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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Traité théologico-politique (i670)

Le chapitre XVI du Traité théologico-politique (1670) constitue un exposé, d'une particulière densité et d'une remarquable clarté, de l'ensemble des questions que rencontre une élaboration théorique du concept de droit : celles du droit naturel et du droit positif , celles de la souraineté, celles des principes de la législation propre A  une communauté politique instituée. Comme il le précise dans les premières phrases, Spinoza s'était employé dans les chapitres précédents A  discerner ce qui, touchant au problème politique, appartient A  la théologie : affranchie de la tutelle de l'autorité théologique, la libre réflexion philosophique peut élaborer une théorie des "principes de la communauté politique" soumise aux exigences de la seule rationalité.
Sans prétendre résumer ici les analyses de Spinoza ni mASme les thèses qu'il soutient, soulignons que l'une des questions majeures qui est examinée porte sur les rapports entre les sujets et l'Etat. Cette question qui sera reprise et déloppée dans le chapitre XX, est ainsi formulée : "Quelle devra AStre en pratique la conduite de l'individu, si la souraine Puissance lui donne un ordre en contradiction ac la religion et ac l'obéissance qu'il a promise A  Dieu aux termes d'un pacte exprès ? Devra-t-il se soumettre de préférence A  l'autorité divine ou A  l'autorité humaine ?" Conflit d'autorités donc, et plus largement définition d'un devoir d'obéissance A  l'autorité civile instituée et A  la loi. Or pour Spinoza l'enjeu de ce problème n'est autre que la liberté. Le risque est celui de la servitude lorsque l'individu est entrainé par les passions et cesse d'obéir A  la raison. "Si tous les hommes se laissaient guider par la raison, s'ils comprenaient que l'organisation d'une communauté politique représente un intérASt et une nécessité suprASmes, ils seraient unanimes A  dénoncer n'importe quelle forme de tromperie". En droit la souraine puissance ne saurait me commander d'agir contre les principes de la raison. Peut-elle rester l'autorité légitime sans risquer de se contredire ? Nous lui devons obéissance en tout dans la mesure où c'est la raison qui nous ordonne d'obéir. "Il est très rare que les souraines puissances donnent des ordres d'une extrASme absurdité, car, dans leur propre intérASt et afin de conserr leur pouvoir, il leur importe avant tout de iller au bien général et de fonder leur gournement sur des critères raisonnables".


CHAPITRE XVI

Des fondements de l'état ; du Droit tant naturel que civil de l'individu ; et du Droit du Sourain.
Jusqu'A  présent notre souci a été de séparer la Philosophie de la Théologie et de montrer la liberté de philosopher que la Théologie reconnait A  tous. Il est temps maintenant de nous demander jusqu'où doit s'étendre, dans l'état le meilleur, cette liberté laissée A  l'individu de penser et de dire ce qu'il pense. Pour examiner cette question ac méthode, il nous faut éclaircir la question des fondements de l'état et en premier lieu traiter du Droit Naturel de l'individu sans avoir égard pour commencer A  l'état et A  la Religion.
Par Droit et Institution de la Nature, je n'entends autre chose que les règles de la nature de chaque individu, règles suivant lesquelles nous concevons chaque AStre comme déterminé A  exister et A  se comporter d'une certaine manière. Par exemple les poissons sont déterminés par la Nature A  nager, les grands poissons A  manger les petits ; par suite les poissons jouissent de l'eau, et les grands mangent les petits, en rtu d'un droit naturel sourain. Il est certain en effet que la Nature considérée absolument a un droit sourain sur tout ce qui est en son pouvoir, c'est-A -dire que le Droit de la Nature s'étend aussi loin que s'étend sa puissance ; car la puissance de la Nature est la puissance mASme de Dieu qui a sur toutes choses un droit sourain. Mais la puissance unirselle de la Nature entière n'étant rien en dehors de la puissance de tous les individus pris ensemble, il suit de lA  que chaque individu a un droit sourain sur tout ce qui est en son pouvoir, autrement dit que le droit de chacun s'étend jusqu'où s'étend la puissance déterminée qui lui appartient. Et la loi suprASme de la Nature étant que chaque chose s'efforce de persévérer dans son état, autant qu'il est en elle, et cela sans tenir aucun compte d'aucune autre chose, mais seulement d'elle-mASme, il suit que chaque individu a un droit sourain de persévérer dans son état, c'est-A -dire (comme je l'ai dit) d'exister et de se comporter comme il est naturellement déterminé A  le faire. Nous ne reconnaissons ici nulle différence entre les hommes et les autres individus de la Nature, non plus qu'entre les hommes doués de Raison et les autres qui ignorent la vraie Raison ; entre les imbéciles, les déments et les gens sains d'esprit Tout ce que fait une chose agissant suivant les lois de la nature, en effet, elle le fait d'un droit sourain, puisqu'elle agit comme elle y est déterminée par la Nature et ne peut agir autrement. C'est pourquoi, parmi les hommes, aussi longtemps qu'on les considère comme vivant sous l'empire de la Nature seule, aussi bien celui qui n'a pas encore connaissance de la Raison, ou qui n'a pas encore l'état de rtu, vit en rtu d'un droit sourain, soumis aux seules lois de l'Appétit, que celui qui dirige sa vie suivant les lois de la Raison. C'est-A -dire, de mASme que le sage a un droit sourain de faire tout ce que la Raison commande, autrement dit, de vivre suivant les lois de la Raison, de mASme l'ignorant, et celui qui n'a aucune force morale, a un droit sourain de faire tout ce que persuade l'Appétit, autrement dit de vivre suivant les lois de l'Appétit. C'est la doctrine mASme de Paul qui ne reconnait pas de péché avant la loi, c'est-A -dire tant que les hommes sont considérés comme vivant sous l'empire de la Nature.
Le Droit Naturel de chaque homme se définit donc non par la saine Raison, mais par le désir et la puissance. Tous en effet ne sont pas déterminés naturellement A  se comporter suivant les règles et lois de la Raison ; tous au contraire naissent ignorants de toutes choses et, avant qu'ils puissent connaitre la vraie règle de vie et acquérir l'état de rtu, la plus grande partie de leur vie s'écoule, mASme s'ils ont été bien élevés ; et ils n'en sont pas moins tenus de vivre en attendant et de se conserr autant qu'il est en eux, c'est-A -dire par la seule impulsion de l'Appétit, puisque la Nature ne leur a donné rien d'autre et leur a renié la puissance actuelle de vivre suivant la droite raison ; ils ne sont donc pas plus tenus de vivre suivant les lois d'une ame saine que le chat suivant les lois de la nature du lion. Tout ce donc qu'un individu considéré comme soumis au seul empire de la Nature juge lui AStre utile, que ce soit sous la conduite de la droite Raison ou par la violence de ses Passions, il lui est loisible de l'appéter en rtu d'un Droit de Nature sourain et de s'en saisir par quelle voie que ce soit, par la force, par la ruse, par les prières, enfin par le moyen qui lui paraitra le plus facile ; conséquemment aussi de tenir pour ennemi celui qui ut l'empAScher de se satisfaire.
Il suit de lA  que le Droit et l'Institution de la Nature, sous lesquels tous naissent et vint la plus grande partie de leur existence, ne prohibe rien sinon ce que personne ne désire et ne peut ; ni les conflits, ni les haines, ni la colère, ni l'arsion, quel qu'en soit l'objet, qu'inspire l'Appétit. Rien de surprenant A  cela, car la Nature ne se limite pas aux lois de la Raison humaine dont l'unique objet est l'utilité vérile et la conservation des hommes ; elle en comprend une infinité d'autres qui se rapportent A  l'ordre éternel de la Nature entière dont l'homme est une petite partie ; et par la seule nécessité de cet ordre tous les AStres individuels sont déterminés A  exister et A  se comporter d'une certaine manière. Toutes les fois donc qu'une chose nous parait ridicule, absurde ou mauvaise dans la Nature, cela vient de ce que nous connaissons les choses en partie seulement et ignorons pour une grande part l'ordre et la cohésion de la Nature entière et voulons que tout soit dirigé au profit de notre Raison ; alors que ce que la Raison prononce AStre mauvais n'est pas mauvais au regard de l'ordre et des lois de toute la Nature, mais seulement au regard des lois de notre nature seule.
Il n'en est pas moins vrai, personne n'en peut douter, qu'il est de beaucoup plus utile aux hommes de vivre suivant les lois et les injonctions certaines de la Raison, lesquelles tendent uniquement, comme nous l'avons dit, A  ce qui est réellement utile aux hommes. En outre il n'est personne qui ne désire vivre A  l'abri de la crainte autant qu'il se peut, et cela est tout A  fait impossible aussi longtemps qu'il est loisible A  chacun de faire tout ce qui lui plait, et qu'il n'est pas reconnu A  la Raison plus de droits qu'A  la haine et A  la colère ; personne en effet ne vit sans angoisse parmi les inimitiés, les haines, la colère et les ruses, il n'est personne qui ne tache en conséquence d'y échapper autant qu'il est en lui. Que l'on considère encore que, s'ils ne s'entraident pas, les hommes vint très misérablement et que, s'ils ne cultint pas la Raison, ils restent asservis aux nécessités de la vie, comme nous l'avons montré au chapitre V, et l'on rra très clairement que pour vivre dans la sécurité et le mieux possible les hommes ont dû nécessairement aspirer A  s'unir en un corps et ont fait par lA  que le droit que chacun avait de Nature sur toutes choses appartint A  la collectivité et fût déterminé non plus par la force et l'appétit de l'individu mais par la puissance et la volonté de tous ensemble. Ils l'eussent cependant tenté en vain s'ils ne voulaient suivre d'autres conseils que ceux de l'appétit (en rtu de ses lois en effet chacun est entrainé dans un sens différent) ; il leur a donc fallu, par un élissement très ferme, connir de tout diriger suivant l'injonction de la Raison seule (A  laquelle nul n'ose contredire ourtement pour ne paraitre pas dément), de refréner l'Appétit, en tant qu'il pousse A  causer du dommage A  autrui, de ne faire A  personne ce qu'ils ne voudraient pas qui leur fût fait, et enfin de maintenir le droit d'autrui comme le sien propre. Suivant quelle condition faut-il que ce pacte soit conclu pour AStre solide, et garanti, c'est ce que nous allons voir. C'est, observons-le, une loi unirselle de la nature que nul ne renonce A  ce qu'il juge AStre bon, sinon par espoir d'un bien plus grand ou par crainte d'un dommage plus grand, ni n'accepte un mal, sinon pour éviter un mal pire ou par espoir d'un plus grand bien. C'est-A -dire chacun, de deux biens, choisira celui qu'il juge AStre le plus grand, et des deux maux celui qui paraitra le moindre. Je dis expressément celui qui au choix lui paraitra le plus grand ou le moindre ; je ne dis pas que la réalité soit nécessairement conforme A  son jugement. Et cette loi est si fermement écrite dans la nature humaine qu'on doit la ranger au nombre des vérités éternelles que nul ne peut ignorer. Elle a pour conséquence nécessaire que personne ne promettra sinon par ruse d'abandonner quelque chose du droit qu'il a sur tout, et que personne absolument ne tiendra la promesse qu'il a pu faire, sinon par crainte d'un mal plus grand ou espoir d'un plus grand bien. Pour le faire mieux entendre, supposons qu'un voleur me contraigne A  lui promettre de lui faire abandon de mes biens où il voudra. Puisque mon droit naturel est limité, comme je l'ai montré, par ma seule puissance, il est certain que, si je puis par ruse me libérer du voleur en lui promettant ce qu'il voudra, il m'est, par le Droit Naturel, loisible de la faire, autrement dit de conclure par ruse le pacte qu'il voudra. Ou bien supposons que, sans intention de fraude, j'ai promis A  quelqu'un de m'abstenir pendant vingt jours de pain et de tout aliment et qu'ensuite je voie que j'aie fait une promesse insensée et que je ne puis la tenir sans le plus grand dommage ; puisque, en rtu du Droit Naturel, de deux maux je suis tenu de choisir le moindre, je peux d'un droit sourain manquer de foi A  ce pacte et faire ce qui a été dit, soit comme s'il n'avait pas été dit. Et cela m'est loisible, dis-je, suivant le Droit Naturel, soit que, par une raison vraie et certaine, je voie que j'ai mal fait de promettre, soit que par une opinion je croie le voir : dans les deux cas, en effet, que je le voie vraiment ou faussement, je craindrai le plus grand mal et m'efforcerai par tout moyen de l'éviter, comme il est institué par la Nature. De lA  nous concluons que nul pacte ne peut avoir de force sinon pour la raison qu'il est utile, et que, levée l'utilité, le pacte est levé du mASme coup et demeure sans force ; un homme est insensé en conséquence de demander A  un autre d'engager sa foi pour l'éternité, s'il ne s'efforce en mASme temps de faire que la rupture du pacte entraine, pour celui qui l'a rompu, plus de dommage que de profit : c'est lA  un point d'importance capitale dans l'institution de l'Etat. Si maintenant tous les hommes se laissaient facilement conduire sous la seule conduite de la Raison et connaissaient la très grande utilité et la nécessité de l'état, il n'y en aurait aucun qui ne détestat la fourberie ; tous obserraient rigoureusement les pactes ac la plus entière fidélité, par désir de ce bien supérieur qu'est la conservation de l'Etat, et garderaient par-dessus tout la foi promise, ce rempart le plus fort de l'état. Mais il s'en faut de beaucoup que tous se laissent aisément conduire sous la seule conduite de la Raison ; chacun se laisse entrainer par son plaisir et le plus sount l'avarice, la gloire, l'envie, la haine, etc., occupent l'ame de telle sorte que la Raison n'y a plus aucune place. C'est pourquoi, alors mASme que les hommes donnent des marques certaines de la pureté de leurs intentions quand ils s'engagent, par des promesses et par des pactes, A  garder la foi jurée, personne cependant ne peut, A  moins qu'A  la promesse ne s'ajoute quelque autre chose, se reposer ac assurance sur la bonne foi d'autrui, puisque chacun peut agir par ruse suivant le Droit de Nature et n'est pas tenu d'obserr le pacte sinon par espoir d'un bien plus grand ou crainte d'un plus grand mal. Mais puisque, nous l'avons déjA  montré, le Droit Naturel a pour limites la puissance de l'individu, autant un individu, par force ou de plein gré, cède A  un autre de la puissance qui lui appartient, autant il abandonne nécessairement A  cet autre de son droit ; et celui-lA  a un droit sourain, qui a un pouvoir sourain, lui permettant de contraindre tous les autres par la force et de les tenir par la crainte du dernier supplice, unirsellement redouté. Il ne gardera ce droit d'ailleurs qu'aussi longtemps qu'il conserra la puissance d'exécuter tout ce qu'il voudra ; sans cette condition son commandement sera précaire, et nulle personne ayant une force supérieure ne sera, si elle ne le ut pas, tenue de lui obéir.
Voici maintenant la condition suivant laquelle une société peut se former sans que le Droit Naturel y contredise le moins du monde, et tout pacte AStre observé ac la plus grande fidélité ; il faut que l'individu transfère A  la société toute la puissance qui lui appartient de faA§on qu'elle soit seule A  avoir sur toutes choses un droit sourain de Nature, c'est-A -dire une souraineté de commandement A  laquelle chacun sera tenu d'obéir, soit librement, soit par crainte du dernier supplice. Le droit d'une société de cette sorte est appelé Démocratie et la Démocratie se définit ainsi : l'union des hommes en un tout qui a un droit sourain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir. De lA  cette conséquence que le sourain n'est tenu par aucune loi et que tous lui doint obéissance pour tout ; car tous ont dû, par un pacte tacite ou exprès, lui transférer toute la puissance qu'ils avaient de se maintenir, c'est-A -dire tout leur droit naturel. Si, en effet, ils avaient voulu conserr pour eux-mASmes quelque chose de ce droit, ils devaient en mASme temps se mettre en mesure de le défendre ac sûreté ; comme ils ne l'ont pas fait, et ne pouvaient le faire, sans qu'il y eût division et par suite destruction du commandement, pas lA  mASme ils se sont soumis A  la volonté, quelle qu'elle fût, du pouvoir sourain. Nous y étant ainsi soumis, tant parce que la nécessité (comme nous l'avons montré) nous y contraignait que par la persuasion de la Raison elle-mASme, A  moins que nous ne voulions AStre des ennemis du Pouvoir éli et agir contre la Raison qui nous persuade de maintenir cet élissement de toutes nos forces, nous sommes tenus d'exécuter absolument tout ce qu'enjoint le sourain, alors mASme que ses commandements seraient les plus absurdes du monde ; la Raison nous ordonne de le faire, parce que c'est choisir de deux maux le moindre. Ajoutons que l'individu pouvait affronter aisément le danger de se soumettre absolument au commandement et A  la décision d'un autre ; nous l'avons montré en effet, ce droit de commander tout ce qu'ils ulent n'appartient aux sourains qu'autant qu'ils ont réellement un pouvoir sourain ; ce pouvoir perdu, ils perdent en mASme temps le droit de tout commander et ce droit revient A  celui ou A  ceux qui peunt l'acquérir et le conserr. Pour cette raison, il est extrASmement rare que les sourains commandent des choses très absurdes ; il leur importe au plus haut point, en effet, par prévoyance et pour garder le pouvoir, de iller au bien commun et de tout diriger selon l'injonction de la Raison : personne, comme le dit Sénèque, n'a longtemps conservé un pouvoir de violence. Outre que, dans un Etat démocratique, l'absurde est moins A  craindre, car il est presque impossible que la majorité des hommes unis en un tout, si ce tout est considérable, s'accordent en une absurdité ; cela est peu A  craindre en second lieu A  raison du fondement et de la fin de la Démocratie qui n'est autre, comme nous l'avons montré, que de soustraire les hommes A  la domination absurde de l'Appétit et A  les maintenir, autant qu'il est possible, dans les limites de la Raison, pour qu'ils vint dans la concorde et dans la paix ; ôté ce fondement, tout l'édifice croule. Au seul sourain donc il appartient d'y pourvoir ; aux sujets, comme nous l'avons dit, d'exécuter ses commandements et de ne reconnaitre comme droit que ce que le sourain déclare AStre le droit. Peut-AStre, pensera-t-on, que, par ce principe, nous faisons des sujets des esclas ; on pense en effet que l'escla est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité AStre captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage, et la liberté n'est qu'A  celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison. Quant A  l'action par commandement, c'est-A -dire A  l'obéissance, elle ôte bien en quelque manière la liberté, elle ne fait cependant pas sur-le-champ un escla, c'est la raison déterminante de l'action qui le fait. Si la fin de l'action n'est pas l'utilité de l'agent lui-mASme, mais de celui qui la commande, alors l'agent est un escla, inutile A  lui-mASme ; au contraire, dans un Etat et sous un commandement pour lesquels la loi suprASme est le salut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au sourain ne doit pas AStre dit un escla inutile A  lui-mASme, mais un sujet. Ainsi cet état est le plus libre, dont les lois sont fondées en droite Raison, car dans cet état chacun, dès qu'il le ut, peut AStre libre, c'est-A -dire vivre de son entier consentement sous la conduite de la Raison. De mASme encore les enfants, bien que tenus d'obéir aux commandements de leurs parents, ne sont cependant pas des esclas ; car les commandements des parents ont très grandement égard A  l'utilité des enfants. Nous reconnaissons donc une grande différence entre un escla, un fils et un sujet, qui se définissent ainsi : est escla qui est tenu d'obéir A  des commandements n'ayant égard qu'A  l'utilité du maitre commandant ; fils, qui fait ce qui lui est utile par le commandement de ses parents ; sujet enfin, qui fait par le commandement du sourain ce qui est utile au bien commun et par conséquent aussi A  lui-mASme. Par ce qui précède je pense avoir assez montré les fondements de l'état démocratique, duquel j'ai parlé de préférence A  tous les autres, parce qu'il semblait le plus naturel et celui qui est le moins éloigné de la liberté que la Nature reconnait A  chacun. Dans cet état en effet nul ne transfère son droit naturel A  un autre de telle sorte qu'il n'ait plus ensuite A  AStre consulté, il le transfère A  la majorité de la Société dont lui-mASme fait partie ; et dans ces conditions tous demeurent égaux, comme ils l'étaient auparavant dans l'état de nature. En second lieu j'ai voulu parler expressément de ce seul gournement, parce qu'il est celui qui se prASte le mieux A  mon objet : montrer l'utilité de la liberté dans l'Etat Je ne dirai donc rien ici des fondements des autres gournements, et nous n'avons pas besoin en ce moment pour connaitre leur droit de savoir quelle origine ils ont eu et ont sount ; ce droit est suffisamment éli pour ce qui précède. Que le pouvoir suprASme appartienne A  un seul, soit partagé entre quelques-uns ou commun A  tous, il est certain qu'A  celui qui le détient le droit sourain de commander tout ce qu'il ut appartient aussi ; que de plus quiconque par coaction ou de plein gré a transféré A  un autre son pouvoir de se maintenir a entièrement renoncé A  son droit naturel et décidé conséquemment d'obéir absolument pour tout A  cet autre ; il est tenu A  cette obéissance aussi longtemps que le Roi, les Nobles ou le Peuple consernt le sourain pouvoir qui a été le fondement de ce transfert de droit. Point n'est besoin de rien ajouter A  cela.
Après avoir ainsi montré les fondements et le droit de l'état, il sera facile de déterminer ce qu'est le droit civil privé, et ce qu'est une violation du droit en quoi la justice et l'injustice consistent dans l'état de société constituée ; puis ce que c'est qu'un confédéré, qu'un ennemi et enfin que le crime de lèse-majesté. Par Droit Civil privé nous ne pouvons entendre autre chose que la liberté qu'a l'individu de se conserr dans son état, telle qu'elle est déterminée par les édits du pouvoir sourain et maintenue par sa seule autorité. Après en effet que l'individu a transféré A  un autre son droit de vivre selon son bon plaisir propre, c'est-A -dire sa liberté et sa puissance de se maintenir, droit qui n'avait d'autres limites que son pouvoir, il est tenu de vivre suivant la règle de cet autre et de ne se maintenir que par sa protection. Il y a Violation du droit quand un citoyen ou un sujet est contraint par un autre A  souffrir quelque dommage contrairement au droit civil, c'est-A -dire A  l'édit du sourain. La violation du droit en effet ne se peut concevoir que dans l'état de société réglée ; mais le sourain auquel par droit tout est permis ne peut violer le droit des sujets ; donc seulement entre particuliers, tenus par le droit A  ne pas se léser d'un autre, il peut y avoir place pour une violation du droit. La Justice est une disposition constante de l'ame A  attribuer A  chacun ce qui d'après le droit civil lui revient ; l'Injustice par contre consiste, sous une apparence de droit, A  enler A  quelqu'un ce qui lui appartient suivant l'interprétation vérile des lois. On appelle aussi la Justice et l'Injustice, équité et Iniquité, parce que les magistrats institués pour mettre fin aux litiges sont tenus de n'avoir aucun égard aux personnes, mais de les tenir toutes pour égales et de maintenir également le droit de chacun ; de ne pas porter envie au riche ni mépris au pauvre. Des Confédérés sont des hommes de deux cités qui, pour ne pas AStre exposés au péril d'une guerre ou pour quelque autre raison d'utilité, s'engagent par contrat A  ne pas se faire de mal les uns aux autres, mais au contraire A  s'assister en cas de besoin, chacune des deux cités continuant de former un état propre. Ce contrat aura force aussi longtemps que son fondement, c'est-A -dire la considération du danger ou de l'utilité subsistera, car nul ne contracte et n'est tenu d'obserr un pacte que par espoir de quelque bien ou crainte de quelque mal ; si ce fondement n'est plus, le pacte aussi a cessé d'AStre, l'expérience mASme le montre assez. Alors que, en effet, des Etats indépendants s'engagent par contrat A  ne pas se causer de dommage l'un A  l'autre, ils s'efforcent néanmoins, autant qu'ils peunt, d'empAScher que l'un deux n'acquière une puissance plus grande, et n'ont pas foi aux paroles échangées, s'ils n'aperA§oint assez clairement la raison d'AStre et l'utilité pour l'un et l'autre du contrat. Autrement dit, ils craignent la fourberie ; non sans raison ; qui donc se reposera sur les paroles et les promesses d'un autre, alors que cet autre conser sa souraineté et le droit de faire ce qui lui plaira, et que sa loi suprASme est le salut et l'utilité de l'état où il commande, qui, sinon un insensé ignorant le droit des sourains ? Et si, en outre, nous avons égard A  la piété et A  la religion, nous rrons que personne ne peut sans crime tenir ses promesses au détriment de l'état où il commande ; toute promesse qu'il a faite en effet et qui se trou par chance dommageable A  l'état, il ne peut la tenir qu'en manquant A  la foi due A  ses sujets, laquelle cependant l'oblige par-dessus tout et qu'on a coutume de promettre solennellement de garder. Poursuivant, je dirai que lEnnemi est celui qui vit hors de la cité et ne reconnait, ni en qualité de confédéré, ni en qualité de sujet, le gournement qu'elle a institué. Ce n'est pas la haine en effet qui confère la qualité d'ennemi de l'état, c'est le droit qu'a la cité contre lui, et A  l'égard de celui qui lui a causé un dommage : elle pourra donc A  bon droit, par tout moyen A  sa portée, le contraindre A  se soumettre ou A  s'allier A  elle. Enfin le crime de lèse-majesté n'est possible qu'A  des sujets ou A  des citoyens qui, par un pacte tacite ou exprès, ont transféré la totalité de leur droit A  la cité ; et l'on dit qu'un sujet a commis ce crime quand il a tenté de ravir pour une raison quelconque, ou de transférer A  un autre, le droit du sourain. Je dis quand il a tenté ; car si la condamnation devait suivre la commission du crime, la cité la plupart du temps s'efforcerait trop tard de condamner, le droit étant déjA  acquis ou transféré A  un autre. Je dis ensuite absolument celui qui pour une raison quelconque a tenté de ravir le droit du sourain ; qu'un dommage doi s'ensuivre en effet pour l'état ou au contraire qu'il doi en recevoir le plus clair accroissement, cela ne fait A  mes yeux aucune différence. Quelle que soit la raison de sa tentati, il y a eu lèse-majesté et il est condamné A  bon droit. Tout le monde reconnait bien en temps de guerre que cette condamnation est prononcée A  très bon droit : qu'un soldat en effet ne reste pas A  son poste, qu'A  l'insu du chef il marche A  l'ennemi, son d'attaque a beau avoir été bon, encore est-il sien, il a beau avoir mis l'ennemi en fuite, il n'en est pas moins justement condamné A  mort pour avoir violé son serment et le droit du chef. Tous ne voient pas aussi clairement, par contre, que tous les citoyens absolument sont toujours tenus par ce droit ; le principe est cependant tout A  fait le mASme. Puisque, en effet, l'état doit se conserr et se diriger par le seul conseil du sourain et que, par un pacte liant absolument sujets ou citoyens, ce droit appartient au seul sourain, si un individu, de sa propre décision et A  l'insu du conseil sourain, a entrepris l'exécution d'une affaire publique, quand bien mASme un accroissement certain en résulterait pour la cité, il a cependant violé le droit du sourain, a lésé la majesté et mérité une condamnation ()



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