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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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Naissance d'un concept : l'organisation

Ni Henri Fayol, ni Frederick W. Taylor, ni Henry Ford ne marquèrent donc leur temps au point qu'ils le prétendirent eux-mêmes ou au point qu'on l'a si souvent affirmé. Tout au moins, l'époque de ces grands modemisateurs fut encore pour l'entreprise une époque ambilente, où se croisaient le nouveau et l'ancien.
Henri Fayol incarnait le rôle grandissant des ingénieurs dans la gestion des entreprises; simultanément pourtant, son traité d'Administration industrielle cautionna l'autorité des patrons les plus traditionnels. Frederick Winslow Taylor connut un destin similaire : le plus radical de tous dans ses attaques contre l'ancien modèle de direction des entreprises, il fut finalement utilisé pour adapter celui-ci aux nouvelles conditions techniques et sociales de la production industrielle. De même, on pouit s'attendre en bonne logique à ce que l'entrée en scène de la grande et très grande entreprise remette une fois pour toute en question l'assimilation de l'entreprise à la famille : moyennant quoi Henry Ford et beaucoup d'autres firent la démonstration que les «monopoles» aient la capacité de faire resurgir autour d'eux une nouvelle forme d'ordre domestique.
A propos de la grande entreprise cependant, les obserteurs de l'évolution du système capitaliste ne tardèrent pas à identifier un facteur de changement apparemment plus déterminant que tous les autres : la tendance inexorable à la séparation entre la propriété et le pouvoir. La thèse centrale était celle-ci : au fur et à mesure de la concentration capitaliste, il était inévile que la propriété du capital ne suffise plus à garantir à ses détenteurs leur statut de patron. Un grand débat s'ouvrit à ce sujet aux Etats-Unis, pour ne plus cesser de rebondir tout au long du siècle. L'un des premiers, l'économiste Thorstein Veblen (1857-l929), expliqua vers 1920 qu'on n'en était qu'à entrevoir les effets du glissement de l'autorité industrielle dans les mains des ingénieurs : à terme, ce phénomène allait selon lui changer le destin de la société industrielle. Dix ans plus tard, un livre fameux d'Adolph A. Berle et Gardiner C. Means sur l'entreprise moderne et la propriété privée mit en évidence que la dispersion des capitaux industriels entre des actionnaires de plus en plus nombreux et éloignés du terrain (ne serait-ce qu'au vu du rôle accru des banques) ait pour effet de susciter une nouvelle classe de «directeurs» totalement extérieure au club des gros propriétaires (Berle & Means, 1932).
En 1939, James Burnham reprit les mêmes résultats pour confirmer que les «patrons-propriétaires» étaient en train de céder la place à ceux que l'on appellerait aujourd'hui les «technocrates». Selon une formule restée célèbre, Burnham parlait pour sa part de l'ère des organisateurs (Burnham, 1939). La même question allait rebondir une nouvelle fois au cours des années soixante, comme en témoigna l'écho recueilli par l'ouvrage de l'économiste américain John Ken-neth Galbraith sur «le nouvel Etat industriel» : Galbraith crut bon de mettre à jour le diagnostic pour faire loir que désormais, le sort des grandes entreprises dépendrait moins de la compétence personnelle des directeurs que de la puissance de la «technostructure» industrielle, c'est-à-dire de la masse de l'intelligence répartie à l'intérieur et autour de la firme (Galbraith, 1967).
Dès les années vingt, le reflet de cette révolution rampante était apparue dans la théorie sociologique. On se souvient en particulier des termes dans lesquels le sociologue Max Weber analysait l'évolution des sociétés industrielles : il opposait le modèle de la légitimité «traditionnelle» au modèle de la légitimité «légale-rationnelle», typique d'une situation où les statuts acquis prennent le pas sur la filiation. Max Weber décriit encore le système d'administration bureaucratique comme l'expression achevée de cette mutation. Par ance, on aurait pu y discerner la montée en puissance de la «technostructure» dans l'entreprise industrielle :
(1) Le système d'administration bureaucratique selon Weber procède de la définition de règles abstraites, indépendantes des personnes auxquelles elles s'appliquent et cantonnées à ce qui concerne les fonctions officielles de l'organisation; les subordonnés n'obéissent pas au détenteur de l'autorité en raison de la personnalité du chef mais du fait du caractère rationnel et impersonnel de l'ordre donné; (2) le système implique une définition rigoureuse des taches et des compétences de chacun, chaque membre de l'organisation dent savoir de quelle autorité il relève pour chacune des activités qui lui sont prescrites ; (3) l'accès aux postes n'est pas laissé au hasard ni au bon vouloir des dirigeants : il est lié à une formation adéquate, sanctionnée de façon impersonnelle (par un certificat, un diplôme); (4) ces principes sont indissociables d'une certaine formalisation des procédures : les règles de fonctionnement doivent être écrites et accessibles à tous; (5) le système bureaucratique suppose enfin que les dirigeants ne soient pas les propriétaires des moyens de production, car la confusion des rôles serait susceptible de porter atteinte au caractère rationnel des décisions prises.
A leur manière, ces principes n'étaient pas sans rappeler la «nouvelle méthode de direction» prônée au même moment par F. W. Taylor. Mais on ne s'y attardera pas : Weber, l'intellectuel, ne se situait pas sur le même registre que Taylor, l'ingénieur autodidacte. Pour trois raisons au moins, la «bureaucratie» de l'un ne pouit se confondre avec la méthode de direction de l'autre. La première raison est connue : en bon théoricien, Max Weber se donnait pour objectif de décrire des tendances, de caractériser des modèles, et non pas de prescrire des solutions. En second lieu, cet analyste de la complexité sait que les idéaux-types produits par la théorie n'ont pas pour destin de s'identifier aux réalités concrètes. C'est ainsi qu'au contraire, la rationalité bureaucratique était selon lui vouée par nature à subir la contamination de principes opposés : «N'importe quelle relation sociale, si rationnelle en finalité soit-elle (), peut faire naitre des leurs sentimentales qui dépassent la fin élie par libre volonté» () à partir du moment où elle «est mise en place pour une longue durée» (Weber, 1922, trad. fr., 1971, p. 41). Ainsi, tout en projetant sur la réalité les grands mouvements de l'histoire, Weber ait-il l'intuition de ce qu'on a décrit plus haut comme l'ambilence de la grande entreprise néo-paternaliste : un type d'entreprise contaminé par des logiques de sens opposé, toujours en quelque point réfractaire aux tendances lourdes de la science et du marché.
La troisième différence entre Weber et Taylor nous ramène à la question de la séparation entre propriété et pouvoir. A y bien voir, ce problème n'était pas clairement identifié dans la doctrine de Taylor : le souci principal de Taylor était de donner raison aux experts contre les intuitions et le savoir-faire des ouvriers. Pour cela, plutôt qu'à une séparation entre propriété et pouvoir, il en appelait en quelque sorte à une sainte alliance entre les détenteurs de la science et les détenteurs du capital. Moins normatif, Weber allait plus loin. Il obserit les changements introduits par l'existence de la grande et très grande entreprise dans l'économie moderne. Il voyait que la révolution en cours conduirait à remettre en cause les fondements-mêmes de l'autorité patronale, que celle-ci fût ou non justifiée par la compétence : alors que les dirigeants industriels aient réussi jusque-là à sauvegarder peu ou prou leur identité de chef de famille, l'entreprise moderne risquait finalement de se retrouver «à découvert», sans principe clair de cohésion.
De ce point de vue, le modèle de l'administration bureaucratique n'était pas un modèle de «direction scientifique» : il désignait plutôt le passage de l'entreprise au stade de l'organisation auto-régulée, c'est-à-dire au stade d'une organisation capable de se gouverner elle-même. Qu'on songe aux grandes administrations publiques ou à l'institution militaire, dont les traits se coulent aisément dans l'idéal-type wébérien de la bureaucratie : les règles à l'ouvre y ont moins pour vertu d'être des règles rationnelles que de se présenter comme des règles objectives, indiscules, opposables à tous. De la même façon, dans le contexte de la relève des patrons-propriétaires par les «directeurs», l'entreprise moderne était condamnée à trouver en elle-même des principes d'ordre, d'autant plus indispensables à son fonctionnement qu'elle devenait plus complexe et que la sphère dirigeante tendait à s'éloigner de la base. Le rapprochement de l'entreprise avec le système d'administration bureaucratique mettait en évidence que sauf à verser dans l'incohérence ou l'arbitraire, la grande organisation industrielle deit produire des règles du jeu sles, clairement codifiées et qui puissent s'imposer aussi bien aux chefs qu'aux subordonnés.
Plus généralement, on voit là les conditions historiques dans lesquelles s'est imposée la notion moderne à'organisation. Qu'est-ce qu'une organisation? C'est un groupement autonome, créé de façon volontaire pour coordonner de la manière la plus efficace possible des moyens en vue d'une fin particulière. Le terme est devenu de nos jours tellement courant qu'on ne songe même plus à le discuter : tous les groupements volontaires (une association, une école, un hôpital) sont réputés être des organisations; toutes les «organisations» sont mises sur le même , les entreprises industrielles étant par définition des «organisations» comme les autres. Or l'histoire du concept suggère dantage de réserve et de précision. Une organisation suppose qu'il y ait des «organisateurs» et quelque chose à organiser. Dans le cas de l'entreprise, on n'a parlé pour de bon d'organisation qu'à partir du moment où l'on a supposé que l'autorité la plus significative était non plus du côté des patrons, mais du côté des ingénieurs, des directeurs ou gérants appointés. Les sciences de l'organisation - le management - ont pris leur essor sur ces bases, en tant que sciences appelées à régler des systèmes autonomes, affranchis de la sujétion patrimoniale.
Bien, entendu, cette entrée dans «l'ère des organisateurs» a été une révolution silencieuse, impossible à dater. Un Fayol, un Taylor en furent à leur manière les pionniers contestés. Cependant, après 1920, et à regarder plus particulièrement du côté des Etats-Unis, le changement de perspective prit une ampleur extraordinaire. La tendance à se représenter l'entreprise comme une matière malléable placée entre les mains de spécialistes s'est diffusée au point que tout le reste (la place de l'entreprise dans l'histoire et dans la société, le mouvement ouvrier, le rôle du patronat) a pu paraitre oublié. L'association des toutes jeunes sciences sociales et de gestion aux mutations à l'ouvre sur le terrain a fait de cette représentation une sorte de mythe, dont nous sommes aujourd'hui encore très largement tributaires. Même en France, où l'histoire des entreprises est pourtant restée marquée par une très forte inertie, la rupture conceptuelle a été progressivement consommée : le xixe siècle ait été celui du patronal; le XXe fut bel et bien celui des organisations.



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