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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Les six livres de la république (i576)

Mille es sont nécessaires A  Bodin pour démontrer la double affirmation qui constitue la définition de la République ou de l'état : il n'y a état ou République que s'il y a droit de gournement (ordre juridique) et autorité définie par la souraineté, et la souraineté de la puissance n'est autre chose que la définition de l'état ou de la République. Les déloppements et analyses des Six livres de la République (1576) sont d'une lecture mal aisée, notamment A  cause d'un style et d'exemples ou de références historiques ou théoriques qui ne nous sont plus familiers. Et pourtant le propos de Bodin est clair : concevoir et définir la souraineté comme la clef de voûte de l'édifice du droit politique. On a sount affirmé que Bodin avait ainsi mis au jour la condition essentielle de l'existence d'un état au sens moderne du terme : une source unique de l'autorité souraine et du pouvoir d'obliger. Sans doute la notion de souraineté est antérieure A  Bodin. Elle désigne dans la littérature politique médiévale par exemple le caractère déterminé d'une puissance non vassale. Mais ac Bodin, la souraineté n'est pas pensée comme attribut d'un puissant, mais comme substance mASme de l'état.
A cet égard l'ouvre de Bodin semble une réponse A  Machial, dont il est le lecteur assidu et qu'il mentionne explicitement dans la Préface de son ouvrage. Machial décrivait et théorisait le pouvoir d'état, celui du Prince, il en montrait le fonctionnement, les rouages. Or Bodin entreprend de définir ce qui fonde et légitime ce pouvoir, c'est-A -dire la puissance souraine qui confère au pouvoir lui-mASme sa justice. "Quand je dis justice, j'entends la prudence de commander en droiture et intégrité", écrit-il dans la Préface. Il ne suffit pas qu'il y ait un chef pour que ce chef soit dit "sourain". La souraineté dans son concept est principe de l'état : elle n'est pas ce qui caractérise le pouvoir du chef, mais ce qui constitue l'état comme tel.
Il faut donc que la souraineté soit une et indivisible. Bodin soutiendra par conséquent, dans une logique du tiers exclu, que toute autorité est ou bien absolument souraine, ou bien entièrement subordonnée. Que l'Etat soit gourné "populairement" ou "royalement" son principe reste inchangé. La souraineté est indivisible, incommunicable (Rousseau dira inaliénable) et absolue parce qu'il n'y a pas de volonté, dans la République bien ordonnée, qui lui soit égale et, A  fortiori, supérieure.


De la souraineté Chapitre vin

La souraineté est la puissance absolue" et perpétuelle d'une Republique ()
Il est icy besoin de former la définition de souraineté, par ce qu'il n'y a ni jurisconsulte, ni philosophe politique, qui l'ait définie : jaA§oit que c'est le point principal, et le plus nécessaire d'estre entendu au traité de la Republique.
Le fondement principal de toute Republique.
Et d'autant que nous avons dit que Republique est un droit Gournement de plusieurs familles, et de ce qui leur est commun, ac puissance souraine, il est besoin d'esclaircir que signifie puissance souraine. Tay dit que ceste puissance est perpétuelle : parce qu'il se peut faire qu'on donne puissance absolue A  un ou plusieurs A  certain temps, lequel expiré, ils ne sont plus rien que subjects : et tant qu'ils sont en puissance, ils ne se peunt appeler Princes sourains, u qu'ils ne sont que dépositaires, et gardes de ceste puissance, jusques A  ce qu'il plaise au peuple ou au Prince la révoquer : qui en demeure tousjours saisi : car tout ainsi que ceux qui accommodent autruy de leurs biens, en demeurent tousjours seigneurs, et possesseurs : ainsi est-il de ceux lA  qui donnent puissance, et autorité de juger, ou commander : soit A  certain temps et limité, soit tant et si long temps qu'il leur plaira, ils demeurent néantmoins saisis de la puissance et jurisdiction, que les autres exercent par forme de prest ou de précaire. Cest pourquoy la loy dit que le gourneur de pais, ou Lieutenant du Prince, après son temps expiré, rend la puissance, comme dépositaire et garde de la puissance d'autruy. Et en cela il n'y a point de différence du grand officier au petit : autrement si la puissance absolue, ottroyee au Lieutenant du Prince, s'appeloit souraineté, il en pourroit user enrs son Prince, qui ne serait plus qu'un chifre, et le subject commanderait au seigneur, le serviteur au maistre : chose qui serait absurde, attendu que la personne du sourain est tousjours exceptée en termes de droit, quelque puissance et auctorité qu'il donne A  autrui : et n'en donne jamais tant, qu'il n'en retienne tousjours davantage : et n'est jamais exclus de commander, ou de cognoistre par préntion, ou concurrence, ou évocation, ou ainsi qu'il luy plaira des causes dont il a chargé son subject, soit commissaire, ou officier : ausquels il peut oster la puissance qui leur est attribuée, ou la tenir en souffrance tant et si longuement qu'il luy plaira.


Le Dictateur n'estoit pas sourain.

Ces maximes ainsi posées, comme les fondements de la souraineté, nous conclurons que le Dictateur Romain, ni l'Harmoste de Lacedemone, ni l'Esymnete de Salonique, ni celuy qu'on appeloit Archus A  Malte, ni la Balie ancienne de Florence, qui avoyent mesme charge, ni les Régents des Royaumes, ni autre Commissaire, ou Magistrat, qui eust puissance absolue A  certain temps, pour disposer de la Republique, n'ont point eu la souraineté, ores que les premiers Dictateurs eussent toute puissance, et en la meilleure forme que faire se pouvoit, que les anciens Latins disoyent : OPTIMA LEGE : car alors il n'y avoit point d'appel, et tous les officiers estoyent suspesndus : jusques A  ce que les Tribuns furent instituez, qui demeuroyent en charge, nonobstant la création du Dictateur, et avoyent leur opposition sau : et s'il y avoit appel interjette du Dictateur, les Tribuns fai-soyent assembler le menu peuple, et donnoyent assignation aux parties, pour déduire leurs causes d'appel, et au Dictateur pour soustenir son jugement : comme il se fit quand le Dictateur Papyrius Cursor voulut faire mourir Fabius Maximus I. Colonnel des gens de cheval : et Fabius Maximus II. Dictateur, voulut faire le semblable enrs Minutius colonnel de sa chevalerie. En quoy il appert que le Dictateur n'estoit ni Prince, ni Magistrat sourain comme plusieurs ont escrit, et n'avoit rien qu'une simple commission pour faire la guerre, ou reprimer la sédition, ou reformer Testat, ou instituer nouaux officiers. Or la souraineté n'est limitee.ni en puissance, ni en charge, ni A  certain temps. Et mesmes les dix Commissaires, eslis pour reformer les coustumes et ordonnances, jaA§oit qu'ils eussent puissance absolue, et sans appel, et que tous les magistrats fussent pendant leur commission suspendus, si est-ce qu'ils n'avoyent pas pourtant la souraineté : car estant leur commission achevée, leur puissance expiroit, tout ainsi que celle du dictateur : comme Cincinat ayant vaincu l'ennemi, se deschargea de la Dictature qu'il n'avoit eu que quinze jours : Servilius Priscus huict jours : Mamercus un jour. Aussi le Dictateur estoit nommé par l'un des plus nobles Sénateurs, sans edict, ni loy, ni ordonnance, chose nécessaire anciennement, aussi bien qu'A  présent, pour l'élection des offices, comme nous dirons en son lieu. Si on dit que Sulla obtint la Dictature pour LXXX ans par la loy Valeria, je re-spondray ce que fit Ciceron, que ce n'estoit pas loy, ni Dictature, ains une cruelle tyrannie, laquelle toutesfois il quitta quatre ans après, alors que les guerres civiles furent appaisees : encores avoit-il réservé aux Tribuns leur opposition franche. Et combien que César eust empiété la Dictature perpétuelle, si est-ce qu'il n'osta point aux Tribuns le droit d'opposition : mais d'autant que la Dictature estoit abolie par loy expresse, et que neantmoins sous ce voile il avoit envahi Testat, il fut tué. MaiA§ posons le cas qu'on eslise un, ou plusieurs des citoyens, ausquels on donne puissance absolue de manier Testat et gourner entièrement, sans déférer aux oppositions ou appellations en sorte quelconque, et que cela se face tous les ans, dirons nous pas que ceux lA  auront la souraineté ? car celuy est absolument sourain, qui ne recognoist rien plus grand que soy après Dieu. Je di neantmoins que ceux la n'ont pas la souraineté, attendu qu'ils ne sont rien que, dépositaires de la puissance qu'on leur a baillée A  certain temps. Aussi le peuple ne se dessaisit point de la souraineté, quand il eslit un ou plusieurs lieutenans, ac puissance absolue A  certain temps limité : qui est beaucoup plus, que si la puissance estoit revocable au plaisir du peuple, sans prefixion de temps : car l'un et l'autre n'a rien a soy, et demeure conle de sa charge, A  celuy duquel il tient la puissance de commander : ce qui n'est pas au Prince sourain, qui n'est tenu rendre conte qu'a Dieu.

Le grand Archon d'Athènes n'estoit pas sourain.
Mais que dirons nous si la puissance absolue est ottroyee pour neuf ou dix ans ? comme anciennement en Athènes, le peuple faisoit l'un des citoyens sourain, qu'ils appelloyen Archon : je di toutesfois qu'il n'estoit pas Prince, et n'avoit pas la souraineté : mais bien il estoit magistrat sourain, et conle de ses actions enrs le peuple, après le temps coulé. Encores peut-on dire, que la puissance absolue sera décernée A  l'un des citoyens, comme j'ay dit, et sans estre tenu de rendre conte au peuple, comme les Cnidiens tous les ans eslisoyent soixante bourgeois, qu'on appelloit Amymones, c'est A  dire sans reproche, ac puissance souraine, sans qu'on les peust appeller, ni pendant leur charge, ni après icelle passée, pour chose qu'ils eussent faicte. Je di toutesfois qu'ils n'avoyent point la souraineté, u qu'ils estoyent tenus comme gardes, la rendre Tan expiré, demeurant la souraineté par ders le peuple, et l'exercice aux Amymones qu'on pouvoit appeler magistrats sourains, et non pas sourains simplement : car l'un est Prince, l'autre est suject : l'un est seigneur, l'autre est serviteur : l'un est propriétaire, et saisi de la souraineté, l'autre n'est ni propriétaire, ni possesseur d'icelle, et ne tient rien qu'en depost. Nous ferons mesme jugement des Regens eslis pour l'absence, ou jeunesse des Princes sourains, encores que les edits, mandements, et lettres patentes soyens signés, et seelés du seing et seel des Regens, et en leur nom : comme il se faisoit en ce Royaume, au paravant l'ordonnance de Charles V Roy de France : ou que cela soit faict au nom du Roy, et les mandements seelés de son seel : car en quelque sorte que ce soit, il est bien certain en termes de droit, que le maistre est réputé faire ce qu'il a chargé son procureur de faire. Or le régent est vray procureur du Roy et du Royaume : ainsi s'appelloit le bon Comte Thibaut, procurator regni Francorum. Et par ainsi, quand le Prince donne puissance absolue au Régent, ou bien au Sénat en sa présence, ou en son absence, de gourner en son nom, ores que la qualité de régent soit employée aux edicts, et lettres de commandement, c'est tousjours le Roy qui parle, et qui commande. Ainsi void on que le Sénat de Milan et de Naples, en l'absence du Roy d'Esne, a puissance absolue, et deceme tous mandemens en son nom : comme on peut voir par l'ordonnance de l'Empereur Charles V portant ces mots : Senatus, Mediolanens. potestatem habeat constitu-tiones Principis confirmandi, infirmandi, tollendi, dispensandi contra statuta, habilitationes.praerogationes, restitutiones faciendi, etc. A  Senatu ne provocari possit, etc. Et quicquidfaciet parent vim habeat, ut si A  principe factum, ac decretum esset : non tamen possit delicto-rum gratiam, ac niam tribuere, aut literas salui conductus reis crimi-num dare. Ceste puissance presque infinie, n'est pas donnée au Sénat de Milan et de Naples, pour diminuer en rien qui soit la majesté du Roy d'Esne, ains au contraire, pour la descharger de peine, et souci : joint aussi que cette puissance, pour grande qu'elle soit, est revocable au bon plaisir de celuy qui l'ottroye. Posons donc le cas que ce pouvoir soit donné A  un lieutenant de Roy, pour toute sa vie : est ce pas une puissance souraine, et perpétuelle : autrement si on disoit perpétuelle, qui n'a jamais fin, il n'y aurait souraineté qu'en Testat Aristocratique et populaire, qui ne meurent point :
Ou bien qu'on entendist le mot perpétuel en un Monarche, pour luy et ses héritiers, il y aurait peu de Monarques sourains, attendu qu'il y en a fort peu qui soyent héréditaires : et mesmement ceux qui viennent A  la couronne par droict d'élection, ne seroyent pas sourains. D faut donc entendre ce mot perpétuel, pour la vie de celuy qui a la puissance. Je di que si le magistrat sourain, et annuel seulement, ou bien A  quelque temps prefix et limité, vient A  continuer la puissance qu'on luy a baillée, il faut que ce soit de gré A  gré, ou par force : si c'est par force, cela s'appelle tyrannie : et neantmoins le tyran est sourain : tout ainsi que la possession violente du prédateur, est vraye possession et naturelle, quoy qu'elle soit contre la loy : et ceux qui l'avoyent auparavant en sont dessaisis : mais si le magistrat continue la puissance souraine qu'il a de gré A  gré, je di qu'il n'est pas Prince sourain, u qu'il n'a rien que par souffrance : et beaucoup moins si le temps n'est point limité : car en ce cas il n'a rien que par commission précaire.

Le lieutenant gASnerai et perpétuel d'un Prince ac puissance absolue n'est pas sourain.
On sA§ait assez qu'il n'y eut onques puissances plus grande, que celle qui fut donne A  Henry de France, Duc d'Anjou par le Roy Charles IX car elle est souraine, et sans exception d'un seul article de regale : et neantmoins on ne peut dire qu'il fust sourain, ayant qualité de Lieutenant gASnerai pour le Roy, quand ores il eust esté perpétuel : combien que la clause, TANT QU'IL NOUS PLAIRA, fust apposée en ses lettres, qui portoit souffrances, et tousjours son pouvoir estoit suspendu en la présence du Roy.
Que dirons nous donc de celuy qui a du peuple la puissance absolue, tant et si longuement qu'il vivra ? En ce cas il faut distinguer : si la puissance absolue luy est donnée purement et simplement, sans qualité de magistrat, ni de commissaire, ni forme de précaire, il est bien certain que celuy-lA  est, et se peut dire monarque sourain : car le peuple s'est dessaisi et despouillé de sa puissance souraine, pour l'ensaisiner et instir : et A  luy, et en luy transporté tout son pouvoir, auctorités, prérogatis, et souraineté : comme celuy qui a donné la possession, et propriété de ce qui luy appartenoit. La loy use de ces mots, El ET IN EUM OMNEM POTESTATEM CONTULJT. Mais si le peuple ottroye sa puissance A  quelqu'un tant qu'il vivra, en qualité d'officier, ou lieutenant, ou bien pour se descharger seulement de l'exercice de sa puissance : en ce cas il n'est point sourain, ains simple officier, ou lieutenant, ou régent, ou gourneur, ou gardien, et bail de la puissance d'autruy : car tout ainsi que le Magistrat, ores qu'il face un lieutenant perpétuel, et qu'il n'ait aucun soin de sa juris-diction, laissant l'entier exercice A  son lieutenant, que gist la puissance de commander, ni de juger, ni l'action et force de la loy : et s'il passe outre la puissance A  luy donnée, ce n'est rien fait, si les actes ne sont ratifiés, loués, et approuvés par celuy qui a donné la puissance. Et pour ceste cause, le Roy Jean apres son retour d'Angleterre, ratifia solennellement tous les actes de Charles son fils aisné, esli regent, pour iceux valider et confirmer, entant qu'il serait besoin.

Ancienne loy d'Escosse.
Soit donc par commission, ou par institution, ou par délégation, qu'on exerce la puissance d'autruy en certain temps, ou A  perpétuité, celuy qui exerce ceste puissance n'est point sourain, ores que par ses lettres il ne fust qualifié procureur, ni lieutenant, ni gourneur, ni regent, ou mesmes que la loy du pais donnast ceste puissance, qui serait encore plus forte que par élection : comme estoit l'ancienne loy d'Escosse, qui donnoit l'entier gournement du Royaume au plus proche parent du Roy pupil, ou en bas age, A  la charge que tout se ferait sous le nom du Roy, qui fut cassé, pour les inconniens qu'elle tirait après soy.


Que c'est de puissance absolue.

Poursuivons maintenant l'autre partie de nostre définition, et disons que signifient ces mots, PUISSANCE ABSOLUE. Car le peuple ou les seigneurs d'une Republique, peunt donner purement et simplement la puissance souraine et perpétuelle A  quelqu'un pour disposer des biens, des personnes, et de tout Testat A  son plaisir, et puis le laisser A  qui il voudra, et tout ainsi que le propriétaire peut donner son bien purement et simplement, sans autre cause que de sa libéralité, qui est la vraye donation : et qui ne reA§oit plus de conditions, estant une fois parfaite et accomplie : attendu que les autres donations, qui portent charge et condition, ne sont pas vrayes donations : aussi la souraineté donnée A  un Prince sous charges et conditions, n'est pas proprement souraineté, ni puissance absolue : si ce n'est que les conditions apposées en la création du Prince, soyent de la Loy de Dieu ou de nature, comme il se fait apres que le grand Roy de Tartarie est mors, le Prince et le peuple A  qui appartient le droit d'élection, choisissent celuy des parens du defunct que bon leur semble, pour-vueu qu'il soit fus ou nepu : et l'ayant assis en un throsne d'or, luy disent ces paroles : Nous te prions, nous voulons aussi, et t'enseignons que tu règnes sur nous : alors le Roy dit. Si vous voulez cela de moy, il faut que vous soyez prests A  faire ce que je commande-ray : que celuy que j'ordonneray estre tué, soit tué incontinent, et sans delay, et que tout le Royaume soit commis et esli entre mes mains : le peuple respond, ainsi soit-il : puis le Roy continuant dit, la parole de ma bouche sera mon glai : et tout le peuple luy applaudit. Cela faict il est pris, et osté de son throsne, et posé sur terre sur un aix, et les Princes addressans A  luy leurs paroles disent ainsi : Regarde en haut, et cognois Dieu : et voy cest aix sur lequel tu es assi en bas : Si tu gournes bien, tu auras tout A  souhait : autrement, tu seras mis aussi bas, et despouillé de telle sorte, que mesme cest aix où tu sieds ne te restera pas. Cela dit, il est eslevé en haut, et crié roy des Tartares. Ceste puissance est absolue, et souraine : car elle n'a autre condition que la loy de Dieu et de nature ne commande ()

Le Prince est tenu de ses conntions.
De ceste resolution nous pouvons tirer une autre reigle d'estat, c'est A  sA§avoir que le Prince sourain est tenu aux contracts par luy faicts, soit ac son subject, soit acques l'estranger : car puis qu'il est ga-rand aux subjects des conntions et obligations mutuelles qu'ils ont les uns enrs les autres, A  plus forte raison est-il debteur de justice en son faict. Comme la Cour de Parlement de Paris rescrivit au Roy Charles IX.en M.D.LXIII au mois de Mars, que sa majesté seule ne pouvoit rompre le contrat faict entre luy et le Clergé, sans le consentement du Clergé, attendu qu'il estoit debteur de justice. Et me souvient d'une décision de droit touchant les Princes, qui mérite estre gravée en lettres d'or dedans leurs grottes et Palais : QU'ON doit mettre entre les cas fortuits, si le Prince contrevient A  sa promesse, et qu'il n'est pas A  présumer au contraire : car l'obligation est double : l'une pour l'équité naturelle, qui ut que les conntions et promesses soyent entretenues : l'autre pour la foy du prince, qu'il doit tenir, ores qu'il y eust dommage, parce qu'il est garand formel a tous ses subjects de la foy qu'ils ont entr'eux : et qu'il n'y a crime plus détesle en un prince que le parjure : c'est pourquoy le Prince sourain doit estre tousjours moins supporté en justice que ses subjects quand il y va de sa promesse : car il ne peut oster l'office donné A  son subject sans juste cause : et le seigneur particulier le peut faire : comme il se juge ordinairement : et si ne peut oster le fief A  son vassal sans cause, les autres seigneurs le peunt par les maximes des fiefs. Qui est pour respondre aux docteurs canonistes, qui ont escrit que le Prince ne peut estre obligé que naturellement : parce que, disent ils, les obligations sont de droit civil, qui est un abus : car il est bien certain en termes de droit, que si la conntion est de droit naturel, ou de droit commun A  tous peuples, et l'obligation et l'action seront de mesme nature : mais nous sommes en plus forts termes, car le Prince est tellement obligé aux conntions qu'il a ac ses subjects, ores qu'elles ne soyent que de droit Civil, qu'il n'y peut déroger de sa puissance absolue : comme les docteurs en droit presque tous demeurent d'accord : u que Dieu mesme, comme dit le maistre des sentences, est tenu de sa promesse. Assemblez moy, dit-il, tous les peuples de la terre, A  fin qu'ils jugent entre mon peuple et moy, s'il y a chose que j'ay deu faire, et ne l'aye faict ? Il ne faut donc pas révoquer en doute, comme quelques docteurs ont faict, si le Prince ayant contraté acques ses subjects, est tenu de sa promesse : dequoy il ne se faut esbahir, u qu'ils ont soustenu que le Prince peut faire son proffit du dommage d'autruy sans juste cause : qui est contre la loy de Dieu et de nature. Et partant il fut jugé par arrest du Parlement que le prince peut bien donner son interest A  celuy qui est condamné, et non pas l'interest civil de la partie : et passant plus outre la Cour a préféré la partie civile au fisque, pour le regard de la peine. Et par autre arrest donné l'an M.CCCLI le quinzième Juillet, il fut dit que le Roy pouvoit déroger aux loix civiles, pouru que ce fust sans préjudice du droit des particuliers, qui est pour confirmer les décisions que nous avons posées, touchant la puissance absolue.


Des vrayes marques de souraineté

Chapitre X.
Puis qu'il n'y a rien plus grand en terre après Dieu, que les Princes sourains, et qu'ils sont eslis de lui comme ses lieutenants, pour commander aux autres hommes, il est besoin de prendre garde A  leur qualité, afin de respecter et révérer leur majesté en tout obéissance, sentir et parler d'eux en tout honneur : car qui mesprise son Prince sourain, il mesprise Dieu, duquel il est l'image en terre. C'est pourquoy Dieu parlant A  Samuel, auquel le peuple avoit demandé un autre Prince : C'est moy, dit-il, a qui ils ont faict injure. Or afin qu'on puisse cognoistre celuy qui est tel, c'est a dire Prince sourain, il faut sA§avoir ses marques, qui ne soyent point communes aux autres su-jects : car si elles estoyent communes, il n'y auroit point de Prince sourain : et neantmoins ceux qui en ont mieux escrit, n'ont pas es-clairci ce poinct comme il meritoit, soit par flatterie, soit par crainte, soit par haine, soit par oubliance. Nous lisons que Samuel ayant sacré le roy, que Dieu avoit esleu, fit un livre des droits de la majesté : mais les Hebrieux ont escrit, que les rois le supprimèrent, afin d'exercer la tyrannie sur les sujects. En quoy Melanchthon s'es mespris, qui a pensé que les droits de la majesté, soyent les abus et tyrannies, que Samuel dist au peuple en sa harangue : voulez vous sA§avoir, dit-il, la coustume des tyrans ? C'est de prendre les biens des sujects pour en disposer A  leur plaisir, prendre leurs femmes et leurs enfants pour en abuser, et en faire leurs esclas : le mot ne signifie pas droits en ce lieu lA , mais coustumes et faA§ons de faire : autrement ce bon Prince Samuel se fust démenti soymesme : car il rendit compte au peuple de la charge que Dieu lu avoit donnée : Qui est celui, dit-il, d'entre vous, qui peut dire que jamais j'ay pris de lui or ou argent, ou présent quelconque ? Alors tout le peuple lui donna ceste louange A  haute voix, qu'il n'avoit jamais fait tort, ni rien pris de personne quel qu'il fust. Entre les Grecs il n'y en a pas un qui en ait rien escrit, qui soit en lumière, horsmis Aristote, Ploybe, et Denys d'Alicarnas : mais ils ont tranché si court, qu'on peut juger A  uA« d'oil, qu'ils n'estoyent pas bien résolus de ceste question. Je mettray les mots d'Aristote : Il y a, dit-il, trois parties de la Republique, l'une A  prendre advis et conseil : l'autre A  eslir officiers, et la charge d'un chacun : et la troisième A  faire justice : il a entendu parler des droits de la majesté, encores qu'il die parties de la Republique : ou bien il faut confesser qu'il n'en a point parlé : car il n'y a que cest endroit lA  Polybe ne détermine pas aussi les droits et marques de souraineté, mais il dit parlant des Romains, que leur estat estoit meslé de puissance Royale, de seigneurie Aristocratique, et de liberté populaire, u, dit-il, que le peuple fait les loix et les officiers : et que le Sénat ordonne des provinces, et de l'espargne, et reA§oit les Ambassadeurs, et recognoist des plus grandes choses : les Consuls tiennent la prérogati d'honneur, en forme et qualité Royale, mesmes en guerre, où ils sont tous puissants. En quoy il appert qu'il a touché les principaux poincts de la souraineté : puis qu'il dit que ceux qui les ont, tiennent la souraineté. Denys d'Alicarnas semble avoir mieux escrit, et plus clairement que les autres. Car il dit que le Roy Servius pour oster la puissance au Sénat, donna pouvoir au peuple de faire la loy, et la casser : décerner la guerre et la paix : instituer et destituer les officiers : et cognoistre des appellations de tous les magistrats : et en autre lieu parlant du troisieme trouble adnu en Rome entre la Noblesse et le peuple, il dit, que le Consul M. Valerius remonstra au peuple qu'il se devoit contenter d'avoir la puissance de faire les loix, les officiers, et le dernier ressort : et quant au reste qu'il appartenoit au Sénat. Depuis les Jurisconsultes ont amplifié ces droits, et les derniers beaucoup plus que les premiers aux traictés qu'ils appellent Droits de regales : qu'ils ont rempli d'une infinité de particularitez qui sont communes aux Ducs, Comtes, Barons, Esques, officiers, et autres subjects des Princes sourains : en sorte mesmes qu'ils appellent les Ducs Princes sourains, comme les Ducs de Milan, MantouA«, Ferrare, et Savoye : voire jusques aux Comtes : et tous sont en cest erreur : qui a bien grande apparence de vérité. Et qui est celuy qui ne jugerait sourain, celuy qui donne loy A  tous ses subjects : qui fait la paix et la guerre : qui pourvoit tous les officiers et Magistrats de son pais : qui levé les tailles, et affranchit qui bon luy semble : qui donne grace A  celuy qui a mérité la mort ? que peut-on désirer d'avantage en un Prince sourain ? ceux-ci ont toutes ces marques de souraineté. Et neantmoins nous avons monstre cy dessus, que les Ducs de Milan, de Savoye, de Ferrare, de Florence, de MantouA« relènt de l'Empire : et la plus honnorable qualité qu'ils prennent, c'est de Princes et vicaires de l'Empire : nous avons monstre qu'ils ont les institure de l'Empire : qu'ils prestent la foy et hommage A  l'Empire : brief qu'ils sont naturels subjects de l'Empire, originaires des terres subjectes A  l'Empire : comment donc pourroyent-ils estre absoluement sourains ? comment serait sourain celuy qui recognoist la justice d'un plus grand que luy ? d'un qui casse ses jugements, qui corrige ses loix, qui le chastie s'il commet abus ? nous avons monstre que Galeace I. Vicomte de Milan fut accusé, attaint, convaincu et condamné de leze majesté par l'Empereur, pour avoir levé tailles sur les subjects sans congé, et qu'il mourut prisonnier. Et si les uns par congé, les autres par souffrance, les autres par usurpation entreprennent par dessus la puissance qu'ils ont, s'ensuit-il qu'ils soyent sourains, u qu'ils se confessent vicaires et Princes de l'Empire ? il faudrait donc rayer ceste qualité, et celle de Duc, et la qualité d'Altesse, et se qualifier Rois, user du tiltre de Majesté : qui ne se peut faire sans desadvouA«r l'Empire, comme fit Galvaigne, Vicomte de Milan, qui en fut bien chastié. Nous avons aussi monstre, que par le traicté de Constance, les villes de Lombardie demeurèrent subjectes A  l'Empire. Brief, nous avons monstre les absurditez intolérables qui s'en ensuyvroyent, si les vassaux estoyent sourains, mesmement quand ils n'on rien qui ne relevé d'autruy : et que ce serait égaler le seigneur et le subject, le maistre et le serviteur, celuy qui commande, ac celuy qui doit obéissance. Puis que cela est impossible, il faut bien conduire que les Ducs, Comtes, et tous ceux qui relènt d'autruy, ou qui reA§oynt loy, ou commandement d'autruy, soit par force ou par obligation, ne sont pas sourains. Nous ferons mesme jugement des plus grands Magistrats, lieutenans généraux des Rois, gourneurs. Régents, Dictateurs : quelque puissance qu'ils ayent, s'ils sont obligés aux loix, ressort et commandement d'autruy, ils ne sont pas sourains. Car il faut que les marques de souraineté soyent telles, qu'elles ne puissent connir qu'au Prince sourain : autrement si elles sont communicables aux subjects, on ne peut dire que ce soyent marques de souraineté. Car tout ainsi qu'une couronne perd son nom, si elle est ourte, ou qu'on arrache les fleurons : aussi la majesté souraine perd sa grandeur si on y fait ourture, pour empiéter quelque endroit d'icelle. C'est pourquoy A  l'eschange faicte entre le Roy Charles V et le Roy de Navarre des terres de Mante, et Meullan, ac Montpellier, où les droits Royaux sont articulez, il est dit appartenant au Roy seul et pour le tout : et par mesme raison tous sont d'accord que les droits Royaux sont incessibles, inaliénables, et qui ne peunt par aucun traict de temps estre prescrits : et s'il advient au Prince sourain de les communiquer au suject, il fera de son serviteur son comnon en quoy faisant il ne sera plus sourain : car sourain (c'est A  dire, celuy qui est par dessus tous les subjects) ne pourra connir A  celuy qui a faict de son subject son comnon. Or tout ainsi que ce grand Dieu sourain ne peut faire un Dieu pareil a luy, attendu qu'il est infini, et qu'il ne se peut faire qu'il y ait deux choses infinies, par démonstration nécessaire : aussi pouvons-nous dire que le Prince que nous avons posé comme l'image de Dieu, ne peut se faire un suject égal a luy, que sa puissance ne soit anéantie. S'il est ainsi, il s'ensuit que la marque de souraineté n'est pas de faire justice, parce qu'elle est commune au Prince et le subject ont ceste puissance, non seulement pour le regard des officiers servans ou a la justice, ou a la police, ou A  la guerre, ou aux finances, ains aussi pour ceux qui commandent en paix ou en guerre : car nous lisons que les Consuls anciennement faisoyent les Tribuns militaires, qui estoyent comme Mareschaux en l'armée : et celuy qui s'appelloit Interrex, faisoit le Dictateur : le Dictateur faisoit le Colonnel des gents de cheval : et en toute Republique où la Justice est donnée ac les fiefs, le seigneur féodal fait les officiers et les peut destituer sans cause, s'ils n'ont eu les offices en recompense. Nous ferons mesmes jugement des peines et loyers que les Magistrats et Capitaines donnent A  ceux qui l'ont mérité, aussi bien que le Prince sourain. Ce n'est donc pas marque de souraineté, de donner loyer ou peine A  ceux qui l'ont mérité, puis qu'il est commun au Prince et au Magistrat : ores que le Magistrat ait ce pouvoir du Prince. Aussi n'est-ce pas marque de souraineté, de prendre conseil pour les affaires d'estat, qui est la propre charge du privé conseil, ou Sénat d'une Republique, lequel est tousjours divisé de celuy qui est sourain : et mesmes en Testat populaire, où la souraineté gist en l'assemblée du peuple, tant s'en faut que le conseil des affaires soit propre au peuple, qu'il ne luy doit point estre communiqué, comme nous dirons en son lieu. Ainsi peut-on juger qu'il n'y a pas un seul poinct des trois qu'Aristote a posez, qui soit marque de souraineté. Quant A  ce que dit Denys d'Alicarnas, que M. Valerius, en sa harangue qu'il fit au peuple Romain pour appaiser les troubles, remonstra que le peuple se devoit contenter d'avoir la puissance de faire les loix, et les Magistrats : ce n'est pas assez dit, pour faire entendre qui sont les marques de souraineté : comme j'ay monstre cy dessus, touchant les Magistrats : nous dirons le semblable de la loy, que le Magistrat peu donner A  ceux qui sont au ressort de sa jurisdiction, pouru qu'il ne face rien contre les edicts et ordonnances de son Prince sourain. Et pour esclaircir ce poinct, il faut présupposer que le mot de loy sans dire autre chose, signifie le droit commandement de celuy ou ceux qui ont toute puissance par dessus les autres sans exception de personne : soit que le commandement touche tous les subjects en gASnerai, ou en particulier, horsmis celuy ou ceux qui donnent la loy combien qu'A  parler plus proprement, loy est le commandement du sourain touchant tous les subjects en gASnerai, ou de choses générales : comme dit Feste Pompée : comme privilège pour quelques uns : mais si cela se fait par le conseil privé, ou le Sénat d'une Republique, il s'appelle Senatusconsultum, ou advis du conseil privé, ou ordonnance du Sénat : Si le menu peuple faisoit quelque commandemant, on l'appelloit plebiscitum, c'est A  dire commandement du menu peuple, qui en fin fut appelle loy, après plusieurs séditions entre la Noblesse et le menu peuple pour lesquelles appaiser tout le peuple en l'assemblée des grands estats, A  la requeste du Consul M. Horace fit une loy, que la Noblesse et le Sénat en gASnerai, et chacun du peuple en particulier seroit tenu de garder les ordonnances que le menu peuple feroit, sans y appeller, ni souffrir que la noblesse y eust voix. Et d'autant que la Noblesse ni le Sénat n'en tenoit compte, la mesme loy fut derechef renoullee, et republiee A  la requeste de Quinctus Hortensius, et de Philon Dictateurs : et deslors en avant on ne dit plus plebiscitum, ou ordonnance du menu peuple, mais on appella loy simplement, ce qui estoit commandé par le menu peuple : fust pour le public, ou bien pour un particulier, ou que le menu peuple fust assemblé pour donner juges, ou mesmes pour juger : cela s'appelloit loy. Quant aux commandements des Magistrats, ils ne s'appelloyent pas loix, ains seulement edicts : Est enim edictum (disoit Varron) jussum magistratus : lesquels commandements n'obligent que ceux de sa jurisdiction, pouru qu'ils ne soyent point contraires aux ordonnances des plus grands Magistrats, ou bien aux loix et commandemants du prince sourain : et n'ont force sinon pour tant et si longuement que le Magistrat est en charge : et d'autant que tous Magistrats estoyent annuels en la Republique Romaine, les edicts n'avoyent force que pour un an au plus. C'est pourquoy Ciceron accusant Verres disoit, qui piurimum edicto tribuunt legem annuam appellant, tu plus edicto complecteris quam lege. Et parce que l'Empereur Auguste ne s'appelloit que Imperator, c'est A  dire Capitaine en chef, et Tribun du peuple, il appelloit ses ordonnances, edicts : et celles que la peuple faisoit A  sa requeste, s'appelloyent leges juliae : les autres Eppereurs usèrent de ceste forme de parler : de sorte que le mot d'edict peu A  peu s'est pris pour loy, quand il sortoit de la bouche de celuy qui avoit la puissance souraine : fust pour tous, ou pour un, ou que l'edict fust perpétuel, ou provisionnai. Et par ainsi on abuse des mots, quand on appelle loy edict : mais en quelque sorte que ce soit, il n'y a que les Princes sourains qui puissent donner loy A  tous les subjects, sans exception, soit en gASnerai, soit en particulier.



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