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ECONOMIE

L'économie, ou l'activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Le vol ke 007

Le 1er septembre 1983, le Boeing 747 des Korean Airlines (KAL) qui assure le vol régulier de New York à Séoul est détruit à proximité de l'ile Sakhaline par la chasse soviétique. Après l'analyse des données de fait et de droit de cette affaire, seront examinées les réactions de la Communauté internationale à ce tragique incident.

I. LES FAITS

Les rapports d'enquête, présentés au conseil de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) par son secrétaire général les 2 décembre 1983 et 28 mai 1993, ont permis d'élir l'essentiel des faits. De quoi s'agit-il?

A. Le vol KE 007
Le 31 août 1983, un Boeing 747 des Korean Airlines immatriculé en Corée du Sud assure la liaison régulière KE 007 entre New York et Séoul avec escale à Anchorage (Alaska).
L'avion arrive à Anchorage sans incident. Il est alors ravitaillé et l'on procède, comme à l'ordinaire, au changement d'équie. L'appareil décolle à 13 heures TU. Son de vol prévoit une arrivée à Séoul le même jour à 21 heures TU, soit le 1er septembre à 6 heures du matin en heure locale.
269 personnes se trouvent à bord, soit 29 agents de la KAL et 240 passagers (de 16 nationalités différentes, dont 105 ressortissants de la République de Corée, 62 citoyens américains et 28 Japonais).
Dans cette région du Pacifique Nord, les avions se rendant d'Amérique du Nord en Asie doivent traverser des régions d'information de vol (FIR) gérées successivement par les Etats-Unis (Anchorage et Anchorage-Maritime) et le Japon (Tokyo). Il existe sur l'itinéraire cinq routes aériennes possibles. Les deux situées les plus au nord sont affectées au trafic venant d'Alaska, tandis que les trois routes méridionales sont réservées au trafic en provenance d'Asie. Au cas particulier, le vol KE 007 doit suivre la voie la plus septentrionale (route R 20) en rendant compte de son passage en divers points fixés à l'ance. Cet itinéraire s'approche des régions d'information de vol soviétiques sans y pénétrer.
En fait, peu après son départ d'Anchorage, l'appareil commence à dévier vers la droite (c'est-à-dire vers le nord). Cet écart latéral s'amplifie progressivement, si bien que l'avion pénètre finalement dans l'espace aérien situé au-dessus de la haute mer à l'intérieur des régions d'information de vol dont l'URSS a la responsabilité, puis dans l'espace aérien souverain soviétique au-dessus de la péninsule du Kamchatka. Enfin, après traversée de la mer d'Okhotsk, l'appareil survole l'ile russe de Sakhaline.
Rien n'indique qu'au cours du voyage l'équie se soit aperçu à un quelconque moment que l'avion n'est pas sur sa route. Bien au contraire, il transmet périodiquement au centre de contrôle d'Anchoragc des comptes rendus de position correspondant à l'itinéraire qu'il aurait dû emprunter et non à celui qu'il suit. Il donne en même temps à ce centre des indications météorologiques décrint la situation telle qu'il la rencontre sur la voie effectivement utilisée. Ces informations sont fournies par radio soit directement, soit par l'intermédiaire d'un autre avion de ligne coréen (vol KE 015) qui se trouve dans la région. Les conversations dans la cabine de pilotage ainsi que celles entre les deux équies ont un caractère de pure routine. Constatant par radar l'arrivée de l'appareil au-dessus du Kamchatka, les Soviétiques tentent en in de l'intercepter. Une heure et demie plus tard, alors que le Boeing se trouve au voisinage de Sakhaline, un chasseur le rejoint. L'avion coréen poursuint cependant sa route vers la mer du Japon, l'intercepteur reçoit l'ordre de mettre fin au vol. A 18 h 26 TU, l'appareil civil est atteint par au moins un des deux missiles lancés par le chasseur. Quelques minutes plus tard, il s'abime en mer à 17 milles des côtes de Sakhaline. Aucune des personnes à bord ne survivra.
Des recherches sont immédiatement entreprises pour retrouver l'épave et les enregistreurs de bord (communément dénommés « boites noires »). Ces derniers seront récupérés très rapidement par des plongeurs soviétiques. Mais c'est seulement dix ans plus tard que la Russie le reconnaitra et les remettra à l'OACI pour dépouillement. Ce dernier sera opéré en France sous le contrôle de l'Organisation et permettra de reconstituer avec précision la succession des erreurs ayant mené à cette tragédie (en confirmant d'ailleurs pour l'essentiel l'enquête déjà menée par l'OACI en 1983).


B. Les erreurs de pilotage

En ce qui concerne l'avion lui-même, les deux enquêtes ont abouti à des conclusions particulièrement nettes.
Trois minutes après le décollage d'Anchorage, l'équie de conduite a adopté le cap magnétique 245° en vue de rejoindre la route qui lui étail assignée. Mais, alors qu'il aurait dû rectifier ce cap assez rapidement, il ne l'a pas fait et l'appareil a continué pendant cinq heures dans la direction initialement retenue, s'écartant ainsi progressivement vers le nord du chemin qu'il aurait dû suivre.
Techniquement, cette déviation est due au fait que le pilote automatique, activé peu après le départ d'Anchorage, n'ait pas été couplé au système de navigation par inertie ou l'ait été trop tard. De ce fait, l'appareil a poursuivi à tort sa route selon le cap retenu dans les premières minutes ayant suivi le décollage.
Par ailleurs, aucune vérification n'a été opérée par l'équie au cours du vol. Les aides à la navigation au sol existant à la hauteur des Aléoutiennes n'ont pas été interrogées.
Le pilote n'a pas utilisé son radar météo de bord pour s'assurer de la distance de l'appareil par rapport aux côtes. Constatant, au cours d'une conversation avec un autre appareil de la KAL qui suiit lui aussi la route R 20, que les deux avions rencontraient des vents très différents, il ne s'en est pas dantage inquiété.
En définitive, il pensait se trouver sur une bonne trajectoire et, se fiant aux appareils de bord, a poursuivi son vol sans réaliser l'erreur commise. Aussi l'enquête de l'OACI conclut-elle en soulignant que « L'équie de conduite n'a pas appliqué les procédures de navigation qui lui auraient permis de rester sur la route assignée Le fait qu'il ne s'est pas aperçu que l'avion s'écartait de cette route pendant plus de cinq heures indique un manque de conscience de la situation et de coordination de sa part ».


C. Les services du contrôle au sol

Les services du contrôle au sol auraient-ils pu constater cette erreur de navigation et la signaler en temps utile ?
Le contrôle radar du centre d'Anchorage ne s'étend que jusqu'en un point en Alaska dénommé « Cairn Mountain » que le vol KE 007 atteignit vingt-sept minutes après son décollage. L'appareil se trouit alors à 6 milles marins au nord de la trajectoire prévue. Mais cet écart minime ne fut pas signalé. A partir de ce point et jusqu'à l'arrivée au Japon, il n'existe pas de radar civil homologué. Dès lors, les contrôleurs du centre d'Anchorage, comme ceux du centre de Tokyo, doivent se fier aux comptes rendus du pilote, seuls renseignements dont ils disposent sur la position de l'avion.
Bien entendu, des radars militaires sont par ailleurs imtés dans ces zones. Mais ceux-ci ont une autre fonction : ils contribuent à assurer la défense aérienne des Etats-Unis, de l'Union soviétique ou du Japon.
Ceci implique certes un minimum de coordination entre services civils et autorités militaires. C'est ainsi que, dans des régions du monde où règne un trafic civil intense, les s de vol des aéronefs civils sont systématiquement communiqués aux autorités militaires de manière à ce que celles-ci puissent identifier tous les avions.
Mais dans le Pacifique du Nord-Ouest, les procédures sont à l'époque différentes. L'administration américaine de l'aviation civile (FAA) ne communique en effet à l'armée de l'air américaine (USAF) aucune information sur les vols se rendant d'Alaska en Asie. Seuls les vols se dirigeant en sens inverse font l'objet d'une coordination pour identification. Par ailleurs, les Soviétiques ne reçoivent systématiquement aucune information sur des vols qui, en principe, n'ont pas à pénétrer dans leur zone de contrôle. Toutefois, les uns et les autres peuvent solliciter des organes de contrôle civil toutes informations dont ils sont susceptibles d'avoir besoin, ou leur signaler toutes anomalies constatées.
Dans cette double perspective, on notera que. selon les représentants des Etats-Unis à la deuxième commission d'enquête, les installations radar militaires de l'Alaska « ne se sont pas rendu compte en temps réel que l'avion, dans sa progression vers l'ouest, s'écartait de plus en plus au nord » de sa route. Quant aux Soviétiques, à la suite du survol du Kamchatka, ils ne se sont pas inquiétés auprès des centres civils de la présence éventuelle d'un aéronef commercial dans leur espace aérien.


D. L'interception

Cette dernière obsertion amène à se pencher sur un troisième problème : celui des conditions de l'interception.
Il est certain que les autorités soviétiques ont supposé que l'appareil en cause était un avion « espion ». Elles ont été renforcées dans cette conviction par le fait qu'un avion de reconnaissance militaire RC 135 américain ait évolué à l'est du Kamchatka (en haute mer) à une distance d'environ 75 milles marins du Boeing sud-coréen. Mais elles ne semblent pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour identifier l'avion qu'elles soupçonnaient d'espionnage.
Selon le deuxième rapport de l'OACI, le centre de commandement de Sakhaline était ant 17 h 20 TU au courant du survol du Kamchatka par l'intrus. Environ vingt-cinq minutes plus tard, deux chasseurs décollent de Sakhaline pour tenter l'interception. L'un d'entre eux, à 18 h 08, signale qu'il voit « la cible » à 5 km, mais que, du fait de l'obscurité, il ne peut l'identifier. Il la suivre pendant une vingtaine de minutes sans l'approcher dantage. Il sera toutefois en mesure de préciser à trois reprises au contrôle au sol que l'appareil poursuivi ait feux de position et feu clignotant allumés.
Malgré ces indications, aucune tentative de contact par radio n'est faite avec l'équie du Boeing sur la fréquence d'urgence veillée par les aéronefs civils (121,5 MHz). Le chasseur soviétique reçoit seulement instruction de faire clignoter ses feux, puis de tirer une salve de semonce au canon. Il s'exécute mais, selon un entretien accordé par le pilote aux hvestia en janvier 1991, la salve est tirée avec des projectiles perforants et non des projectiles traçants. En tout état de cause, compte tenu de la distance, de l'obscurité régnante et de la position respective des avions, l'équie du Boeing ne se rend compte de rien.
Quelques instants plus tard, le commandement soviétique constate que l'avion est sur le point de quitter les côtes de Sakhaline et renouvelle l'ordre de destruction qu'il ait déjà donné. Le chasseur tire deux missiles. Atteint, l'appareil coréen s'abime dans les eaux internationales neuf minutes plus tard, sans que l'équie réalise la cause de l'accident.
Le premier rapport de l'OACI rappelle sur ce point que « les autorités soviétiques ont supposé qu'il s'agissait d'un avion espion ». Elles ont probablement été confortées dans cette impression par un changement de niveau opéré par l'appareil (avec l'accord du centre de contrôle de Tokyo) au cours même de l'interception et interprété comme une manouvre d'ésion. Mais « elles n'ont pas pris de mesures complètes pour identifier l'avion par obsertion visuelle en vol ». En d'autres termes, l'avion intercepteur est resté à une distance telle de l'avion intercepté que, compte tenu de la silhouette de ce dernier et de l'obscurité qui régnait (la lune se trount approximativement dans son dernier quartier et à 60° au-dessus de l'horizon), il n'a pu l'identifier. En outre, aucun contact radio n'a été pris avec l'appareil.
En définitive, cette catastrophe a été la conjonction de plusieurs facteurs :
1° Une erreur de navigation de l'équie, dont il n'a pas eu conscience.
2° Le fait que les installations militaires américaines et soviétiques disposant de radars dans la zone n'étaient pas informées de l'existence du vol, que les premières ne s'en sont pas préoccupées et que les secondes n'ont sollicité aucun renseignement complémentaire.
3° Le fait, enfin, qu'après plusieurs tentatives d'interception les Soviétiques ont procédé à la destruction de l'appareil au dernier moment, en partant de l'idée qu'il s'agissait d'un avion-espion, sans procéder à des vérifications complètes.


II. LES DONNÉES DE DROIT


Ces faits étant rappelés, quelles sont les données de droit dans cette affaire ? Deux principes de base doivent être rappelés ant que soit examinée la situation au cas particulier.


A. La souveraineté des Etats sur leur espace aérien

Cette souveraineté est proclamée par l'article 1er de la convention de Chicago relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944. Par voie de conséquence, un aéronef ne peut survoler le territoire d'un Etat étranger sans l'accord de cet Etat. En outre, selon l'article 9 de la même convention, tout Etat peut interdire à la circulation aérienne certaines zones pour des raisons de sécurité (par exemple, en France, le plateau d'Albion ou la rade de Brest). Au cas particulier, des zones interdites aient été créées tant au Kamchatka qu'à Sakhaline.
Au surplus, selon un arrêté du présidium du Soviet suprême du 26 décembre 1961, « l'URSS exerce une souveraineté complète et exclusive sur son espace aérien ». En outre, selon les règles de l'air publiées par l'URSS (AIP-Section RACS), sauf indications contraires, la totalité du territoire de l'URSS, à l'exception des voies aériennes, des points d'entrée de la frontière nationale, des régions terminales et des aires de décollage et d'atterrissage des aéronefs spécifiées dans la réglementation soviétique, est considérée comme étant interdite aux aéronefs étrangers. Ainsi seules certaines zones sont ouvertes à ces derniers.
Dans l'exercice de leur souveraineté, les Etats ont le droit d'intercepter un aéronef qui survole leur territoire sans leur consentement en vue de le contraindre à atterrir. Cette règle est rappelée en ce qui concerne l'Union soviétique à l'article 62 de l'arrêté déjà mentionné.

ESPACE AÉRIEN ET ESPACE EXTRA-ATMOSPHÉRIQUE
Le droit international a tenté de fixer le statut de l'air, puis de l'espace extra-atmosphérique, à mesure que les activités humaines s'y développaient.
Dès 1919, les Etats ont reconnu que «chaque puissance a la souveraineté complète et exclusive sur l'espace atmosphérique au-dessus de son territoire». Les libertés de l'air sont donc concédées librement par les Etats qui peuvent ou non les accorder, qu'il s'agisse de la liberté de survol (première liberté), de celle de l'escale technique (deuxième liberté), de la liberté de débarquer des passagers, du courrier, ou des marchandises embarquées sur le territoire de l'Etat dont l'aéronef possède la nationalité (troisième liberté), de celle d'embarquer à destination d'un tel territoire (quatrième liberté), ou enfin de procéder de la sorte, quel que soit le pays d'embarquement ou de débarquement (cinquième liberté). Ces concessions sont le fait d'accords bilatéraux entre les pays intéressés. L'espace extra-atmosphérique ne peut en renche faire l'objet d'aucune appropriation nationale. Il peut y être accédé librement et les activités spatiales ne sont pas soumises à l'autorisation des Etats sous-jacents. Plusieurs traités intervenus dans le cadre des Nations unies de 1967 à 1975 ont précisé les conditions dans lesquelles ces activités peuvent y être menées et les responsabilités encourues par les Etats d'immatriculation des engins spatiaux.
Toutes les tentatives faites pour préciser où s'arrête l'air et où commence l'espace extra-atmosphérique ont jusqu'à ce jour échoué. Mais, dans la pratique, cet échec a été sans conséquence grave.


B. L'interception des aéronefs civils

Ceci étant dit, les opérations d'interception doivent être menées selon certaines règles posées tant par le droit international général que par le droit aérien.
Dans l'affaire du détroit de Corfou, la Cour internationale de justice a en premier lieu jugé qu'il existait « certains principes généraux que tous les Etats doivent respecter, et notamment des considérations élémentaires d'humanité qui sont créateurs d'obligations ». Quant à la convention de Chicago, elle dispose en son article 3 (d) que « les Etats contractants s'engagent à tenir dûment compte de la sécurité de la navigation des aéronefs civils lorsqu'ils élissent des règlements pour leurs aéronefs d'Etat ».
Si ces dispositions sont claires, elles ne sont pas spécifiques. Aussi la France ait-elle, dès 1973, à la suite de l'interception d'un avion civil libyen par la chasse israélienne au-dessus du Sinaï, proposé, lors d'une assemblée extraordinaire de l'OACI qui s'était tenue à Rome, que la convention de Chicago soit amendée pour expliciter le principe général d'obligation humanitaire du droit international et pour préciser que, sous réserve des dispositions de la Charte des Nations unies relatives à la légitime défense, tout Etat contractant s'engage à s'abstenir de l'emploi ou de la menace de la force à rencontre des aéronefs civils.
Cette proposition n'ait pas à l'époque obtenu la majorité requise des deux tiers. Elle ait en effet recueilli 65 voix avec 29 abstentions (dont l'Union soviétique et les Etats-Unis) et, compte tenu de l'absence de certains délégués, ait échoué de très peu.
L'OACI s'était cependant penchée sur le dossier et ait adopté un certain nombre de règles qui urent dans des annexes à la convention de Chicago (c'est-à-dire dans des documents qui, conformément aux articles 37 et 38 de la convention de Chicago, posent des normes et pratiques recommandées que les Etats s'engagent à respecter ou à suivre, sauf à notifier des « différences » par rapport à ces normes ou pratiques).
Le conseil de l'OACI ait en particulier complété l'annexe 2 à la convention de Chicago en vue de préciser les règles à adopter en cas d'interception en ce qui concerne notamment les contacts radio avec l'aéronef intercepté et les signaux visuels à faire tant de nuit que de jour. Le texte alors agréé comportait un supplément ayant leur de recommandation selon lequel « les Etats intercepteurs devraient s'abstenir de faire usage d'armes dans tous les cas d'interception d'aéronefs civils ».
Dans ces conditions, il apparait que, lorsqu'un aéronef civil étranger viole l'espace aérien d'un Etat, ce dernier est en droit de l'intercepter. Mais cette interception ne saurait être opérée par n'importe quel moyen, compte tenu des règles posées tant par la convention de Chicago et ses annexes que par le droit international général (ainsi d'ailleurs que l'aient soutenu en 1959, dent la Cour internationale de justice, les Etats-Unis et Israël dans l'affaire opposant Tel Aviv à la Bulgarie à la suite de la destruction d'un avion d'El AI par la chasse bulgare).

C. La situation au cas particulier
Au total, au cas particulier, l'interception opérée par l'Union soviétique pose en droit un double problème :
1° A-t-elle été effectuée au-dessus de Sakhaline ou des eaux territoriales larges de 12 milles marins entourant l'ile? Ou le Boeing 747 était-il déjà, au moment où il a été frappé, dans l'espace aérien international ne relent pas de la souveraineté soviétique ?
2° Cette interception a-t-elle été réalisée conformément au droit international général et aux règles du droit aérien déjà rappelées ?
Le premier point n'a guère été discuté en 1983, faute de renseignement précis. La question apparait aujourd'hui douteuse, compte tenu à la fois de la conuration des côtes, de la vitesse de croisière de l'appareil et du fait que celui-ci, après avoir été touché, a continué à voler neuf minutes en spirales descendantes mal contrôlées ant de s'abimer dans les eaux internationales. Le dernier rapport de l'OACI se borne prudemment à conclure qu'« il n'a pas été possible de déterminer la position de KE 007 par rapport à l'espace aérien souverain de l'URSS au moment de l'attaque au missile ». A l'évidence, si le Boeing était déjà à plus de 12 milles des côtes, la légalité de l'interception eût été des plus discules (sauf à admettre en matière aérienne un droit de poursuite dit hot pursuit analogue à celui reconnu par le droit maritime, mais inconnu du droit des combats terrestres).
Cette question présente toutefois un intérêt limité car, en tout état de cause, il est apparu à l'OACI que « tout n'a pas été fait » par les Soviétiques « pour identifier l'avion, même s'il y ait encore apparemment certains doutes quant à son identité » Par voie de conséquence, les intercepteurs de l'URSS ont agi en l'espèce en méconnaissance tant du droit international général que des « normes et pratiques recommandées de l'OACI relatives à l'interception des aéronefs civils ant d'attaquer KE 007 ».


III. LES RÉACTIONS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE


La destruction du Boeing sud-coréen a entrainé des réactions de la Communauté internationale dans un triple cadre : les Nations unies, l'OACI et les relations bilatérales.


A. L'organisation des Nations unies

Aux Nations unies, la Corée du Sud dépose très rapidement une plainte dent le Conseil de Sécurité et demande une convocation d'urgence du Conseil. Les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l'Australie, qui aient des ressortissants dans l'avion, appuient cette demande de convocation.
Le 12 septembre, une résolution est présentée au Conseil de Sécurité par un grand nombre de pays. Elle obtient la majorité nécessaire de 9 voix. Votent pour : la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, les Pays-Bas, la Jordanie. Malte, le Togo, le Zaïre et le Pakistan. Votent contre : l'Union soviétique et la Pologne. S'abstiennent : la Chine, le Zimbabwe, la Guyana et le Nicaragua. Cette résolution, bien qu'elle ait obtenu la majorité, n'est pas adoptée, puisqu'elle se heurte au vote négatif de l'Union soviétique. Que disait-elle?
Elle réaffirmait « les règles du droit international interdisant les actes de violence qui menacent la sécurité de l'aviation civile internationale ».
Elle reconnaissait « l'importance du principe de l'intégrité territoriale ainsi que la nécessité de n'utiliser en réponse à des intrusions dans l'espace aérien d'un Etat que des procédures convenues sur le international ».
Elle soulignait «la nécessité d'une enquête impartiale». Elle reconnaissait enfin « le droit à indemnisation des victimes ».
Puis, dans son dispositif, après avoir déploré la destruction de l'avion coréen, elle déclarait que « pareil usage de la force armée contre l'aviation civile internationale est incompatible avec les normes régissant le comportement international et avec des considérations élémentaires d'humanité » (rédaction qui reprenait celle de la Cour internationale de justice dans l'affaire du détroit de Corfou). Enfin, elle priait instamment tous les Etats de « se conformer aux buts et objectifs de la convention de Chicago » et, pour terminer, elle invitait le secrétaire général des Nations unies « à mener une enquête approfondie sur les circonstances de la tragédie ».


B. L'organisation de l'aviation civile internationale

Cette résolution n'ayant pas été adoptée, le débat glisser vers l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI. La structure et les règles de fonctionnement de cette institution spécialisée des Nations unies se prêtent en effet dantage à une telle discussion. C'est que l'OACI comporte non seulement une assemblée composée de tous les Etats membres et se réunissant tous les trois ans, mais encore un conseil composé de 33 Etats qui, lui, peut se réunir beaucoup plus rapidement à Montréal pour prendre des décisions à la majorité simple ou qualifiée.
La France demande immédiatement la convocation d'une session extraordinaire du conseil de l'OACI. Celui-ci se réunit le 15 septembre et adopte trois résolutions :
a) L'enquête
La première charge le secrétaire général de l'OACI d'ouvrir une enquête « pour élir les faits et les aspects techniques liés au vol et à la destruction de l'aéronef» et de présenter au conseil un rapport au vu de cette enquête.
Cette résolution, analogue à celle qui ait été votée en 1973 lors de l'interception de l'avion libyen par Israël, est adoptée par 26 voix contre 2 (l'Union soviétique et la Tchécosloquie), avec 3 abstentions (Algérie, Chine et Inde) et 2 délégués absents (Irak et Liban).
Conformément à l'article 55 de la convention de Chicago, une commission d'enquête est immédiatement constituée. Elle obtiendra un certain nombre de renseignements des autorités coréennes, japonaises et américaines. Quant à l'Union soviétique, elle ouvrira de son côté une enquête nationale (comme elle en ait d'ailleurs l'obligation conformément à l'article 26 de la convention de Chicago) et communiquera au secrétaire général de l'OACI le rapport préliminaire éli par cette commission.
Au vu de ces diverses informations est rédigé un premier rapport qui sera complété dix ans plus tard, lorsque la Russie révélera que ses plongeurs aient récupéré les « boites noires » de l'appareil et les remettra à l'OACI.


b) Les règles d'interception

Le même jour, le conseil de l'OACI, sur proposition de la France, charge l'une de ses commissions, la commission de navigation aérienne, d'étudier les améliorations que l'on pourrait apporter aux règles techniques en la matière, en vue :
. d'une part, de rendre obligatoire un certain nombre de règles qui ne présentaient jusqu'alors qu'un caractère facultatif (par exemple, en ce qui concerne l'usage de la fréquence de détresse 121,5 MHz) ;
. d'autre part, d'adopter des règles nouvelles permettant de mieux assurer les relations entre autorités militaires et centres civils de contrôle.
Ces études se heurtent toutefois aux réticences des Etats-Unis et de l'Union soviétique qui soutiennent que l'OACI n'a pas compétence pour traiter des modalités d'interception des aéronefs civils par des aéronefs militaires dans la mesure où la convention de Chicago ne s'applique pas à ces derniers. Après 85 séances de trail de la commission de navigation aérienne et 11 séances du conseil, ce dernier en juge cependant autrement et, le 10 mars 1986, adopte un amendement à l'annexe 2 à la convention de Chicago transformant en normes la plupart des pratiques recommandées antérieures.
Dans l'interlle est en outre conclu, le 29 juillet 1985, un mémorandum d'accord entre les Etats-Unis, l'Union soviétique et le Japon en vue d'améliorer la sécurité des vols dans le Pacifique du Nord-Est. Selon ce mémorandum, entré en vigueur le 8 octobre 1985 et complété par un arrangement technique du 19 novembre de la même année, les centres américains et japonais de contrôle d'Anchorage et de Tokyo doivent désormais avertir le centre soviétique de Khabarovsk de toute entrée d'un avion civil dans la zone de contrôle de l'URSS. De même, Khabarovsk interrogera désormais les deux autres centres si un appareil non identifié apparait dans la région d'information de vol (FIR) soviétique. La liste des renseignements à fournir est fixée par le mémorandum. Des facilités de communication nouvelles entre les centres sont créées et seront disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre.


c) La non-utilisation des armes contre les aéronefs civils

Enfin, la France reprend sa proposition d'amendement à la convention de Chicago (celle qui ait été écartée en 1973, à Rome, faute d'une majorité suffisante), en demandant que l'on explicite dans la convention la règle selon laquelle on ne doit pas utiliser la force armée contre les aéronefs civils, sauf, bien entendu, le cas de légitime défense prévu par l'article 51 de la Charte des Nations unies.
Le conseil de l'OACI convoque une assemblée extraordinaire pour examiner cette proposition d'amendement. Cette décision est prise, elle aussi, par 26 voix contre 2 (URSS et Tchécosloquie), avec 2 abstentions (Egypte et Inde) et 3 délégués absents (Indonésie, Irak et Liban).
L'assemblée ainsi convoquée se réunit à Montréal, du 24 avril au 10 mai 1984. Elle adopte par consensus un amendement à la convention de Chicago (nouvel article 3 bis), selon lequel « les Etats contractants reconnaissent que chaque Etat doit s'abstenir de recourir à l'emploi des armes contre les aéronefs civils en vol et qu'en cas d'interception la vie des personnes se trount à bord des aéronefs et la sécurité des aéronefs ne doivent pas être mises en danger. Cette disposition ne saurait être interprétée comme modifiant de quelque manière que ce soit les droits et obligations des Etats en vertu de la Charte des Nations unies ».
Ce texte laisse subsister le droit de légitime défense consacré par l'article 51 de la Charte. Il vise les aéronefs civils par opposition aux aéronefs d'Etat tels que définis à l'article 3 de la convention. Il ne concerne que les aéronefs en vol. Enfin, il interdit non l'emploi de la force, mais celui des armes. Toutefois, s'il est recouru à la contrainte (sans user des armes), cette contrainte ne doit en aucune circonstance mettre en danger, lors d'une interception, la sécurité des aéronefs et des personnes à bord.
La règle ainsi explicitée ne constitue pas une nouvelle règle de droit. En effet, les Etats contractants en « reconnaissent» l'existence, comme ils aient reconnu, à l'article 1er de la convention, la souveraineté de tout Etat sur l'espace aérien surplombant son territoire. Cette règle lie donc non seulement les Etats parties à la convention de Chicago ou au nouveau protocole, mais tous les Etats. Elle préexiste à l'adoption et à l'entrée en vigueur de l'amendement et s'applique dès maintenant, bien que le protocole n'ait à l'heure actuelle été ratifié que par 69 Etats et que 102 ratifications soient nécessaires pour son entrée en vigueur.

C. Les actions unilatérales
Si la France prend ainsi des initiatives au sein de l'OACI, d'autres Etats préfèrent recourir à des actions unilatérales.
Au lendemain de la destruction de l'aéronef des Korean Airlines, les Etats-Unis proposent en effet qu'à titre de sanction les liaisons aériennes avec l'Union soviétique soient interrompues, au moins pour une période limitée. Cette mesure, en ce qui concerne les Etats-Unis, ne faisait d'ailleurs que confirmer la situation existante, puisque, depuis décembre 1991. ceux-ci n'ont plus de relations aéronautiques régulières avec l'URSS.
Cette proposition américaine est très largement relayée par certaines organisations professionnelles et notamment par l'Association internationale des pilotes de ligne (IFALPA), qui demande à ses adhérents de boycotter l'Union soviétique pour une durée de soixante à quatre-vingt-dix jours.
Cette prise de position posait un problème de droit international, non pas d'ailleurs pour ce qui est des comnies occidentales, mais en ce qui concerne Aeroflot. Il est clair en effet que les comnies de transport aérien occidentales ou leurs pilotes pouient cesser de desservir l'Union soviétique sans porter atteinte aux droits de ce pays. Une telle action n'était susceptible de soulever de difficultés que dans les rapports entre exploitants et autorités administratives ou entre trailleurs et employeurs. Mais il s'agissait là de questions de pur droit interne.
En renche, suspendre les vols d'Aeroflot vers certains pays n'allait pas de soi. En effet, la plupart des pays occidentaux sont liés à l'Union soviétique par des accords de transport aérien. C'est ainsi que la France a passé un tel accord le 26 juin 1958 avec l'Union soviétique, donnant au « transporteur désigné étranger » (en l'espèce Aeroflot) le droit de desservir certains points en territoire français. Cet accord ne contient aucune clause de suspension, mais peut seulement être dénoncé avec préavis de six mois.
Pouit-on dans ces conditions justifier au regard du droit international une suspension éventuelle des relations aériennes ?
Une telle suspension aurait pu, bien entendu, être décidée par le Conseil de Sécurité agissant conformément à l'article 41 de la Charte (comme elle le sera en 1992, en ce qui concerne la Libye, à la suite de l'attentat de Lockerbie). Mais, en l'espèce, aucune mesure de ce genre n'ait été approuvée par le conseil.
Dès lors, les Etats parties à des accords de transport aérien avec l'URSS ne pouient suspendre l'application de ces accords que dans les conditions fixées par le droit des traités. Celui-ci a été codifié sur ce point par la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, qui dispose, en son article 60, paragraphe 1er :
Une violation substantielle d'un traité bilatéral par l'une des parties autorise l'autre partie à invoquer la violation comme motif pour mettre fin au traité ou suspendre son application en totalité ou en partie.
Mais cette disposition était en tout état de cause sans intérêt pour les pays comme la France qui n'étaient pas impliqués directement dans la destruction de l'avion et ne pouient de ce fait se préloir d'une violation par l'URSS de l'accord bilatéral passé avec ce pays.
On pouit par ailleurs songer à soutenir que l'URSS ait méconnu ses obligations au titre de la convention de Chicago. Mais une telle violation n'aurait pu, selon le paragraphe 2 de l'article 60 de la convention de Vienne, justifier que la suspension de la convention de Chicago elle-même (et non celle d'un accord bilatéral qui en est indépendant).
Aussi ne pouit-on légalement tenter de justifier l'action envisagée qu'en recourant au droit de représailles, avec les nombreuses incertitudes qui entourent ce concept et ses conditions d'application.
C'est en gros ce qu'ont fait les Etats qui. pour des périodes très riables, de quelques jours à quelques semaines, et selon les modalités diverses touchant les passagers ou les marchandises, ont suspendu en tout ou en partie leurs relations aériennes avec l'URSS. C'est ainsi que plusieurs pays européens et le Japon ont décidé de boycotter l'URSS pour quinze jours, tandis que le Canada le faisait pour soixante (tout en continuant à autoriser Aeroflot à faire des escales à Gander pour le trafic marchandises).
Le gouvernement français a, pour sa part, estimé qu'au-delà des considérations juridiques déjà rappelées, une suspension des vols de durée limitée était une mesure d'une efficacité réduite et qu'il était préférable de déterminer les causes du drame et d'en prévenir le renouvellement. C'est ce qui explique qu'il ait essentiellement orienté son action vers l'OACI.
L'expérience a montré que cette appréciation était fondée : le boycott appliqué par certains n'a guère eu de conséquences, tandis que l'Organisation de l'aviation civile internationale a largement réussi dans la nouvelle tache qui lui était assignée. Aussi bien, lorsque dix ans plus tard la vérité a été complètement connue, le conseil de l'OACI a-t-il pu se borner, le 14 juin 1993, à rappeler aux Etats les décisions et résolutions qu'il ait antérieurement adoptées.



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