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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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L'architecture des modèles

Ce premier chapitre m'aider à situer les deux parties de ce livre. Il se divise lui-même en deux sections.
• La première concerne les individus. Ces individus qui donnent leur spécificité à l'auto-organisation économique et sociale, ces individus moteurs du changement et freins aux adaptations, comment les modéliser ? Comment représenter leurs choix et leurs comportements ? Telle est la question à laquelle je voudrais tenter d'apporter une première réponse, celle qui est suffisante pour les réflexions de cet ouvrage.
• La deuxième section énumère les hypothèses qui permettent de structurer l'ensemble du champ de recherche exploré dans les chapitres qui suivent et auxquelles il faut par conséquent faire appel pour définir les caractéristiques des principales familles de modèles.

LE COMPORTEMENT DES INDIVIDUS

Il est utile d'emblée de distinguer comme le fait Walliser (1985) trois environnements possibles pour un individu : l'environnement passif qui est indépendant du comportement de cet individu, l'environnement réactif qui répond en quelque sorte mécaniquement à ce comportement, enfin l'environnement actif qui obéit en plus à son propre processus de décision.
Les deux parties de ce livre ignorent les situations de jeu. Aussi suffit-il de s'interroger sur les dimensions du comportement individuel dans un environnement passif ou réactif.
Une évidence s'impose: puisque l'auto-organisation est un processus dynamique, c'est dans une perspective temporelle qu'il faut d'emblée se placer pour décrire les choix de l'individu. Des choix qui s'effectuent dans l'instant, mais en fonction de la connaissance du présent, de l'expérience du passé, de la représentation des futurs. Des choix qu'il est commode de séparer — dans la plus pure tradition de la science économique — en choix d'exploitation et en choix d'investissement, les premiers n'ayant d'effet que sur la situation de l'individu à court terme, les seconds conditionnant son avenir.
La distinction entre exploitation et investissement dépend naturellement du modèle considéré. Ainsi, dans un modèle de marché du trail où un individu recherche des postes, puis se porte candidat à l'un des postes qu'il a découvert, la décision de chercher est une décision d'investissement, celle d'être candidat une décision d'exploitation.
La nature des choix possibles — qu'ils soient d'investissement ou d'exploitation — n'a cessé de s'enrichir avec le développement de la science économique. Aux décisions de consommation d'autrefois sont venus s'ajouter les choix de rôles et les décisions prises dans le cadre de ces rôles, qu'elles portent sur la recherche d'informations, sur l'affectation de ressources, sur la fixation de règles (telles que des contrats), sur la détermination de niveaux d'efforts, sur la révélation de données intentionnellement vraies ou fausses.

Les choix d'exploitation
Pour les choix d'exploitation, rien de plus naturel que de conserver le noyau de la théorie de la décision : un ensemble de choix possibles, une représentation de l'environnement, des conjectures quant aux conséquences de ces choix au sein de cet environnement, un ordre de préférence sur ces conséquences, un processus de sélection de la décision.
Qui dit ensemble de choix possibles dit aussi contraintes qui limitent ces choix. Ces contraintes ne résultent pas seulement de l'environnement d'aujourd'hui mais dépendent aussi des choix d'investissement d'hier. Que la décision pertinente n'ait pas été prise jadis et voilà l'individu de maintenant incapable de réagir. Qu'un effort d'imagination, de recherche ou de formation ait été autrefois consenti et voilà que l'individu dispose d'une large gamme de stratégies.
Avec la représentation de l'environnement s'introduit le clige entre la réalité de cet environnement — ou du moins la description qu'en donnerait un modélisateur — et la perception qu'en a l'individu. En effet, l'hypothèse forte d'anticipations rationnelles qui postule l'identité de ces deux modèles ne constitue à l'évidence qu'un cas limite qui ne correspond guère à l'inspiration de ce livre.
Le modèle retenu par l'acteur s'enracinera dans l'information disponible; d'où le double problème de la nature et de l'origine de cette information: s'agit-il d'une connaissance commune qu'un ensemble d'acteurs partagent et savent partager ? S'agit-il de données propres à l'acteur, imparfaites ou incomplètes ? S'agit-il d'éléments obtenus récemment par transmission directe ou progressivement élaborés par apprentissage ?
L'hypothèse de rationalité limitée donnera généralement une forme simple à la modélisation de l'environnement : ainsi, un individu qui, lors de ses T dernières obsertions, n'a pas découvert un poste disponible offrant une rémunération supérieure à x postulera qu'il n'obtiendra pas plus de x au cours de la prochaine période ; un producteur qui a constaté un prix p, à la période t supposera ce prix encore lable à la période (t + 1).
C'est dans le cadre de cette modélisation, généralement très simple, que se formeront les conjectures sur les conséquences des choix individuels. Par un processus où le raisonnement prend appui sur l'apprentissage puisque l'individu commence par enregistrer dans sa mémoire la succession de ses choix, de leurs effets et des conjectures qu'il ait faites ant de postuler les conséquences de ses décisions d'exploitation! Ainsi, l'individu met en œuvre une mémoire d'expérience dont on peut définir la profondeur comme le nombre de périodes prises en compte dans l'élaboration des conjectures. Dès lors, plus court sera l'horizon des souvenirs et moins l'individu sera capable d'apprendre. Plus forts seront les liens entre les obsertions passées et les conjectures présentes et moins l'individu tiendra compte d'informations récentes indiquant des ruptures dans l'évolution de l'environnement.
A ce stade également, la rationalité limitée imprime son sceau : ainsi, dans l'un des modèles développés, nous admettrons qu'un chef d'entreprise qui, à un certain niveau de production, a constaté dans le passé une diminution de son profit lorsqu'il augmentait son prix ne recommencera pas l'expérience à partir du même niveau de prix et pour la même production.
Plusieurs remarques doivent être faites en ce qui concerne les préférences. Il est important tout d'abord de souligner qu'elles s'enracinent dans l'histoire de l'individu, une histoire marquée par l'influence de ses états anciens. On peut parler de mémoire préférentielle et introduire la profondeur de cette mémoire, c'est-à-dire le nombre des périodes dont l'état conditionne les préférences actuelles. Le passé ne modèle pas seulement le contenu des préférences. Si l'on admet la notion d'utilité cardinale il modifie aussi le niveau de satisfaction présent, par les aison que l'individu fait avec les satisfactions passées. Les conséquences en termes d'auto-organisation sont évidentes :
— l'accoutumance à un comportement retarde le basculement des choix lorsque l'environnement change, donne à d'autres agents le temps de s'adapter et renforce les chances de survie de structures ou d'institutions existantes ;
— au contraire, l'accumulation d'un mécontentement peut se traduire soudainement par un rejet irréversible et brutal qui contribue à ébranler l'ordre existant d'une manière inattendue.
Mais — et ce sera une deuxième remarque — il faut insister aussi sur le désir d'imitation ou sur le sentiment de frustration qu'engendre chez l'individu l'obsertion de la situation des autres en dehors ou au sein de son groupe social. D'où des phénomènes de diffusion de comportements à l'intérieur d'une population, phénomènes qui, selon les hypothèses faites, peuvent avorter ou se proer comme une explosion.
Enfin, dans un environnement incertain, les préférences individuelles ne font pas seulement intervenir un niveau de salaire, un montant de profit, des quantités consommées, mais l'espérance de survie des organisations auxquelles l'individu participe. Certes, gain et survie ne sont pas toujours antinomiques et lorsqu'ils le sont, les agents économiques acceptent d'arbitrer entre eux. Il ne fait aucun doute néanmoins que la science économique sous-estime très largement en ce qui concerne les entreprises l'importance des comportements de survie.
Reste à définir le processus de choix. A quelques hétérodoxes près, la science économique l'a toujours représenté comme une maximisation sous contraintes, accordant ainsi à l'individu d'infinies possibilités de calcul. Pourtant, l'obsertion courante ne montre-t-elle pas, jour après jour, que les individus préfèrent des règles empiriques conduisant à des améliorations locales et progressives de leur utilité ? Au point que l'on désigne maintenant du beau nom d'intelligence artificielle les programmes informatiques qui simulent de telles règles de décision !
Que savons-nous de ces processus ? De multiples traux de psychologues ou de sociologues ont montré que le plus souvent les agents :
— ne s'adaptent pas immédiatement aux changements observés ou anticipés de l'environnement,
— procèdent par amélioration à partir d'une situation de départ et mettent donc en oeuvre une recherche orientée,
— n'exploitent que partiellement les possibilités que leur offre l'environnement en se contentant de solutions satisfaisantes,
— utilisent fréquemment des essais aléatoires pour explorer l'ensemble des possibles.
Dans certains cas, ces processus de choix permettent aux individus de résoudre empiriquement les problèmes de maximisation de la micro-économie traditionnelle et d'atteindre les situations d'équilibre prévues par elles, mais dans d'autres cas, ils les enferment dans des pièges sous-optimaux ou les conduisent à la ruine. La suite de ce livre permettra d'illustrer ces diverses possibilités.


Les choix d'investissement

Considérons maintenant les choix d'investissement.
Première constatation : au sens de l'économie de l'ordre et du désordre, l'investissement peut prendre des formes extraordinaire-ment diverses: recherche d'informations sur les prix proposés, transformation des capacités individuelles par la formation, modification des perceptions ou des anticipations des autres acteurs par la publicité, dépenses de R et D entrainant la découverte aléatoire d'innotions De plus, les effets de l'investissement sont presque toujours incertains puisqu'ils se produiront dans l'avenir. L'investissement apparait ainsi comme l'une des principales sources de création d'ordre et de désordre dans le système économique.
Deuxième constatation, fort banale: les choix d'investissement se traduisent dans l'immédiat par un coût — monétaire ou psychologique — qui vient en déduction des satisfactions du moment. Coût d'information ou de recherche de solutions, coût de formation ou de mobilité professionnelle, coût d'acquisition d'un logement ou de changement de localisation Il en résulte que les comportements d'investissement présentent constamment des discontinuités. Si la décision se ramène à deux possibilités « investir » ou « ne pas investir », un individu cessera brutalement d'investir dès que le gain d'utilité espéré descendra au-dessous du coût. Autre conséquence : les individus d'un groupe, même confrontés à des choix analogues, manifesteront des comportements qualitativement différents : certains investiront et d'autres pas. Par exemple, sur un marché du trail où les individus doivent consentir un coût pour tirer au sort un échantillon de postes, la dynamique du marché séparera progressivement les individus en deux groupes : les actifs qui continueront indéfiniment à chercher et les passifs qui, au bout d'un temps aléatoire, se contenteront du salaire qu'ils reçoivent. Certes, de tels faits sont reconnus par la science économique mais ils y jouent en quelque sorte un rôle marginal, alors que leur prise en compte est indispensable pour comprendre la genèse des institutions économiques.
Troisième constatation, toujours aussi banale : l'individu — aussi limitée que soit sa rationalité — ne pas échapper à une aison du coût immédiat et des antages futurs possibles de l'investissement. D'où la nécessité pour lui de construire une représentation de l'avenir. Une représentation à la fois plus ambitieuse et plus simplifiée par rapport au réel que pour les décisions d'exploitation.
Plus ambitieuse puisqu'elle devra simultanément porter sur les contraintes, les préférences et l'environnement.
Plus simplifiée par rapport au réel car elle devra, pour être utilisable, déduire de quelques hypothèses la construction des anticipations et tronquer l'avenir en se bornant à éluer au bout de quelques périodes le jeu des sectiunes disponibles pour un avenir plus lointain. D'où l'apparition d'un horizon d'anticipation défini par le nombre de périodes que l'individu prend explicitement en compte.
Quant aux conjectures sur l'éluation des conséquences des choix d'investissement, elles comprendront deux volets :
— l'appréciation des effets de l'investissement sur l'ouverture du champ des décisions d'exploitation dans l'avenir (idole à double face, l'investissement libère l'avenir des contraintes du passé tout en enserrant cet avenir dans des contraintes nouvelles);
— l'estimation de l'influence directe de l'investissement sur l'état futur de l'individu et sur ses niveaux de satisfaction, ce qui suppose des hypothèses généralement implicites sur les décisions d'exploitation.
Mais, toute décision d'investissement implique acceptation ou refus de la logique du système existant. L'individu qui cherche un emploi, qui change de résidence, qui s'efforce d'améliorer ses capacités professionnelles reste dans le cadre d'un marché du trail concurrentiel. Celui qui milite dans un syndicat, lutte pour une réglementation des licenciements, tente d'obtenir du pouvoir politique l'instauration d'un salaire minimum, recherche au contraire une transformation endogène de l'organisation du marché.
A l'issue de ces processus, la dernière étape consistera à mettre en balance les coûts présents et les niveaux de satisfaction futurs qu'engendrent en espérance les choix d'investissement. Ce sera chose faite grace à l'introduction d'un taux d'escompte du futur, ce vieil outil de notre arsenal d'économistes. Apparaitront alors les phénomènes de seuils, déjà mentionnés et qui font, au voisinage de leurs critiques, basculer l'individu de la passivité à la recherche ou de l'acceptation à la révolte.
Dans ces conditions, la dynamique d'un système économique est susceptible d'engendrer des relations diverses entre les états sles et les hypothèses de comportements individuels.
Tantôt, pour une large gamme de comportements, le système convergera vers le même état sle, manifestant ainsi une rési-lience exceptionnelle.
Tantôt, la nature des états sles sera étroitement fonction des hypothèses retenues. A l'extrême, des individus formant des anticipations rationnelles et dotés de capacités de calcul infinies conduiront le système aux équilibres robustes de la théorie traditionnelle tandis qu'à des hypothèses moins fortes seront associés tout un éventail d'équilibres métasles, équilibres qui, telles les solutions sursaturées de la physique, peuvent se maintenir indéfiniment ou être brutalement détruits par l'arrivée du germe que constitue un acteur plus performant.
Toutefois — et là l'économie se distingue de la physico-chimie — les équilibres robustes ne sont pas eux-mêmes à l'abri d'innotions qui peuvent les détruire.
Le lecteur retrouvera aisément dans chacun des modèles développés par la suite le recours aux concepts qui viennent d'être présentés lorsque l'environnement est passif ou réactif. Le cas de l'environnement actif oblige à aller plus loin dans la réflexion, comme le montrent certains développements récents de la théorie des jeux.
La tache qui nous attend maintenant est d'énumérer les hypothèses qui permettent de définir les familles de modèles dynamiques de marchés.

L'ÉNUMÉRATION DES HYPOTHÈSES

Dans la majorité des modèles considérés dans les deux parties de ce livre, le fonctionnement d'un marché résulte de mécanismes communs : des acheteurs et des offreurs se présentent, entrent en contact, s'informent, anticipent, élaborent des s, négocient, effectuent des transactions et modifient ainsi continuellement les informations, les anticipations, les stratégies des uns et des autres, engendrant de ce fait une dynamique qui peut conduire, par exemple, soit à des états sles (les prix et les quantités échangées se reproduisant de période en période), soit à des oscillations plus ou moins périodiques, soit à des oscillations sans fin. Une telle analyse, en faisant appel à des processus aléatoires et dynamiques, permet aussi de s'interroger sur la genèse de nouveaux marchés à partir du marché initial (par exemple à la suite de la constitution de nouveaux agents économiques ou de la transformation progressive du bien échangé ou de déplacements géographiques des offreurs ou des demandeurs). De même, au cours de son fonctionnement, le marché peut recevoir des chocs extérieurs ou subir des évolutions endogènes (arrivée de nouveaux agents ou changement des exigences des offreurs ou demandeurs) tels que sa pérennité soit en cause, sans d'ailleurs que le cours de l'histoire soit écrit. Robuste pour certaines leurs des paramètres, l'existence du marché pourra pour d'autres leurs se révéler extrêmement fragile.
Le décor est alors le suint : à partir de l'instant initial sont mis en présence des acheteurs et des offreurs qui, au cours des transactions, vont se mettre à échanger, moyennant des paiements monétaires, diverses quantités d'un ou plusieurs biens ou services. Le temps sera supposé divisé en périodes successives à partir d'un instant initial. Les hypothèses à examiner pour construire de tels modèles concernent successivement les biens et services échangés, les agents et le fonctionnement du marché.


Les biens et les services échangés

1. La première question est de savoir si tous les acteurs connaissent ou non parfaitement les caractéristiques des biens et services échangés. Si leur information est parfaite, leur seule préoccupation sera d'effectuer des transactions au meilleur prix, mais s'il n'en est pas ainsi, leur situation sera beaucoup plus délicate car il leur faudra soit acheter de l'information sur ces caractéristiques, soit estimer ces caractéristiques à partir de ce qu'ils savent ou de ce que leur révèle l'évolution du marché.
Les exemples de marché avec information imparfaite sur les biens et services sont devenus un lieu commun : le néophyte qui veut acheter une bouteille de vin de Bordeaux de qualité accepte de payer plus cher car il suppose que, sous l'effet des demandes des consommateurs informés, la qualité augmente avec le prix ; l'entreprise qui veut recruter un ingénieur tient compte de ses diplômes (qui sont censés révéler une compétence minimale) et de son salaire précédent (qui traduit sans doute l'opinion de son employeur sur ses capacités) ; le directeur d'usine qui s'apprête à embaucher un ouvrier choisit souvent de lui faire passer un test ant toute décision finale!
2. En supposant les caractéristiques des biens et des services parfaitement connues des acteurs, la deuxième question est de savoir si ces caractéristiques resteront ou non identiques tout au long de l'évolution du marché. La théorie traditionnelle s'est toujours intéressé à la première éventualité, mais la seconde n'est pas moins réaliste : les capacités professionnelles d'un individu se transforment en fonction des postes qu'il occupe ; les entreprises cherchent à modifier leurs produits en fonction de l'accueil qu'ils reçoivent des consommateurs ; une voiture d'occasion se déprécie d'autant plus qu'elle a parcouru un grand nombre de kilomètres. Et contrairement à un usage fréquent, il ne suffit pas de dire que l'on passe d'un marché à un autre lorsque le produit change, car l'entreprise peut recruter un individu plus ou moins formé et l'acheteur s'intéresser à une voiture neuve ou à une voiture d'occasion. Dans tous les cas, c'est le marché initial qui par son fonctionnement engendre les marchés successifs.
3. Admettons que les caractéristiques des biens et services échangés restent constantes. La troisième question est alors une vieille connaissance des économistes, puisqu'elle porte sur les conditions d'exécution des transactions, c'est-à-dire sur la nature des contrats entre agents. Elle conduit par exemple à distinguer les contrats immédiatement exécutoires (dix francs contre un kilo d'oranges), les contrats à durée déterminée (recrutement d'un trailleur pour six mois), les contrats à durée indéterminée (octroi d'un découvert bancaire, recrutement d'un trailleur sur une durée indéfinie), les contrats à terme (livraison à trois mois d'une tonne de cuivre), les contrats d'assurance (paiement d'une indemnité en cas d'accident) etc., cette liste n'étant évidemment pas limitative. La littérature sur les contrats a fait des progrès considérables au cours des deux dernières décennies mais les problèmes de fonctionnement des marchés sont suffisamment complexes pour que la priorité soit donnée dans ce livre aux modèles les plus simples qui supposent que les contrats entre agents sont immédiatement exécutoires.
4. Reste, en ce qui concerne les biens et les services, une ultime question : elle ne mérite guère de longs développements puisqu'elle ne porte que sur la nature des biens et services offerts par les différents vendeurs : ces biens peuvent être imparfaitement substituables ou parfaitement identiques, les exemples de substitution imparfaite étant nombreux : voitures de différentes marques, services de trail fournis par des individus de même compétence mais provenant de l'entreprise ou de l'extérieur. Nous retiendrons dans la suite l'hypothèse où les biens et services offerts par les différents vendeurs sont identiques.

Les agents
1. Les marchés les plus simples ne mettent en présence que deux catégories d'agents, les acheteurs et les vendeurs de la théorie économique élémentaire, mais la réalité offre un éventail beaucoup plus riche de situations : des agents peuvent se spécialiser dans le recueil ou la diffusion d'information (les cabinets de sélection, les sociétés d'études de marché, les agences de publicité), dans l'achat ou la vente pour compte d'autrui (les courtiers), des acheteurs (ou des vendeurs) peuvent se grouper en coalitions qui négocieront pour leur compte tout ou partie des conditions des contrats (les syndicats en sont un magnifique exemple), des acheteurs et des vendeurs peuvent décider d'appliquer entre eux des règles particulières (ainsi les salariés d'une entreprise et les candidats de l'extérieur ne sont pas traités de la même manière vis-à-vis d'emplois à pourvoir dans l'entreprise). Une théorie du fonctionnement du marché devrait non seulement pouvoir prendre en compte l'existence de cette multiplicité d'agents et de règles mais aussi pouvoir expliquer leur apparition. Néanmoins, dans un grand nombre de modèles, les demandeurs et les offreurs sont les seuls agents économiques susceptibles d'être présents sur le marché et ils ne peuvent former aucune coalition.
2. La question suinte n'est apparue qu'avec le début des recherches sur la dynamique des marchés. Pour l'exposer, le mieux est de supposer les offreurs constamment présents sur le marché et disposés à signer des contrats période après période. Qu'en est-il alors des demandeurs ? Deux situations extrêmes peuvent être envisagées :
— les demandeurs sont eux aussi constamment présents sur le marché et il s'efforcent au cours de chaque période d'acquérir les biens ou services qu'ils désirent consommer ; en d'autres termes, l'ensemble des demandeurs est donné et les achats de ces demandeurs répétitifs ;
— les demandeurs arrivent sur le marché par gues successives, restent présents jusqu'à ce qu'ils aient effectué l'achat (ou les achats) qu'ils désirent, puis se retirent1 ; autrement dit, seul est donné l'ensemble des demandeurs qui apparaissent à chaque période (la génération des demandeurs) tandis que les achats de ces demandeurs ne sont pas répétitifs.
On conçoit que, dans la première situation, l'équilibre du marché, si équilibre il y a, sera atteint lorsque, de période en période, chaque demandeur achètera la même quantité auprès des mêmes vendeurs, l'état du marché se reproduisant à l'identique de période en période tandis que, dans la deuxième situation, l'équilibre supposera l'arrivée, de période en période, de générations identiques d'acheteurs, des flux d'entrée et de sortie des acheteurs égaux et des ventes des offreurs qui se distribuent de manière sta-tionnaire entre les diverses générations d'acheteurs.
3. Revenons aux offreurs : depuis longtemps l'analyse de la concurrence étudie successivement l'évolution du marché lorsqu'aucun nouvel offreur ne peut entrer sur le marché puis lorsque se présentent des candidats potentiels. D'où une nouvelle dichotomie dans les modèles cherchant à décrire les marchés.
4. Si l'on suppose donné le nombre des vendeurs, la question suinte concerne les fonctions de coût des vendeurs? Inutile d'insister sur ce point puisque la panoplie des hypothèses envisageables est bien connue de tout économiste : à un extrême, on peut se donner les quantités dont dispose chaque vendeur et négliger les coûts ou supposer que les vendeurs ne sont que des détaillants qui n'ont d'autres charges qu'un prix d'achat à l'unité. A l'autre extrême, on peut associer à chaque vendeur une fonction de dépenses ayant les propriétés habituelles que suppose la théorie micro-économique. Mais ce qu'il faut souligner, c'est que l'hypothèse faite aura de l'importance pour le comportement dynamique du marché.
5. Reste alors à introduire une dernière hypothèse au titre des agents : en effet, dent la multiplicité des problèmes posés par l'étude du fonctionnement du marché, les auteurs' se sont souvent limités au cas où chaque acheteur n'est intéressé que par une unité de bien (l'exemple type est celui d'un marché du trail puisque chaque demandeur d'emploi aspire seulement à occuper un poste au cours de chaque période). Lorsque cette hypothèse est vérifiée, une possibilité est d'admettre en plus que chaque vendeur n'offre qu'une unité de bien ou de service.

Le fonctionnement du marché
Il n'est plus possible ici d'esquisser une typologie complète des modèles existants ou envisageables, mais il est néanmoins facile de présenter en termes généraux les questions les plus fondamentales.
1. Celle qu'il convient d'examiner en premier concerne les coûts d'ajustement ou de frottement qui interviennent dans le fonctionnement d'un marché. La réalité offre une gamme extrêmement large de tels coûts: des déplacements domicile-trail qu'effectue tous les jours un salarié aux frais de déménagement qu'il supporte lorsqu'il lui faut changer de résidence pour trouver un emploi, des indemnités de licenciement que doit payer une entreprise pour obtenir le départ d'une personne aux dépenses de formation qu'elle doit consentir pour tout nouveau recruté.du coût psychologique que représente généralement pour un individu toute modification de poste au désagrément qu'engendre le plus souvent pour un acheteur un changement de fournisseur De tels coûts peuvent avoir pour effet de bloquer le marché dans son fonctionnement et de le maintenir indéfiniment dans un état éloigné de l'équilibre traditionnel. L'analogie est profonde avec les phénomènes de dissipation de chaleur par frottement en thermodynamique.
2. Beaucoup plus délicat est le problème de l'information, car malgré les progrès des deux dernières décennies, rien ne prouve que les économistes soient déjà en mesure de l'aborder dans toute son ampleur. Les difficultés ? Elles sont bien connues : si deux individus A et B recherchent de l'information sur un événement E, le comportement de chacun est un indice pour l'autre. Chacun peut donc avoir intérêt à modifier son comportement pour tromper ou aider l'autre, possibilité dont l'autre doit tenir compte. Il est pourtant naturel de commencer par s'intéresser à des modèles qui traitent l'information de manière beaucoup plus simple et négligent ces subtilités — essentielles pour la théorie des jeux. Dans ces modèles, les informations transmises sont exactes et les agents ne cherchent pas à interpréter leurs comportements respectifs pour en induire des informations.
3. Si l'on admet qu'il en est ainsi, la première tache du modé-lisateur est alors de spécifier très précisément l'information qui est librement à la disposition des diverses catégories d'agents, soit à l'instant initial, soit au cours du fonctionnement du marché. Cette spécification peut, par exemple, prendre la forme extrême suinte : à l'instant initial, la seule information dont dispose un demandeur (un offreur) est qu'il existe des offreurs (des demandeurs) ; à la fin de la période t, la seule information supplémentaire dont dispose un demandeur (un offreur) est qu'il a acheté (vendu) ou non une unité de bien à la période t et dans le cas d'un achat (d'une vente), auprès de qui et à quel prix. Très souvent, les modèles font d'autres hypothèses : ils admettent ainsi que chaque offreur connait sa courbe de demande ou la distribution des prix de l'ensemble des vendeurs.
4. Une fois donnée la nature de l'information librement disponible, le fonctionnement d'un marché résulte de la combinaison de trois processus :
— un processus de recherche d'information par les agents,
— un processus de négociation entre les agents sur la base des informations dont ils disposent,
— un processus de révision de leurs anticipations et de leurs stratégies par les agents.
Selon les cas, les descriptions des marchés peuvent faire intervenir simultanément ces divers processus ou au contraire distinguer des phases successives de nature différente et au cours desquelles les agents s'informent, négocient ou révisent leurs stratégies. Certains modèles privilégient l'information, d'autres la négociation, d'autres enfin les révisions des stratégies.
5. La recherche d'information peut être décrite avec une grande riété d'hypothèses. Très souvent, les modèles ne confèrent une activité de recherche qu'à une catégorie d'agents, les offreurs ou les demandeurs! Quant à la recherche elle-même, elle peut prendre des formes multiples. Illustrons-en quelques-unes dans le cas de demandeurs d'emploi :
Premier cas : à chaque période, le demandeur tire au sort gratuitement un échantillon de postes. Si n'importe quel poste peut être découvert, nous dirons que l'information du demandeur est extensive, mais il peut ne pas en être ainsi, certains postes n'étant pas susceptibles d'être découverts par un individu compte tenu de sa situation présente et de son passé.
Deuxième cas : à chaque période, le demandeur peut connaitre la situation de tous les postes à condition de payer un coût d'information bien déterminé. L'état complet du marché lui est révélé dès qu'il a payé son droit d'entrée.
Troisième cas: à chaque période, le paiement d'un coût d'information donne seulement le droit de tirer au sort un échantillon comme dans le premier cas.
Quatrième cas: l'individu peut choisir d'ance la taille de l'échantillon mais le coût d'information à payer au préalable est une fonction croissante (et concave) de la taille.
Cinquième cas : l'état de chaque poste peut être révélé à l'individu moyennant le paiement d'un coût d'information caractéristique de ce poste. L'individu est contraint de choisir une fois pour toutes les postes qu'il veut connaitre (en payant d'emblée la somme des coûts d'information correspondants) ou se voit autorisé à pratiquer une recherche séquentielle décidant à chaque étape si cela ut la peine de payer le prix pour découvrir l'état de tel autre poste.
Sixième cas: le paiement d'un coût d'information donne à l'individu le droit de tirer au sort un poste et ce coût d'information croit avec le nombre de postes déjà tirés puisque l'individu doit découvrir des postes auxquels il lui est de plus en plus difficile d'avoir accès.
6. Les mécanismes de négociation peuvent aussi faire l'objet d'hypothèses extrêmement riées. Dans certains modèles du marché du trail par exemple, les offres des vendeurs sont fermes tandis que les acheteurs interviennent successivement. L'acheteur actif e alors les offres connues et ne fait (éventuellement) acte de candidature qu'auprès d'un seul poste. Si le titulaire de ce poste le garde, l'acheteur ne peut plus s'intéresser à d'autres postes jusqu'au tour suint. Dans d'autres modèles, il le pourrait ou plusieurs acheteurs seraient simultanément actifs.
De même, l'existence de relations préférentielles entre certains demandeurs peut constituer un aspect important de l'évolution du marché : la ménagère retourne chez le détaillant qui l'a approvisionnée à la période précédente, l'entreprise donne, à prix égal, la priorité à son fournisseur précédent.
7. La manière dont les agents adaptent leurs demandes et leurs offres joue aussi un rôle dans la caractérisation des modèles. On retrouve là naturellement la panoplie offerte par les théories du comportement individuel : à un extrême, un agent peut être passif et se contenter de réagir à des informations passées sans construire d'anticipations; à un autre extrême, il est capable d'estimer des distributions de probabilités de conséquences sur un horizon infini et de rendre maximum une utilité convenablement définie ; entre les deux, il peut se contenter d'éluer les conséquences de ses actes sur un horizon limité par des procédures simples, adoptant ainsi ce que la littérature appelle un comportement de rationalité limitée. On peut imposer par exemple à un vendeur que sa stratégie se traduise par le choix pour son offre soit d'un niveau de prix, soit d'un prix cher, soit même d'une distribution de probabilité, le demandeur qui se présente tirant alors au sort le prix qui lui est offert!
Ainsi, l'abondance et la riété des hypothèses nécessaires à la définition d'un modèle de dynamique de marché explique la diversité des pistes explorées dans la littérature et le fait que ne soient encore disponibles que des résultats partiels sans aucune synthèse d'ensemble mettant en évidence un petit nombre de conclusions générales.
Néanmoins, même si l'on ne dispose pas encore de résultats généraux, les modèles de dynamique des différents marchés permettent d'ores et déjà de prendre conscience de l'importance des phénomènes d'auto-organisation en économie et aident à explorer ces phénomènes. Mais pour cela il faut comme toujours aller du simple au complexe et commencer par l'analyse détaillée d'un modèle aussi élémentaire que possible. Ce sera l'objet du chapitre suint.



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