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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Le modernisme



Le modernisme
1 - Les caractéristiques



Modernisation, modernisme, modernité sont des mots et des valeurs proches les uns des autres, au point d'AStre parfois synonymes, alors qu'il y a souvent dans le passage de l'un A  l'autre un appauvrissement de la perspective, ire un processus de rigidifica-tion.
La modernisation est le grand mouvement de transformation économique, sociale et politique qui a arraché l'Europe, A  partir du xvi' siècle, A  la société féodale pour fariser, par le biais de ce qu'on appelle - la société civile - et la contestation du pouir religieux, l'émergence de l'individu. La naissance de la société marchande puis de la société capitaliste sur lesquelles le mouvement politique en faveur de la démocratie pluraliste s'est inscrit depuis le xvin siècle fut l'occasion de son plein épanouissement. La modernisation est donc avant tout synonyme de changement, de progrès, au point qu'aujourd'hui encore, l'idée de - moderne - renie intuitivement A  l'idée d'amélioration. La modernisation est sans doute d'ailleurs la caractéristique la plus forte de la philosophie occidentale depuis le xvi' siècle. Intuitivement, chacun fait l'équation suivante : modernisation = libération = progrès, La raison, la science et la technique ont été les trois piliers complémentaires de cette rélution en marche depuis trois siècles.
La modernisation trouve sa source philosophique et politique dans le mouvement en faveur de la modernité (xvne siècle), la sécularisation de la société, la rationalisation et le primat de l'individu. Le modernisme est le mot le plus récent. Il a d'abord désigné, A  la fin du xixe siècle, un mouvement philosophique et théologique visant A  - moderniser - la compréhension des textes sacrés, A  partir d'une lecture rationnelle qui prenait appui sur l'école exé-gétique moderne. Il fut l'occasion de violents affrontements au sein de l'Eglise et finalement condamné par le pape PieX dans l'encyclique - Pascendi - '.
Dans son deuxième sens, plus récent, modernisme est plutôt synonyme de modernité et traduit une attitude d'esprit en faveur de l'ouverture et du changement, considérés comme facteur de progrès.
Toute la difficulté vient aujourd'hui de cette liaison très forte : modernisation = apologie du changement = modernisme = émancipation = modernité = croyance dans la science et la raison progrès. C'est mASme cette liaison qui a donné naissance A  l'humanisme moderne. Certes, la modernité n'a pas le monopole de l'humanisme, mais elle a prétendu, justement contre l'humanisme d'origine chrétienne, ouvrir la ie A  un humanisme laïc, et parfois athée.
Les deux guerres mondiales, l'échec du communisme qui fut le plus grand mouvement idéologique en faveur de la modernisation, la menace nucléaire et la montée des périls écologiques ont, depuis un demi-siècle, ébranlé non seulement cet humanisme, mais aussi la force de ce paradigme. Néanmoins, celui-ci a joué un rôle déterminant en Europe, après l'horreur de la Seconde Guerre mondiale, pour la reconstruction économique, politique et sociale. C'est ici que l'on retrouve la liaison étroite entre l'aspiration A  la modernisation et le formidable mouvement de reconstruction de l'Europe.
On peut dire que, depuis cent cinquante ans, le paradigme de la modernisation et de la modernité a été le plus puissant allié de tous les projets d'émancipation, mASme si parfois les résultats furent éloignés des buts recherchés. La preuve de la puissance heuristique de ce paradigme ? Son cheminement. Associée au départ A  la transformation de l'économie, la modernisation a été ensuite conA§ue comme le principal facteur de changement farable pour la politique, puis pour la société. Cette omniprésence en a fait sa force.
S'il n'est pas le lieu ici de développer une analyse complète de la modernité, au moins peut-on en rappeler les caractéristiques principales, puisqu'il s'agit d'un des concepts centraux de nos sociétés. La modernité se caractérise par la méfiance, ire l'opposition A  l'égard de la tradition; le primat accordé A  l'individu1 et l'importance cruciale de la liberté; la croyance dans la raison, le progrès et la science, les trois étant liés; le détachement de la société par rapport au sacré et A  la religion A  travers le processus de la sécularisation; la valorisation du changement et de la découverte; et, plus généralement, le primat accordé A  l'autoréflexivité, l'auto-institution pour parler comme C. Castoriadis; enfin, dans l'ordre politique, l'émergence d'une sphère privée distincte de la sphère publique, l'importance du droit et de l'Etat, et enfin la nécessité de construire et de défendre les libertés publiques, conditions de la démocratie.
On comprend, dans ce rapide examen, en quoi la modernisation et la modernité constituent le socle de notre histoire contemporaine. Quel est donc le problème aujourd'hui?
Il réside dans la difficulté A  dissocier les aspects positifs et négatifs de la modernité dans ses dimensions - économique, politique et sociale. Ou, pour le dire encore plus nettement, la difficulté A  réaliser que le prix A  payer de la modernisation est parfois - quel que soit le domaine où elle se produit - beaucoup plus fort que prévu, parfois plus fort que le maintien de formes anciennes. En un mot, on commence seulement A  appréhender le prix A  payer de la modernisation, et surtout A  admettre que ses vertus s'apprécient différemment dans l'ordre de l'économie et de la politique.
Autant la modernisation a un sens en économie, compte tenu du type de rationalité instrumentale mobilisée, dans le régime capitaliste, autant celle-ci est beaucoup plus discule en politique, compte tenu du fait qu'il s'agit de valeurs et pas seulement d'intérASts. Le problème aujourd'hui serait de préserver ce qu'il y a de positif dans la modernisation économique et sociale, et de montrer en quoi la logique de la modernisation politique requiert d'autres raisonnements. Si on n'arrive pas A  distinguer les caractéristiques de la modernisation dans les différentes sphères sociales, les effets négatifs seront de plus en plus puissants.
Par exemple, le modernisme en économie a signifié enrichissement et amélioration de la vie quotidienne. Qui est contre la modernisation entendue dans ce sens-lA  ? MASme si le prix A  payer en terme de disparition de métiers et de milieux sociaux est parfois très élevé. Et si les - données sociales ' - publiées en avril 1993 par l'INSEE, et qui mesurent l'élution de la société franA§aise entre 1982 et 1990, offrent plutôt un bilan positif en terme de cadre de vie, de niveau de consommation, d'éducation, d'emploi des femmes, ces transformations ont aussi leur prix négatif : l'exode rural, la montée du dirce, la fin du secteur secondaire. Dans l'ensemble, si l'on demandait aux FranA§ais leur bilan du mouvement de modernisation sociale sur les dix dernières années, celui-ci serait encore largement positif, en dépit de la montée des thèmes écologiques qui contestent le prix A  payer de cette - marche en avant -. En revanche, en politique, il n'est pas certain que le bilan de la modernisation serait aussi positif. Et c'est lA  l'ambiguïté de ce thème de la modernité, commun A  toutes les sphères de la société.
Le modernisme politique se caractérise davantage par un état d'esprit et une attitude intellectuelle que par un corpus de doctrines. Sans remonter aux origines philosophiques et historiques de ce puissant mouvement culturel, on comprend pourquoi il est en bonne partie A  l'origine de la construction politique de l'Europe d'après-guerre. Sa conviction principale ? Il est possible, par un retour sur soi-mASme, de s'arracher A  l'histoire et A  la tradition, et de changer la réalité. C'est en cela qu'il est inséparable du mouvement général de modernisation. Toute la difficulté vient du fait qu'il n'y a plus aujourd'hui de contrepoint A  l'idée de modernisation2 longtemps en conflit avec la tradition 3. Alain Touraine, dans son dernier livre, a bien expliqué la naissance et les caractéristiques de ce mouvement Aujourd'hui, en triomphant, la modernisation devient sa propre caricature : le modernisme5. En quoi consiste-t-il ?
C'est d'abord le refus de recourir A  une idéologie pour penser la politique ou l'action, et la lonté d'agir pragmatiquement, en s'appuyant sur la rationalité instrumentale chère A  Max Weber : l'éthique de la responsabilité plutôt que l'éthique de la conviction, surtout au moment de la naissance de l'Europe, dans une époque marquée par l'affrontement idéologique de la guerre froide. C'est aussi la méfiance A  penser le monde A  partir d'un a priori doctrinal, mASme si finalement cette attitude apparemment empirique s'avère elle-mASme doctrinaire, dans la mesure où elle exclut nombre de paramètres jugés - non rationnels - par rapport au but poursuivi.
Le modèle intellectuel vient évidemment de la rationalité économique et de la conviction que, dans une situation donnée, il existe un choix rationnel, débarrassé des a priori historiques, idéologiques, politiques, permettant une solution sinon juste, en tout cas efficace. Le souci de l'efficacité et la méfiance vis-A -vis des valeurs expliquent la réticence A  l'égard du passé censé embrouiller les problèmes. On it facilement comment le modernisme politique et, quelques années plus tard, la technocratie ont été le modèle culturel dominant pour la reconstruction de l'après-Seconde Guerre mondiale.
Ce que le modernisme perdait en complexité, il le retrouvait en efficacité avec, pour fondement philosophique, l'utilitarisme d'Adam Smith qui élit finalement un lien assez fort entre économie, société et politique. Transposé au xx' siècle, ce rationalisme it dans la croissance économique la condition des transformations sociales elles-mASmes indispensables A  la silité de la démocratie pluraliste. Inutile de s'époumoner sur des projets de société ou sur des utopies politiques, le plus important est d'assurer la croissance et l'investissement. Ceux-ci, en farisant la consommation, permettent ensuite d'aborder raisonnablement, c'est-A -dire sur le mASme modèle coût/efficacité cher A  l'économie politique, la gestion de la politique. On comprend pourquoi le modernisme politique se méfie des idéologies, des valeurs, des identités, c'est-A -dire de tout ce qui vient en permanence compliquer le jeu de la rationalité économique et politique, et des transformations sociales'.
Ce modèle fut un élément de combat contre le marxisme qui privilégiait au contraire une analyse d'abord poliùque et idéologique de la réalité. Il a peut-AStre trouvé sa plus grande concrétisation avec l'Europe, où il s'agissait justement d'avancer modestement, raisonnablement, pour ne pas proquer de réactions négatives. Et c'est d'ailleurs très opportunément que les pères de l'Europe ont commencé par l'économie, espérant que la croissance faciliterait les transformations sociales, qui A  leur tour seraient une condition farable A  la construction de l'Europe politique. Mais ce qui était pour l'Europe une méthode, ne pas parler de politique et entreprendre des transformations pratiques, est devenu finalement une sorte de philosophie politique. Tout ce qui était moderne devenait synonyme de progrès et de changement.
D'autant que le modernisme s'appuyait sur deux faits historiques majeurs qui, d'une certaine manière, lui donnaient raison. D'une part, le souvenir de 40 millions de morts dont 9 millions dans les camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale. D'autre part, la nécessité de lutter contre le communisme, partout menaA§ant en Europe. Le contexte historique et politique était suffisamment chargé d'idéologie, de haines pour qu'il fût inutile d'en mobiliser d'autres, pour la construction européenne. L'empirisme moderniste et rationaliste constitua une sorte de -SMIC idéologique - au sein de cette fameuse élite des 50 000 qui fabriquait l'Europe. Si ceux-ci n'avaient pas les mASmes origines, ni toujours les mASmes convictions, au moins étaient-ils d'accord sur ce - SMIC instrumental -.
Du primat donné A  la logique économique, et A  ses modèles de raisonnement, il ressortait: une préférence pour l'argumentation; la rationalité instrumentale contre l'idéologie et le poids des affects; la lonté de s'inscrire délibérément dans le présent et l'avenir; le refus d'ouvrir la boite de Pandore de l'histoire; l'adhésion dominante A  une vision laïque, raisonnée, peu spirituelle, pratique et concrète.
La difficulté aujourd'hui est de sair si ces caractéristiques, qui ont fait la force et l'efficacité du modernisme pour construire l'Europe, sont nécessaires pour construire l'Europe des citoyens. Le modernisme perd de la redoule efficacité qui fut la sienne pendant quarante ans car il s'agit maintenant de passer A  l'échelle de la démocratie égalitaire. De bonne foi, personne n'a vu ce changement de nature.


2 - Les conséquences du modèle moderniste


Le modernisme a l'avantage, et l'inconvénient, de réduire le sens des conflits en les identifiant A  l'opposition archaïsme/progressisme; bref, en sous-évaluant les conflits de valeurs. Il s'attribue en général la vision rationnelle, en l'identifiant A  la vérité et A  l'intelligence. On arrive ainsi A  cette opposition : modernisme + rationalisme + vérité, contre archaïsme + idéologie + erreur. Ce qui a l'avantage de réduire la légitimité des positions adverses. Le modernisme est une vérile idéologie au sens où il conduit A  une unidimensionnalisa-tion de la société et des valeurs, bien vue par l'Ecole de Francfort dès les années trente2. Toutes les valeurs sont hiérarchisées par rapport au primat de la modernisation.
Au lieu de parler des conflits ' de représentations (économiques, politiques, sociologiques, religieuses) on parle d' - adaptation -, ce qui suppose une objectivité de la réalité, et un - sens - A  l'élution de la société. La modernisation devient sa propre finalité. Le paradoxe de la modernité qui se méfie tant des philosophes de l'histoire est d'AStre elle-mASme un historicisme. C'est-A -dire une philosophie de l'histoire, avec un sens qui irait du mauvais au meilleur. L'histoire du xxe siècle a montré les limites d'une telle vision. La différence essentielle entre l'économie et la politique est que la première repose sur la catégorie de l'intérASt alors que la seconde repose sur celle des valeurs. Ce conflit radical en philosophie sociale entre intérASt et valeurs existe depuis le xvme siècle, mais il est devenu crucial depuis un demi-siècle, depuis que l'idéologie moderniste n'est plus contrebalancée par d'autres systèmes de valeurs. Le modernisme économique, qui fut le moteur du projet politique de l'Europe, est aujourd'hui le seul paradigme. De sorte que, au moment d'entreprendre l'Europe politique, on s'en tient aux mASmes raisonnements que pour l'Europe économique. Mais jusqu'où est-il possible de faire avancer ensemble, et avec le mASme modèle, les logiques économiques, politiques, sociales et culturelles?


Autrement dit, jusqu'où le modèle moderniste, qui it dans l'économie le moyen de tirer - tout - le projet politique, est-il performant et A  partir de quand cette vision intégrée est-elle condamnée A  laisser la place A  d'autres références ? A partir de quand la diversité sociale, culturelle et anthropologique menace-t-elle ce paradigme ? Le paradoxe de l'Europe est de n'air pu se construire qu'en s'appuyant sur le caractère limité de ce paradigme, alors qu'elle est probablement une des sociétés politiques au monde les plus complexes, puisqu'elle est héritière A  la fois de la Grèce autant que de Rome, du judéo-christianisme autant que de la Renaissance-Vouloir faire avancer la société et la politique avec les valeurs du modèle économique correspond en réalité A  l'expérience américaine. Mais la différence essentielle entre les Etats-Unis et l'Europe vient du fait que, dans le premier cas, il s'agissait de faire du - neuf - avec du neuf, les citoyens quittant définitivement leurs pays d'origine pour commencer une nouvelle vie -, alors qu'en Europe, au contraire, on fait du - neuf - avec du - vieux -. Plus on avance dans l'intégration sociale, politique et culturelle de l'Europe, plus le poids du passé, qu'il était possible de mettre entre parenthèses dans la phase antérieure, resurgit, contredisant le modèle moderniste. La dérive économique moderniste reste la grande menace pour l'Europe démocratique. D'autant que, comme le rappelait Raymond Aron, rien n'indique que l'intégration fonctionnelle et partielle des économies doive entrainer progressivement et nécessairement l'unification politique, le surgissement d'un Etat fédéral -.
A l'inverse, sir Léon Brittan, dans un article du Monde daté du 11 octobre 1991, c'est-A -dire bien avant la bataille de Maastricht qui obligea les tenants du modernisme A  plus de prudence, exprimait l'opinion classique opposée : - Transcender les intérASts nationaux -. Le vice-président de la Commission européenne chargé de la concurrence et des institutions financières, responsable du veto de Bruxelles contre le rachat du groupe Havilland par l'Aérospatiale, écrivait : - L'Europe ne saurait AStre construite sur la base d'intérASts nationaux. Il est du deir de la Commission de se placer dans une perspective européenne plus large () La détermination de la Commission de permettre A  l'industrie européenne de se tailler la place qui lui revient au premier rang de l'économie mondiale est inséparable de sa vision d'un environnement concurrentiel sain sur son propre territoire. -
Cet économicisme, seconde nature et idéologie du modernisme, identifie le progrès économique, et donc la construction de l'Europe dans toutes ses dimensions, au respect de la - loi des trois stades -. C'est-A -dire la loi selon laquelle le niveau de développement d'un pays se mesure A  sa capacité A  réduire en fonction des gains de productivité la population active du secteur primaire, puis du secteur secondaire, pour grossir enfin le secteur tertiaire, symbole de la modernité.
C'est au nom de cette loi impitoyable que, dans les différents Etats-nations, ont été progressivement sacrifiés les paysans et le monde rural, puis les ouvriers et le monde industriel au profit d'un tertiaire source de productivité et de richesse et symbole du modernisme. Il y aurait d'ailleurs une bibliographie A  constituer, que l'on pourrait appeler la - bibliothèque de la modernisation, ou de la modernité - qui, des années 30 aux années 90, a identifié le progrès A  cette théorie des trois stades. Personne n'en doutait, ni A  droite, ni A  gauche. Il a fallu attendre - les dégats du progrès »» dans les années 80 pour commencer de remettre en cause, bien timidement, ce schéma moderniste dont la gravité de la crise économique est aujourd'hui un autre exemple. Il n'est pas certain que la fuite en avant dans la constitution d'une - économie monde - au détriment de tous les équilibres régionaux, et en s'appuyant sur une division internationale du travail qui prend elle-mASme appui sur cette théorie des trois stades, fut la meilleure solution. Car non seulement la croissance mondiale n'a pas été au rendez-us, non seulement les déséquilibres Nord-Sud se sont renforcés, non seulement les structures sociales et culturelles des pays développés ont été bouleversées avec les problèmes urbains comme symbole le plus éclatant, mais surtout cet économicisme forcené a amplifié les déséquilibres écologiques, contribué A  la naissance d'un chômage structurel, A  la disparition de toute une tradition et qualification du travail, ainsi qu'A  l'homogénéisation de la division du travail sur un modèle tertiaire coupé de toute relation avec la nature et la matière. Le progrès est peut-AStre implacable mais ses dégats ne le sont pas moins.
Cette loi économique, dont il ne faudra probablement pas attendre la fin du siècle pour qu'on en ie la limite, s'est imposée avec la mASme rigueur A  toute l'Europe. Et chacun a en tASte la PAC, la politique de la pASche et la politique industrielle qui, tour A  tour, et parfois simultanément, ont vidé les camnes, détruit les régions industrielles au profit de ces merveilleuses tours de bureaux des grandes villes où s'entasse un secteur tertiaire sans identité, sans couleur et sans saveur, mais tellement - moderne -. Jamais le modernisme sauvage, A  l'œuvre dans les extraordinaires bouleversements des rapports entre travail, nature, matière, signes et symboles n'a été interrogé par ceux qui faisaient l'Europe. Il constituait le - SMIC idéologique - des élites de chaque pays, et domine encore aujourd'hui largement.
Fort peu nombreux ont été ceux qui se sont demandés si le poids particulièrement important qu'ont joué le monde rural, puis le monde ouvrier, et le monde industriel, sans parler du commerce, dans l'histoire du développement de l'Europe ne devait pas conduire A  envisager un autre modèle économique et social que celui d'une simple réplique drastique du modèle moderniste. On a confondu croissance, modernisation et bouleversement complet de la société, au nom d'une idéologie du - progrès - finalement aussi dogmatique que les idéologies religieuses et politiques dont on ulait se débarrasser. Le modernisme a constitué un carcan idéologique au moins aussi puissant que le carcan idéologique du marxisme ou, plus avant dans l'histoire de l'Europe, que celui du pouir politique de l'Eglise. Mais comme le modernisme est la religion du moment, les rares hommes politiques, universitaires, hommes de lettres ou d'Eglise qui s'y sont opposés depuis la fin de la guerre ont été catalogués comme de - doux inadaptés -, y compris ceux qui, dès les années soixante, soulevaient les problèmes du danger d'un travail vidé de toute intelligence ou d'une nature dont on briserait trop les équilibres fondamentaux. On pensa de bonne foi que cette brutale transformation des structures économiques et sociales serait la condition de la croissance de l'Europe, sans réaliser par exemple que la tertiairisation massive des sociétés faisait également disparaitre des facteurs d'identité essentiels pour l'Europe. En effet, tant que les milieux socio-culturels (paysannerie, classe ouvrière, employés) étaient caractérisés par une relation spécifique A  la nature, A  la matière ou aux services, il existait des facteurs culturels communs entre les pays. Ne serait-ce qu'au niveau d'une anthropologie du travail. Mais, dans un univers - moderne - où triomphe un modèle tertiaire sans spécificités, les différences entre pays s'estompent au profit d'une apparente - unité - européenne qui masque la-profonde hétérogénéité des histoires et des identités. L'uniformité du modèle tertiaire et du mode de consommation de type urbain, qui prévaut actuellement en Europe, ne constitue nullement un facteur d'identité commune.
La disparition de la paysannerie et de la classe ouvrière en un demi-siècle ne semble, ni en termes économiques, ni encore plus en termes sociohistoriques, air perturbé l'imperturbable bonne conscience des détenteurs de l'idéologie moderniste. Au contraire, ils y ont mASme vu le bien-fondé de leur théorie. Et soulever ces problèmes aujourd'hui équivaut A  se faire taxer de réactionnaire.
D'ailleurs, les paysans, comme aujourd'hui les ouvriers, sont tellement - archaïques - et - dépassés - que personne ne s'étonne de ir l'Europe de demain s'édifier sans eux. De toute faA§on, - on ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs -, il ne faut donc pas trop s'attendrir sur ces catégories sociales et professionnelles, condamnées par le »< progrès -. Celui-ci en a fait déjA  disparaitre d'autres, alors il faut éviter de s'apitoyer sur les dégats inéviles proqués par le passage de la société industrielle A  la société postindustrielle. La loi du progrès s'impose A  tous. Il faut s'adapter
C'est d'ailleurs la légitimité de ce modèle moderniste qui explique l'indifférence, teintée de pitié, avec laquelle les eurocrates, du haut de leurs immeubles A  Bruxelles, ient défiler dans la colère, le désespoir et les cris, les paysans, les sidérurgistes, les pAScheurs, demain les commerA§ants, les enseignants Car ces -pauvres bougres - n'ont pas encore compris qu'ils font déjA  partie du passé. La banque, les finances, les télécommunications, la médecine, les services sont - le sel de la terre - de la nouvelle croissance. En attendant qu'A  leur tour ces professions du tertiaire soient pour une partie d'entre elles, au nom de la rationalité économique, du progrès, de la concurrence internationale, jetées dans l'enfer des - forces du passé -. Et condamnées A  défiler, comme les vaincus d'aujourd'hui, exclus du - sens de l'histoire -.
Le chemin de la modernité est implacable, surtout pour ceux qui en sortent. Rétrospectivement, on s'apercevra qu'il a fait probablement autant de dégats qu'un certain modèle communiste bureaucratique. Au fond, le marxisme et le modernisme ont en commun la certitude de piloter l'histoire pour l'émergence d'un nouvel homme. Si le modèle démocratique occidental a eu raison du modèle communiste, il a du mal A  se retourner maintenant contre sa propre idéologie. D'autant que celle-ci a précisément été un des éléments essentiels de la lutte et de la victoire contre le communisme Ironie de l'histoire : le modèle démocratique européen, qui aura contribué A  désiliser le modèle communiste, par l'intermédiaire du paradigme moderniste, devra en accepter une remise en cause, au moment de faire l'Europe démocratique.
Autre aspect du modernisme : son art implacable de gérer les calendriers. Tout s'inscrit dans l'urgence absolue, tout retard du calendrier désilise l'ensemble. L'idéologie moderniste s'appelle la folie du temps, l'impossibilité de s'échapper d'un calendrier fixé par certains, au nom du bien collectif. C'est d'ailleurs ici le bras armé du modernisme : l'existence d'une élite qui sait ce qu'il faut faire, gère le temps du changement, - brise les résistances archaïques -, prépare l'avenir, connait les contraintes internationales, administre le présent, avec en tASte les lendemains qui chantent. Le modernisme est l'idéologie de la modernisation triomphante. D'une certaine manière le modernisme est A  la modernisation ce qu'est la technocratie A  la haute fonction publique. C'est le mASme glissement : autant la modernisation et la haute fonction publique sont nécessaires, autant l'idéologie moderniste et la technocratie en sont les dérives.
Changement, élite et maitrise du temps nt de pair, constituant en quelque sorte le triangle de la modernité.

3 - L'identité

Une des faiblesses majeures du paradigme moderniste est la difficulté A  penser l'identité ', considérée comme symbole de résistance et de frein au changement. Pourtant, la question de l'identité est consubstantielle A  la construction de l'Europe démocratique. Que reste-t-il des anciennes identités, et de quelle nature est celle qui se dessine ? Qu'en est-il des nouvelles frontières ? Qui est européen aujourd'hui ? Comment se définit-on européen ? Où s'arrASte l'Europe une fois le communisme tombé ? Va-t-elle jusqu'A  la Turquie A  l'Est, la Scandinavie au Nord, la Russie A  l'Est, le Maghreb au Sud? Les critères sont-ils géographiques, religieux, historiques, culturels ? Chacun sent combien les uns et les autres se complètent et s'excluent. En temps normal, c'est-A -dire quand il n'y a pas d'événements, tout va bien, mais il suffit de penser A  la Yougoslavie pour ir immédiatement les difficultés. Le travail de fabrication - de l'Europe depuis quarante ans et les discours tenus modifient-ils le regard que les peuples, A  l'extérieur de l'Europe, portent sur elle? Jusqu'où, pour paraphraser Jean-Paul Sartre, l'Europe est-elle définie par le regard de l'autre ? - Les critères de définition peuvent-ils AStre d'ordre communautariste, comme le pensait Ernest Renan qui insistait sur la lonté de vivre ensemble, ou davantage d'ordre militariste, A  moins qu'ils ne soient plus politiques, au sens d'une adhésion aux valeurs politiques démocratiques?
Partout on bute sur le double problème du critère d'identité et du principe d'exclusion ; car l'un ne va pas sans l'autre, mais les deux ne font pas explicitement partie du discours moderniste. Pourtant, les deux termes sont liés, car - l'identité se construit moins dans le rapport A  soi et A  l'identique que dans le rapport A  l'autre et dans la différence, définie tout A  la fois par l'autre et contre l'autre ' -. Tel est le contresens fait par le modernisme : croire que l'identité est synonyme d'exclusion de l'autre, alors qu'elle est condition de la relation A  l'autre.


Le modernisme raisonne naturellement en termes d'espaces ouverts, et assimile identité A  fermeture et frontières. L'identité et la frontière sont en quelque sorte l'impensé ou le double du discours moderniste. Celui-ci les sous-estime, ils se chargeront de se manifester.
Le thème, par exemple, de la sécurité et de la méfiance A  l'égard des étrangers, si violent en Allemagne depuis 1990, est emblématique des problèmes qui se poseront en Europe. La dérive de l'idéologie sécuritaire est un des enjeux de l'identité. On se crispe sur la sécurité quand on a peur de l'autre. Pourtant, elle doit moins AStre vue comme une hypertrophie de l'identité que comme réaction A  un mouvement excessif d'ouverture. Il y a un lien entre ouverture-identité-frontière-sécurité-minorité, que les tenants de -l'identité européenne - perA§oivent mal, eux qui fustigent les réactions - archaïques - de défense des identités. Il est pourtant clair qu'on se cabre d'autant plus sur son identité qu'il n'y a pas d'émancipation possible. Par exemple, le retard pris A  appliquer les accords de Schengen, qui devaient ouvrir un espace sans frontières au sein de la CEE, ne signifie pas un retour en arrière, mais la prise de conscience de la force insuffisante, pour le moment, de l'identité européenne. Tant que celle-ci n'est pas assez constituée, chacun préfère garantir la sienne. C'est ce qui se passe actuellement. Le réflexe sécuritaire n'est pas toujours un refus de l'autre mais souvent le symptôme d'une fragilité identitaire. Autrement dit, au stade actuel de la construction de l'Europe, il ne s'agit sûrement pas de renforcer l'identité européenne au détriment des identités nationales mais probablement de renforcer les deux simultanément. C'est en construisant pas A  pas l'identité européenne et en préservant les identités préexistantes que, progressivement, les individus et les collectivités accepteront de se départir de la leur, pour intégrer l'autre. Mais l'identité européenne ne se substituera probablement jamais, ou en tout cas pas avant un certain temps, aux identités nationales préalables. Les deux cohabiteront et personne ne peut sérieusement A  l'heure actuelle prédire la forme de cohabitation qui s'instaurera entre les deux. Il faut tout le rationalisme moderniste et lontariste actuel pour s'imaginer pouir résoudre facilement le passage d'une identité A  l'autre.
L'Europe technocratique pouvait A  juste titre laisser la question de l'identité de côté, tant que l'existence du communisme servait de principe contre-identitaire. La disparition de celui-ci renverse le problème : la fermeture et la frontière ne viennent plus de l'extérieur, mais de l'intérieur. Or le mécanisme identitaire fonctionne par rapport A  autrui. - L'image que je me fais d'autrui influence ma propre perception de moi-mASme, car c'est toujours par rapport A  lui que je m'évalue et me situe; c'est A  travers son regard que je me is et selon l'imaginaire que je fixe dans ce regard, je vais me sentir admiré ou méprisé, confiant ou craintif, valorisé ou dévalorisé '. - L'Europe se trouve donc aujourd'hui confrontée au mASme enjeu : retrouver une ure contre-identitaire, ou inventer un nouveau mode de structuration identitaire.
Autre exemple, la violence identitaire des conflits de la CEI et de l'ex-Yougoslavie avec la - régression tribale -, comme on dit de manière saugrenue et détesle, sert de prétexte pour caricaturer le thème de l'identité. Mais en mASme temps, cette élite européenne, qui a tant fait pour arracher l'Europe A  ses identités haineuses, perA§oit, surtout après Maastricht, que du côté des opinions publiques l'identité constitue une valeur montante. Les deux nt mASme ensemble. L'ouverture n'est plus le moyen de lutter contre le mécanisme de repli identitaire; elle le proque. Le discours moderniste est d'autant plus mal A  l'aise avec la revendication identitaire qu'il n'en it guère l'intérASt. Il y a en effet, pour lui, une contradiction entre les crispations identitaires et le constat sur les modes de vie et de consommation en Europe. Les modes de vie ne se rapprochent-ils pas de plus en plus, confirmant l'intuition selon laquelle la revendication identitaire est une résurgence du passé ? La consommation n'est-elle pas un signe plus imponant de la - modernité - que toutes les revendications identitaires ? Les Européens de demain ne seront-ils pas ceux qui partagent déjA  le mASme mode de vie, d'un bout A  l'autre de l'Europe?
L'alimentation, l'habillement, l'habitai se ressemblent en effet de plus en plus, mASme si les publicités restent marquées des idiomes nationaux. Cette homogénéisation des modes de vie et de la consommation conforte le discours moderniste dans sa vision d'une société plus tournée vers le bien-AStre et l'élévation du niveau de vie que vers la - recherche archaïque d'une affirmation de soi -. D'autant que la diversification des techniques de production, et de distribution, permet de concilier économie de grande échelle et variété de l'offre. L'élévation, en qualité et en diversité, de la consommation A  grande échelle semble donc prouver qu'il est possible de concilier goût individuel et échelle de masse. Les modernistes reprochent donc aux partisans de l'identité de ne pas comprendre que la consommation de masse dessine déjA  une autre société, reposant, comme la démocratie, sur la valeur du choix individuel. Mais ce que ne comprennent pas les premiers, c'est qu'il n'y a pas recouvrement entre les valeurs économiques et celles de la politique. Le mASme individu peut AStre - moderne - du point de vue de la consommation, et conserver une forte revendication identitaire sur le politique. Le fait de consommer les mASmes produits et les mASmes services ne suffit pas A  créer une - identité européenne -. Un bien ou un service trouvent ou non un marché; les valeurs sociales, culturelles et politiques appartiennent A  d'autres registres '.
De toute faA§on, plus les ressemblances sont fortes, plus l'affirmation des différences et des identités prend des chemins détournés.
L'identité se réfugie dans l'invisible. C'est ce que ne comprend pas le discours modernisateur qui, constatant combien les ressemblances l'emportent sur les différences, ne réalise pas que l'importance des différences est A  la mesure de leur disparition.
Deux exemples illustrent la difficulté A  reconnaitre l'importance de l'identité. C'est la manière dont sont traitées la langue et la monnaie unique.
Le principal problème de l'Europe est l'absence de langue commune avec d'insolubles problèmes de communication, notamment A  Bruxelles et au Parlement. D'ailleurs sur 13 000 fonctionnaires A  la Commission, il y a 1 700 traducteurs soit 2 traducteurs pour 13 fonctionnaires. Ce fait majeur n'est jamais pris en compte. Comme s'il fallait faire avec cet - héritage du passé - au lieu d'y ir la preuve de l'irrédentisme identitaire. Comme si le multi-linguisme était un problème - technique - de traduction d'une langue A  l'autre. Comme si les mots avaient le mASme - sens - dans toutes les langues, et servaient simplement A  -transmettre-. Comme si les mots n'étaient pas constitutifs des pensées et comme si les langues n'étaient pas finalement le principal facteur de distinction, comme l'a rappelé Claude Hagège dans son dernier livre ', Comme si tout cela n'était qu'un problème de technique de traduction.
Le fractionnement linguistique est au contraire constitutif de l'- identité - européenne. Dans l'histoire, les empires se sont toujours affirmés par la domination d'une langue, ire la cohabitation de deux langues comme dans le cas de l'Empire austro-hongrois dont on n'arrASte pas de redécouvrir l'intelligence au fur et A  mesure que l'éclatement de l'Europe centrale et orientale remet au centre l'impérieuse nécessité de la cohabitation des langues, des idées et des cultures.
Le multilinguisme de l'Europe symbolise très bien les apories actuelles; celle du devenir de l'identité des Etats-nations et des communautés langagières dans ce nouvel espace politique; celle de l'identité de ce nouvel espace politique qui ne se caractérise, contrairement aux autres formes politiques antérieures, par aucune langue commune, sauf A  affirmer tout de suite qu'une langue prime sur les autres. La question de la langue symbolise l'originalité du projet européen. Une approche raisonnable consisterait au moins A  prendre connaissance de la manière dont la Suisse et la Belgique, les deux pays explicitement multilinguistes dans une tradition démocratique, gèrent ce problème2. L'exemple de la Suisse est particulièrement intéressant A  étudier et A  méditer puisqu'il s'agit d'une tradition multilinguiste très ancienne, et surtout organisée sur un mode finalement démocratique qui fait sans doute de ce pays l'exemple unique d'une gestion pacifique d'un problème traité ailleurs par la violence et le mépris '.
Mais dans l'idéologie moderniste, rares sont ceux qui soulignent l'importance vitale de l'expérience suisse pour l'avenir de l'Europe. Surtout depuis que les Suisses en décembre 1992 ont repoussé par référendum leur adhésion A  l'Europe. Le peu de curiosité A  l'égard de l'expérience suisse est en soi un indicateur du peu de réflexion sur le statut du multilinguisme en Europe. On peut mASme deviner le sourire amusé et un peu condescendant de certains : - Quoi, l'Europe A  construire passerait par un réexamen de l'histoire suisse ? Vous n'avez pas encore plus petit et plus provincial A  nous proposer comme réflexion -
L'exemple du statut de la littérature dans la culture européenne aurait dû au contraire faire réfléchir sur les limites d'une - communication européenne -, dès lors qu'il n'y a pas de langue commune. Il n'y a en effet de création littéraire qu'au sein d'une langue, et il n'existe pas d'écriture - sauf exception - dans deux langues. Toute écriture s'enracine d'abord dans une langue, et il n'y a pas de création sans écriture. Il n'y a pas de littérature européenne. Si Bruxelles est depuis trente ans le théatre de conflits sociaux liés A  des conflits d'intérASts économiques, on peut imaginer les conflits qui résulteraient d'une insuffisante prise en compte de facteurs symboliques * !
On retrouve la mASme sous-estimation du fait identitaire dans la question de la monnaie unique. Il ne s'agit pas ici d'évaluer son utilité économique, mais d'examiner la dimension symbolique dans l'identité nationale. Il suffit de se remémorer les débats soulevés par cette question lors de Maastricht, concernant la perte de souveraineté, et la dictature de la banque centrale pour comprendre l'importance de la monnaie comme facteur d'appartenance. Et les réticences allemandes, pour qui le mark a réellement constitué le principal facteur d'identification entre 1949 et 1990, sont lA  aussi pour rappeler qu'il y a dans l'existence d'une monnaie bien autre chose qu'une réalité économique. D'ailleurs les Anglais prudents restent hors du SME et ne sont guère prASts A  abandonner le fantastique symbole de la livre, partie essentielle de l'identité britannique. Quant aux FranA§ais, toujours prompts A  faire avancer la cause européenne, ils n'ont pas réellement intégré ce que signifierait la disparition du franc. A preuve, et par aison, ils n'ont toujours pas accepté, trente ans après, la réforme de 1960 du - nouveau franc -. Une majorité de nos compatriotes parle encore en anciens francs, pour toute somme supérieure A  100 000 francs. S'il faut trente ans pour passer dans un pays comme la France de l'ancien au nouveau franc, peut-AStre faudrait-il une certaine prudence pour affirmer doctement que le passage A  l'écu se fera sans problème
Il faut air la modestie de reconnaitre qu'il y a une dimension symbolique essentielle au sens étymologique A  l'existence de la monnaie. Et la manière de rabattre le problème au économique exprime la prégnance de la rationalité moderniste. Qui n'a pas entendu, pendant les débats sur Maastricht, tel haut fonctionnaire, entrepreneur, journaliste, attendre avec - impatience - le moment où nous serions débarrassés du - pénible problème du change - d'un pays A  l'autre. Mais combien sont ceux qui yagent si souvent, et plusieurs fois par an, pour AStre vraiment gASnés par le change ? Une minorité! Quant aux autres, l'immense majorité, rien ne dit qu'ils rASvent d'air une monnaie unique. Ramener la monnaie A  une donnée économique et A  une dimension - pratique -, c'est air oublié la multitude des autres fonctions qu'elle occupe dans la société.
On a parfois le sentiment, avec l'Europe, d'une sorte de hiérarchie permanente de l'- européanité - : les plus - intelligents - étant ceux qui acceptent tous les changements Cet - avant-gardisme européen - ne confine-t-il pas au conformisme ?


4 - La religion


Le dernier symbole du modernisme triomphant concerne le silence poli, pour ne pas dire indifférent, vis-A -vis des questions spirituelles. Les seuls valeurs mises en avant sont laïques et démocratiques.
On peut certes faire une hypothèse optimiste et ir dans cette mise A  l'écart la règle de séparation de l'Eglise et de l'Etat; la lonté de respecter ce qui relève de la vie privée et de la vie publique; le souci des démocraties, en cette fin de siècle, de ne pas trop empiéter dans le domaine spirituel. Bref, ir dans l'indifférence sociale et politique A  l'égard du fait religieux la marque d'un profond respect de la différence entre les deux ordres de réalité, temporel et spirituel.
En réalité, il s'agit moins du respect d'une autre rationalité que la manifestation d'une certaine bonne conscience, y compris dans des pays qui n'ont pas eu une histoire aussi tourmentée que celle de la France, et qui n'ont pas opté pour la séparation.
La question religieuse apporte pourtant un éclairage nouveau, et cela pour trois raisons.
D'abord elle réintroduit d'autres catégories, historiques, culturelles, politiques que celle du schéma politique démocratique moderne. L'Eglise, surtout catholique, par son inscription dans une - société nationale - en mASme temps que par sa référence A  un - universel -, a toujours géré cette double dimension. Autrement dit, elle a très tôt, et la première dans l'histoire de l'Occident, géré la question du rapport identité/universel '. La nécessité d'une inscription dans une communauté, qui progressivement s'appelle nationale, A  partir des xive-xvc siècles - en mASme temps que l'obéissance A  un principe d'organisation où l'ordre spirituel reste distinct de l'ordre temporel2 - a fait de l'Eglise catholique l'institution la moins éloignée des problèmes auxquels nt se confronter les Etats-nations dans la construction de l'Europe, entre l'identité nationale et le supranational J. Et la différence essentielle entre le fait qu'il s'agit dans un cas de domaines spirituels, et dans l'autre de réalités politiques, ne change pas grand-chose A  l'existence de réactions identiques. Dans l'opposition entre le gallicanisme et l'ultramontanisme se jouent depuis des siècles des rapports de force qui ne sont pas tous spirituels et qui se poseront bientôt dans la construction de l'Europe. Du catholicisme aux différentes formes du protestantisme et de l'orthodoxie, les Eglises chrétiennes ont accumulé une expérience qui pourrait au moins AStre interrogée. De mASme, le débat constant sur les rapports entre la cité terrestre et la cité de Dieu est loin d'air perdu de son acuité dans les deux parties de l'Europe.


Le christianisme, religion dominante de l'Occident, pose par son existence deux questions complètement hétérogènes A  la logique moderniste, laïque et rationaliste. C'est d'une pan la référence A  un principe d'identité dont l'inscription dans l'idée de nation, puis d'Etat-nation, est assez tardive. C'est, d'autre part, le rappel de principes d'organisation sociale qui ne doivent rien au paradigme laïc. En un mot, par sa seule existence, la religion chrétienne est un facteur de relativité du paradigme moderniste dominant qui vise A  trouver - dépassée - l'expérience antérieure. Toutes les sociétés sont tentées par le monisme, le rationalisme moderniste actuel n'y échappe pas.
Mais en mASme temps - et c'est la seconde raison de l'intérASt A  introduire le phénomène religieux dans une réflexion sur l'Europe-, il est impossible de nier le poids essentiel des racines chrétiennes dans l'histoire de l'Occident. Et beaucoup d'hommes politiques européens pourraient reprendre cette déclaration de Jean-Paul II lors de la clôture du synode des évASques pour l'Europe en décembre 1991:
- La culture européenne a puisé sa croissance A  de multiples sources. L'esprit de la Grèce, la romanité acquise par les Latins, les Celtes, les Germains, les Slaves, les Finnois, les Ougriens, la culture hébraïque, et l'influence de l'Islam ont joué leur rôle dans l'élaboration de cet ensemble complexe. Personne cependant ne peut nier l'apport décisif de la foi chrétienne comme fondement radical et permanent de l'Europe, mais non pas pour insinuer que l'Europe et le christianisme coïncident purement et simplement.
- On peut dire que la religion chrétienne a faA§onné l'image mASme de l'Europe, élaboré une conscience commune en y insérant certains principes fondamentaux de l'humanité : avant tout le concept de Dieu transcendant [], la notion nouvelle et très importante de la dignité de la personne humaine; la fraternité humaine () L'Europe ne doit pas purement et simplement en appeler aujourd'hui A  son héritage chrétien antérieur : il lui faut trouver la capacité de décider A  nouveau de son avenir dans la rencontre avec la personne et le message du Christ . -
Mais cette dette de la société moderne A  l'égard de l'Eglise s'accomne le plus souvent d'une conclusion soulignant la rupture et - le désenchantement du monde - selon la formule de Marcel Gauchet '. Beaucoup rappellent combien l'Europe de demain n'aura plus rien A  ir avec ses racines religieuses. Autrement dit, le rôle essentiel du christianisme, et au sein de celui-ci, du catholicisme dans l'histoire européenne, est d'autant plus reconnu que simultanément on rappelle qu'il s'agit d'une histoire finie
L'Europe deviendrait une affaire sécularisée, l'intervention des Eglises dans la construction de ce nouvel espace politique étant considérée comme une tentative cachée pour retrouver leur pouir temporel. Particulièrement pour le catholicisme2. En réalité, le modernisme confond la baisse des pratiques religieuses observée depuis un siècle avec la fin de la question religieuse. Du succès des différentes formes de spiritualité, plus ou moins communautaristes, ou sectaires, au redressement des pratiques pour les trois religions du Livre, tout indique au contraire que les décennies A  venir verront un renouveau du dialogue au sein des sociétés européennes3. Il y aura mASme peut-AStre un chassé-croisé entre les sociétés qui resteront marquées par le fait religieux, et qui connaitront un reflux, par rapport A  celles qui, comme la France, après air marqué nettement leur distance avec les institutions religieuses, seront A  mASme de retrouver un dialogue plus serein.
La troisième raison qui plaide en faveur d'une réintroduction du discours religieux concerne les limites du discours moderniste. Celui-ci, en laissant de côté la question de la transcendance, indique ses propres limites. L'existence de l'Eglise et des communautés chrétiennes et musulmanes ne peut se réduire A  une sociologie politique : l'échec du communisme en matière religieuse étant lA  pour l'attester. Il est difficile de conceir un modèle de société durable sans aucune référence spirituelle et religieuse. Ce n'est pas parce que la séparation du spirituel et du temporel est un acquis obtenu après des siècles de luttes qu'il faut en conclure A  l'inanité de toute référence spirituelle dans l'ordre social.
La question religieuse sous toutes ses formes, croyance personnelle, expression collective, organisation de l'institution, relation avec la société civile, est une sone de contre-épreuve du paradigme moderniste, une sorte d'- antidote -, méthodologique, au discours rationaliste ambiant. Elle est le témoin de la vanité avec laquelle certains croient en air fini avec la question spirituelle et religieuse. Le côté mASme - archaïque - du discours, ire des comportements, des Eglises chrétiennes, en aison avec les discours et les comportements d'une société moderne, est un facteur de relativisation par rapport aux valeurs dominantes du moment. Ils sont le moyen le plus simple de mettre en perspective les valeurs d'aujourd'hui. De plus, nombre des références apparemment les plus laïques sont en réalité d'origine chrétienne (liberté, solidarité, égalité, droits de l'homme). Aujourd'hui, heureusement, les Eglises n'ont plus le poids institutionnel et symbolique qu'elles avaient autrefois. Nul doute que le problème se posait autrement il y a deux siècles : lA , il fallait asseoir la modernité contre la religion. Aujourd'hui, il s'agit de préserver la place de la religion pour éviter une emprise trop tutélaire du seul discours rationaliste. Les monopoles, hier religieux, aujourd'hui rationnels et laïcs, ne sont jamais bons Les exactions commises dans le passé par le pouir religieux ne l'autorisent guère A  condamner la laïcité. Mais en revanche, les tragédies faites au nom de la rationalité triomphante et de la science, depuis un siècle, devraient également rendre plus modestes.
Reste A  expliquer cette absence de références aux valeurs spirituelles, dans les débats européens. Certains parlent de - dessèchement - des valeurs spirituelles, ou comme dit Jacques Delors, - il manque du souffle A  notre vision. Les Eglises y ont leur part -. Le sentiment qui domine, comme s'il s'agissait d'une évidence, est que le discours religieux n'a plus sa place dans la construction européenne. Comme s'il n'y avait plus d'autre manière de se situer que - socialement - et - politiquement -. Comme si le sentiment d'universel et de communauté des Eglises catholique et protestante, qui est d'ailleurs un peu la nostalgie de l'Europe chrétienne, avait été transféré sur le modèle politique de l'Europe. Comme si la présence évidente de l'Islam dans Europe, tant de l'Ouest que de l'Est, n'obligeait pas A  reconnaitre l'importance du fait spirituel comme facteur de l'identité européenne '. Comme si le judaïsme n'avait pas été, et de manière si souvent tragique, une des premières histoires de l'Europe.
D'ailleurs, la première chose qu'ont faite les hommes politiques, quand ils ont ulu, après la CECA et le Marché commun, élargir la signification de la construction européenne, n'a-t-elle pas été de reprendre le mot chrétien de -communauté- pour parler de la - communauté européenne -? Ne cherchaient-ils pas, par ce biais, A  reprendre le meilleur de l'héritage chrétien pour l'intégrer au projet européen ? Le lien entre valeurs spirituelles et politiques était omniprésent chez les pères fondateurs de l'Europe, ceux-ci ne ulant pas réduire celle-ci A  un projet technique ou économique, ni mASme politique, mais souhaitant l'accomner d'une dimension spirituelle, débarrassée cette fois des tentations séculières. La -démocratie sociale - qui joua (quelle qu'en fut la traduction dans les différents pays) un rôle important entre 1950 et 1970, entre le marxisme et le libéralisme, est lA  pour le rappeler, mASme si depuis une dizaine d'années cette appellation semble air disparu du paysage politique. Le rôle d'un Adenauer, d'un de Gasperi, ou d'un Schuman est indissociable d'un certain projet spirituel, considéré souvent aujourd'hui avec un rien d'indifférence La mise en acte d'une vision spirituelle et politique il y a quarante ans, dans un contexte pourtant beaucoup plus difficile que celui d'aujourd'hui, apparait - désuète -. Comme si les questions spirituelles avaient été définitivement - réglées - entre les années 50 et aujourd'hui
Et pourtant, qui ne constate, mASme pour un agnostique ou un athée, le vide spirituel du projet européen actuel où l'économie est la seule perspective, l'instauration d'un système politique démocratique la seule finalité, et les références A  toute eschatologie le domaine A  ne jamais aborder? Comme si l'indifférence A  l'égard des Eglises catholique, protestante, orthodoxe, sans parler de l'Islam et du judaïsme, pouvait garantir une histoire plus calme. La Yougoslavie est venue brusquement rappeler qu'il ne suffit pas d'ignorer les facteurs religieux pour que ceux-ci perdent leur importance. Y compris belliqueuse.
Une chose est sûre : les sociétés, laïques, athées, - débarrassées de Dieu - ont elles-mASmes créé tant de violence et de haines depuis un siècle qu'il est difficile aujourd'hui d'imputer au seul facteur religieux la responsabilité des violences. De mASme, le vide existentiel de nos sociétés démocratiques de consommation, obsédées par une libération individuelle qui ne cesse de repousser ses limites, au fur et A  mesure qu'elles semblent atteintes, repose la question d'un sens A  donner A  l'existence humaine, au-delA  des simples réalisations matérielles.
L'Europe illustre le problème, jamais résolu, des rapports entre le spirituel et le temporel, A  la fois dans ses fondations et dans sa construction au jour le jour. Le silence sur cette question est d'autant plus inattendu que la perspective d'une société civile, purement organisée autour de valeurs laïques et rationnelles, parait A  la fois acquise et peu mobilisatrice. La guerre contre le pouir temporel des Eglises est gagnée, et chacun fait comme si la menace d'une - restauration - était au coin de la rue. Comme si les croyants et leurs Eglises le souhaitaient. Comme si en Europe, l'écrasante majorité des peuples, au moins A  l'Ouest, n'était pas convaincue de l'intérASt, pour tous, d'une séparation entre le spirituel et le temporel. MASme la Pologne catholique, qui essaie après la chute du communisme de réinscrire la puissance institutionnelle de l'Eglise dans la politique, l'apprend A  ses dépens. Mais la fin de la puissance institutionnelle ne signifie pas la fin d'un rôle intellectuel. A moins de ir partout le - pouir des curés -, comme d'autres yaient celui des communistes, ou des francs-maA§ons. Pourquoi n'y aurait-il pas plusieurs légitimités dans la construction européenne? D'autant que les conflits croissants entre la Russie, l'ancienne Europe de l'Est et celle de l'Ouest remettent de manière très pratique au centre de l'Europe la question de l'œcuménisme.
Que ce soit pour des raisons théologiques, historiques ou simplement politiques, la question religieuse demeure centrale. Par ses traditions, le christianisme apporte un patrimoine symbolique et une réflexion sur la question des rapports A  l'autre, l'identité, l'ouverture et la fermeture, le particulier et l'universel, le respect de la personne et les droits de l'homme Expériences utiles au moment où se pose la question de l'identité de l'Europe et de ses rapports aux autres. La cécité A  l'égard des questions spirituelles exprime assez bien la pré-gnance du paradigme moderniste.
Cécité facilitée par les autorités spirituelles elles-mASmes, qui dans l'ensemble restent fort silencieuses et peu imaginatives sur le sujet de l'Europe qui est pourtant depuis toujours au cœur de la tradition, au moins des trois religions chrétiennes, et pour une bonne part aussi de la religion juive et de l'Islam '.
On a l'impression qu'entre le combat d'hier, la lutte contre le communisme, et la nécessité d'éviter la renaissance des fondamentalismes, il n'y aurait guère de place pour autre chose. MASme si chacun célèbre les retrouvailles de Benoit, et de Cyrille et Méthode. La faible mobilisation des forces religieuses chrétiennes dans la bataille de l'Europe depuis les années 80, en aison de ce qu'elle fut dans les années 50-60, est d'une certaine manière sympto-matique de l'indifférence actuelle A  l'égard du fait religieux et du repli des forces religieuses sur la seule gestion de leurs communautés. MASme les partis démocrates chrétiens ne font plus référence au rôle qu'ils jouèrent, avec les socialistes d'ailleurs, dans les années 50 pour l'Europe. Pourtant A  l'époque, seul le lien entre une référence spirituelle et un projet expliquait le dynamisme politique en faveur de l'Europe. Comme si la tradition d'un discours général, tenu par les religions du livre, sur la société et son élution avait disparu avec le mouvement de laïcisation. Comme si la séparation entre l'Eglise et l'Etat avait eu pour conséquence une demi-indifférence de l'une A  l'égard de l'autre. Comme si le fameux aggiornamento de Vatican II qui devait réconcilier l'Eglise et la société moderne n'avait abouti qu'A  l'instauration d'une cohabitation vide d'échanges.
La plus grande limite du modernisme culturel ambiant est sans doute l'indifférence portée A  des discours relevant de systèmes symboliques et de valeurs différentes. MASme si l'espace public de nos sociétés démocratiques repose en mASme temps sur un modèle pluraliste. Le modèle est certes pluraliste, mais A  condition de maintenir un mur invisible entre le discours laïc et rationnel et les autres discours, religieux ou esthétiques. Le souvenir des exactions commises hier au nom de Dieu et les risques de fondamentalisme religieux aujourd'hui servent de moyen commode pour ne rien entendre, venant de ce - côté-lA  -.
Et pourtant, une trop grande indifférence au fait spirituel farise un renouveau des sectes, et une sorte d'impérialisme du discours laïc, sur tous les aspects de la vie humaine, matérielle et spirituelle. Cette menace est sans doute plus réelle que la menace, sans cesse rappelée et peu probable, d'une - reconquASte - de la société civile sur l'Eglise. Le risque aujourd'hui est beaucoup plus que - l'Esprit devienne une affaire d'Etat -, c'est-A -dire une situation où l'Etat prendrait en charge la question de l'Esprit, de la politique et de la science, et non une situation où l'Eglise reprendrait la direction de l'Etat. Il est trop facile, en Europe, de s'abriter derrière les excès du pouir religieux en Iran et des tentatives de désilisation en Algérie, Tunisie et Egypte, pour y ir un danger pour ce côté de la Méditerranée.





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