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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en œuvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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La direction scientifique des entreprises



De ce point de vue, les choses sérieuses ne s'engagèrent qu'avec l'introduction en France des théories du très célèbre ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-l915), dont les principaux écrits furent très te traduits en franA§ais A  l'instigation d'Henri Le Chatelier, éminent polytechnicien, (Taylor, 1902, 1911).


Ancien contremaitre, F. W. Taylor avait entrepris de s'attaquer au lancinant problème de la flanerie des ouvriers, et il s'était convaincu que la responsabilité principale incombait aux méthodes de direction, suspectes de n'AStre pas réellement orientées vers l'efficacité productive. Etudiant les postes de travail un par un (depuis la fameuse manutention des gueuses de fonte jusqu'au découe des métaux), Taylor en arriva A  énoncer des règles générales de -direction des ateliers- : une fois décomposées les taches et les méthodes de travail, il était possible de concevoir la manière idéale de travailler, puis d'enseigner aux ouvriers la bonne faA§on d'enchainer chaque séquence de travail. Il en découlait des grands principes d'organisation scientifique du travail :
(1 ) La conception du travail devait AStre séparée de son exécution, les différentes phases du processus de production étant préparées et mises en œuvre de manière centralisée ; (2) les travailleurs devaient AStre soigneusement sélectionnés puis formés de manière précise; (3) l'exécution du travail devait AStre rigoureusement contrôlée, et la rémunération devait dépendre de la conformité des taches réellement effectuées A  ce qui avait été prescrit par la hiérarchie.
De ces -principes scientifiques-, Taylor déduisait autre chose d'essentiel : les travailleurs et leur direction se devaient de réaliser que leurs intérASts respectifs étaient fondamentalement convergents. Respecter les consignes scientifiquement mises au point revenait A  optimiser les résultats pour les deux parties, de telle sorte que les sources de conflits étaient éliminées :
-Avec l'organisation scientifique, les intérASts vériles des deux parties sont les mASmes; la prospérité de l'employeur ne peut durer que si elle est accomnée de celle de l'employé et inversement; il est ainsi possible de donner A  l'un et A  l'autre ce qu'ils désirent; A  l'ouvrier, de gros salaires et au patron, une main-d'œuvre bon marché- (Principes d'organisation scientifique, passage cité par Desmarez, 1986, p. 61).
Où situer la rupture avec les thèses quasi-contemporaines de Fayol? A dire vrai, certains aspects des propositions de Taylor étaient en retrait par rapport A  celles de l'ingénieur franA§ais. Fayol, on l'a dit, avait osé appliquer la démarche rationnelle A  l'entreprise considérée comme un tout. Taylor ne le fil pour sa part que très indirectement : son affaire était l'organisation du travail dans l'atelier, et non pas l'organisation générale de la firme, que son œuvre n'aborda en fait que par analogie aux problèmes de la relation hiérarchique élémentaire. A cet égard, cet ingénieur resta A  sa place, comme l'indique la déférence dévouée qu'il affichait A  l'égard des propriétaires En sens inverse, et du fait-mASme de sa tendance A  confondre la partie et le tout, le -système Taylor- eut un caractère objectivement totalitaire. Sa prétention ne fut rien moins que d'éliminer ce que son auteur appelait de faA§on générique -l'ancien système de direction- pour y substituer les principes de la -direction scientifique-.
Ce n'est pas un hasard si -l'ancien système- décrit par Taylor s'apparentait A  la fois aux traditions du comnonnage et A  celles du capitalisme patrimonial. Il y était question d'ouvriers autonomes, -transmettant de bouche A  oreille la connaissance du métier-. A leurs côtés, le rôle naturel des patrons était -d'obtenir ce que l'on peut appeler l'initiative de l'ouvrier-, c'est-A -dire -son travail assidu, sa bonne volonté, son ingéniosité, sa détermination de faire tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir l'intérASt de son employeur- (Taylor, 1911, trad. fr., 1957, p. 64). Pour y parvenir, il fallait que le patron fasse usage de -stimulants-. Taylor désignait par ce terme des salaires élevés, supérieurs A  ceux de la concurrence. Mais on imagine ce que cette représentation sommaire dissimulait : la mise en œuvre d'un lien sle entre des partenaires placés dans une situation mutuelle de dépendance.
Le propos de Taylor fut de démontrer que ce système-lA  ne fonctionnait pas bien. Pour cela, il mit en avant deux explications complémentaires. D'abord, l'ingénieur qu'il était implora qu'on admette qu'un fossé pouvait séparer la -volonté de bien faire- des exécutants et l'efficacité réelle de leur travail. S'étant astreint A  l'analyse des temps et des mouvements adaptés A  la réalisation d'une tache quelconque, Taylor avait conclu que ni le savoir transmis de génération en génération, ni la qualité des intentions du personnel ni celle des liens qui l'unissaient A  l'employeur ne fournissaient de garantie particulière d'efficience. A partir du moment où l'on considérait les chefs comme détenteurs d'une compétence propre appliquée A  l'organisation du travail, l'implication personnelle des salariés dans leur actité risquait au contraire d'avoir des effets pervers, de nature A  brouiller les messages de la hiérarchie. Il y avait aussi l'explication de l'homme de terrain : dans le système traditionnel, Taylor voyait que les efforts déployés par les patrons pour se concilier la main-d'œuvre se trouvaient contrariés par la tendance des ouvriers A  se liguer entre eux. MASme encouragé par toutes sortes de gratifications matérielles et symboliques, le zèle indiduel trouvait sa limite dans la tendance des ouvriers A  aligner leur comportement sur celui de leurs comnons, si ce n'est A  faire front pour imposer des normes moins contraignantes. D'où la stratégie courante du -freinage- (la limitation volontaire de la production).


C'est donc tout cela qu'il s'agissait de changer, au profit des principes de la direction scientifique. Or on voit que, pris sous cet angle, le projet allait finalement très loin. Dans son combat contre la -tradition-, l'autodidacte de la Mid-vale Steel Company rejoignait A  son insu l'imaginaire de la Raison hérité de la philosophie des Lumières et de la Révolution franA§aise. Il inventait un modèle d'-entreprise positive- débarrassé des stigmates des communautés d'Ancien Régime : plus de lien social subjectif enchevAStré avec la relation industrielle ; plus de groupes constitués; plus d'interférence entre l'autorité sociale des maitres et la compétence technique déléguée aux spécialistes. Désormais, le système scientifique pourvoirait A  lui seul A  la prospérité générale et A  la rencontre des intérASts. Il convenait par conséquent de ne plus s'épuiser A  -humaniser- l'entreprise et de cesser de la confondre avec un corps social! De lA  la dissonance entre Taylor et Fayol A  propos du système hiérachique : contrairement A  Fayol, héritier objectif de la tradition, Taylor croyait pouvoir faire voler en éclats la règle de l'unité de commandement, sous prétexte que la fonction d'un chef comprenait fatalement plusieurs spécialités, susceptibles d'AStre décomposées en autant de spécialistes Peu importait en l'occurrence la dimension humaine du problème : il convenait seulement d'AStre rationnel jusqu'au bout.
Dans ces conditions, il ne fallait pas s'attendre A  ce que le taylorisme fût partout accueilli A  bras ouverts. DéjA , aux Etats-Unis, Taylor se heurta A  suffisamment de défiance pour provoquer en 1912 la fameuse ution devant une commission du Congrès, chargée d'enquASter A  la suite de divers remous et mouvements de grève. Ailleurs, le rationalisme dont était imprégnée la pensée taylorienne eut pour effet paradoxal que les principes de la direction scientifique furent, globalement mieux reA§us parmi les dirigeants politiques de la gauche que chez les patrons. On sait que le marxisme eut sa période de connivence avec le taylorisme : dans la jeune Union soétique, Lénine recommanda la mise en œuvre des méthodes de Taylor. En France, le taylorisme eut de mASme des défenseurs A  gauche, tels Albert Thomas et Alexandre Millerand, dans les circonstances de la formation du Gouvernement d'Union Nationale de la guerre de 1914. Au mASme moment, et compte tenu de ce qu'on sait d'un patronat qui avait alors si bien réussi A  préserver sa tradition patrimoniale, l'étonnant eût été que les entrepreneurs se convertissent au système dans l'enthousiasme. Ils ne le firent pas. Logiques avec eux-mASmes, et au moins dans un premier temps, ils furent mASme extrASmement réservés, au point de sanctionner A§A  et lA  les ingénieurs trop empressés A  -tayloriser-.
Au début du XXe siècle, la mise en place de l'organisation scientifique du travail ne fut donc pas cette trainée de poudre qu'on se représente trop facilement. En France, un déclic se produisit il est vrai du fait de la mobilisation industrielle des années 1914-l918, puis de la relance qui suit. C'est ainsi que, sur les places minières et sidérurgiques, il fallut alors faire massivement appel A  la main-d'œuvre immigrée. Le système clos du patronage étant mis en échec, les entrepreneurs taylorisèrent A  leur corps défendant : le système hiérarchique changea progressivement de nature. La rupture fut peu ou prou entérinée entre les agents chargés d'organiser et ceux qui devaient -travailler sans réfléchir-.


Ensuite nt la vérile éclosion de l'industrie de masse, avec le développement du secteur métallurgique en général, et de l'industrie automobile en particulier. Elle eut des effets du mASme ordre, marqués par l'introduction du travail A  la chaine, la décomposition des taches et l'entrée en scène des ouvriers spécialisés : des ouvriers auxquels étaient confiés des -travaux simples, rentrant directement dans le cycle d'une fabrication donnée, et dont l'exécution [supposait] une adaptation de quelques jours ou de quelques semaines-, selon la définition qu'en donnèrent A  partir de 1936 les conventions collectives signées dans le secteur des métaux. Ainsi, on peut affirmer que le système taylorien se trouva peu A  peu généralisé et apprivoisé dans la France des années 1930. Avec cette limite cependant : de plus en plus exclusivement assimilé A  la parcellisation du travail, il ne le fut qu'en tant que technique d'organisation, un peu comme la montée des ingénieurs l'avait été au cours du siècle précédent. Le mouvement ne fut accomné ni d'une remise en cause fondamentale de l'identité patronale, ni de quelque conversion substantielle des dirigeants industriels au mythe de l'-entreprise positive-.
Les sociologues ont depuis lors caractérisé ce qui fut alors effectivement en jeu : sous couvert de taylorisation, on assista A  un processus progressif de transformation du rapport salarial. Le patronat de ce moment-lA  se trouvait dans une position nouvelle : il était tributaire d'un mouvement intensif de mécanisation, contraint aussi de procéder A  des mouvements importants de recrutement et de déplacement des ouvriers. En mASme temps, il ne disposait plus de l'autorité naturelle qui lui avait été reconnue jusque-lA  : la tendance était A  la syndicali-sation de la classe ouvrière et A  l'extension des grèves. Dans ce contexte, les entrepreneurs usèrent de l'organisation scientifique du travail et de la parcellisation des taches ouvrières comme d'une méthode de subordination de la main-d'œuvre. Les premiers sés furent édemment les ouvriers de métier :
-Briser l'ouvrier de métier, libérer le procès de travail du pouvoir qu'il exerce pour y instaurer la loi et la norme patronales, telle [fut] la contribution historique du taylorisme- (Coriat, 1979, p. 46); -En mASme temps que l'ouvrier de métier, c'est l'ouvrier syndiqué et organisé [qui fut] progressivement évacué de l'usine. L'entrée de l'unskilled dans l'atelier [fut] non seulement l'entrée d'un travailleur objectivement moins cher, mais aussi l'entrée d'un travailleur non organisé, privé de la capacité de défendre la valeur de sa force de travail- (ibid., p. 55).
A l'opposé de la discipline rationnelle et progressiste qu'elle prétendait AStre, la direction scientifique des entreprises s'identifia A  une nouvelle technique de domination. A un moment de resserrement des contraintes, cette technique fut chargée d'opérer le processus de soumission et de contrôle dans des secteurs où les formes antérieures du capitalisme n'y étaient pas encore parvenues. L'épisode marqua A  certains égards la fin du patronage, mais non pas la mort du paternalisme. Au contraire, des chercheurs ont A  bon droit identifié ces circonstances au moment vérile du paternalisme, entendu comme forme dégradée et autoritaire du sytème domestique qui avait jusqu'alors prévalu.
De fait, qui dirait aujourd'hui que l'avancée des pratiques néo-tayloriennes eut pour effet le reflux des représentations familiales dans l'univers industriel? Une fois dissipé ce qu'il y avait d'abusif dans les prétentions scientifiques du grand ingénieur, tout le monde s'est accordé pour voir dans les nouvelles formes de subordination au travail des principes d'ordre moral qui ne rompaient pas vraiment avec le passé. Le motif de la rationalisation du processus productif eut pour effet de donner A  la situation de dépendance de l'ouvrier un nouveau fondement éthique, dont le moins qu'on puisse dire est qu'il a depuis lors beaucoup ser.





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