NAVIGATION RAPIDE : » Index » MANAGEMENT » ressources humaines De la restructuration des firmes a la déstructuration de l'emploiDans les précédentes approches, les effets du commerce sont envisagés via un jeu de création/destruction de firmes entre ou A l'intérieur des secteurs : on parle respectiment de spécialisation intersectorielle ou intrasectorielle. Mais les firmes elles-mASmes ne se spécialisent-elles pas ? Les firmes en déclin et celles qui anticipent la concurrence internationale sont-elles aussi passis que le laisse entendre l'analyse microéconomique de base utilisée dans la théorie du commerce international ? Selon les apports de l'économie industrielle et de l'économie d'entreprise, cela est loin d'AStre avéré. Les travaux de Porter [1993] indiquent qu'il existe deux grandes faA§ons de réagir A une telle modification de l'environnement économique : soit en comprimant ses coûts, soit en justifiant un prix relatiment élevé du fait d'un produit différent des produits concurrents. Les stratégies d'innovation, de délocalisation ou de différenciation vont alors se multiplier pour atteindre ces objectifs. La conduite de ces stratégies, ou de combinaisons de ces stratégies (mix stratégique), mène A une spécialisation des firmes sur certains segments de leurs activités. Il convient alors d'identifier précisément ce phénomène et d'en mesurer les implications sur le marché du travail. 1. Mondialisation, innovation et évolution des besoins d'emplois La mondialisation a deux grands effets sur l'innovation. D'une part, elle permet ou elle facilite l'innovation, donc l'évolution des techniques de production, en permettant une meilleure diffusion de l'information. D'autre part, elle a un effet incitateur, voire coercitif. On parle alors d'innovations défensis pour reprendre la terminologie de Wood [1994]. Il s'agit des innovations qui viennent répondre au renforcement de la concurrence internationale, au moument de mondialisation. Dès lors, l'innovation ' on parlera aussi de progrès technique ' dépend en partie du degré d'ourture des économies. Cela renvoie A la notion de progrès technique endogène (qui s'oppose au progrès technique exogène au système économique, ne dépendant que de l'état des connaissances A un moment donné). Quelle est alors la part du progrès technique endogène ? Dans quelle mesure la mondialisation a-l-elle boulersé les techniques de production des firmes ? Les besoins d'emplois se sont-ils parallèlement modifiés ? L'ourture aux échanges renforce-t-elle l'innovation ? » Mécanismes de diffusion et d'imitation dans un cadre de croissance endogène Les canaux de transmission de la mondialisation sur l'innovation des firmes sont multiples. La théorie de la croissance endogène insiste sur ceux liés au processus de diffusion ou de dérsement technologique entre les nations et, plus précisément encore, au phénomène d'imitation. Dans ce cadre diéo-rique, Grossman et Helpman [1991] étudient les relations entre le progrès technique, la croissance économique et l'ourture aux échanges. Lorsque deux pays s'ouvrent A l'échange, ces auteurs considèrent que les firmes profitent du savoir-faire ou de l'expérience des firmes étrangères (cf. l'encadré p. 42). Grossman et Helpman montrent alors que si les deux économies ont des dotations similaires en facteurs de production, le progrès technique s'accroit pour chacune d'elles ac l'ourture aux échanges. En revanche, dans le cadre du commerce Nord-Sud, la conclusion est moins nette. Les flux de savoir sont globalement unilatéraux et vont du Nord rs le Sud. Il s'agit d'une forme restreinte de la diffusion internationale des connaissances, A savoir l'imitation. Les firmes du Sud imitent ou copient celles du Nord. Leur modélisation rejoint la théorie du cycle du produit de Vernon [1966] : les biens sont initialement conA§us et fabriqués au Nord puis leur fabrication est délocalisée rs le Sud. L'impact sur le taux d'innovation au Nord est alors indéterminé puisque deux effets s'opposent. D'une part, ce processus d'imitation réduit la durée pendant laquelle le secteur innovateur jouit d'une rente de monopole. L'activité de R&D devient donc moins renle et des ressources seront transférées de ce secteur rs les autres secteurs. Le taux de progrès technique au Nord se réduira. D'autre part, les activités délocalisées libèrent des ressources au Nord. Cela entraine une baisse du coût des facteurs de production qui accroit la production dans le secteur innovateur et donc encourage la R&D dans le pays. Si Grossman et Helpman élissent un lien théorique direct entre commerce international et progrès technique, leur travail ne permet pas pour autant d'affirmer que les échanges mondiaux soient toujours cteur de progrès technique, notamment A cause du phénomène d'imitation. En revanche, dans une vision schumpetérienne du progrès technique, on peut justifier une relation strictement positi entre mondialisation et progrès technique. * Taille des marchés et renilité de l'innovation : l'optique schumpetérienne Dans l'analyse schumpetérienne l'innovation est liée en premier lieu A la taille de l'entreprise et au degré de concentration du marché sur lequel elle intervient. Plus l'entreprise est grande et dominatrice, plus son effort en R&D est intense. Quels sont les arguments justifiant cette relation ? Symeonidis [1996] isole les mécanismes schumpetériens expliquant le sens causal univoque de la liaison entre concurrence et progrès technique. Les atouts de la grande firme dominante sont les suivants : - l'importance du volume des ntes permet d'amortir les coûts fixes conséquents liés aux projets de R&D ; - la production d'innovations s'accomne d'économies d'échelle et de gamme ; - la structure dirsifiée des grandes entreprises leur permet de mieux exploiter les innovations inattendues ; - les grandes entreprises peunt entreprendre plusieurs projets de R&D A la fois et donc répartir leurs risques ; - les grandes entreprises ont un accès facilité au financement extérieur ; - les entreprises dominant leur marché dégagent des profits leur permettant de financer leurs projets ; - les entreprises dominant leur marché peunt plus facilement s'approprier les rendements de l'innovation, ce qui les incite A innor. La mondialisation s'accomnant d'une concentration des secteurs, d'une course A la taille de la part des entreprises et d'autres mouments de fusion/acquisition, crée ce faisant les conditions propices A l'innovation. En particulier, la perspecti d'un marché plus vaste devrait inciter les firmes A se lancer dans des projets de R&D aux coûts fixes importants qui pourront alors AStre amortis (ce raisonnement d'essence schumpetérienne ne suppose pas cependant que l'entreprise ait un quelconque pouvoir de marché). En fait, il y aurait une incitation A abandonner les techniques de production A rendements constants au profit de techniques plus intensis en travail qualifié et A rendements croissants ac d'importants coûts fixes [Sachs et Shatz, 1996]. Le commerce international serait donc néfaste A l'emploi des pays industrialisés non pas A cause des importations mais du fait des exportations ([Askenazy, 19971 pour une formalisation de ce raisonnement). En revanche, les importations justifient en priorité les innovations défensis. Renforcement concurrentiel et innovation défensi La notion d'innovation défensi est finalement très ancienne. L'idée qu'une concurrence exacerbée conduise A une course A la productivité et donc au progrès technique étant d'essence marxiste. Néanmoins, malgré quelques études isolées illustrant certains aspects du phénomène, peu de travaux théoriques permettent d'asseoir formellement cette notion. En revanche, nombre de travaux empiriques conrgent pour dégager une relation positi entre l'intensification de la concurrence, notamment son internationalisation, et des hausses de productivité dans les secteurs manufacturiers. Pour un secteur donné, les importations revAStent alors une importance particulière. Elles représentent un bon indicateur de la pression concurrentielle étrangère subie par les producteurs nationaux. Elles devraient donc AStre un des principaux facteurs justifiant l'apparition d'innovations défensis. C'est dans cette optique que Cortès et Jean f 1997a] ont estimé, pour les Etats-Unis. l'Allemagne et la France sur la période 1975-l993 A un niau fin de désagrégation sectorielle, les variations de la productivité (mesurée par le rapport entre la valeur ajoutée et la quantité de travail demandée dans le secteur) sur la valeur ajoutée du secteur et un ensemble de variables de commerce du secteur. Les résultats obtenus pour chaque pays sont globalement similaires. 11 apparait alors que l'impact des importations sur la productivité du travail semble loin d'AStre négligeable, notamment lorsqu'elles proviennent des pays A bas salaires : une hausse d'un point de pourcentage du taux de pénétration des importations en pronance de ces pays induit une hausse de 1,32 % de la productivité du travail en Allemagne, aux états-Unis et en France. Quand les importations proviennent des pays industrialisés, cette hausse de la productivité ne s'élè qu'A 0.72 %. L'étude de Cortès et Jean corrobore les travaux de Hine et Wright [1995] dans le cas britannique. Ces derniers estiment, sur la période 1979-l991 et A un niau très fin de désagrégation sectorielle, qu'une hausse d'un point de pourcentage du taux de pénétration des importations conduit A une augmentation de la productivité comprise entre 0.5 % et 0,8 % selon l'origine géographique des importations. La hausse de la productivité est plus élevée lorsque les importations proviennent d'Asie du Sud-Est. Dans le cas américain, l'évolution de la productivité totale des facteurs de production a fait l'objet d'études en fonction de l'intensité des secteurs en travail non qualifié. Selon Sachs et Shatz [19941, cette productivité aurait augmenté aux états-Unis durant la décennie 1980 dans les secteurs intensifs en travail non qualifié, particulièrement touchés par la concurrence du Sud. plus que dans les autres secteurs. Cet accroissement serait d'ailleurs d'autant plus marqué que la concurrence vient explicitement des pays A bas salaires. Néanmoins, ces hausses de productivité peunt pronir d'un mécanisme de spécialisation intrasectorielle lié A l'éviction des firmes les moins productis face aux importations (cf. chapitre 2), comme A un accroissement de la productivité moyenne des facteurs de production dans l'ensemble des fumes du secteur via un processus d'innovation défensi. MASme s'il est très délicat de scinder ces deux explications, les données d'enquAStes permettent d'affiner ce point. Selon les données d'enquASte recueillies auprès des entreprises franA§aises, la concurrence joue un rôle fondamental sur leurs choix stratégiques. Les enquAStes du SESSI (organe statistique du ministère de l'Industrie) identifient les motivations et la nature des changements organisationnels et technologiques dans l'industrie franA§aise. Entre 1994 et 1997, la pression de la concurrence est le facteur le plus cité pour justifier ces changements. Les grandes entreprises, notamment du secteur automobile, plus ourtes sur l'extérieur, apparaissent extrASmement sensibles a la pression concurrentielle. Des travaux complémentaires sur un nombre restreint de secteurs avalisent et affinent cette conclusion. Ainsi, une enquASte réalisée sous forme d'entretiens auprès d'entreprises des secteurs franA§ais de la chaussure et de l'électronique grand public révèle que l'ensemble des entreprises interrogées ont réagi au renforcement de la concurrence internationale et notamment A la concurrence des pays A bas salaires |Cardebat. 2001]. Cette concurrence est pleinement ressentie au tournant des décennies 1980 et 1990, plutôt dans la seconde moitié des années 1980 pour les firmes du secteur de l'électronique grand public et plutôt au début des années 1990 pour les firmes du secteur de la chaussure. Les grandes entreprises ont eu une perception plus précoce de cette concurrence que les entreprises de taille réduite. Le lancement des stratégies en réaction A ce boulersement de l'environnement concurrentiel date globalement du début des années 1990, ac, lA encore, des différences de temporalité suivant la taille des firmes. Impact social de l'innovation induite par la mondialisation Il existe donc différents canaux par lesquels la mondialisation renforce l'effort d'innovation des entreprises. Reste A savoir comment agissent ces innovations sur l'emploi et les salaires. Face A l'approfondissement de la mondialisation, les firmes ont la possibilité ou l'obligation d'accroitre leur productivité. Cela passe sount par l'introduction de nouaux équipements et de noulles technologies au sein du processus de production. Or. la maitrise de ces noulles technologies nécessite une certaine qualification. C'est pourquoi l'on a coutume de dire que le progrès technique est biaisé rs les travailleurs qualifiés, dans la mesure où eux seuls sont A mASme d'en tirer le meilleur profit. Notons que si cette vision reste majoritaire, certains économistes pensent plutôt que le progrès technique est neutre pour les facteurs de production (voir Bouabdallah et al. [1999] pour une revue complète de la littérature sur ce point). Dans le cadre du commerce Nord-Sud cependant, on peut penser que les firmes du Nord vont en priorité chercher A économiser le facteur de production denu relatiment plus cher au international, A savoir le travail non qualifié. Dès lors, les innovations défensis, au moins, seront bien sount synonymes d'une substitution du travail non qualifié au profit du capital et du travail qualifié. Si l'on accepte cette vision, communément admise encore une fois, que le progrès technique engendré par la mondialisation est biaisé rs le travail qualifié, il faut bien entendu s'attendre A ce qu'il renforce les inégalités de salaires entre travailleurs qualifiés et travailleurs non qualifiés. En théorie, on peut illustrer simplement ce mécanisme A trars un diagramme de Lerner-Pearce. Notons que deux effets contraires sont A l'œuvre concernant l'emploi relatif dans l'économie. L'accroissement de l'efficacité des travailleurs qualifiés incite les firmes A utiliser plus de ce facteur, tandis que la baisse de la rémunération relati des travailleurs non qualifiés conduit les firmes A employer plus de travail non qualifié. L'effet net d'un choc de progrès technique biaisé rs le travail qualifié sur l'emploi dans l'ensemble des secteurs est donc indéterminé. Le progrès technique ne peut donc pas justifier systématiquement A la fois une hausse du salaire relatif des travailleurs qualifiés et une hausse de leur emploi relatif dans l'ensemble des secteurs, évolutions conformes aux faits stylisés des décennies 1980 et 1990 dans les économies déloppées. Les modélisations en équilibre général calculable qui considèrent l'innovation induite sont peu nombreuses (cf. notamment Cardebat et Téiletche [1997]. Jean et Bontout 11999]). Elles font dépendre le progrès technique du degré d'ourture aux échanges (ou de variables d'ourture similaires). Ces modèles, censés refléter plus ou moins grossièrement le fonctionnement des économies déloppées, ne peunt pas apporter de chiffrage précis réellement fiable concernant l'impact d'une libéralisation des échanges sur l'emploi et les salaires des nations industrialisées. Pour autant leurs conclusions sont intéressantes. La principale est que le commerce international, grace A son impact sur l'innovation, explique au moins dans la mASme ampleur la montée des inégalités que le progrès technique exogène (non lié A la mondialisation). Or, le progrès technique exogène passe, pour nombre d'économistes, pour AStre le facteur explicatif prépondérant des inégalités. Ces résultats sont toutefois sensibles A la valeur des paramètres des modèles et les effets peunt alors varier dans des proportions importantes. En particulier, les effets du progrès technique exogène comme endogène sont très dépendants de la valeur des élasticités de substitution entre les facteurs de production. Cela nuit A la robustesse des résultats de ces travaux. Les analyses statistiques n'offrent pas cependant de résultats beaucoup plus fiables. Parmi les différents travaux existants, citons ceux de Wood [1994] qui e l'évolution des demandes de travail dans les secteurs ourts, secteurs manufacturiers, et fermés au commerce international. Les premiers subissent la concurrence internationale et sont donc incités A innor. L'innovation étant biaisée rs le travail qualifié, elle doit impliquer une hausse relati de la demande de travail qualifié. Les secteurs des biens non échangeables, qui par définition ne subissent pas cette pression, ont un rythme d'accroissement de l'intensité relati en travail qualifié qui dépend uniquement du progrès technique exogène. Dès lors, la aison des évolutions entre les secteurs manufacturiers et les secteurs des biens non échangeables d'un mASme pays gomme les chocs d'origine purement nationale et ne traduit que ceux dus A la concurrence internationale, au progrès technique défensif selon Wood. Entre 1960 et 1985. la demande de travail qualifié augmente effectiment plus vite dans les secteurs ourts que fermés pour l'ensemble des pays de l'OCDE. En effet, le ratio des intensités en travail qualifié dans le secteur des biens échangeables par rapport A celui des biens non échangeables a été multiplié par 1,15 dans ces pays. Cette tendance montre certes clairement que les secteurs ourts ont eu tendance A utiliser plus de travailleurs qualifiés que les autres secteurs, mais l'étude appelle cependant plusieurs remarques. D'abord des problèmes statistiques ne permettent pas d'obtenir des résultats précis et fiables. Ensuite, et surtout, l'analyse ne fait qu'identifier des évolutions d'intensité relati en travail qualifié sans pouvoir les attribuer A une cause en particulier. Notamment, il est difficile de récuser le rôle du progrès technique exogène. Il est en effet légitime de penser que le secteur manufacturier étant plus intense en capital physique que les services, il existe un biais naturel et exogène de progrès technique, sount incorporé A ce facteur de production, dans ce secteur. En outre, un processus de spécialisation intrasectorielle peut également justifier ce type d'évolutions via l'éviction des firmes les moins productis, les plus intensis en travail non qualifié. De nouau, seules les données d'enquASte permettent de mieux sérier les facteurs explicatifs potentiels. Dans les secteurs franA§ais de l'électronique grand public et de la chaussure, l'emploi et les salaires sont affectés différemment [Cardebat, 2001]. Dans le domaine de la chaussure, les choix d'innovations induits par la mondialisation se répartissent assez bien entre des innovations organisationnelles et des innovations technologiques. Il apparait alors que les innovations organisationnelles, A la différence des innovations technologiques, favorisent l'emploi. Mais cet accroissement de l'emploi n'affecte pas la structure des qualifications En revanche, ces innovations induisent un moument très net d'accroissement des inégalités en termes de rémunérations. Dans le secteur de l'électronique grand public, l'emploi est globalement affecté au cours des années 1990 par les innovations et plus particulièrement par le processus d'automatisation des taches. En fait, il semble qu'une substitution capital/travail se soit opérée sur les sites de production franA§ais. Ce sont les travailleurs non qualifiés qui ont pati de cette évolution car l'emploi qualifié a, au contraire, nettement augmenté. Toutefois, ce secteur a surtout souffert du moument de délocalisation. 2. L'impact social des délocalisations : mythe ou réalité ? Comme l'innovation, la délocalisation d'une partie ou de l'ensemble du processus productif d'une firme relè d'une stratégie de réduction des coûts. Le choix entre les deux stratégies va dépendre en fait de l'environnement global de la firme (faisabilité selon les modes de production, pratique du secteur, etc.). Quoi qu'il en soit, l'impact social des délocalisations est un thème délicat A aborder. D'abord, parce que le sujet est sensible, largement médiatisé et sount passionnel. Ensuite, et plus fondamentalement, parce que le phénomène est assez large, difficile A appréhender, dans la mesure où c'est un terme aux acceptions multiples (cf. l'encadré p. 52). Enfin, parce qu'il existe un doute sur la relation entre mondialisation ou libéralisation des échanges et délocalisation : la mondialisation ren-force-t-elle le phénomène de délocalisation ou non ? En d'autres termes, les délocalisations sont-elles bien un sous-produit de la mondialisation comme on l'entend régulièrement ? Ce n'est qu'après avoir répondu A cette interrogation que nous pourrons analyser les conséquences des délocalisations sur les marchés du travail. Choix de localisation et d'approvisionnement : les nouaux horizons de la mondialisation En ouvrant les frontières aux marchandises comme aux capitaux, la mondialisation offre indéniablement aux entreprises de formidables opportunités d'approvisionnement et de localisation. Les entreprises peunt s'installer en fonction des avantages atifs des pays et obtenir ainsi d'importants gains de productivité. En particulier, les entreprises du Nord peunt profiter de la main-d'œuvre A faible coût du Sud. Les pays, quels qu'ils soient, peunt d'ailleurs essayer d'attirer les firmes étrangères en créant un environnement favorable, sur le fiscal notamment. On parle alors de dumping social et fiscal respectiment, et ce sont généralement ces délocalisations qui sont pointées du doigt en tant que sous-produit de la mondialisation. Pourtant, la théorie traditionnelle du commerce international indique au contraire qu'une libéralisation des échanges devrait réduire le rythme des délocalisations en les rendant inutiles. En effet, dans ce cadre théorique, les échanges de biens et services et les mouments internationaux de facteurs de production sont de parfaits substituts : échanger des biens ou libérer totalement les mouments de facteurs de production (supposés immobiles internationalement dans le modèle HOS) est strictement équivalent (Mundell, 1957]. Les délocalisations ne pourraient donc pas AStre dues A la libéralisation du commerce, mais devraient plutôt disparaitre ac celle-ci : pourquoi s'installer A l'étranger puisqu'on peut exporter le produit ? Comment justifier ce paradoxe ? En fait, la mondialisation va effectiment rendre inutiles certaines délocalisations et en renforcer d'autres. Tout dépend de ce qui moti initialement ce moument de délocalisation et de la forme qu'il prend. Les déterminants et les formes du phénomène générique de délocalisation sont rappelés dans l'encadré ci-après. Les délocalisations motivées par de meilleures conditions d'accès aux marchés extérieurs et, partant, par la recherche de meilleures conditions de la demande vont se réduire ac la mondialisation. Puisque les barrières A l'échange se réduisent, leur contoumement n'a plus lieu d'AStre. Ce type de délocalisation se réduit donc ac le renforcement de la mondialisation. Il ne disparait pas pour autant dans la mesure où la proximité d'un producteur ac son marché lui confère une meilleure réactivité aux évolutions de la demande. En revanche, les délocalisations motivées par les déterminants relatifs A l'offre de produit sont en nette accélération en unirs mondialisé. En effet, dans ce noul environnement économique et technologique, les coûts de transaction ont vraisemblablement franchi ce palier critique qui permet aux firmes de dissocier les sites de production des sites de consommation [Krugman et Venables, 1995]. Ce problème représente aujourd'hui le point focal du débat sur les délocalisations et celles-ci sont bien sount associées maintenant quasi exclusiment A ce déterminant [Mucchielli, 1998]. La noulle géographie économique insiste également beaucoup sur les effets d'agglomération et donc sur l'engrenage des délocalisations. Ces effets, que l'on peut assimiler A des extema-lités positis, incitent A l'agglomération des activités délocalisées quels que soient les déterminants initiaux de la première firme ayant délocalisé [Krugman. 1991]. Les externalités positis (création d'une infrastructure adéquate dédiée A une activité bien précise, émergence d'un bassin d'emplois spécialises, etc.) liées A ce moument d'agglomération accentuent alors l'incitation A délocaliser. Le jeu stratégique complexe auquel se livrent les firmes conduit toujours au mASme résultat : le leader, A savoir la firme qui délocalise en premier, est toujours suivi par les autres firmes du secteur, lesfoltowers, qui délocalisent A leur tour dans le but d'annuler leur désavantage concurrentiel vis-A -vis du leader. Plus les followers retardent leur délocalisation, plus ils supportent de coûts [Mayer et Muc-chielli, 1997]. Ce processus justifie les - cascades - de délocalisations qui existent dans certains secteurs comme le textile ou l'électronique. Dès lors émerge dans les années 1980 et surtout 1990. parallèlement au déloppement de la mondialisation, une vérile fragmentation des processus productifs. Cette fragmentation s'appuie notamment sur les pays A bas salaires afin de profiter d'une main-d'œuvre A bas prix. La recherche du moindre coût peut alors s'effectuer soit sur un segment de la production dont l'essentiel resterait localisé dans le pays d'origine, soit sur l'ensemble du processus productif (en supposant qu'il soit entièrement délocalisable). Dans ce dernier cas, il s'agit de ce que l'on appelle, en référence au cycle du produit, des biens banalisés. A savoir des biens en fin de cycle de vie pour lesquels la technologie est, si ce n'est dépassée, du moins largement diffusée internationalement et pour lesquels la concurrence se fait principalement en termes de prix [Mucchielli. 1998]. Dans ce cas précis, des importations de biens finis correspondent A des productions délocalisées et la définition la plus large possible des délocalisations prend son sens [Arthuis, 1993]." Dans le cas où seule une partie du processus productif est délocalisée, un mécanisme de - réimportations - de biens intermédiaires (ou de simples importations s'il s'agit d'un accord de sous-traitance) s'engage. Ce phénomène de division internationale des processus productifs, décrit initialement par Lassudrie-DuchASne [ 1982], est déjA largement entamé et prend une ampleur croissante. Il touche notamment les secteurs manufacturiers, mais gagne aussi les secteurs des services [Swenson. 1999]. Pour les firmes multinationales, il s'agit d'un schéma de spécialisation rticale : les différents segments des processus productifs sont dispersés au niau international, généralement entre les pays industrialisés et les pays A bas salaires rDunning, 1999]. Ce schéma est largement favorisé par la réduction des barrières A l'échange de biens et services, mais aussi par la mobilité réelle et virtuelle (ac les nouaux moyens de télécommunications) fortement accrue des personnes [Wood, 1998]. Ces évolutions facilitent alors l'organisation des firmes A l'échelle multinationale. Cet aspect des délocalisations est le plus préoccupant pour l'évolution de l'emploi dans les pays industrialisés. En effet, s'il est peu crédible, malgré le rattrae technologique des pays A bas salaires, qu'A terme la majorité des biens manufacturés soient entièrement fabriqués dans les zones A faibles coûts salariaux, il est en revanche beaucoup plus probable que l'ensemble des taches A l'intérieur des processus productifs ne requérant que de la main-d'œuvre peu qualifiée soit délocalisé. Cette fragmentation des processus productifs est, pour certains, l'enjeu majeur de la mondialisation [Arndt. 1997]. De la multinationalisation aux délocalisations : quelles conséquences pour l'emploi ? Des propos alarmistes ont sount été tenus concernant les méfaits des délocalisations, ou plus largement de la multinatio-nalisation, sur l'emploi. En France, on se souvient notamment de la polémique autour de l'excessif rapport Arthuis 11993J. Pour autant, ne serait-il pas tout aussi imprudent de considérer que les délocalisations, dans une acception large du terme, n'affectent que très marginalement les marchés du travail des pays déloppés ? Trois angles d'attaque différents permettent de montrer que le rôle des délocalisations ou de la fragmentation des processus productifs est en fait loin d'AStre neutre sur l'emploi.
détruisent-ils des emplois nationaux ? |
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