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MARKETING

Le marketing, parfois traduit en mercatique, est une discipline de la gestion qui cherche à déterminer les offres de biens, de services ou d'idées en fonction des attitudes et de la motivation des consommateurs, du public ou de la société en général. Il favorise leur commercialisation (ou leur diffusion pour des activités non lucratives). Il comporte un ensemble de méthodes et de moyens dont dispose une organisation pour s'adapter aux publics auxquels elle s'intéresse, leur offrir des satisfactions si possible répétitives et durables. Il suscite donc par son aspect créatif des innovations sources de croissance d'activité. Ainsi l'ensemble des actions menées par l'organisation peut prévoir, influencer et satisfaire les besoins du consommateur et adapter ses produits ainsi que sa politique commerciale aux besoins cernés.


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La publicité sous le regard de l'économie et de la sociologie



La publicité sous le regard de l'économie et de la sociologie
La publicité est l'actité consistant a produire et à diffuser des informations concernant les produits, les serces et toutes les autres actités_humaines. Des le moment où l'homme est sorti des cavernes et'a commencé à mener une existence sociale, aussi rudimentaire qu'ait été celle-ci, il a émis des messages susceptibles d'être rattachés à la publicité. En ce qu'elles communiquent des éléments informatifs, des institutions telles que les églises ou les écoles font de la publicité au sens premier du terme. Le stockage et la transmission de données par le biais d'ordinateurs, l'organisation de rencontres sportives, l'ensemble des procédures conduisant à des mariages arrangés dans des pays comme le Japon, sont des actités qui elles-mêmes et par delà leurs différences concourent à la circulation d'informations, donc à la publicité. Nos paroles et nos façons de nous vêtir constituent autant de modalités par lesquelles nous faisons de la publicité pour nous-même, et ne se distinguent pas fondamentalement en ce sens des spots publicitaires diffusés quotidiennement sur les différentes chaines de télésion. Presque tout ce qui constitue notre e de tous les jours peut, en fait, se trouver lu sous l'angle de la publicité.


La publicité peut aussi être définie de manière plus spécifique, comme une actite commerciaIe associée à la vente de biens et de serces au sein des économies de marché. Ou, plus précisément encore comme l'actité économique de ceux qui participent au marché et à la compétition qu'il implique : principalement les vendeurs (même si les acheteurs peuvent eux aussi recourir à la publicité).
Notre but principal ici est d'évaluer le rôle global joué par cette actité. Nous nous contenterons dans ce chapitre de disposer le cadre.

Le développement de la publicité en tant qu'actité de compétition

Les traces les plus anciennes de la publicité, tout comme celles des premiers hommes, sont rares et fragmentaires. L'on sait que les castes dirigeantes de Babylone et de l'Egypte pharaonique procédaient à ce que nous appellerions de nos jours de la publicité « institutionnelle ». La pierre de Rosette — clé du déchiffrement des hiéroglyphes — révèle ainsi que les monarques égyptiens du Haut Empire aimaient faire graver sur les monuments des inscriptions louangeuses concernant leurs personnes et leurs accomplissements. (Ce qui se faisait souvent au détriment de leurs prédécesseurs, puisque les inscriptions anciennes étaient fréquemment effacées pour laisser la place aux nouvelles.)
Les crieurs et les enseignes à caractère symbolique communs en Grèce et dans d'autres contrées, ont continué à exister jusqu'à la révolution industrielle, et sont toujours utilisés de nos jours, même si c'est sous une forme légèrement différente. Mais ce n'est que dans la Rome antique que la publicité au sens moderne du terme, donc la publicité recourant au texte écrit, a connu ses premiers développements. Et c'est en fait le déploiement de l'alphabétisation qui a conduit à l'émergence, à Rome, de panneaux publicitaires sur lesquels les acheteurs et les vendeurs inscrivaient les prix et les informations concernant les produits. Le mot latin libellas trouve son origine dans la coutume qui consistait à inscrire les noms de débiteurs défaillants — libeller quelqu'un était publier son nom.
Si l'essor de la publicité dans ses premiers temps s'est ainsi trouvé mêlé étroitement à l'essor de la culture écrite, les crieurs et les symboles marchands renrent sur le devant de la scène et remplacèrent les annonces écrites lorsque celle-ci recula au Moyen Age. Les annonces écrites réémergèrent ensuite avec l'invention de l'imprimerie et le retour à l'alphabétisation au quinzième siècle.
La période qui sépare la chute de Rome et le développement de la cilisation européenne renferme par elle-même quelques données noles concernant les liens entre publicité et compétition.


■ Premières régulations

Les publicités non imprimées du premier Moyen Age furent en France l'objet de régulations et de tentatives de taxation. Aux enrons de l'an Mil, les crieurs urbains devaient être enregistrés auprès de l'autorité française concernée, qui leur accordait des prilèges exclusifs. Cette forme de franchise bien connue impliquait aussi un contrôle de l'entrée dans la profession. La recherche des prilèges octroyés par l'aristocratie (obtenir un avantage dans la compétition grace à une législation favorable) fut d'ailleurs, tout comme la propension de l'aristocratie à jouer de ses pouvoirs, commune en France jusqu'au dix-neuème siècle.
On pourrait montrer au travers d'un exemple précis comment les contrôles de la publicité ainsi instaurés affectaient l'essor du commerce. Les tenanciers de taverne parisiens avaient au treizième siècle l'obligation légale de recourir à des crieurs de n franchisés s'ils voulaient faire de la publicité pour les ns qu'ils vendaient. En 1258, Philippe Auguste avait accordé des prilèges exclusifs à ces crieurs par le décret suivant : « Quiconque est crieur à Paris peut se rendre dans toute taverne qui lui plait et crier le n de celle-ci, pourvu qu'il y soit vendu du n tiré du tonneau et qu'il n'y ait pas d'autre crieur employé dans cette taverne ; et le tenancier de la taverne ne peut le lui interdire.
Si un crieur trouve des gens en train de boire dans une taverne, il peut leur demander ce qu'ils paient pour le n qu'ils boivent et il peut sortir et crier le n au prix qu'ils paient, que le tenancier de la taverne le veuille ou non — pourvu, toujours, qu'il n'y ait pas d'autre crieur employé dans cette taverne.
Si un tenancier de taverne vend du n à Paris, n'emploie aucun crieur et ferme sa porte aux crieurs, le crieur peut déclarer que le n de ce tenancier est au même prix que le n du roi (prix courant) c'est-à-dire, si c'est une bonne année pour le n, sept deniers, et si c'est une mauvaise année, douze deniers.
Chaque crieur devra recevoir quotidiennement de la taverne pour laquelle il crie au moins quatre deniers, et c'est l'un des liens de son serment de ne pas demander plus ».
L'édit concernait seulement les tavernes, et tout en garantissant emploi et revenus aux crieurs de n équivalait à la mise en place des bases d'un contrôle légal sur le négoce et les prix. (De tels contrôles légaux, comme nous le montrerons dans le chapitre six, ne sont pas sans porter atteinte au niveau de e des consommateurs). La pubïïcffe ainsi conçue et limitée peut avoir accru le chiffre d'affaire des tavernes, mais elle a porté atteinte à la liberté des prix et à la liberté de commercer, et elle a fourni aux autorités un moyen commode pour obtenir de l'argent du syndicat des crieurs urbains.


■ Publicité et alphabétisation

Les intrusions gouvernementales dans le secteur de la publicité ne sont ultérieurement pas restées limitées à la France. Plusieurs siècles après que l'imprimerie eut été inventée et que les'premiers textes rudi-mentairement imprimés eurent vu le jour, le gouvernement anglais — en dépit de l'illettrisme généralisé de la population — décida de lever une taxe sur les journaux et une taxe additionnelle de trois shillings six pence sur toutes les publicités (quelles que soient leurs dimensions). Ces taxes ont été Instituées en 1792, pendant le règne de la reine Anne et ont existé, moyennant quelques modifications, jusqu'en 1853. Leur finalité la plus édente était de permettre un contrôle des libelles, mais l'un de leurs effets pratiques les plus sibles a été (outre l'apport de revenus à la Couronne) d'entraver — à la marge — la diffusion de l'alphabétisation.
Le prix des journaux en Grande-Bretagne a été estimé être à l'époque six à dix fois plus élevé que le prix des journaux aux Etats-Unis2. Le phénomène des « salles de lecture » et des clubs (où se lisaient les journaux), une caractéristique de la Grande-Bretagne d'alors, souligne à lui seul le ralentissement de l'alphabétisation au sein des couches pauvres. Les taxes sur les journaux et la publicité ont, par effet induit, favorisé le maintien d'une structure sociale fortement hiérarchisée.
Les conditions d'existence de la publicité aux Etats-Unis étaient alors clairement différentes, comme le leau ci-dessus le révèle. La publicité n'étant pas taxée, l'alphabétisation s'est répandue rapidement. Les publicitaires ont pu bénéficier d'un enronnement sans entraves qui a duré, au-delà de l'ère coloniale, pendant tout le dix-neuème siècle ; et les colporteurs yankees et P.T. Barnum, grand innovateur dans le domaine de la publicité, constituent à juste titre des symboles de la période. Le marketing s'est développé ensuite, en osmose avec la floraison de la révolution industrielle et de la production de masse des biens et des serces.


L'on peut considérer, au-delà, que l'existence d'une liberté publicitaire a joué un rôle essentiel dans l'émergence des Etats-Unis comme première puissance industrielle mondiale. L'on peut considérer aussi qu'elle a joué un rôle fondamental dans leur constitution en tant que pays homogène.
L'américanisation des produits s'est opérée essentiellement, grace à la publicité, dans l'époque qui a sui la guerre de Sécession, et c'est en bonne partie sur sa base que des populations aux origines diverses et parlant divers langages ont pu commencer à se fondre les unes aux autres et à s'unifier. Les données concernant les revenus publicitaires des journaux et des périodiques alors, bien que rudimentaires et incomplètes, révèlent une croissance phénoménale : les chiffres disponibles (compte non tenu de l'inflation) indiquant — pour ces deux médias seulement — un passage d'approximativement dix_millions de dollars en 1867 à enron cent millions de dollars en 1900 et à enron un milliard de dollars en 1925. La croissance a été particulièrement forte pendant les années qui ont sui la Première Guerre mondiale. L'émergence de l'automobile et du cinéma en tant que phénomènes de masse a constitué une large part de cette croissance.
La société américaine a été en fait, presque dès l'origine, et ce à la différence des autres grandes sociétés industrialisées, une société de consommation de masse basée sur la publicité. Les critiques du capitalisme américain émises par Thornstein Veblen au début de ce siècle, et soulignant que consommation et publicité constituaient les caractéristiques principales de celui-ci ont, bien que ce fût sur le mode négatif, contribué à mettre au jour ce trait fondamental. Même si la modernisation des méthodes de production et les techniques de renilisation et de diminution des coûts ont elles aussi joué leur rôle, le rapide essor économique des Etats-Unis, leur homogénéisation et leur installation en position de fournisseur principal de biens et de serces, ont reposé essentiellement sur le développement de la consommation de masse dont la publicité a été le catalyseur.


■ Développement de la publicité

Les dépenses de publicité ont cru de façon vertigineuse aux Etats-Unis depuis 1945, comme le montre le graphique 1-l. Et cette croissance révèle à elle seule l'importance grandissante de la publicité pour l'économie américaine, et, au-delà, l'importance croissante de la publicité pour une économie prospère tout court. Le leau 1-l fournit une aison des dépenses de publicité dans différents pays. Il indique, pour l'année 1981, en dollars américains et pour les pays — développés ou sous-développés — pris en compte, les dépenses de publicité par tête, et le total des dépenses de publicité ; il indique aussi pour la même année 1981 et pour les mêmes pays le pourcentage du produit national brut représenté par ces dépenses. Le leau 1-2 indique, lui, pour une période de cinq ans (1976-l981) et pour un ensemble de pays différents, l'évolution du pourcentage représenté par les dépenses de publicité (tous médias confondus) au sein du PNB. Le leader clair tel qu'il ressort des deux leaux est les Etats-Unis.
En 1981, les Etats-Unis ont dépensé enron 2 % de leur PNB, soit soixante et un million de dollars en annonces publicitaires de tous types. L'addition de ce chiffre à celui représentant toutes les dépenses effectuées ailleurs dans le monde pour la publicité aboutit à un total qui représente approximativement 1,5 % de toutes les ressources consacrées étairement aux actités marchandes.
Si l'on prend les chiffres de croissance des dépenses de publicité au cours de la période de cinq ans 1976-l981 (leau 1-2), il apparait que la publicité gagne partout en importance, même dans les pays sous-développés. Les économies toujours plus dynamiques et toujours plus orientées vers le marché de Taïwan, de la Corée du Sud et du Japon sont significatives à cet égard — même si l'inflation est un facteur qu'il faudrait prendre en compte pour procéder à des aisons et à des analyses précises.
Les critiques adressées à la publicité, et la mécompréhension du rôle qu'elle joue dans le processus de compétition, reposent fondamentalement sur l'approche de celle-ci mise en place par le discours économique traditionnel. Avant que de mettre au jour cette approche, nous citerons l'essentiel de ces/critiques telles qu'elles se rencontrent chez les économistes et les sociologues contemporains.


Pourquoi la publicité est-elle perçue comme un problème ?

Les critiques émises aujourd'hui par économistes et sociologues à l'encontre de la publicité peuvent être réparties en deux grandes catégories. Certaines d'entre elles renvoient à des défauts censés apparaitre concrètement dans l'actité publicitaire. Les autres, plus difficiles à cerner, reposent sur des considérations éthiques ou normatives. Les arguments utilisés pour étayer les unes et les autres se recoupent souvent.
Comprendre de façon précise les « problèmes » de la publicité soulevés par ces critiques requiert une compréhension de ces arguments, et une délimitation première des critiques concernant des défauts factuels en fonction des principaux aspects évoqués : allocation des ressources, structures de marché, prospérité économique, politiques de silisation économique.

■ La publicité est inutile et dangereuse pour la compétition
La plupart des critiques économiques de la publicité publiées ces dernières années se sont focalisées sur les problèmes de gaspillage et d'inefficacité. Et n'ont fait que révéler un peu plus avant que les économistes ont toujours été à l'avant-garde de ceux qui ont souligné le caractère superfétatoire de la publicité3.
La base essentielle de ces critiques réside dans l'acceptation quasi unanime des conclusions susceptibles d'être tirées du modèle statique de la compétition parfaite, par rapport auxquelles la publicité ne peut qu'être considérée comme inutile. Dans ce modèle, proé au début de ce siècle par l'économiste de Cambridge Alfred Marshall4, l'équilibre à long terme repose sur une égalité entre les prix de marché et les coûts moyens et marginaux de production, un taux « optimum » de production, et une absence bénigne de profits économiques (parfois appelés rente économique). Les produits en un tel cadre sont homogènes, et vu le statisme — et vu le fait que les consommateurs sont censés être parfaitement informés au départ, la publicité ne peut avoir de rôle (dans le modèle stricto sensu, la publicité ne peut avoir, à la rigueur, un rôle d'information que concernant les prix). La compétition, elle, peut permettre tout à la fois l'efficacité et le bien-être économique maximum, sans recours à aucune actité publicitaire.


Le développement de ce qui n'a pas de rôle conduit au « gaspillage » et à l' « inefficacité ». Le gaspillage et l'inefficacité mêmes apparaissent comme des « problèmes » aux économistes qui se sont penchés ces dernières années sur la publicité.
Ceux qui ont énoncé cette sion de la publicité au début du siècle ont vu celle-ci réactivée et portée plus loin avec l'élaboration d'analyses plus réalistes de la compétition au cours des années trente. Tout en restant dans le cadre statique de la théorie de la compétition marshallienne, Chamberlin tenta alors en effet d'intégrer la publicité (« coûts de vente ») et la différenciation des produits dans l'analyse de la détermination de la valeur (prix) — tentative que nous exposerons en détail dans le chapitre 2.
Disons ici que dans son livre The Theory of Monopoliséc Compétition, Chamberlin affirmait que les coûts de vente peuvent être séparés des coûts de production et ouvrait ainsi la porte aux discours affirmant que les coûts de vente sont d'une certaine manière inutiles à la fourniture d'un bien5. Dans la conception moderne de la compétition en tant que processus — conception que nous examinerons plus loin lorsque nous analyserons la théorie statique de la compétition — la publicité se voit considérée à l'inverse comme un outil de la compétition.

■ La publicité crée de la concentration industrielle
C'est en 1950 que Nicolas Kaldor énonça la thèse qui sert de titre à cette section. La publicité, écrivait-il, accroit la concentration du marché. Kaldor analysait que, dans les batailles entre entreprises cherchant à accroitre la demande pour leurs produits, « les grandes entreprises sont à même de gagner aux dépens des petites »6. Dans la mesure où les entreprises qui réussissent à élir une forte préférence de marque pour leurs produits (et qui, en conséquence, accroissent leurs ventes) sont en meilleure position pour accroitre leurs dépenses de publicité, et donc pour faire des ventes supplémentaires, poursuivait-il, l'on pourra découvrir que, « lorsque les dépenses de publicité pour un groupe de produits se seront silisées, les ventes se seront concentrées sur un nombre plus restreint d'entreprises, et la taille des entreprises prédominantes se sera accrue ».
Considérées sous cette incidence, les camnes publicitaires apparaissaient comme conduisant à un plus grand pouvoir sur le marché, et les dépenses qu'elles impliquaient apparaissaient jouer globalement un rôle de limitation des entrées dans les secteurs de production concernés. La question de la publicité en tant que telle se trouvait considérée comme un fragment de la question plus large du pouvoir d'intervenir sur le marché, par rapport à laquelle les économies rendues possibles par la production à grande échelle — coût à l'unité déclinant à mesure que la production de l'entreprise s'accroit — jouent un rôle crucial.
La thèse de Kaldor est si importante par rapport à ce que nous entendons exposer plus loin qu'il nous faut l'expliciter un peu plus. Dans des conditions de revenu à l'échelle constant ou décroissant, les dépenses publicitaires, nous dit-elle, tout en accroissant les coûts de production, pourraient fort bien contribuer à intensifier les profits — en limitant la liberté d'entrée sur le marché et en accroissant la latitude de fixation de ses prix par le monopoliste. Qui plus est, nous dit-elle toujours, il n'est en aucune façon assuré que, dans un contexte de revenu à l'échelle croissant (coûts à l'unité déclinants), les consommateurs auraient la possibilité de bénéficier des économies de coûts permises par l'accroissement de production dû à la publicité.
Les consommateurs, selon la thèse de Kaldor, pourraient se voir forcés de payer un prix plus élevé à cause d'un accroissement du pouvoir de monopole créé par le pouvoir de monopole lui-même. La publicité pourrait être dès lors non seulement un facteur d'accroissement de la concentration du marché, mais aussi un facteur de mauvaise allocation des ressources. Et les problèmes économiques et les coûts associés aux structures monopolistiques pourraient depuis là, tout autant que les bénéfices réalisés par ces structures, lui être attribués.
Malgré l'existence de défenseurs de la publicité au début des années soixante (principalement des publicitaires professionnels), ce n'est pas avant le début des années soixante-dix que les économistes ont commencé à mettre à l'épreuve la plausibilité de ce qui était ainsi avancé théoriquement et à tester les relations publicité-concentration et publicité-profiilité que Kaldor avait énoncées. Depuis lors, ces relations sont néanmoins devenues l'un des objets, sinon /'objet de recherche empirique majeur pour les économistes travaillant sur l'organisation industrielle et la structure du marché. (Notre analyse de tout cela se trouve dans les chapitres 5 et 6).
Un autre arguement macroéconomique important concernant la publicité doit, cela dit, être cité ici.

■ La publicité crée une « demande de masse » et doit être régulée contre-cycliquement
Une autre critique de la publicité — située sur un macroéconomique — consiste à dire que celle-ci exerce une influence positive sur la demande globale. La hèse — sous-jacente — selon laquelle la publicité peut affecter les cycles de dépense et d'épargne a été énoncée pour la première fois en 1940, lorsque l'économie keynesienne est venue occuper le devant de la scène, et la suite logique de cette thèse — l'idée qu'une régulation contre-cyclique des dépenses de publicité pourrait contribuer au maintien de la silité économique, a été exprimée, elle, une trentaine d'années plus tard par l'économiste keynésien Aln Hansen.
Dès lors que, d'une façon générale, les hommes d'affaires conçoi-vent leurs dépenses de publicité en fonction du niveau des ventes passées, le fait que les fluctuations des dépenses de publicité accomnent les fluctuations du cycle économique ne peut être mis en doute. Cependant, soutenir que la publicité est un élément déterminant ou une « cause » dans les cycles économiques (récession et inflation) impliquerait de montrer que la publicité affecte la demande de consommation globale existant en accroissant la propension à consommer — et donc en créant de la demande.
Autrement dit, ce ne serait que si des modifications dans les dépenses de publicité faisaient baisser l'épargne pendant l'essor du cycle économique et accroissaient l'épargne lorsque le cycle décline que l'on pourrait dire que les dépenses de publicité procycliques contrôlent, dans une certaine mesure, le cycle économique.
Comme pour ce qui concerne les relations publicité-concentration et publicité-profiilité, les économistes n'ont commencé à examiner de près tout cela que dans le cours des années soixante-soixante-dix. Nous reendrons sur ce point dans le chapitre 8 par les biais de l'examen de propositions de régulation à fondements macroéconomiques (politiques de taxation de la publicité).

■ La publicité est immorale et trompeuse
Les économistes ne sont pas les seuls à dénoncer l'actité publicitaire. Les sociologues se sont fait entendre eux aussi sur le sujet, et ont condamné — à leur manière — la publicité en tant que source de gaspillage, de fraude et de mauvaise allocation des ressources. Ces condamnations ont débouché sur des affirmations normatives qu'il est difficile, pour des économistes, d'évaluer. Condamnations et affirmations seront analysées elles aussi, sous l'angle des menaces qu'elles font peser sur la liberté de parole et la liberté d'entreprendre, dans le chapitre 8. Nous prendrons néanmoins en considération ici, d'une manière préliminaire, quelques-unes d'entre elles.


Un premier groupe de condamnations s'appuie sur cette idée, très répandue, selon laquelle les mécanismes de marché sont incapables par eux-mêmes de contrôler le caractère potentiellement nocif, dangereux ou délétère des produits. La publicité est, dans le cadre de cette idée, considérée comme ayant une responsabilité majeure dans la proation de produits « négatifs », considération qui a, elle-même, de nombreuses facettes.
La plus importante de ces facettes est constituée par la thèse selon laquelle la publicité est trompeuse, et les publicitaires capables de tromper sans répit, ni failles, les consommateurs sur la nature des produits qui leur sont proposés. Les consommateurs, dans les limites de cette thèse, sont, il faut le noter, estimés susceptibles de continuer à consommer aveuglément des produits négatifs après qu'ils ont pu découvrir leur caratère négatif. Postulat qui peut très facilement se trouver remis en question pour peu que l'on recoure à une position néo-classique. A quoi l'on pourrait ajouter qu'en pratique les consommateurs ne conti-nueront pas, selon toute vraisemblance, à acheter des marchandises qui diminuent leur bien-être. Vu la reconnaissance accordée assez largement sur ces s au rôle du marché et de l'autorégulation effective des forces le constituant, la publicité a dans l'ensemble, malgré quelques tentatives pour aller dans ce sens, échappé à une réglementation par les autorités gouvernementales reposant sur une thèse de cet ordre.
Un second groupe de condamnations est plus difficile encore à défendre. Dans la mesure où l'information, disent certains, peut être considérée comme une marchandise produite dans des conditions de coût croissant, les consommateurs peuvent être considérés comme n'ayant ni la capacité ni le désir d'investir dans l'achat de produits d'information. L'on a là la justification de textes législatifs fédéraux américains tels que le Pure Food and Drugs Act promulgué en 1906. Les consommateurs, selon les défenseurs de l'Act, doivent être protégés par décision administrative contre la nourriture avariée et les médicaments dangereux. Ce qui est présent implicitement en des assertions de cet ordre est la présupposition que la régulation étatique et administrative est un moyen meilleur et moins coûteux pour protéger les consommateurs. Deux facteurs importants sont pourtant ignorés : 1) le rôle effectif que joue le marché, divers impératifs de fiabilité légale donnés, pour offrir et mettre en circulation des informations concernant un ensemble large de produits et 2) le fait qu'un tribunal administratif régissant la production n'est pas obligatoirement fiable et impartial lorsqu'il prend la décision de mettre ou de ne pas mettre des produits sur le marché.
La Food and Drugs Administration, ainsi, est loin d'avoir toujours réussi à exclure du marché les produits dangereux. Il est par ailleurs notoire qu'elle a, sans motif valable, retiré du marché des médicaments aux effets bénéfiques prouvés.
Ces points suffiraient à montrer que la question n'est pas de savoir si une information doit être fournie aux consommateurs. Mais qu'elle est plutôt de savoir où se situent la plus grande efficacité et les meilleures conditions d'élévation du niveau de e : du côté du gouvernement et de la régulation, ou du côté du marché et des obligations légales liées aux transactions qui s'y opèrent.
Un troisième groupe de condamnation correspond aux critiques de type normatif. Ce groupe découle essentiellement du rejet galbrai-thien de la société de consommation et de l'argument corollaire selon lequel « certaines choses sont mauvaises pour les autres ». Dans son livre Affluent Society (1958), John Kenneth Galbraith soutenait que les consommateurs dans une société devraient consommer (par exemple) moins de voitures de luxe et plus d'éducation, moins de marchandises produites par le secteur privé, et plus de marchandises produites par le secteur public. Une justification de la régulation de la publicité en découlait logiquement dans la mesure où, écrivait Galbraith, « la publicité concerne essentiellement les marchandises provenant du secteur privé ».
Des arguments de cet ordre ont été utilisés récemment par des organisations et des groupes de pression demandant que soit promulguée une réglementation internationale destinée à interdire à certaines grandes entreprises de recourir, dans les pays en voie de développement, à des annonces publicitaires concernant le lait de substitution (voir chapitre 8). Des arguments proches ont été utilisés parallèlement par ceux qui ont proposé une réglementation internationale du même type concernant la publicité pour les boissons non alcoolisées dans ces mêmes pays,1 Des positions telles que celles-ci ne sont pas basées sur les dangers potentiels inhérents aux marchandises elles-mêmes. Elles reposent plutôt sur une idée selon laquelle le libre choix de l'indidu peut conduire les mères à moins nourrir les enfants au sein, et les autres membres des sociétés concernées à consommer plus de boissons non alcoolisées, au détriment d'autre marchandises. Les tenants de ces positions considèrent que, dans la mesure où de tels choix sont « mauvais », les hommes ne doivent pas être autorisés à les faire, et la publicité — comme la liberté de parole — doivent être soumises à réglementation.
Il n'existe, précisons-le, pas de données tangibles suggérant que le lait de substitution par lui-même accroit le taux de mortalité infantile dans les pays en voie de développement.
Les condamnations normatives de la publicité peuvent sur ces bases apparaitre être essentiellement des vecteurs d'impulsion de structures sociales paternalistes et des leers de renforcement de l'interventionnisme — dans les pays pauvres comme, même si c'est à un moindre degré, dans les pays développés.
Leur apparence « éthique » peut se trouver remise en question elle aussi si l'on recourt aux conceptions néo-classiques et à leurs développements récents dans le domaine du coût de l'information. Elle doit être interrogée en outre sous l'incidence des idées de liberté de parole, de liberté politique et de liberté économique, idées que l'on retrouvera tout au long de ce livre.


Conclusion


Ce chapitre nous a permis d'analyser brièvement'la genèse de la publicité en tant qu'actité économique, le rôle — croissant — que celle-ci joue dans les économies du monde contemporain, et la nature de quelques-unes des critiques les plus couramment émises aujourd'hui à son sujet. Les chapitres suivants nous permettrons de procéder à un examen plus fouillé de ces différents objets. Il nous faut souligner ici cependant que, en tant qu'économistes, nous sommes principalement concernés par l'impact de la publicité dans le cadre plus large de l'industrie et de la structure de marché, et non par les effets que celle-ci peut avoir sur les entreprises fonctionnant dans la réalité.
Quand bien même la publicité telle qu'elle ent s'insérer dans les stratégies de vente est un objet d'analyse légitime et important, cet objet relève du marketing. Les économistes ont toujours travaillé beaucoup plus sur les effets sociaux de la publicité — allocations globales des ressources, effets sur le bien-être des consommateurs — que sur le fait bien connu que la publicité peut accroitre les ressources ou le profit d'une entreprise donnée.
Ce livre constitue en ce sens une approche de l'actité publicitaire sous un angle strictement économique. Nous commençons cette approche économique à proprement parler dans le chapitre 2.





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