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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Les causes de l'effondrement du projet socialiste

Le déclin de l'étatisme socialiste
L'un des aspects cruciaux de la crise en cours, au moins dans sa dimension politique, est le déclin de l'étatisme socialiste, qui, après sa victoire au xixe siècle sur le socialisme libertaire (issu de la tradition de l'autonomie/démocratie), était perA§u comme l'incarnation du moument socialiste lui-mASme. Selon la vision qui s'en était imposée dans le sillage des Lumières, le socialisme était nécessaire pour pouvoir appliquer notre savoir sur la nature et la société, et modeler ainsi l'environnement et l'évolution sociale. L'anir apparaissait comme un progrès linéaire (ou dialectique). La politique pouvait s'appuyer sur la science, sur un savoir réel, indépendamment de toute activité, créativité ou auto-institution collecti des AStres sociaux. La conception étatiste socialiste s'est particulièrement déloppée dans le quart de siècle qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, ac la considérable expansion géographique de l'économie de croissance socialiste en Europe de l'Est et l'accession au pouvoir de partis sociaux-démocrates en Europe de l'Ouest.
Sous ses deux grandes formes historiques, le - socialisme réel - A  l'Est et la social-démocratie A  l'Ouest, l'étatisme socialiste domine la gauche depuis environ un siècle. Mais, malgré tout ce qui séparait la perspecti social-démocrate, qui visait A  conquérir l'état bourgeois pour le réformer, et la perspecti marxiste-léniniste, qui voulait l'abolir pour le reconstituer en état prolétarien, les deux tendances entendaient mener A  bien leur projet de boulersement social radical par la concentration du pouvoir politique et économique. MASme l'état prolétarien ou -demi-état- de Lénine13, qui finit par dépérir, supposait une très forte concentration du pouvoir entre les mains du prolétariat, qui pouvait aisément dégénérer, comme l'avait prédit Bakounine'4, en concentration gigantesque au profit d'une élite d'ex-ouvriers d'avant-garde).
Aujourd'hui, la perspecti étatiste socialiste s'est apparemment écroulée sous les coups conjugués de la noulle droite, de la gauche tendance - société civile - et des nouaux mouments sociaux. La tradition étatiste socialiste elle-mASme est en crise profonde, comme l'indiquent les deux phénomènes majeurs des quinze dernières années, l'éclipsé du - socialisme réel - A  l'Est et l'effondrement parallèle de la social-démocratie A  l'Ouest. La crise de l'étatisme socialiste est bien sûr compréhensible, puisque de nombreux partis étatistes socialistes ont réussi leur - conquASte du pouvoir - : les sociaux-démocrates dans le Premier Monde, les communistes dans le Second et dirs mouments de libération nationale autoproclamés socialistes dans le Tiers Monde. Ils ont pris le pouvoir, et ils ont tous échoué A  changer le monde, du moins dans le sens promis et attendu. MASme les superstructures construites par ces mouments dans l'après-guerre, qui donnaient l'impression d'un certain changement, ont déjA  été abattues (le - socialisme réel - A  l'Est) ou sont en train d'AStre démantelées (la social-démocratie A  l'Ouest). L'échec de l'étatisme socialiste est A  la fois celui du - socialisme réel - A  l'Est, associé théoriquement au marxisme et pratiquement au centralisme d'état, et celui de la social-démocratie A  l'Ouest, associée théoriquement au keynésia-nisme et pratiquement A  l'état-providence et A  l'économie mixte. A€ mon sens -j'ai essayé de le montrer dans Towards an Inclusi Democracy^ -, la raison fondamentale de cet échec historique de l'étatisme socialiste dans ses deux rsions, c'est qu'il cherchait A  fusionner deux éléments incompatibles : la croissance, expression de la logique de l'économie de marché, et la justice sociale, expression de l'éthique socialiste. Incompatibles pourquoi ? Parce que qui dit croissance dit économie de croissance, donc concentration du pouvoir économique (qu'elle résulte du libre jeu du marché ou de la nature mASme de la ification centralisée), tandis que la justice sociale renvoie par définition A  la dispersion du pouvoir économique et A  l'égalité. L'étatisme socialiste, parce qu'il voulait que tout le monde puisse accéder aux bienfaits de la croissance, parce qu'il cherchait A  unirsaliser le Progrès (qu'il identifiait A  la croissance), a essayé de créer une économie de croissance socialiste -en oubliant l'interdépendance fondamentale entre croissance et concentration du pouvoir économique. Il y a plus : la tentati de usionner croissance et justice sociale a créé une incompatibilité fondamentale entre les fins et les moyens. L'économie de croissance capitaliste était la conséquence inévile de l'économie de marché, donc les moyens (l'économie de marché) et la fin (l'économie de croissance) étaient dans son cas parfaitement compatibles. Il n'en allait pas de mASme pour l'étatisme socialiste : la fin (l'économie de croissance) n'était pas compatible ac les moyens (l'étatisme social-démocrate ou la ification centralisée). D'ailleurs, plus il y avait d'étatisme (cas de la ification centralisée), plus l'incompatibilité entre les moyens et les fins était forte, et ses effets ont donc contribué encore davantage A  l'échec du système.


Les causes de l'effondrement du - socialisme réel -

Pour interpréter correctement le déclin de l'étatisme socialiste,6 dans sa rsion - socialisme réel -, il faut cerner les causes de son échec économique. Car c'est lui qui a motivé la perestroïka de Gorbatchev, ce spectaculaire virage A  cent quatre-vingts degrés de la bureaucratie soviétique, et c'est lui qui a été le catalyseur de l'effondrement du - socialisme réel - dans les pays satellites. Cet échec économique s'est traduit par un ralentissement très prononcé du déloppement des forces productis et, finalement, par leur stagnation. Le taux de croissance de la production industrielle en URSS est tombé d'une moyenne de 7 % dans les années 1960 A  4% dans les années 1970 et 2% dans les années 1980. De mASme, le taux de croissance moyen du PIB a chuté de 7 % dans les années 1960 A  environ 5 % dans les années 1970 et 2 % A  peine dans les années 1980'8. En mASme temps, de gras pénuries de biens de consommation sont apparues, et les phénomènes de retard technologique et de mauvaise qualité de la production se sont aggravés.
L'échec économique du - socialisme réel - peut AStre expliqué par l'incompatibilité fondamentale entre les exigences de l'économie de croissance et le fonctionnement d'une économie A  ification centrale. Si, en économie de marché, les forces de ce dernier sont relatiment libres d'assurer le degré de concentration nécessaire A  la croissance, ce n'est pas le cas en économie ifiée : les bureaucrates et technocrates imposent au processus de croissance des distorsions afin de réaliser sa fusion contradictoire ac la justice sociale (pensons, par exemple, au - chômage déguisé -), et leurs interntions entrainent inévilement l'inefficacité économique. De mASme, dans une économie bureaucratisée, il est pratiquement impossible d'introduire de noulles technologies et de nouaux produits, en particulier dans le secteur des biens de consommation où un système d'information décentralisé est impératif.
De plus, comme l'économie de croissance capitaliste et l'éta-tisme socialiste partagent le mASme objectif, la croissance économique, les mASmes principes y jouent un rôle crucial dans l'organisation de la production, et dans la vie économique et sociale en général : que le motif de la production soit le profit privé ou un certain profit - collectif- n'y change rien. Il est clair que les principes d'efficacité économique et de compétitivité n'ont pas seulement caractérisé la social-démocratie A  l'Ouest, mais aussi le - socialisme réel - A  l'Est. Or, dès l'instant où les deux rsions de l'étatisme socialiste ont montré qu'en dernière analyse elles reposaient sur les mASmes principes fondamentaux que l'économie de marché et qu'elles allaient inévilement conduire A  la reproduction de structures hiérarchiques semblables, le compte A  rebours de leur effondrement et de la chute des idéologies qui les fondaient (le marxisme et le keynésianisme) a commencé. Pour des raisons A  la fois objectis et subjectis.
Les raisons objectis ont déjA  été mentionnées : la recherche de l'efficacité et de la compétitivité, qu'entraine le choix de la croissance, contredit fondamentalement les objectifs socialistes. Les critères de justice sociale qui les fondent sont évidemment bien plus larges que ceux, étroitement économiques, qui définissent l'efficacité et la compétitivité, et incompatibles ac eux.
L'échec économique - qui a pris notamment la forme d'une productivité faible - subi par les pays du - socialisme réel -, où le système lui-mASme reposait sur l'idéologie socialiste, peut AStre expliqué par cette contradiction fondamentale entre efficacité et éthique socialiste. Les deux grands succès de ces pays (anéantis l'un et l'autre, ac des conséquences tragiques, après leur réintégration dans l'économie de marché internationalisée)19 ont été l'élimination de la peur du chômage et une répartition du renu bien plus égalitaire que dans les pays occidentaux (A  niaux de déloppement ables)20. Or ces succès étaient inévilement des facteurs d'- inefficacité - : le premier parce que le plein emploi était assuré au moyen de ce que les économistes occidentaux appellent du - chômage déguisé - ; le second parce que, selon ces mASmes économistes, une large égalité n'incite pas A  l'épargne et au travail.
Les facteurs subjectifs renvoient A  une contradiction du mASme ordre entre l'idéologie socialiste et la réalité du - socialisme réel -. Contradiction qui a fait prendre très largement conscience de l'autre échec de ce système : il ne conduisait pas A  un nouau modèle de vie sociale, libéré des principes caractéristiques de l'économie de marché. La crise de crédibilité du projet socialiste sous sa forme éta-tiste a été essentiellement due A  la conjonction de ces deux facteurs : la crise économique du - socialisme réel - et l'organisation bureaucratique de sa vie sociale. Puisqu'un pays du - socialisme réel - et un pays A  économie de marché avaient le mASme objectif, la croissance, il était manifestement plus intéressant pour le citoyen moyen de miser sur la - vraie - économie de croissance, qui réussirait mieux A  lui livrer (mASme inégalement) les biens de consommation promis, au lieu de continuer A  soutenir un système qui non seulement ne parnait pas A  tenir ses promesses socialistes, mais encore constituait une mauvaise imitation de l'économie de marché.
Le manque de démocratie politique et de démocratie sur le lieu de travail était d'ailleurs, selon une interprétation importante de l'effondrement du - socialisme réel -21, la cause fondamentale de son inefficacité : cette non-participation des travailleurs A  la prise de décision devait inévilement les détacher du système, où ils n'avaient aucune incitation A  travailler.
Les incitations idéologiques socialistes, utilisées essentiellement par Staline et Mao qui s'efforA§aient ainsi de compenser l'absence d'incitations économiques, étaient vouées A  l'échec dans un système dont l'idéologie, fondée sur les principes d'égalité et de justice sociale, était en contradiction totale ac la réalité - une inégalité flagrante dans la répartition du pouvoir économique et politique.
Quant aux deux grandes incitations économiques capitalistes, la société de consommation et le chômage, elles étaient institution-nellement exclues dans les pays du - socialisme réel -. La société de consommation était impossible, non seulement parce que la bureaucratisation du processus économique avait créé un secteur des biens de consommation inefficace, mais aussi parce que ces pays devaient consacrer l'essentiel de leurs ressources économiques insuffisantes A  faire face aux exorbitantes dépenses militaires que leur imposait la guerre froide. Et il y avait un droit A  l'emploi, en général inscrit dans la Constitution, qui créait un très vaste -chômage déguisé- et encourageait l'attitude de -moindre effort - et de facilité. Tout cela devait inévilement avoir des effets désastreux, en particulier sur l'efficacité des flux d'information, qui sont d'une extrASme importance (pour le bon fonctionnement de l'allocation des ressources).
Puisque le - socialisme réel - ne parnait pas A  atteindre son objectif principal - créer une économie de croissance socialiste efficace -, ses élites dirigeantes se sont retrouvées face A  un dilemme : soit la décentralisation socialiste, soit la décentralisation par le marché. La première option consistait A  créer une économie socialiste authentique, en instituant de noulles structures d'autogestion et en luttant parallèlement pour une noulle division internationale du travail fondée sur la coopération et la solidarité. Si les pays du - socialisme réel - faisaient ce choix, autant dire qu'ils s'interdisaient toute possibilité d'accès au capital occidental, alors qu'A  cette époque beaucoup avaient commencé A  emprunter massiment A  l'Ouest. Et il y avait un autre argument, plus crucial encore : choisir la décentralisation socialiste renait pour les élites dominantes A  s'autodissoudre et A  démanteler les structures hiérarchiques qu'elles avaient construites. La seconde option consistait A  instaurer une économie de marché - socialiste - et A  s'intégrer totalement A  l'économie de marché internationalisée, fondée sur la concurrence et l'individualisme. Cette option-lA  était entièrement différente, car elle assurait la reproduction (ac certains changements dans la forme) des structures hiérarchiques et des élites elles-mASmes.
On n'a guère de mal A  comprendre pourquoi l'élite bureaucratique a choisi la décentralisation par le marché. Elle a fait ce choix, c'est clair, pour des raisons qui n'étaient pas économiques (contrairement A  ce qu'ont affirmé les théoriciens et dirigeants occidentaux), mais politiques. Le discours tenu par les protagonistes de la perestroïka pour la justifier est révélateur. Selon Alexandre Iakov-lev22, la perestroïka consistait A  remplacer la théorie marxiste des classes par ce principe : - Les valeurs humaines unirselles transcendent les intérASts de classe. - 11 est caractéristique que, parmi ces valeurs - unirselles -, les principales A  ses yeux étaient l'économie mixte et la libre concurrence ! Lorsque les élites réformistes se sont engagées dans une stratégie de mise en place d'une économie de marché - socialiste -, la dynamique enclenchée devait donc nécessairement dépasser non seulement l'économie de croissance - socialiste -, mais le - socialisme réel - lui-mASme. C'est que l'élite réformiste soviétique, A  la différence de la chinoise, s'est vue contrainte d'associer aux réformes (perestroïka) l'ourture (glasnost), afin de neutraliser la puissante faction militaro-indus-trielle qui souhaitait maintenir le statu quo sans grand changement. Si le capitalisme -par le bas- qui a été autorisé en Chine ne nécessitait pas de changement politique, le capitalisme - par le haut- qu'ont introduit les élites dominantes en Europe de l'Est avait bel et bien besoin de l'ourture. Mais élargir l'ourture, c'était donner A  des forces centrifuges (personnellement intéressées A  la restauration de l'économie de croissance capitaliste et puissamment encouragées, bien sûr, par les élites occidentales) la possibilité de pousser au démantèlement de l'URSS et au renrsement du - socialisme réel -.

Le déclin de la social-démocratie
Mais aujourd'hui, ce n'est pas seulement le - socialisme réel - qui s'est effondré. Si de nombreux sociaux-démocrates ont cru que l'écroulement de la forme extrASme d'étatisme socialiste en Europe de l'Est leur donnait raison, les faits démentent leurs assertions absurdes : la désintégration de la rsion social-démocrate de l'économie de croissance capitaliste n'est pas moins visible.
La grande caractéristique du consensus néo-libéral, c'est une profonde remise en cause du programme de la social-démocratie : le rétrécissement radical de l'étatisme en général, mais surtout de l'étatisme - socialiste-. Le consensus néo-libéral, c'est d'abord la réduction au minimum de l'interntion de l'état, trait marquant du consensus social-démocrate de l'après-guerre jusqu'au milieu des années 1970. L'interntionnisme de l'état social-démocrate avait, nous l'avons vu au chapitre 1, trois objectifs principaux : 1 ) instaurer et maintenir le plein emploi ; 2) créer un état-providence très déloppé; 3) assurer une juste répartition du renu. Ce dernier but n'était pas seulement atteint par le système de prestations sociales, mais aussi par l'impôt progressif sur le renu, qui, ac l'endettement du secteur public, finanA§ait l'état-providence.
Cette politique a eu un certain succès pour reler le niau de vie des couches sociales A  faibles renus et créer l'image d'une - société de toute la nation -. Au niau idéologique, les sociaux-démocrates ont pu se vanter d'avoir créé une société qui donnait certaines garanties de justice sociale sans sacrifier toute liberté individuelle - un - capitalisme réel A  visage humain -.
Mais - contrairement A  ce que soutiennent tant d'intellectuels ex-marxistes qui sont, ces derniers temps, passés ac armes et bagages A  la social-démocratie ' ce type de capitalisme socialement crédible est mort (Royaume-Uni) ou A  l'agonie (Allemagne, Autriche, pays Scandinas, etc.). L'état a renié son engagement A  maintenir le plein emploi, d'où la montée du chômage et de la pauvreté, et l'état-providence a été mutilé. C'est ainsi que la - société de toute la nation - a cédé la place A  l'actuelle - société des deux tiers - (qu'il serait plus exact d'appeler -j'ai tenté de le démontrer dans Towards an Inclusi Democracy - - société des 40 % -). Au lieu d'essayer d'opérer des réformes radicales dans l'économie de marché néo-libérale qui s'installait, les partis sociaux-démocrates ont changé d'idéologie pour s'y adapter: aujourd'hui, ils n'ont plus aucun rapport ou presque ac ce qu'ils étaient dans les années 1950-l975. Il serait donc plus exact de les appeler - sociaux-libéraux - que - sociaux-démocrates -. L'effondrement de la social-démocratie depuis une dizaine d'années a pris de telles proportions qu'un ex-membre de la -noulle - gauche, désespéré, s'interroge :
Quand a été fondée la Deuxième Internationale, [la social-démocratie] voulait renrser le capitalisme. Puis elle s'est fixé pour objectif de réaliser des réformes partielles, étapes d'une marche graduelle au socialisme. Enfin, elle a opté pour l'état-providence et le plein emploi dans le capitalisme. Si aujourd'hui elle accepte de rétrécir le premier et de renoncer au second, en quel type de moument va-t-elle se transformer23?
Donc, sous l'impact des contraintes structurelles imposées par l'internationalisation de l'économie de marché et des noulles réalités électorales induites par le changement de structure de classes évoqué au chapitre 1, la politique des sociaux-libéraux est désormais A  peine discernable de celle des néo-libéraux. Le mASme scénario se répète partout : de l'Australie, où le Parti travailliste a privatisé ac ardeur et pris des mesures radicales pour réduire le déficit budgétaire, A  la Suède, où les sociaux-démocrates, avant de perdre le pouvoir en 1991, s'étaient lancés dans une politique de démantèlement du système de maintien de l'emploi et de l'état-providence, et A  la Norvège, où - l'objectif majeur du Parti travailliste, le plein emploi, a été abandonné24 -.
Le destin de la social-démocratie dans son berceau historique, l'Europe, révèle assez l'échec de cette forme d'étatisme socialiste. Dans l'évolution de l'Union européenne, la substitution de l'actuel consensus néo-libéral au consensus social-démocrate est tout A  fait claire. Le processus de création d'un marché unique européen, inauguré dans les années 1950 par le traité de Rome, s'est accéléré dans la dernière décennie ac l'Acte unique européen mis en œuvre en 1993, et les traités de Maastricht et d'Amsterdam, qui ont remplacé celui de Rome. Qu'est-ce qui a rendu impérati cette accélération de l'intégration? L'internationalisation croissante de l'économie de marché et l'intensification de la concurrence ac les deux autres pôles de la Triade, l'Amérique du Nord et le Japon. Les partisans de l'accélération ont fait valoir que, dans l'économie de marché internationalisée ultra-concurrentielle du XXIe siècle qui se dessine aujourd'hui, seul un marché de dimensions continentales pouvait garantir la sécurité et les économies d'échelle nécessaires A  la survie du capital européen.
De fait, depuis environ dix ans, l'écart économique entre l'Union européenne et les autres pôles de la Triade s'est considérablement accru, comme l'indique par exemple l'évolution de leurs parts respectis dans les exportations. De 1980 A  1996, la part de l'Union européenne dans les exportations mondiales a baissé d'environ 1,5 %, tandis que celles des états-Unis et du Japon ont augmenté de 12,5 et 15 % respectiment25. La cause principale de l'échec de l'Europe, c'est une compétitivité depuis longtemps inférieure A  celle des autres régions26.
La forme qu'a prise l'intégration reflète de dirses faA§ons la tendance néo-libérale dominante. Si son accélération avait commencé en 1979 - date A  laquelle un rapport de la Commission européenne prévoyait encore que l'Union européenne se construirait sur la base d'une - ification indicati - continentale27 -, l'intégration européenne aurait pu avoir un tout autre visage. Le rapport de la Commission européenne reflétait exactement l'essence du consensus social-démocrate, qui A  l'époque commenA§ait A  peine A  se désagréger. Sa proposition renait A  remplacer par une sorte de - key-nésianisme européen - le keynésianisme national qui, face A  une circulation des capitaux de plus en plus libre, était déjA  denu obsolète. Mais l'effondrement du consensus social-démocrate qui a suivi l'épanouissement du néo-libéralisme dans les années 1980 a balayé les projets de stratégie keynésienne A  l'échelle européenne. La tendance qui a fini par l'emporter dans l'Union européenne a donc été celle concevant l'unification comme une contraction radicale du contrôle national sur l'activité économique sans création parallèle d'un contrôle supranational - sauf monétaire. Le pouvoir exécutif de l'Union s'est donc limité A  créer un cadre institutionnel homogène qui autorise les entreprises A  mener leurs activités sans entra, tout en assurant le respect de quelques garanties minimales en matière de protection de l'environnement et de l'espace social (celles qui sont compatibles ac les exigences du consensus néo-libéral).
L'Acte unique européen repose sur le postulat néo-libéral selon lequel les économies de l'Union européenne souffrent d'un manque d'- ajustement structurel-, c'est-A -dire de faiblesses structurelles dues A  des rigidités qui gASnent les mécanismes du marché, et A  des entras A  la libre concurrence qui obstruent la circulation des marchandises, des capitaux et de la main-d'œuvre28. Il fallait en particulier libérer le marché des capitaux de tout contrôle, créer les conditions d'une circulation facile et sans restriction des capitaux entre les pays : c'était un impératif fondamental du projet. Toutefois, les entras les plus importantes n'étaient pas celles que mentionnait explicitement le rapport Gec-chini, mais celles qu'il sous-entendait, notamment en insistant A  ce point sur la concurrence : les entras - institutionnelles - A  la libre concurrence qu'avait élies le consensus social-démocrate et que l'Acte unique se proposait d'éliminer - ce qu'ont fait les traités de Maastricht et d'Amsterdam. Quelles entras? L'interntionnisme keynésien de l'état pour assurer le plein emploi; le vaste état-providence, qui créait des problèmes budgétaires ; les - pratiques restrictis - des syndicats ; et les entreprises publiques, qui n'agissaient pas toujours sur la base des critères micro-économiques propres A  éler le niau d'efficacité. Tant que le degré d'internationalisation des économies de l'Union européenne est resté relatiment faible, ces entras n'ont guère freiné la croissance économique. Mais leur impact négatif est denu évident lorsque l'internationalisation plus poussée de l'économie de l'Union, notamment la mobilité accrue du capital, a cessé d'AStre compatible ac la mise en œuvre des stratégies macro-économiques keynésiennes au niau national : la stagflation des années 1970 a été particulièrement dure pour les économies européennes.
L'objectif fondamental du traité de Maastricht était d'attaquer les symptômes de ces entras institutionnelles, en particulier l'inflation et les énormes déficits publics suscités par l'expansion de l'étatisme. Conformément A  cette logique, il fixait comme seuls objectifs économiques des prix sles, des finances publiques saines et une balance des paiements en équilibre. Le plein emploi et l'amélioration (ou mASme le maintien) du bien-AStre social n'étaient pas mentionnés ! De fait - nul n'en sera surpris -, le - volet social - de Maastricht a été infime, puisque le traité n'a instauré aucun mécanisme efficace (d'importance égale, disons, A  ceux qu'il créait contre l'inflation) pour assurer le droit au travail, la réduction des inégalités, l'éradication de la pauvreté, etc. La charte sociale du traité elle-mASme (dont les sociaux-démocrates sont très fiers) vise des objectifs économiques et non sociaux. Comme l'a observé un chercheur, la charte sociale ne s'intéresse pas aux AStres humains mais A  des unités de main-d'œuvre efficaces et productis29. De plus, l'état-providcnce national en voie d'effondrement n'a pas été remplacé par une politique sociale commune garantissant la satisfaction des besoins de base (santé, éducation, retraites, etc.) et un renu minimum pour tous, ce qui aurait radicalement réduit l'- euro-pauvreté -. Au nom du renforcement de la compétitivité pour faire face A  l'Amérique et au Japon, l'idéal européen a aujourd'hui dégénéré en une sorte d'- Europe américanisée -, où le luxe et l'extrASme pauvreté se côtoient dans la - société des deux tiers -.
Les traités de Maastricht et d'Amsterdam n'ont donc fait que confirmer le caractère ourtement néo-libéral que la Communauté avait commencé A  prendre ac l'Acte unique européen. L'amélioration de la compétitivité, par réduction de l'inflation, reste l'objectif premier, comme l'indiquent les mécanismes instaurés par les deuxième et troisième phases de l'Union économique et monétaire (UEM). L'UEM, comme d'ailleurs le Marché unique, ne signifie pas l'intégration des peuples, ni mASme celle des états. C'est simplement l'intégration des marchés libres. Mais ce qui définit les marchés libres, ce n'est pas seulement la libre circulation des marchandises, des capitaux et de la main-d'œuvre, c'est aussi la - flexibilité -, c'est-A -dire l'élimination des entras A  la libre formation des prix et des salaires, et la réduction globale du contrôle de l'état sur l'activité économique. Et c'est bien lA  l'essence du consensus néo-libéral qui caractérise le nouau cadre institutionnel de l'Union européenne : la poursuite de la marchéisation de son économie. L'objectif des noulles institutions est clairement de maximiser la liberté du capital organisé, dont la concentration est facilitée A  tous les niaux, et de réduire au minimum la liberté du travail organisé, par tous les moyens possibles et d'abord par la menace du chômage.
Par conséquent, le cadre institutionnel que l'on instaure aujourd'hui en Europe est un modèle où la continuation de la croissance dépend de la poursuite de l'internationalisation de l'économie, par destruction des économies locales autocentrées et expansion continuelle des exportations pour équilibrer un flux croissant d'importations. Dans ce processus, qui a lieu A  la fois entre les régions (Union européenne contre Japon et Amérique du Nord) et au sein de chacune d'elles, les vainqueurs seront les plus compétitifs -ceux dont les bases productis et technologiques permettent des progrès importants et continus de la productivité.
N'accusons pas les sociaux-démocrates d'avoir - trahi - les idéaux socialistes en acceptant la mutation néo-libérale de l'Europe. Il n'y a lA  aucune trahison, et aucun changement radical du cadre institutionnel ne sera possible - de l'intérieur - A  l'anir. Si l'on considère comme naturel ce que les sociaux-démocrates et leurs comnons de route du moument rt jugent comme tel -l'internationalisation de l'économie de marché, donc la nécessité d'améliorer sans cesse la compétitivité en libérant toujours plus les marchés des biens, des capitaux et du travail -, la mondialisation ne peut AStre que néo-libérale et le contenu de la social-démocratie doit nécessairement AStre celui que préconisent aujourd'hui les sociaux-libéraux. Dans le contexte de la mondialisation néolibérale, en effet, la réduction au minimum du rôle social de l'état n'est pas un choix, c'est une condition préalable pour que le capital européen puisse concurrencer efficacement le capital américain et le capital japonais, qui, en raison de l'inexistence d'une tradition social-démocrate aux états-Unis et en ExtrASme-Orient, sont soumis A  des entras institutionnelles bien plus légères.
La social-démocratie n'a donc aujourd'hui aucun sens, ni au niau national, ni au niau supranational de l'Europe post-Maastricht, comme nous l'avons vu au chapitre 1. Toute tentati des sociaux-démocrates européens pour changer le cadre institutionnel actuel en renforA§ant considérablement le rôle social de l'état rendrait l'Europe moins compétiti que le Japon et les états-Unis, et se solderait par un exode massif des capitaux européens. Et un néo-keyné-sianisme A  l'échelle de l'Europe n'est pas réalisable non plus, sauf si on lui associe une croissance autocentrée dont la force motrice serait un marché intérieur extrASmement protégé. Mais cette solution-lA  est en contradiction directe ac la logique et la dynamique du système.
On peut en dire autant de la vision social-démocrate d'une - économie sociale de marché - A  l'échelle du continent, fondée sur le - modèle rhénan - qu'a théorisé Michel Albert30. Cet auteur postulait l'existence de capitalismes nationaux différents, caractérisés par des structures financières différentes et des systèmes différents de protection sociale - allant de son absence presque totale aux états-Unis et de son dépérissement rapide au Royaume-Uni A  un haut degré en Allemagne. Pour Michel Albert, - le capitalisme n'est pas homogène, mais [] il s'est différencié en deux grands modèles qui s'affrontent, "capitalisme contre capitalisme"31 -. Il les a baptisés le - modèle néo-américain - et le - modèle rhénan - du marché social (qui a cours essentiellement en Allemagne, mais aussi dans les pays Scandinas et jusqu'A  un certain point au Japon). Le second est un capitalisme du - partenariat - qui a réorganisé la structure institutionnelle afin d'essayer de capter pour l'ensemble de la population les bénéfices sociaux de sa contribution A  la production. Un élément crucial de ce type de capitalisme est son marché du travail réglementé. A€ la différence des marchés du travail libéralisés et déréglementés en plein essor au Royaume-Uni et aux états-Unis, celui de l'Allemagne est encore soumis A  de très nombreux contrôles sociaux : fortes indemnités de licenciement, longues périodes de préavis, réglementation des conditions de travail, longs congés, etc.
étant donné la performance économique impressionnante de l'Allemagne de l'après-guerre jusqu'au début des années 1990, Michel Albert concluait qu'il fallait adopter le modèle rhénan de capitalisme, non seulement parce qu'il était économiquement plus efficace, mais aussi en raison de son évidente supériorité sociale.
Or il est clair aujourd'hui que, dans la concurrence entre le modèle américano-britannique (la libéralisation) et le modèle rhénan (le marché social), c'est le premier qui a gagné. Ce qui n'a rien de surprenant au vu de notre analyse du chapitre 1. Le modèle rhénan n'est pas un précurseur du capitalisme de demain, c'est un stige de la phase étatiste de la marchéisation, qui ne pouvait évidemment pas survivre A  l'internationalisation actuelle de l'économie de marché. Donc, dès que la marchéisation s'est intensifiée dans le monde entier au cours des années 1990, le modèle rhénan est entré en crise, ce qui a clairement prouvé qu'aucun capitalisme national n'est viable s'il n'a pas -homogénéisé- ses contrôles sociaux sur les marchés ac ceux de ses concurrents. Cette crise a été particulièrement claire en Allemagne : ralentissement durable de sa croissance économique, fuite des capitaux, explosion du chômage. Le taux de croissance annuel moyen du PIB allemand est tombé de 3,3 % durant la période 1965-l980 A  2,2% durant la période 1980-l990 et 1,5% durant la période 1990-l999. De mASme, dans les années 1990, l'instissement allemand A  l'étranger a été cinq fois plus élevé que l'instissement direct étranger en Allemagne33, et l'on estime que, dans la première moitié de cette décennie, la délocalisation de la production dans des pays où les coûts sont inférieurs a détruit un million d'emplois34. Ce qui, ajouté A  la fermeture par dizaines de complexes industriels - inefficaces - dans la partie orientale de l'Allemagne réunifiée, a fait augmenter de 50 % le taux de chômage35.
Cette crise peut AStre directement attribuée aux dirses rigidités, affectant le coût unitaire du travail et la compétitivité, que le - marché social - allemand a introduites sur le marché du travail, et qui ont fait considérablement baisser (de près de 20 % dans la dernière décennie) la part de l'Allemagne dans les exportations mondiales36. D'où les mesures du chancelier Kohi pour libéraliser le marché du travail et restreindre l'état-providence, qui ont en fait mis un terme au - marché social - allemand. L'accession au pouvoir de l'alliance - rouge-rt - n'a pas pu empAScher l'effondrement du modèle rhénan, pour une excellente raison : tant les sociaux-démocrates que les Verts ont accepté les traités de Maastricht et d'Amsterdam, qui consacrent le consensus néo-libéral. Il n'est donc pas étonnant que le chancelier Schrôder ait récemment déclaré qu'il fallait diminuer les indemnités de chômage pour inciter plus de gens A  occuper les emplois disponibles, et qu'il allait donc introduire une législation obligeant les agences locales pour l'emploi A  réduire ou A  geler leurs rsements aux chômeurs qui refusent des offres d'emploi ou ne cherchent pas A  acquérir de noulles qualifications. Quant aux Verts, comme je l'ai souligné ailleurs37, leur entrée au gournement et la position qu'ils ont prise sur la guerre de l'OTAN au Kosovo (aujourd'hui corroborée par leur attitude semblable sur la - guerre contre le terrorisme -) ont clairement confirmé qu'ils ne sont plus une force de libération.
Pourtant, les sociaux-démocrates européens, constatant que le - marché social - n'est plus réalisable au niau national, proposent aujourd'hui son européanisation. Mais il faudrait pour cela couper l'Europe de l'économie de marché internationalisée - ce qui est matériellement impossible en restant dans le cadre institutionnel de l'économie de marché.



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