement, les premiers Européens ayant pris pied dans le Sud-Ouest africain ont été les Britanniques, qui se sont installés en 1878 à Walvis Bay, seul hae naturel sur cette côte.
En 1884, l'Allemagne s'élit dans le reste du pays, et le conflit latent entre les deux Etats est réglé en 1890 par l'attribution aux Allemands de la bande de Caprivi. Celle-ci ne permet cependant pas à l'Allemagne de joindre ses possessions d'Afrique orientale et occidentale en réalisant un axe ouest-est, et ce sont les Britanniques qui se rendent, les premiers, maitres des Rhodésies.
En 1918, l'article 119 du traité de Versailles comporte renonciation par l'Allemagne à l'ensemble de ses possessions outre-mer, en faveur des principales puissances alliées et associées. Le destin des anciennes colonies allemandes va être réglé dans le cadre de la Société des Nations (SdN).
Le Pacte de la Société des Nations comporte en effet un article 22 qui fixe le régime des
colonies et territoires, qui, à la suite de la guerre, ont eessé d'être sous la souveraineté des Etats qui les gouvernaient précédemment et qui sont habités par des peuples non encore capables de se diriger eux-mêmes dans les conditions particulièrement difficiles du monde moderne.
Le texte se poursuit en ajoutant :
Le bien-être et le développement de ces peuples forment une mission sacrée de civilisation, et il convient d'incorporer dans le présent pacte des garanties pour l'accomplissement de cette mission.
A cette fin, la tutelle de ces peuples est confiée aux nations développées qui l'exerceront « en qualité de mandataires et au nom de la Société des Nations ». Telle fut l'origine des « mandats ».


L'article 22 se poursuit en précisant que

le caractère du mandat doit différer suivant le degré de développement du peuple, la situation géographique du territoire, ses conditions économiques et toutes autres circonstances analogues,
et la SdN distinguera dans cette perspective trois catégories de mandats dénommés A, B et C.
Les mandats A furent donnés sur « certaines communautés qui appartenaient autrefois à l'empire Ottoman» et «ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l'aide d'un mandataire guident leur administration jusqu'au moment où elles seront capables de se conduire seules ». La Syrie, le Liban, la Palestine et l'Irak entrèrent dans cette catégorie.
Les mandats B visent « d'autres peuples », spécialement ceux d'Afrique centrale dont le degré de développement était moindre et où le mandataire devait assumer lui-même l'administration du territoire. Aucune perspective d'évolution n'est inscrite au texte. La puissance mandataire est seulement tenue à diverses obligations, soit dans l'intérêt des populations locales (prohibition de la traite des esclaves, du trafic des armes et de l'alcool, liberté de conscience et de religion), soit dans l'intérêt de la communauté internationale (interdiction d'élir des fortifications et des bases militaires et navales, égalité de tous les membres de la SdN pour les échanges et le commerce). Etaient couverts par ce texte le Togo, le Cameroun, le Ruanda, le Burundi et le Tanganyika. Restaient enfin le Sud-Ouest africain et les iles du Pacifique, qui constituaient des mandats C. Selon le Pacte de la SdN, ces territoires,
par suite de la faible densité de leur population, de leur superficie restreinte, de leur éloignement des centres de civilisation, de leur contiguïté géographique au territoire du mandataire ou d'autres circonstances, ne sauraient être mieux administrés que sous les lois du mandataire, comme partie intégrante de son territoire, sous réserve des garanties prévues dans l'intérêt de la population indigène,


dans le cas des mandats B.

C'est dans ce dernier cadre qu'un mandat sur le Sud-Ouest africain est donné par les puissances à Sa Majesté britannique agissant pour le gouvernement de l'Afrique du Sud et accepté par ce gouvernement. Le Conseil de la SdN en délibère, le 19 décembre 1920, et l'Afrique du Sud acquiert alors le pouvoir d'administrer le territoire et d'y légiférer comme s'il faisait partie de son propre territoire.

II. L'AFFAIRE DE NAMIBIE, DE 1945 À 1971

A. La dissolution de la Société des Nations et ses conséquences
L'affaire de Namibie naquit juridiquement de la dissolution de la Société des Nations, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de la création des Nations unies. Cette évolution posait une question : que faire des anciens mandats?
a) Les dispositions de la Charte
La Charte des Nations unies créait en son chapitre XII un régime international de tutelle analogue à certains égards à celui des mandats, mais en différant profondément sous d'autres aspects.
Le régime de tutelle, selon l'article 77,
s'appliquera aux territoires entrant dans les catégories ci-dessous qui viendraient à être placées sous ce régime en vertu d'accords de tutelle : 1 ° territoires actuellement sous mandat ; 2° territoires qui peuvent être détachés d'Etats ennemis par suite de la Seconde Guerre mondiale ; 3° territoires volontairement placés sous ce régime par les Etats responsables de leur administration.
Le régime de tutelle doit, dans chaque cas, faire, selon l'article 79, l'objet d'un accord entre les Etats directement intéressés et l'Organisation des Nations unies, qui en précise le contenu exact.
Dans la pratique, tous les anciens territoires sous mandat, sauf le Sud-Ouest africain, vont passer sous le régime de la tutelle. En Afrique, la France, la Grande-Bretagne et la Belgique concluront avec les Nations unies les accords nécessaires à cet effet et, par voie de conséquence, les anciens territoires sous mandat B seront soumis au régime prévu au chapitre XII de la Charte, avant d'accéder, quelques années plus tard, à l'indépendance.
b) L'avis de la Cour internationale de justice de 1950
C'est alors que l'Assemblée générale des Nations unies va, pour la première fois, demander l'avis de la Cour internationale de justice par application de l'article 96 de la Charte. Dans sa résolution du 6 décembre 1949, l'Assemblée générale pose trois questions à la Cour :
Dès 1921 avait été élie une Cour permanente de justice internationale devenue en 1945 la Cour internationale de justice. Celle-ci constitue l'organe judiciaire principal des Nations unies. Tous les Etats membres de l'ONU sont de ce fait parties au statut de la Cour. Celle-ci est composée de quinze juges élus par le Conseil de Sécurité et l'Assemblée générale des Nations unies. Leur mandat est de neuf ans et la Cour est renouvelée par tiers tous les trois ans.
Traditionnellement, cinq des membres de la Cour ont la nationalité des membres permanents du Conseil de Sécurité. Les autres juges sont désignés de manière à assurer la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde. Actuellement, ces dix autres juges sont originaires de l'Algérie, de Madagascar et de la Sierra Leone (pour l'Afrique), de la Guyana et du Venezuela (pour l'Amérique), du Japon et du Sri Lanka (pour l'Asie), enfin de la Hongrie, de l'Italie et de l'Allemagne (pour l'Europe). La Cour a en premier lieu compétence pour trancher les différends qui lui sont soumis par les Etats (et par eux seuls). Les Etats peuvent reconnaitre à l'avance comme obligatoire la juridiction de la Cour pour tout différend d'ordre juridique, en faisant à cet effet la déclaration prévue à l'article 36, paragraphe 2, du statut. Cinquante-sept Etats ont en 1994 procédé de la sorte. Par ailleurs, près de deux cent soixante-dix conventions internationales comportent une clause confiant à la Cour le soin de régler les différends nés de leur interprétation ou de leur application. Enfin, les Etats peuvent, à l'occasion d'un litige déterminé, en confier la solution à la Cour par compromis spécial.
La Cour peut en outre donner des avis consultatifs sur toute question juridique qui lui est soumise par l'Assemblée générale ou le Conseil de Sécurité des Nations unies comme par tout autre organe de l'Organisation ou des institutions spécialisées de l'ONU autorisé à ce faire par l'Assemblée générale. Le secrétaire général ne peut en l'état solliciter de lui-même de tels avis.
La Cour permanente de justice internationale a traité de cinquante-six cas entre 1922 et 1939. La Cour internationale de justice s'est prononcée sur soixante-sept affaires depuis 1945. Son activité s'est beaucoup développée récemment et elle a, à l'heure actuelle, douze affaires à son rôle (ce qui constitue un record absolu).

1° L'Union sud-africaine a-t-elle encore des obligations internationales en vertu du mandat pour le Sud-Ouest africain et, dans ce cas, quelles sonl-elles ?
2° Les dispositions du chapitre XII de la Charte sur la tutelle sont-elles applicables au territoire du Sud-Ouest africain et, dans l'affirmative, de quelle façon?
3° L'Union sud-africaine a-t-elle compétence pour modifier le statut international du territoire et, dans la négative, qui a compétence pour déterminer et modifier ce statut ?
La Cour, qui interviendra cinq fois dans cette affaire, donne son premier avis le II juillet 1950. Elle rappelle que le mandat tel qu'il a été éli par le Pacte de la SdN n'impliquait ni cession de territoire, ni transfert de souveraineté. Il s'agissait d'une simple administration internationale exercée au nom de la Société des Nations. Ce mandat, poursuit la Cour, avait été confié à la SdN en vue d'assurer « la mission sacrée de civilisation » prévue par l'article 22 du Pacte, mission qui n'a pas disparu avec la disparition du mandat. Le respect des obligations liées à cette mission est par suite la condition du maintien de l'autorité de l'Union sud-africaine. Celle-ci continue donc « à être soumise aux obligations internationales énoncées à l'article 22 du Pacte et au mandat pour le Sud-Ouest africain, ainsi qu'à l'obligation de transmettre les pétitions des habitants de ce territoire ».
Ainsi, l'Afrique du Sud ne peut pas s'affranchir unilatéralement des obligations qu'elle a assumées en vertu du Pacte et ces obligations demeurent, bien que la Société des Nations ait disparu.
Toutefois, ajoute immédiatement la Cour, les fonctions de contrôle qui étaient exercées par le Conseil de la Société des Nations ne peuvent plus l'être par cet organe du fait de sa disparition. Elles doivent l'être, par voie de conséquence, par l'Assemblée générale des Nations unies, et c'est désormais l'Assemblée qui recea les rapports annuels et les pétitions. Mais, lorsqu'elle examine ces rapports et ces pétitions, l'Assemblée doit se conformer le plus possible à la procédure suivie autrefois par le Conseil de la SdN. De même, la Cour est désormais compétente pour connaitre des litiges concernant le mandai.
Cette réponse à la première question posée par l'Assemblée générale est adoptée par la Cour à une large majorité (12 voix contre 2).
En réponse à la seconde question de l'Assemblée générale, la Cour observe que les territoires sous mandat peuvent être soumis au régime de tutelle du chapitre XII de la Charte, mais elle ajoute que ce chapitre n'impose pas à l'Union sud-africaine l'obligation juridique de procéder à une telle transformation (solution retenue par 8 voix contre 6).
Enfin, la Cour s'interroge sur la question de savoir qui est compétent pour définir dans l'avenir le statut international du Sud-Ouest africain. Elle déduit de l'attitude de l'Assemblée générale comme de celle de l'Union sud-africaine que les deux sont d'accord pour estimer que l'Union sud-africaine agissant seule n'est pas compétente pour modifier ce statut international. Cette compétence appartient à l'Union sud-africaine agissant avec le consentement des Nations unies (solution adoptée à l'unanimité).
c) Les avis de la Cour de 1954 à 1955
Cette construction juridique prudente va être à l'origine d'un certain nombre de difficultés.
L'Assemblée générale des Nations unies adopte immédiatement cet avis comme base de surveillance de l'administration du territoire et engage des négociations avec l'Union sud-africaine en vue de rendre effectives les solutions dégagées par la Cour, en ce qui concerne en particulier le rapport annuel et la transmission des pétitions.
L'Afrique du Sud s'y refuse. L'Assemblée générale décide alors, en 1953, de créer un eomité dénommé « Comité du Sud-Ouest africain», chargé d'examiner les rapports de la puissance mandataire et les pétitions des habitants. Mais ce comité ne peut exercer ses fonctions du fait du refus de coopération de l'Afrique du Sud.
Ce refus pose aux Nations unies deux nouveaux problèmes qui sont soumis à la Cour en 1954 et 1955.
La première question soulevée est de savoir dans quelles conditions l'Assemblée générale doit se prononcer sur les rapports et sur les pétitions qu'elle est désormais compétente pour recevoir. Le problème est d'importance. En effet, le Conseil de la Société des Nations se prononçait sur ces documents à l'unanimité (y compris la voix de la puissance mandataire). En revanche, l'Assemblée générale des Nations unies ne connait pas de règle de ce genre, puisqu'elle statue tantôt à la majorité simple, tantôt, pour les questions importantes, à la majorité des deux tiers (article 18, paragraphe 2, de la Charte).
Ne sachant quelle solution adopter, l'Assemblée générale, le 23 novembre 1954, interroge pour la deuxième fois la Cour. Celle-ci, le 7 juin 1955, précise que la surveillance de l'Assemblée générale doit s'exercer autant que possible conformément à la procédure suivie par le Conseil de la Société des Nations. Mais l'Assemblée est, par ailleurs, soumise à sa propre Constitution, et cet obstacle juridique, « insurmonle » selon la Cour, l'empêche de recourir aux procédures de vote du Conseil de la SdN. Dès lors, elle peut appliquer légalement l'article 18, paragraphe 2, de la Charte et prendre ses décisions sur les rapports à la majorité des deux tiers (avis donné par la Cour à l'unanimité).
L'Afrique du Sud refusant toujours de coopérer avec les Nations unies, le Comité du Sud-Ouest africain, créé par l'Assemblée générale, se trouve cependant sans aucun moyen d'action. Il s'interroge alors sur les méthodes à utiliser pour exercer un minimum de surveillance en l'absence de rapports élis et de pétitions transmises par l'Afrique du Sud, et songe à accorder des audiences aux pétitionnaires. Mais, ayant des doutes sur la régularité d'une telle procédure, l'Assemblée s'adresse une troisième fois à la Cour le 3 décembre 1955. La Cour, par avis du 1er juin 1956, rappelle que l'ancienne Commission permanente des mandats de la SdN s'était en principe refusée à procéder à des auditions de pétitionnaires, mais n'avait pas écarté cette solution dans des circonstances particulières. Elle avait donc pouvoir de le faire, et, compte tenu du refus de coopération de l'Afrique du Sud, il en était de même du Comité du Sud-Ouest africain (avis adopté par 8 voix contre 5).
En définitive, ces trois avis avaient contribué à définir un régime qui aurait pu fonctionner s'il avait eu l'accord de l'Afrique du Sud. Dans ce régime, les anciennes obligations du Pacte de la Société des Nations auraient été maintenues et leur contrôle transféré aux Nations unies avec certaines adaptations. Mais, l'Afrique du Sud refusant toujours de se mettre en rapport avec les Nations unies en ce qui concerne l'administration du Sud-Ouest africain, ce régime ne pourra être mis sur pied, ce qui conduira à une crise qui se développera de 1960 à 1971.

B. Vers la déchéance du mandat


a) Les recours de l'Ethiopie et du Libéria

Le 4 octobre 1960, l'Ethiopie et le Libéria (seuls pays africains qui avaient été membres de la Société des Nations) demandent à la Cour de décider que l'Afrique du Sud a méconnu ses obligations au regard du Pacte et de la condamner. Pour la première fois, la Cour est saisie de l'affaire par la voie non d'une demande d'avis consultatif, mais d'un recours juridictionnel.
L'instruction de ce pourvoi demandera six ans. Par un premier arrêt du 21 décembre 1962, la Cour rejette un certain nombre d'exceptions préliminaires d'incompétence par 8 voix contre 7. Puis, quatre ans plus tard, le 18 juillet 1966, elle ésectiune les requêtes du Libéria et de l'Ethiopie comme irrecevables. La Cour juge en effet que les puissances mandataires (comme l'Afrique du Sud) étaient agents de la Société des Nations prise dans son ensemble et non de chacun de ses membres pris individuellement. Par conséquent, ces derniers n'étaient pas parties aux mandats. Ils ne pouvaient en tirer de droit individuel (sauf pour ce qui est de la faculté laissée aux missionnaires d'exercer leur ministère). Le droit de réclamer la bonne exécution du mandat, conformément à la « mission sacrée de civilisation », revenait par suite exclusivement à la SdN « dans l'accomplissement de son activité collective et institutionnelle ». Les Etats requérants, poursuit la Cour, n'ont de ce fait pas éli l'existence dans le Pacte, à leur profit, d'un droit ou d'un intérêt juridique propre. Leur requête est irrecevable (solution adoptée par 7 voix contre 7, avec voix prépondérante du président).
Cette décision, après six années de procédure, crée une grande irritation à New York, et, peu de temps après, l'Assemblée générale, le 27 octobre 1966, dans la résolution 2145 (XXI), décide de révoquer le mandat de l'Afrique du Sud, ce qui va marquer le début de la crise.


b) L'avis de la Cour de 1971

On pouvait se demander si l'Assemblée générale avait compétence pour voter une telle résolution (qui était difficilement compatible avec le premier avis de la Cour). Mais le Conseil de Sécurité, trois années plus tard, adopta une solution analogue et par la résolution 264 (1969), il « reconnut » qu'il avait été mis fin au mandat et demanda au gouvernement sud-africain de retirer immédiatement son administration du territoire. Puis, par la résolution 276 (1970), sur laquelle la France et la Grande-Bretagne s'abstinrent, il déclara illégale la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie et invita les Etats à agir en conséquence.
Enfin, peu de temps après, par la résolution 284 (1970), le Conseil de Sécurité saisit la Cour internationale de justice d'une demande d'avis, présentée, elle aussi, en vertu de l'article 96 de la Charte, dans laquelle il demande à la Cour « quelles sont les conséquences juridiques de la présence de l'Afrique du Sud en Namibie nonobstant la résolution 276 (1970) », qui déclarait illégale cette présence et invitait les Etats à agir en conséquence.
La Cour internationale de justice va rendre ce dernier avis le 21 juin 1971, et sa réponse va marquer une évolution très nette par rapport à ses positions antérieures.
La Cour observe en premier lieu que l'Afrique du Sud a manqué à ses obligations en Namibie, en particulier en y introduisant l'apartheid nonobstant la « mission sacrée de civilisation » qui était la sienne. Elle a par suite perdu les droits qu'elle tenait du mandat. En vertu des principes généraux du droit, l'Assemblée générale a pu, de ce fait, révoquer le mandat sans avoir à recueillir le « consentement du fautif». La résolution 2145 (XXI) est régulière.
Cet avis, on le voit, est très différent de celui qui avait été rendu en 1951 puisque, à l'époque, la Cour avait estimé que le statut du Sud-Ouest africain ne pouvait être modifié que par l'Afrique du Sud avec le consentement des Nations unies. Au contraire, en 1971, la Cour est d'avis que, l'Afrique du Sud ayant été fautive, l'Assemblée générale a pu unilatéralement révoquer le mandat.
Passant à la résolution du Conseil de Sécurité 276 (1970), la Cour ajoute que l'Assemblée générale a pu faire appel, pour l'exécution de sa résolution, au Conseil de Sécurité conformément à l'article 11 de la Charte. Le Conseil de Sécurité à son tour a pu prendre légalement une décision selon laquelle la présence de l'Afrique du Sud en Namibie est illégale et invitant les Etats à agir en conséquence.
A cette occasion, la Cour internationale de justice a été amenée à interpréter l'article 25 de la Charte qui posait un problème assez délicat. Cet article dispose que « les membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de Sécurité ». Mais dans quels cas le Conseil de Sécurité peut-il prendre de telles décisions ? Est-ce seulement lorsqu'il agit à la suite d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression en application du chapitre VII de la Charte ? Ou peut-il prendre des « décisions » au sens de l'article 25 en d'autres circonstances? C'est cette seconde interprétation, extensive, qui est adoptée par la Cour.
Quelles sont les conséquences que la Cour tire de cette double constatation de la validité de la résolution de l'Assemblée générale et de la validité de la décision du Conseil de Sécurité ?
Tout d'abord (par 13 voix contre 2, celles des juges britannique et français) :
La présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie étant illégale, l'Afrique du Sud a l'obligation de retirer immédiatement son administration de la Namibie et de cesser d'occuper le territoire.
Par voie de conséquence (par 11 voix contre 4) :
les Etats membres des Nations unies ont l'obligation de reconnaitre l'illégalité de la présence de l'Afrique du Sud en Namibie et de s'abstenir de tous actes qui impliqueraient la reconnaissance de la légalité de cette présence ou qui constitueraient une aide ou une assistance à cet égard.
Une fois connu l'avis de la Cour, l'affaire revient au Conseil de Sécurité, qui adopte cet avis par 13 voix avec 2 abstentions (celles de la France et du Royaume-Uni). Ces derniers rappellent que la SdN ne pouvait pas priver unilatéralement F Afrique du Sud de son mandat et que. par suite, selon eux, l'Organisation des Nations unies ne le peut pas davantage (et ce, quelles qu'aient été les fautes du mandataire).
Ainsi la situation a profondément évolué de 1960 à 1971, puisque l'on est passé d'un mandat qui aurait pu être placé sous contrôle des Nations unies à un conflit ouvert à l'issue duquel les Nations unies ont décidé de déchoir l'Afrique du Sud de ce mandat.


III. L'AFFAIRE DE NAMIBIE DEPUIS 1971



A. De la confrontation à la négociation (1971-l988)

a) L'apparition de la SWAPO
Après 1971, la situation politique évolue en premier lieu du fait de la création de l'Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO), organisation qui entendait représenter la population du Sud-Ouest africain en vue d'obtenir l'indépendance du territoire.
Cette organisation va trouver un soutien chez les Owam-bos et dans les pays voisins devenus progressivement indépendants, l'Angola, la Zambie, le Zimbabwe et le Botswana (les « Etats de la ligne de front »), et des actions de guérilla seront menées sur le territoire namibien par la SWAPO, appuyée par certains Etats limitrophes.
L'Afrique du Sud va de son côté essayer de mettre sur pied une nouvelle organisation pour Je Sud-Ouest africain, y promulguer une Constitution et y favoriser la création de partis politiques, les « partis internes », représentés dans une assemblée locale, tout en conservant l'essentiel des pouvoirs.
b) Le Conseil des Nations unies pour la Namibie
L'Assemblée générale des Nations unies avait, quelques années auparavant, créé par résolution du 19 mai 1967 un Conseil des Nations unies pour le Sud-Ouest africain qui s'appellera, à partir de 1968, le « Conseil des Nations unies pour la Namibie ».
Ce conseil, institué par 85 voix contre 2, avec 30 abstentions (dont nombre de pays occidentaux et l'Union soviétique), était composé de onze membres élus par l'Assemblée et devait prendre en charge « l'administration du territoire jusqu'à son indépendance » aux lieu et place de l'Afrique du Sud déchue de son mandat.
Il ne put évidemment exercer ses fonctions sur place et se borna à représenter la Namibie dans les conférences internationales des Nations unies et à signer certaines conventions en son nom (par exemple la convention de 1982 sur le droit de la mer). Mais il prit également quelques mesures de droit interne et adopta notamment, le 27 septembre 1974, un décret sur les ressources naturelles de la Namibie. Il délia en outre des passeports namibiens aux personnes qui en sollicitaient. On observera que la France ne reconnut jamais le Conseil pour la Namibie comme ayant compétence pour administrer le territoire et le représenter internationalement. En effet, si, d'un côté, elle estimait que l'Afrique du Sud administrait illégalement le territoire, elle jugeait, de l'autre, que l'Assemblée générale des Nations unies n'avait pu Iégalement déchoir l'Afrique du Sud de son mandat et n'avait pu dès lors désigner unilatéralement un organe compétent pour en assurer l'administration.
Par ailleurs, l'Assemblée générale a, le 12 décembre 1973, reconnu la SWAPO comme « représentant authentique », puis, après 1976, comme « seul » représentant authentique du peuple namibien, avec statut d'observateur auprès d'elle.
Ces deux démarches sont bien entendu distinctes et il convient de ne pas confondre le Conseil pour la Namibie, organe chargé provisoirement par l'Assemblée générale de l'administration du territoire, et la SWAPO, mouvement de libération reconnu comme tel et ayant à ce titre un statut d'observateur à l'Assemblée.
c) La résolution 435 du Conseil de Sécurité et ses suites
Le Conseil de Sécurité ne se bornera pas à prendre des positions de principe (comme l'avait fait l'Assemblée générale), mais cherchera une solution au problème. A cet effet, il adoptera en premier lieu, le 30 janvier 1976, une résolution 385 condamnant « l'occupation illégale du territoire de la Namibie par l'Afrique du Sud » et préconisant l'organisation dans ce territoire d'élections libres sous le contrôle des Nations unies « pour permettre au peuple de Namibie de déterminer son propre avenir ».
Cette résolution n'ayant eu aucune suite, les cinq pays occidentaux qui siégeaient alors au Conseil, à savoir les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, le Canada et la République fédérale d'Allemagne, constituèrent ce qu'on a appelé le « groupe de contact » et tentèrent de négocier avec l'Afrique du Sud, la SWAPO et les pays de la ligne de front, en vue d'obtenir l'accord de tous sur une procédure et un calendrier menant à l'indépendance de la Namibie. Ayant obtenu cet accord, les Cinq transmirent, le 10 ail 1978, une proposition détaillée de règlement au Conseil de Sécurité (proposition dénommée par la suite « de paix pour la Namibie »). Le Conseil en prit acte et demanda au secrétaire général des Nations unies de lui présenter un rapport détaillé sur l'application de cette proposition (résolution 431 du 27 juillet 1978). Puis, le 25 septembre 1978, le Conseil, par la résolution 435, approuva ce rapport, décidant par là même que la procédure à suie comporterait trois étapes :
1° Cessation des hostilités entre la SWAPO et l'Afrique du Sud, sous le contrôle d'un «Groupe d'assistance des Nations unies pour la période de transition » (GANUPT).
2° Elections libres sous ce même contrôle en vue de la désignation d'une Assemblée constituante.
3° Adoption de la Constitution et proclamation de l'indépendance.
Bien qu'ayant été acceptée par toutes les parties, cette résolution ne put être appliquée pendant de longues années. L'Afrique du Sud exigea en premier lieu des garanties complémentaires concernant l'impartialité des Nations unies pendant la période de transition et les conditions dans lesquelles interviendraient les élections et serait adoptée la Constitution.
Ces problèmes ayant été, semble-t-il, résolus en 1982 grace à l'action du groupe de contact, une difficulté nouvelle naquit du fait de l'évolution de la situation en Angola: guérilla menée par l'Unita dans le sud du pays; incursions sud-africaines en Angola; présence de conseillers cubains à Luanda. Compte tenu de cette situation, l'Afrique du Sud subordonna l'exécution de la résolution 435 au retrait des troupes cubaines d'Angola.
Cette attitude fut condamnée à plusieurs reprises par le Conseil de Sécurité - résolutions 439 (1978), 532 (1983), 539 (1983), 566 (1985), 601 (1987) -, sans que ce dernier aille jusqu'à adopter pour ce motif des sanctions obligatoires à l'encontre de Pretoria.
Les Etats-Unis ne perdirent cependant pas tout espoir de parvenir à une solution et, de 1982 à 1988, Ja diplomatie américaine tenta, par une politique dite «d'engagement constructif », de rapprocher le point de vue des parties. Cette politique porta ses fruits lorsqu'elle rencontra en 1988 les préoccupations de l'Union soviétique, et une solution put alors être trouvée.
La médiation américaine aboutit à l'adoption à New York, le 13 juillet 1988, d'un document intitulé « Principes d'un règlement pacifique dans le Sud-Ouest africain » qui fut approuvé le 20 juillet par les gouvernements angolais, cubain et sud-africain. En août, l'Afrique du Sud évacua ses dernières forces armées d'Angola et les hostilités cessèrent en Namibie.
Les négociations se poursuivirent à l'automne et, le 22 décembre 1988, étaient signés à New York deux accords marquant une étape décisive dans l'évolution de l'affaire.
Le premier, conclu entre l'Angola, Cuba et l'Afrique du Sud, fixait les conditions dans lesquelles la Namibie allait accéder à l'indépendance sous le contrôle des Nations unies, conformément à la résolution 435 ( 1978). Le second, passé entre Cuba et l'Angola, déterminait les conditions du redéploiement et du retrait des forces armées cubaines d'Angola.

B. L'indépendance de la Namibie
a) Les accords de New York et leur mise en oue par les Nations unies
1° L'accord tripartite exprimait tout d'abord le vou que le de paix approuvé par la résolution 435 commence à être appliqué le 1er ail 1989. Conformément à ce , la période transitoire menant à l'indépendance du territoire devait comporter trois phases :
. la première, de douze semaines environ, impliquait cessez-le-feu, réduction des forces en présence, rapatriement des exilés et mise en place du GANUPT;
. pendant la deuxième phase, de quatre mois (juillet-novembre 1989), se déroulait la camne électorale conduisant à la désignation de l'Assemblée constituante ;
. enfin, au cours de la troisième phase, l'Assemblée devait élaborer la Constitution, permettant ainsi la proclamation de l'indépendance au cours du premier semestre 1990.
2° Ce calendrier était soigneusement articulé avec celui agréé dans l'accord bilatéral entre Cuba et l'Angola pour le redéploiement et le retrait des forces armées cubaines. Mais ce dernier comportait, à chaque étape, un décalage avec le calendrier du de paix pour la Namibie. En effet, le contingent militaire cubain devait se retirer au nord du 15e parallèle le 1er août 1989, puis au nord du 13e parallèle le 31 octobre 1989. Ce contingent était progressivement réduit de 50000 à 47000 hommes au 1er ail 1989, puis à 25000 hommes au 1er novembre 1989 et à 12000 hommes au 1er octobre 1990. Le retrait total devait être achevé le 1er juillet 1991 (donc neuf mois environ après la proclamation de l'indépendance de la Namibie). L'application de ces dispositions devait enfin être vérifiée par une mission d'observation des Nations unies en Angola (MVNUA).
3° La mise en oue des deux accords ainsi analysés dépendait cependant de décisions à prendre par les Nations unies.
Avant même la signature de ces instruments, le Conseil de Sécurité avait, par la résolution 626 du 20 décembre 1988, décidé de constituer la MVNUA. Celle-ci devait être composée de 70 observateurs militaires et déployée dans les ports et aéroports utilisés pour le départ et l'arrivée des forces cubaines en Angola et à proximité des 15e et 13e parallèles. Le coût de l'opération sur trois ans était estimé à 20,4 millions de dollars.
La mise en oue de l'accord tripartite souleva en revanche quelques difficultés à New York. En effet, les membres permanents du Conseil de Sécurité observèrent dès l'abord que les prévisions faites en 1978 en ce qui concerne la composition du GANUPT leur paraissaient excessives, eu égard au fait que les hostilités avaient en fait cessé entre l'Afrique du Sud et la SWAPO, et demandèrent au secrétaire général d'en réviser l'évaluation à la baisse. Les pays africains furent d'une opinion contraire.
Finalement, le Conseil de Sécurité, par deux résolutions 628 et 629 du 16 janvier 1989, se félicita de la signature des accords du 22 décembre 1988 et décida que l'application de la résolution 435 commencerait le 1er ail 1989. Puis, le 16 féier, il approuva, par la résolution 632. un rapport et une déclaration explicative du secrétaire général concernant l'application du des Nations unies pour la Namibie. Selon ce rapport et cette déclaration, le GANUPT devait comprendre :
. un élément militaire ayant pour tache de contrôler le cessez-le-feu et la consignation des forces en présence, de surveiller les frontières et de prévenir les infiltrations éventuelles;
. un élément de police chargé du contrôle du comportement de la police locale;
. un élément civil en vue de la surveillance des opérations électorales.
Il était entendu que le GANUPT serait finalement composé de 4300 militaires (au lieu des 7 500 initialement prévus), de 1 500 policiers (soit le triple du chiffre envisagé à l'origine) et de 900 civils (ce qui correspondait en gros aux prévisions). Quant au coût de l'opération, il devait en définitive être évalué à 375 millions de dollars (au lieu des 700 millions mentionnés dans le de 1978).
Les deux budgets correspondants furent votés par l'Assemblée générale spécialement convoquée à cet effet les 16 féier et 1er mars 1989.
b) L'exécution du de paix
1° La première phase d'exécution du se déroula dans les délais prévus, en dépit de quelques incidents.
Le secrétaire général s'assura en premier lieu, par voie d'échange de lettres avec l'Afrique du Sud et la SWAPO, de la transformation de la cessation de fait des hostilités, constatée depuis août 1988, en un cessez-le-feu officiel. Puis, le 1er ail, le représentant spécial du secrétaire général, M. Ahtisaari, s'installa à Windhock aux côtés de l'administrateur général du territoire en vue d'exercer avec l'aide du GANUPT les contrôles prévus par le .
Une première difficulté surgit alors, quelques centaines d'hommes armés de la SWAPO s'étant infiltrés dans la nuit du 31 mars au 1er ail 1989 dans le nord de la Namibie. De violents combats s'ensuivirent avec les forces de sécurité sud-africaines, causant plus de 300 morts. A la demande de l'Afrique du Sud, la commission mixte prévue par les accords tripartites et composée des représentants de l'Angola, de Cuba et de l'Afrique du Sud, ainsi que d'observateurs des Etats-Unis et de l'Union soviétique, se réunit alors. Cette réunion aboutit à la signature, le 9 ail 1989, de l'accord du mont Edjo prévoyant, sous le contrôle du GANUPT, le retrait de Namibie des combattants de la SWAPO. Ces combattants, après avoir abandonné leurs armes et regagné l'Angola, rentrèrent finalement dans leur pays dans les mêmes conditions que les autres exilés namibiens. La grande majorité d'entre eux (soit environ 60000 personnes) regagna la Namibie pendant l'été 1989. Cette opération fut organisée, pour plus des deux tiers des rapatriés, par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Son coût devait s'élever à un peu moins de 40 millions de dollars, financés par des contributions volontaires des Etats.
Selon le de paix, la démobilisation de la SWAPO devait être accomnée d'une réduction des forces armées sud-africaines (de 45 000 à 1 500 hommes), du démantèlement des milices civiles ou unités de commando créées dans le territoire (et en particulier de l'unité anti-insurrectionnelle Koevoct) et d'une réduction des effectifs de la police sud-africaine de 8 300 à 6 000 hommes.
Ces mesures furent appliquées dans le délai de douze semaines prévu au . Toutefois, une difficulté surgit en ce qui concerne l'unité anti-insurrectionnelle Koevoet, et le Conseil de Sécurité dut, par les résolutions 640 et 643 des 29 août et 31 octobre 1989, rappeler ses obligations à l'Afrique du Sud. Celle-ci finalement s'inclina.
Ainsi avaient été assurés le cessez-le-feu et le démantèlement des forces en présence.
2° Dès la première phase devaient par ailleurs être préparés les textes et prises les mesures nécessaires au lancement ultérieur de la camne électorale.
Certes, les principes fondamentaux à appliquer en ce domaine avaient déjà été agréés entre les parties, sous l'égide du groupe de contact, dans un texte diffusé le 12 juillet 1982 au Conseil de Sécurité. Il avait été convenu que la camne électorale durerait environ quatre mois (donc de juillet à novembre 1989). Elle avait pour objet l'élection au suffrage universel direct et au scrutin secret d'une Assemblée constituante. Selon le texte agréé, « tous les partis politiques et personnes intéressées, quelle que soit leur orientation politique, doivent pouvoir, sans entrave et équilement, s'organiser et participer au processus électoral La totale liberté de parole, de réunion, de mouvement, de même que la liberté de la presse sont garanties Le système électoral visera à assurer aux différents partis politiques qui auront obtenu un nombre substantiel de voix aux élections une représentation équile à l'Assemblée constituante». Pour ce faire, il devait être fait usage de la représentation proportionnelle, ainsi que les parties en étaient convenues en novembre 1985.
Ce processus tendant à assurer l'égalité des chances des différentes formations politiques posait un problème, dans la mesure où l'Assemblée générale des Nations unies avait reconnu à la SWAPO la qualité de «seul représentant authentique du peuple namibien » et où, par voie de conséquence, l'Afrique du Sud mettait en doute « l'impartialité des Nations unies ». La SWAPO, les Etats de la ligne de front, le Nigeria et le groupe de contact étaient cependant parvenus à ce sujet, le 24 septembre 1982, à des « éléments d'entente » officieux avec l'Afrique du Sud qui furent communiqués alors au secrétaire général des Nations unies. Ces éléments sont restés confidentiels. Mais l'on peut constater qu'au cours de la période en cause certaines activités des Nations unies furent mises en sommeil ou privées de toute publicité (en particulier en ce qui concerne le Conseil des Nations unies pour la Namibie et les fonds d'affectation spéciale des Nations unies pour la Namibie).
Le processus électoral ainsi encadré se déroula sans difficultés majeures. Une décision de l'administrateur général sud-africain du 24 ail 1989 fixa la composition du corps électoral en autorisant l'inscription sur les listes des personnes agées de 18 ans nées en Namibie ou dont l'un des parents était né sur ce territoire ou qui y résidaient depuis plus de quatre ans. Le 6 juin, les lois discriminatoires étaient abolies et une amnistie générale proclamée. Le 23 septembre, plus de 700000 personnes avaient été inscrites sur les listes électorales. Les élections se tenaient dans le calme du 7 au 11 novembre avec un taux de participation de 97%. Sur les 72 sièges à pourvoir à l'Assemblée, la SWAPO obtenait 41 sièges (avec 57,3 % des bulletins et un soutien massif des Owambos), la Démocratie Turnhalle Alliance (DTA) 21 sièges (avec 28,6% des votes, exprimés le plus souvent par d'autres ethnies), divers partis se partageant les 10 sièges restants.
3° Restait à élaborer la Constitution. A cet égard, le de paix comportait deux dispositions fondamentales. Il y était prévu que la Constitution serait adoptée à la majorité des deux tiers et qu'elle respecterait certains principes fondamentaux (notamment la primauté de la Constitution avec procédure spéciale de révision à la majorité des deux tiers et la séparation des pouvoirs). Elle devait en outre comporter une déclaration des droits fondamentaux, y compris la liberté de formation des partis politiques.
Ces dispositions furent communiquées par le représentant spécial du secrétaire général à l'Assemblée constituante au cours de sa séance inaugurale et l'Assemblée les adopta immédiatement sur la proposition de la SWAPO. La Constitution fut élaborée sur cette base et adoptée par consensus. L'indépendance du pays fut finalement proclamée le 21 mars 1990. M. San Nujoma, président de la SWAPO, devenait premier président de la Namibie indépendante et un gouvernement d'union nationale était constitué, tandis que l'Assemblée constituante se transformait en Assemblée législative. La Namibie entrait enfin aux Nations unies le 23 ail 1990 et l'Assemblée générale prononçait, le 21 décembre 1990, la dissolution du Conseil des Nations unies pour la Namibie.
Quant au retrait cubain d'Angola, il devait se poursuie normalement jusqu'au terme prévu.


CONCLUSIONS

Au total, ce processus réussi appelle des observations à la fois de forme et de fond.
En la forme, il est le fruit de multiples textes d'origines diverses et formant des strates successifs :
1° En premier lieu, les diverses résolutions du Conseil de Sécurité, à savoir les résolutions 385 (1976) et 435 (1978) fixant la procédure devant mener à l'indépendance de la Namibie; les résolutions 628 et 629 (1989) appuyant les accords du 22 décembre 1988 et décidant d'en suie l'application; la résolution 632 (1989) déterminant la composition du GANUPT; et enfin la résolution 626 (1988) créant la mission de vérification en Angola.
2° en deuxième lieu, diverses ententes auxquelles les parties à l'affaire de Namibie étaient parvenues sous l'égide du groupe de contact ( de paix initial du 10 ail 1978; accord de 1982 sur la surveillance des bases de la SWAPO en Angola et en Zambie ; éléments d'entente officieux sur la question de l'impartialité ; principes concernant l'Assemblée constituante et la Constitution).
3° enfin, un accord formel, celui du 22 décembre 1988, entre l'Angola, Cuba et l'Afrique du Sud.
Ces divers textes forment cependant un tout indissociable du fait des références nombreuses qu'ils comportent les uns aux autres et des mentions qu'en a fait à plusieurs reprises le secrétaire général dans ses rapports au Conseil de Sécurité.
Mais ils sont également indissociables des textes régissant l'évacuation des troupes cubaines d'Angola. En effet :
1° D'une part, l'accord tripartite du 22 décembre 1988 dispose en son article 4 que l'Angola et Cuba « deont appliquer l'accord bilatéral du même jour ».
2° D'autre part, l'accord bilatéral lui-même précise en son article 2 que les gouvernements angolais et cubain « se réservent le droit de modifier ou de changer » leurs obligations « au cas où des violations flagrantes de l'accord tripartite seraient vérifiées ».
3° Enfin, le Conseil de Sécurité lui-même, dans sa résolution 628 du 16 janvier 1989, s'est félicité de la signature de ces deux accords, les a « appuyés sans réserve » et « dans cet esprit a décidé d'en suie l'application ».
Aussi bien cette application n'a-t-elle pu être assurée convenablement que grace à une collaboration appropriée entre :
. l'Afrique du Sud, qui conservait l'administration du territoire pendant la période transitoire,
. les autres parties signataires des accords de décembre 1988 ou ayant patronné ces accords (comme en témoignent les conditions dans lesquelles a été signé l'accord du mont Edjo),
. la SWAPO, devenue, après les élections à la Constituante, majoritaire au sein de cette Assemblée,
. et les Nations unies (Assemblée générale. Conseil de Sécurité, représentant du secrétaire général, GANUPT et MVNUA).
Seule l'Organisation de l'Unité africaine était en fait absente de ce processus.
Mais la forme rejoint ici le fond. La solution du problème namibien a en effet été trouvée grace à la sagesse des protagonistes et à leur capacité de compromis dans un cadre déterminé par dix années de négociation. Au juridique, on ne peut cependant s'empêcher de noter que, si le cadre ainsi fixé était extrêmement détaillé, il était en même temps des plus fragiles (par exemple en ce qui concerne la détermination du corps électoral ou le fonctionnement de l'Assemblée constituante). En fait, l'accession dans le calme de la Namibie à l'indépendance a été à la fois le fruit de l'imagination des juristes, de l'habileté des diplomates et de la volonté des politiques.
Un seul problème demeurait à résoudre, celui de Walvis Bay, seul port en eau profonde de la Namibie resté territoire sud-africain. Le Conseil de Sécurité avait, le 27 juillet 1978, considéré que cette enclave devait être « pleinement réintégrée dans la Namibie » (résolution 432). La Constitution namibienne proclamait, en son article 1er, paragraphe 4, que « le territoire national de la Namibie comprend la totalité du territoire que la Communauté internationale, représentée par les organes des Nations unies, a reconnu comme constituant la Namibie, y compris l'enclave, la rade et le port de Walvis Bay ». En revanche, l'Afrique du Sud avait maintenu en 1990 que l'enclave devait demeurer sud-africaine, tout en se déclarant prête à engager des négociations avec Windhoek sur l'utilisation du port. Des arrangements provisoires avaient alors été trouvés. Puis l'évolution de la situation politique en Afrique du Sud devait conduire en 1993 le gouvernement de Pretoria à accepter que Walvis Bay passe sous souveraineté namibienne dans des conditions à négocier bilatéralement. Ces négociations ayant abouti, le transfert a été opéré en ail 1994.





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