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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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DÉclaration des droits de l'homme et du citoyen

DÉclaration des droits de l'homme et du citoyen
Les représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs deirs; afin que les actes du pouir législatif et ceux du pouir exécutif, pouvant être à chaque instant és avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des Citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontesles, tournent toujours au maintien de la Constitution, et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnait et déclare, en présence et sous les auspices de l'Être suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.
488. En la forme, l'idée de disposer d'une déclaration des droits n'était pas nouvelle. Un siècle plus tôt, en 1689, l'Angleterre s'était dotée de son Bill of Rights. Plus récemment, la formule avait été mise en ouvre de l'autre côté de l'Atlantique. Avant même la déclaration d'indépendance du 4 juillet 1776, certains États avaient adopté des déclarations, proclamant des droits que l'Angleterre déniait, abusivement à leurs yeux, aux colons d'Amérique. Le plus significatif de ces textes était celui de la déclaration de l'État de Virginie, du 12 juin 1776, dû pour l'essentiel à la plume de Jefferson.
En France, c'est Mounier qui, dès le 9 juillet 1789, reprenant une idée avancée par certains cahiers de doléances, affirme qu'il faut « pour préparer une Constitution, connaitre les droits que la justice naturelle accorde à tous les individus, il faut rappeler les principes qui doivent former la base de toute espèce de société, et que chaque article de la Constitution puisse être la conséquence d'un principe ». Très vite, l'Assemblée sera saisie de plusieurs dizaines de projets. Les tentatives de synthèse se révéleront vaines, et ce seront finalement les députés eux-mêmes, près de 1200, qui, au cours de longues séances enthousiastes et passionnées, élaboreront le texte, article après article, phrase après phrase, sur la base d'un projet initial (celui dit du sixième bureau) dont la médiocrité relative explique qu'il n'en soit pas resté grand-chose. Le préambule est, quasi intégralement, repris de la proposition du Comité des Cinq, présidé par Mirabeau, dont le reste n'avait pourtant pas été retenu. Plusieurs éléments méritent de retenir l'attention, qui, presque tous, se situent dans le prolongement des principes que Mounier avait énoncés dès le 9 juillet.
489. La Déclaration, en premier lieu, a une cation universelle. Elle n'est pas destinée à régir le peuple français, en 1789, mais concerne tous les hommes, en tout temps et tout lieu. On peut railler l'outrecuidante prétention de quelques centaines d'élus nationaux à légiférer pour le monde entier. Mais on peut préférer y ir un trait majeur du génie propre de la France, qui n'est vraiment elle-même que quand elle se soucie de l'universel.
La Déclaration, en deuxième lieu, n'invente pas les droits, elle les reconnait. Ils sont naturels, liés à l'existence même de l'homme, et le rôle de qui les proclame est simplement de garantir ce qui doit être, de sorte que cela ne puisse plus risquer « l'ignorance, l'oubli ou le mépris ».
La nature elle-même, en troisième lieu, a cependant un créateur dénommé l'Être suprême, formulation prudente qui respecte la foi chrétienne, satisfait au déisme ambiant, n'insulte pas à l'athéisme éventuel et, accessoirement, donne à la Déclaration ce qu'il faut de sacré, que la sanction royale, au demeurant incertaine, ne suffirait plus à apporter.
C'est à une courte majorité, enfin, que l'Assemblée a décidé de s'en tenir aux droits, non qu'elle fût sans égard pour les deirs, mais parce que ceux-ci, au-delà de ceux d'entre eux qu'impose nécessairement le respect des droits d'autrui, lui ont semblé relever d'une logique distincte, sans doute moins naturelle.
Finalement, le but, contre toute attente raisonnable, a été atteint. La vigueur de la pensée, produit de plusieurs siècles de philosophie et plusieurs décennies de Lumières, la clarté et la sobriété du style, fruit de débats ouverts entre rédacteurs désireux d'être compris de tous, et jusqu'à l'anonymat de la paternité, qui prémunit contre le possible discrédit ultérieur d'un auteur identifié, tout cela s'est conjugué pour donner à ce texte un retentissement mondial et une actualité sans cesse renouvelée. Les principes qu'elle contient situent l'étiage de la démocratie : au-delà de cet incompressible minimum, on discute ; en deçà, on combat.

Article premier
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
490. Malgré l'ordre que l'article premier donne aux deux termes, il faut se rendre aux arguments du doyen Vedel et considérer avec lui que l'égalité précède la liberté : « L'égalité, c'est l'homme même; elle identifie l'homme []. Si l'on peut dire que tous les hommes sont égaux, à l'inverse tous les égaux sont des hommes, car si un homme refuse à un autre la qualité d'égal [], il lui refuse la qualité d'homme []. L'égalité est non un droit naturel mais le fondement même de tout droit naturel, car il n'y a plus de droit naturel si les hommes ne sont pas égaux entre eux, autrement dit si les hommes n'existent pas » («L'égalité», La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, Paris, La Documentation française, 1990, p. 172-l73). Le constituant de 1958 a dû en être bien convaincu, qui n'a fait, dans l'article premier, aucune référence explicite à la liberté, mais a réaffirmé l'égalité (supra, 10).
Les plus ingénieux peuvent même trouver là, dès le troisième mot, un fondement à l'objectif de parité : lorsqu'il est dit que les hommes naissent, ils le font toujours en dernière analyse, quelques progrès que la médecine ait faits, d'un homme et d'une femme qui, dès lors, n'appartiennent pas à des « catégories », mais sont, à la fois ensemble et distinctement, la source unique de l'humanité même.


Article II

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
491. Comme le précédent, cet article énumère des principes que la suite détaille et met en oeuvre. L'absence de l'égalité n'est fortuite ni gênante compte tenu de ce qui en a été dit ci-dessus.
Les quatre droits énoncés nt deux par deux. Dans un premier appariement, Jean Carbonnier considère que liberté et propriété sont les finalités ultimes, que sûreté et résistance à l'oppression permettent d'atteindre ou de retrouver. On peut aussi, prenant en considération non plus la substance mais la nature de ces buts, les accoupler autrement, en observant que deux d'entre eux - liberté et résistance à l'oppression - se définissent négativement, et les deux autres -propriété et sûreté - positivement.
Il est de l'essence même de la liberté que d'être incompatible avec une définition positive préalable. Parce que la liberté est la règle, seules peuvent être prévues les exceptions, lorsque leur absence, comme il est dit à l'article IV, pourrait nuire à autrui. De la même manière, l'oppression, qui légitime la résistance, se caractérise négativement par la méconnaissance des droits de l'homme et du citoyen. L'article VII, qui envisage ses manifestations pénales, les plus plausibles, préit aussi de les punir. Et si les articles 432-4 à 432-9 du nouveau Code pénal répriment effectivement les abus d'autorité, les articles 433-6 à 433-l0 sanctionnent très durement la rébellion, définie dans des termes qui rendent la soumission à l'autorité, même abusive et quitte ensuite à la poursuivre comme telle, plus prudente que le refus d'obtempérer a priori à une injonction, même manifestement illégale.
La propriété est définie positivement, au contraire, par l'article 544 du Code civil et protégée sérieusement par celui-ci, épaulé quand nécessaire par l'article XVTI de la Déclaration. Quant à la sûreté, elle peut s'interpréter de diverses manières, dans la mesure où la Déclaration de 1789, contrairement à celle de 1793, ne la précise pas. Il peut s'agir d'une protection limitée à l'arrestation ou à la détention arbitraire. Il peut également s'agir d'un droit à l'ordre public, assurant la sécurité des biens et des personnes. Il peut s'agir enfin, plus globalement, d'une sécurité juridique, par laquelle chacun sait, à tout moment et sans conteste, ce qu'il est en droit de faire ou non. La première conception est restrictive, redondante avec les autres principes du droit répressif, également contenus dans la Déclaration de 1789, et que la sûreté n'enrichirait pas si elle se bornait à en être le résumé. La deuxième conception, qui séduit les régimes à tentations autoritaires, sous-entend sûreté publique, et elle devient alors le prétexte à toutes sortes d'atteintes à la liberté individuelle. La troisième conception, qu'on peut rattacher à l'évidente nécessité de la garantie des droits, mentionnée à l'article XVI, serait plus satisfaisante. Le Conseil constitutionnel semble réticent à la faire pénétrer, telle quelle, dans le droit positif, mais une décision récente (98-404 DC), en limitant très sensiblement le pouir parlementaire d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, vise, sur le fond, à aboutir au même résultat.
Par ailleurs, le Conseil n'hésite pas à faire appel à l'article II, comme une sorte à'a fortiori, lorsque est en cause l'un des droits qu'il proclame (par exemple, 81-l32 DC).


Article III

Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
492. En 1789, la souveraineté est purement nationale. Elle sera matinée de populaire dans la Constitution de 1958 (supra, article 3), mais le principe demeure. Il a pour premier effet d'interdire que la souveraineté puisse être infranationale (la France ne peut se transformer en fédération - supra, 433) ou supranationale (la France ne peut se transformer en entité fédérée - supra, 460). Si l'article III entraine de nombreuses autres conséquences, qui s'égrènent dans les décisions du Conseil constitutionnel, il fixe également la place de ce dernier, l'amène sagement à s'autolimiter, en ne prétendant pas exercer un pouir d'appréciation égal à celui du Parlement.


Article IV

La liberté consiste à pouir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être fixées que par la Loi.
493. Dans le trou du souffleur, Montesquieu et Rousseau ont ici cédé la place à Emmanuel Kant : le cercle de la liberté individuelle s'arrête au cercle de la liberté d'autrui. Mais l'article, d'un point de vue opérationnel, vaut avant tout par l'attribution de compétences. C'est la loi qui fixe les bornes. Elle seule peut le faire. Elle doit le faire sans que ces bornes soient si étroitement définies qu'elles portent à la liberté des atteintes excessives (supra, 377), mais elle doit le faire elle-même et complètement, sans jamais s'en remettre à autrui de ce soin (supra, 225, 376).


Article V

La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.
494. Ainsi est permis tout ce qui n'est pas expressément interdit, et l'on ne peut interdire n'importe quoi. Toutefois, une élution récente a conduit un législateur paternel à considérer qu'est nuisible à la société tout ce qui peut nuire à n'importe lequel de ses membres. De là une immixtion de plus en plus fréquente dans ce qui relevait de la sphère des comportements individuels - port du casque ou de la ceinture de sécurité, consommation de ac ou d'alcool -, et le moment n'est peut-être pas éloigné où, sida aidant, la loi prétendra pénétrer dans les alcôves.


Article VI

La Loi est l'expression de la lonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, toutes places ou emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
495. Finalement, c'est la Ve République qui a donné son vérile sens à la première phrase, en mettant durablement le peuple, par le référendum, sur le même que ses représentants (supra, article 11). La deuxième n'ajoute pas vraiment à ce qui ure déjà dans l'article premier de la Déclaration. La troisième phrase est celle qui a substitué la méritocratie à l'aristocratie. Vraie rélution, rélution jamais achevée.
Si, aujourd'hui, elle justifie le contrôle vigilant que le Conseil constitutionnel exerce en matière de droit de la fonction publique, en revanche, elle ne suffit pas à faire échec à des nominations (supra, article 13) fondées plus sur la faveur politique que sur les vertus et talents. En écartant ceux qui pourraient air des sympathies pour l'opposition, afin de ne confier les taches de direction qu'à des amis, les membres du gouvernement cherchent à se rassurer. C'est illusoire. Il n'y a pas de hauts fonctionnaires désobéissants, il n'y a que des ministres qui ne savent pas commander.

Article VII
Nul ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis; mais tout Citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.
496. C'est la base même de tout droit pénal démocratique qui est ici posée. Le principe de légalité des infractions, et des peines qui leur sont applicables, définit a contrario l'arbitraire et préit sa sanction. Les lettres de cachet ne peuvent ressusciter, par lesquelles l'autorité royale embastillait qui lui déplaisait trop. Nul ne peut se ir imputer un délit inventé pour les besoins de la cause, Il doit air été défini, de préférence par la loi, de préférence avec précision. Et les règles ainsi posées excèdent le champ du seul droit pénal pour s'étendre, logiquement, à toute législation répressive. Même lorsqu'il arrive que les peines soient seules réellement déterminées (traduction en Haute Cour pour le président de la République, sanctions disciplinaires pour les fonctionnaires), les infractions le sont aussi, en réalité, même si leur nature contraint à ne le faire que sommairement (haute trahison du chef de l'État ou manquement à ses obligations d'un fonctionnaire).
Les ordres arbitraires doivent être punis mais, contrairement à ce qui est écrit à l'article IX, il n'est pas précisé que ce doive être sévèrement. Est-ce à cette omission regretle qu'on doit attribuer la chronique des bavures ?


Article VIII

La Loi ne doit élir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi élie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
497. La nécessité des peines est affaire d'appréciation et le législateur de PAlabama n'a pas jugé mauvais de recréer les travaux forcés, pour des détenus de surcroit enchainés ! Sans doute la reconnaissance récente du principe de valeur constitutionnelle de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation (94-343-344 DC) interdirait en France une telle régression, si la tentation devait en saisir un Parlement qui s'oublierait. 11 demeure, si la stricte et évidente nécessité est celle que le législateur qualifie telle, que l'article VIII impose à son imagination répressive des limites lointaines, mais néanmoins réelles. C'est ce que l'on appelle le principe de proportionnalité, qui doit être respecté, entre la gravité de l'infraction et celle de sa sanction (par exemple 93-321 DC).
Quant au principe de non-rétroactivité, indispensable à la sûreté dans quelque acception qu'on lui donne, il interdit que quiconque puisse être poursuivi et condamné, ou l'être plus gravement, en application d'une loi intervenue postérieurement aux faits. Ce principe n'est pas général. Toute disposition rétroactive n'est pas, ipso facto, inconstitutionnelle. Seule est interdite la rétroactivité de dispositions (pas seulement législatives) répressives (pas seulement pénales, mais aussi disciplinaires, fiscales) de fond (par opposition à celles purement procédurales, réputées neutres) plus sévères (celles moins sévères s'appliquent rétroactivement puisque, par définition, la sévérité antérieure a cessé d'être considérée comme nécessaire).

Article IX
Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la Loi.
498. Ici se mêlent le fond et la forme. La forme, c'est celle que doit revêtir l'arrestation, qui exclut toute violence, tant au moment où il y est procédé qu'ensuite. Le fond, c'est la présomption d'innocence. Certaines de ses conséquences sont pratiques. D'autres demeurent théoriques.
Au nombre des conséquences pratiques, on peut ranger, quoique le Conseil constitutionnel ne le fasse pas, la garantie de l'ensemble des droits de la défense. Il n'est pas abusif de considérer en effet que c'est parce qu'il est accusé que l'intéressé a besoin de se défendre, et que c'est parce qu'il est présumé innocent qu'il doit détenir tous les moyens (accès au dossier, droit de parole, ministère d'acat) de répondre efficacement à ses accusateurs.
Cela dit, la présomption d'innocence oscille entre deux excès contraires. D'un côté, elle est inquée comme une sorte d'absolu, alors pourtant qu'elle n'est que relative, et disparait au moins dans tous les cas, de loin les plus nombreux, où l'intéressé ne conteste ni les faits ni sa responsabilité. Dans les autres situations, une tendance abusive s'est développée à confondre présomption d'innocence et innocence : au nom de la première, on prétend interdire, notamment à la presse, de douter de la seconde, lors même qu'elle est plus que suspecte. Dès lors, le principe, présent en 1789 comme une incidente simplement destinée à exclure les mauvais traitements, est devenu un paravent à l'abri duquel ceux qui ont commis des fautes défendent un semblant de respecilité et continuent d'exercer des fonctions jusqu'à épuisement, des années plus tard, de toutes les ies de recours (quoique déjà condamné en première instance et en appel, Alain Carignon est resté, en prison, président du Conseil général de l'Isère jusqu'au rejet de son pouri en cassation !).
D'un autre côté, exactement opposé, la présomption d'innocence cède fréquemment le pas devant la religion de l'aveu. C'est lui que trop souvent le judiciaire recherche, de préférence à la vérité, moins commode à élir. Non seulement c'est pernicieux en soi, trompeur à l'occasion, mais encore cela conduit à une utilisation abusive de la détention provisoire. Où le Code de procédure pénale définit limitati-vement, dans son article 144, les cas dans lesquels cette grave décision peut être prise, il arrive qu'il en soit fait usage, de manière pratiquement explicite, pour rafraichir la mémoire d'un suspect, l'inciter à l'aveu. C'est alors tout ensemble la négation de la présomption d'innocence et le rélissement de la question, sous une forme que n'a adoucie, sur un principe inchangé, que la substitution de la cellule au chevalet. La réforme législative en cours d'examen pourra, enfin, y remédier. Peut-être.


Article X

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public éli par la Loi.
499. La liberté d'opinion est générale. On l'appelle aujourd'hui liberté de conscience, ce qui atteste l'immodestie des juristes modernes. La conscience a toujours été libre, non parce qu'il plaisait au pouir qu'elle le fût, mais parce que pas plus hier qu'aujourd'hui il ne pouvait sonder les ames et débusquer le délit qu'il eût aimé sanctionner. La conscience est une zone de non-droit. La toiture même ne pouvait y donner qu'un accès aléatoire et controuvé.
Tout autre est le cas de l'opinion qui ne devient telle que quand on la professe, mais retrouve l'abri de la conscience dès qu'on la garde pour soi. Chacun peut donc manifester celle de son choix, et cette affirmation ne fait pas double emploi avec l'article suivant, puisqu'il est des convictions qui peuvent se passer de parole, d'écriture ou d'imprimerie. Prier, ou ne pas prier, participer, ou non, à une procession, c'était, dès 1789, l'expression d'une opinion, même religieuse, comme le dit drôlement l'article X, et elle devait bénéficier d'un régime de liberté. Comme à l'accoutumée, la loi reçoit compétence pour lui fixer des limites, celles-là seules qu'exigerait la sauvegarde de l'ordre public qu'il lui revient de définir.

Article XI
La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.
500. Les médias ont changé, pas les principes. L'orateur juché sur des tréteaux, sans micro ni relais, sans autre vecteur que sa ix, éprouvait un besoin de liberté en tous points égal à celui du locuteur audiovisuel. Le nombre de ceux qui pouvaient lire était inablement moindre, mais cette différence quantitative est sans effet sur le droit de celui qui écrit. Le papier, enfin, épuisait l'impression, qui se prête désormais à d'autres supports, dont le Celluloïd cinématographique, sans que cela puisse altérer le libre choix de qui les utilise. La Déclaration de 1789 s'est souciée de principes. Techniques et lumes n'étaient pas son affaire (par extension, et quoique la Rélution les ait omis, on peut sans doute ajouter, aux pensées et opinions, les sentiments, également dignes de communication, et étendre à toutes les formes d'expression, notamment plastiques, la liberté consacrée au profit de la parole, l'écriture et l'imprimerie).
Mais en faisant de cette libre communication un des droits les plus précieux de l'homme, elle invitait à entourer sa protection d'une vigilance particulière. Ainsi le Conseil a pu en déduire que cette liberté profitait non seulement aux émetteurs, mais encore aux destinataires, c'est-à-dire au public, qui y a trouvé, entre autres choses, le fondement d'un droit au pluralisme - le but - et à la transparence - l'un des moyens de l'atteindre.
Quant à la capacité de la loi à définir des abus, elle s'exerce normalement à la lumière de la définition que l'article IV donne de la liberté : l'usage de la liberté de communication ne peut devenir abusif que lorsqu'il entre en conflit avec d'autres exigences constitutionnellement protégées. C'est ce qui seul explique que certaines lois aient pu limiter la liberté d'expression, par exemple au nom du respect de la personne humaine (protection de la vie privée, répression du racisme ou de l'antisémitisme) ou de l'ordre ou la morale publics (législation sur la presse, protection de la jeunesse, réglementation des ouvres à caractère pornographique).
Ne répond pas à cette saine logique l'article 9 de la loi n° 90-615 du 13 juillet 1990, dite « loi Gayssot ». Pour lutter contre des thèses « révisionnistes », méprisables autant qu'infondées, il a fait entrer dans notre droit le précédent troublant d'une vérité officielle par détermination de la loi. Il est bien dommage que le Conseil constitutionnel n'en ait pas été saisi.


Article XII

La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
501. L'État, selon Max Weber, se caractérise par le monopole de la violence légitime. Lui seul peut être fondé à recourir à la force, à la coercition, et il lui faut pouir le faire afin d'assurer le respect effectif des droits de chacun et de tous contre celui qui y porterait, ou y aurait porté, atteinte. L'emploi de la force publique ne peut lui-même se faire que dans le respect du droit, et c'est le fait que l'État se plie à cette exigence qui définit justement ce qu'on appelle l'État de droit (par opposition à l'État de police, qui ne connait pas d'autre limite à sa lonté ou à son action que celle de ses forces). De plus, même quand elle est légalement prévue, l'exécution forcée ne doit intervenir « qu'en cas de nécessité » (79-l09 DC).
Quant à ceux auxquels est confiée la force publique, qu'elle soit civile ou militaire, tous sont soumis à une stricte subordination, à l'égard, selon les cas, du pouir politique ou de l'autorité judiciaire. Ils ne sont pas les maitres de leur propre puissance, qui n'est au plus qu'un mandat que leur délivre la Nation.

Article XIII
Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés.
502. La nécessité et la proportionnalité de l'impôt sont affirmées, sa progressivité n'est que déduite.
Parce que l'impôt est nécessaire, la recherche et la répression de la fraude fiscale le sont aussi, même si elles doivent évidemment respecter les libertés constitutionnellement protégées (83-l64 DC). La nécessité l'a également emporté sur son objet initial : elle n'est plus limitée à l'entretien de la force publique et aux dépenses d'administration mais peut s'étendre à l'ensemble des charges publiques, sous réserve des différences de nature qui les soumettent à différents régimes (impositions de toute nature, taxes parafiscales, redevances).
Quant à la rétroactivité éventuelle de la loi fiscale, le Conseil constitutionnel l'admet, sous réserve d'un examen, au cas par cas, pour vérifier qu'elle ne porte pas « une atteinte au droit de propriété qui serait contraire à la Constitution » (89-268 DC). Il fonde sa position en rappelant que la non-rétroactivité ne s'applique qu'en matière répressive. Il faut donc en déduire qu'à ses yeux, quoique obligatoire, le prélèvement est une satisfaction civique, au nom de laquelle le contribuable peut supporter l'augmentation a posteriori de sa contribution, même s'il a dépensé dans l'intervalle l'argent dont il croyait disposer. C'est une conception émouvante de l'impôt, mais une interprétation étroite du principe de sûreté. Elle vient heureusement d'éluer (supra, 491).
Quant à la progressivité, le juge l'apprécie positivement dans son principe (90-285 DC), mais se satisfait que ne soit pas remis « en cause le caractère progressif du montant de l'imposition globale » (93-320 DC), même si la progressivité disparait en partie de l'un des éléments importants, la CSG en l'occurrence, de cette imposition globale.


Article XIV

Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.
503. «No représentation, no taxation » : c'est au nom de cette exigence que les treize colonies sont entrées en rébellion, d'abord fiscale, contre l'Angleterre, rébellion qui allait donner naissance aux Etats-Unis d'Amérique. Quelques années plus tard, des causes similaires ont joué un rôle essentiel dans l'effervescence d'où allait sortir la Rélution française. Ce n'est pas le principe de l'impôt qui est contesté, comme l'atteste l'article précédent, c'est le droit d'y consentir qui est exigé. Historiquement, il n'a pas été un principe démocratique parmi les autres, il a été celui qui a donné naissance à la démocratie elle-même.
La Constitution le met directement en ouvre (supra, article 47), et s'il est vrai qu'aucun référendum fiscal n'a été organisé à ce jour, au moins les représentants des citoyens, l'Assemblée nationale ici, sont-ils dotés des moyens effectifs de décision et de contrôle qu'implique l'article XIV. Il est d'ailleurs significatif que l'article 42 de l'ordonnance organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 sur les lois de finances, qui restreint singulièrement le droit d'amendement en la matière, traite de façon privilégiée les initiatives destinées à « assurer le contrôle des dépenses publiques ». Et c'est aussi l'article XIV qui impose, ou au moins induit, les quatre principes fondamentaux du droit budgétaire (supra, 292).

Article XV
La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.
504. Point de responsabilité exercée sans responsabilité assumée. Le principe est sain, qu'ont mis en ouvre à titre principal, chacune dans son domaine, les juridictions administratives et financières. En amont de leur intervention, c'est aussi une exigence de bonne administration que celle qui impose inspections et contrôles sur les détenteurs de l'autorité, le tout étant couronné, en bonne logique démocratique, par la responsabilité politique du gouvernement, qui « dispose de l'administration et de la force armée » (supra, article 20). Il reste que peut être menaçante une conception abusive de ce droit de demander des comptes (supra, 420).

Article XVI
Toute Société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouirs déterminée, n'a point de Constitution.
505. Autant la littérature est abondante, passionnée, sur la séparation des pouirs depuis Montesquieu, autant la garantie des droits a excité moins de verve, lors même qu'on pourrait légitimement la considérer comme la fin, dont la séparation des pouirs ne serait que le moyen. C'est bien pour prévenir l'oppression qu'il faut que le pouir arrête le pouir.
Formellement, la garantie des droits se traduit par le principe de légalité, qui domine l'ensemble des activités publiques et, pour les personnes publiques comme pour les personnes privées, en amont par l'étendue des compétences législatives, en aval par l'existence même des ordres juridictionnels. Ce n'est pas rien. Mais la marge de progrès est encore vaste, qui permettrait de déduire de la garantie des droits une conception plus exigeante de la notion de sûreté (supra, article II).
C'est la Constitution elle-même qui met en ouvre le principe de séparation des pouirs. Au-delà de ce qu'elle préit expressément, le principe se décline également en un certain nombre de règles que le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de réaffirmer quand le besoin s'en est fait sentir. Ainsi, par exemple, celle qui interdit au législatif d'adresser des injonctions à l'exécutif (82-l42 DC), ou de censurer des décisions de justice (87-228 DC), ou encore de répartir de manière hasardeuse les compétences entre juridictions administratives et judiciaires (89-261 DC).
Quant à dénier l'existence d'une Constitution là où les droits ne sont pas garantis et les pouirs séparés, c'est ce qui disqualifie les constitutions antidémocratiques. Il y a là une contradiction dans les termes. Si les enseignants du droit constitutionnel ne l'ont pas toujours perçue, les constituants de 1789 ne s'y étaient pas trompés, eux, qui liaient la forme et la substance et dénonçaient par avance les impostures à venir. Une Constitution stalinienne est autant une Constitution qu'une démocratie populaire est une démocratie, pas même une contefaçon, un mensonge pur et simple, celui, ordinaire, que font les dictatures dans l'espoir, pas toujours vain malheureusement, d'attirer l'attention de quelques gogos.


Article XVII

La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.
506. C'est avant tout cet article qui a conduit le socialisme rélutionnaire du xixe siècle à ir dans la Déclaration de 1789 le palladium de la bourgeoisie : « La propriété, c'est le l » aux yeux de Proudhon, qui enrage de la ir proclamée sacrée, seule à l'être, qui plus est. Et, à sa suite, le marxisme se gaussera d'un texte qu'il juge moins dangereux que dérisoire parce qu'exposé au balai de l'histoire. C'est pourtant la propriété, son sens peut-être plus que son droit, qui a eu raison du marxisme. Et, chez nous, la France des petits propriétaires, fille du Code civil et de son héritage éga-litaire (ir Jean Carbonnier, « Le Code civil », Les Lieux de mémoire, t. II : La Nation, Paris, Gallimard, p. 293), lui a donné le maillage méticuleux des cadastres.
Mais la critique a été si durable et si vive qu'elle a même conduit le Conseil constitutionnel, peu coutumier du fait, à disserter pour considérer que «si, postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une élution caractérisée à la fois par une nole extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l'un des buts de la société politique et qui est mise au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique » (81-l32 DC).
La propriété, ainsi protégée, est à la fois immobilière et mobilière, privée, bien sûr, mais également publique (86-207 DC). Parce qu'elle fait partie des libertés individuelles (supra, article 66), l'autorité judiciaire se trouve compétente. Le droit de l'article XVII et la liberté de l'article IV, en s'accout, ont engendré une fille, la liberté d'entreprise, uée à rester mineure puisque, placée sous la tutelle étemelle de la loi, cette liberté seconde « n'est ni générale ni absolue ; [] il est loisible au législateur d'y apporter les limitations exigées par l'intérêt général, à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée » (90-283 DC).



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