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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en œuvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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La nouvelle théorie du commerce international : tous gagnants ?

La nouvelle théorie du commerce international : tous gagnants ?
La prise en compte d'économies d'échelle internes aux firmes et de produits différenciés débouche sur une forme de concurrence dite monopolistique et constitue le fondement de la nouvelle théorie du commerce international [Rainelli, 2001]. Le raisonnement, dans ce cadre d'analyse, offre alors l'avantage de rester compatible avec le commerce interbranche tout en expliquant les échanges intrabranches qui tendent A  se développer, y compris dans le cadre du commerce Nord-Sud sous l'effet d'un phénomène de rattrae technique de la part du Sud.
Dans quelle mesure les résultats du modèle HOS sont-ils remis en cause par cette prise en compte du pouvoir de marché des firmes ? Les travailleurs sont-ils isolés des effets inégali-taires de la concurrence internationale ? L'ensemble des facteurs de production peuvent-ils gagner A  l'échange dans cette analyse ? Comment évolue la spécialisation des économies dans ce cadre ? Autant de questions que nous aborderons tant sous un angle théorique qu'empirique.

1. Pourquoi tous les facteurs de production peuvent-ils gagner A  l'échange ?

La nouvelle théorie du commerce international remet en cause le théorème de Stolper-Samuelson en montrant que tous les facteurs de production peuvent gagner A  l'échange. Quels sont les mécanismes et les conditions A  l'œuvre ? Quels sont les résultats des modèles calculables issus de ces travaux ?

économies d'échelle et différenciation des produits les bases du raisonnement
Dans le cadre d'un modèle de concurrence monopolistique, Helpman et Krugman 11985] ont démontré que lorsque deux pays s'ouvrent A  l'échange, les rémunérations réelles des facteurs de production abondants aussi bien que rares peuvent augmenter dans chaque pays. Le mécanisme de base qui permet d'obtenir ce résultat est simple.
L'effet de redistribution, mis en édence par le théorème de Stolper-Samuelson, qui joue en défaveur de la rémunération réelle du facteur rare serait plus que compensé par l'effet positif des économies d'échelle. Cet effet positif découle de l'ouverture aux échanges et donc de l'élargissement des marchés. La production des firmes augmente au fur et A  mesure que leur marché s'accroit, ce qui leur permet de mieux amortir leurs coûts fixes et donc de réduire leurs coûts unitaires. Cet approfondissement des économies d'échelle induit une hausse de la productité marginale de tous les facteurs de production, rares ou abondants. Les facteurs de production étant rémunérés selon leur productité marginale, l'ensemble des rémunérations réelles des facteurs augmente dans le pays. C'est ainsi que tous les facteurs de production peuvent gagner A  l'échange. Ce résultat, bien éli, doit cependant AStre nuancé A  deux niveaux.
D'une part, il n'est valable que lorsque les deux pays qui s'ouvrent A  l'échange sont suffisamment proches en termes de dotations factorielles et que les économies d'échelle internes aux firmes sont suffisamment importantes. Or, l'hypothèse de dotations similaires peut AStre considérée comme forte dans le cadre de relations Nord-Sud. Il est donc peu probable que les échanges entre ces deux zones entrent dans le champ de validité des conclusions élies par Helpman et Krugman. C'est pourtant bien ce type de commerce qui est censé AStre A  la base de la montée des inégalités dans les pays industrialisés. Cependant, cette question est difficile A  trancher dans la mesure où les deux auteurs ne renseignent pas sur le niveau de - proximité - des dotations factorielles requis entre les deux pays. De mASme qu'ils ne précisent pas ce que représentent des économies d'échelle suffisantes.
D'autre part, si les conclusions du théorème de Stolper-Samuelson sont remises en cause, sa logique n'est pas atteinte. En fait, l'impact des économies d'échelle se superpose A  l'effet Stolper-Samuelson. La présence d'économies d'échelle ne représente donc pas un frein A  l'évolution des rémunérations relatives des facteurs. Elles impliquent simplement un accroissement général de leur rémunération réelle. Mais l'effet Stolper-Samuelson accroit toujours la rémunération relative du facteur intensivement utilisé dans la production d'un bien dont le prix relatif augmente. Un accroissement des inégalités n'est donc pas incompatible avec les hypothèses de la nouvelle théorie du commerce international. Les simulations effectuées concernant l'Union européenne permettent d'avaliser cette conclusion.

Illustrations A  partir de simulations dans le cadre de l'Union européenne
Les modélisations en équilibre général calculable permettent de décrire le fonctionnement économique d'une zone géographique précise. A€ partir de statistiques pour une année de référence, on construit un modèle mathématique qui reflète le fonctionnement de l'économie considérée et notamment les interactions entre les différents marchés. L'imposition d'un choc (baisse des tarifs douaniers par exemple) sur le marché des biens et serces permet ensuite d'étudier la formation du nouvel équilibre, donc d'étudier ses conséquences sur les autres marchés et notamment sur le marché du travail de la zone considérée.
Plusieurs modélisations de ce type retracent les relations commerciales de l'Union européenne avec le reste du monde et notamment avec les pays A  bas salaires pour conclure ensuite sur l'impact des échanges sur les inégalités salariales. Les modèles de Smith 11997] et de Cortès et Jean f 1997b] sont certainement les plus aboutis de ces travaux. Ils combinent différentes formes de marché pour représenter l'Union européenne, certains secteurs relevant de la concurrence pure et parfaite, d'autres de la concurrence monopolistique. Les apports de la nouvelle théorie du commerce international sont donc intégrés dans ces analyses. Les chocs ensagés dans ces deux modèles divergent fondamentalement. Les simulations de Cortès et Jean ont un caractère prospectif, dans la mesure où ces auteurs modélisent un doublement de la taille relative actuelle des pays émergents. Cela équivaudrait A  un taux de croissance pour ces pays pendant dix ans plus élevé de 7 % que celui du reste du monde. A€ l'inverse. Smith mène une analyse contrefactuelle et considère un arrASt du commerce avec les pays A  bas salaires. En d'autres termes, il étudie quel serait le niveau des inégalités dans une situation où les pays de l'Union européenne n'effectueraient des échanges qu'entre eux et avec les autres pays développés.
Dans ce dernier cas, on constate une baisse des importations, nole dans certains secteurs, de la part des pays de l'Union européenne. Dans les secteurs de main-d'œuvre (textile, électronique, etc.) les baisses sont souvent comprises entre 50 % et 90 %. Néanmoins, l'incidence sur la production n'en est pas pour autant positive : l'effet revenu, dû A  la disparition de débouchés, l'emporte sur l'effet de substitution, dû au remplacement des importations en provenance des pays A  bas salaires par une production des pays industrialisés. Les baisses de production restent toutefois relativement limitées (entre 0 % et 5 %). Dans le modèle de Cortès et Jean, qui simule un doublement de la taille relative des pays émergents, on assiste cette fois A  des hausses sensibles des importations de l'Union européenne parallèlement A  des augmentations de la production, sauf dans les secteurs les plus importateurs.
Les effets sur les salaires sont également limités mais conformes aux prédictions du théorème de Stolper-Samuelson. Smith montre que l'abandon des relations commerciales avec les pays A  bas salaires permettrait d'accroitre le salaire relatif des travailleurs non qualifiés dans neuf des pays de la CEE A  douze. Les exceptions ennent de l'Irlande, de la Grèce et du Portugal, ce qui n'est pas étonnant étant donné que ces pays sont les moins bien dotés de l'Union européenne en travail qualifié. Les effets positifs sur le salaire relatif des travailleurs non qualifiés sont cependant très faibles : le plus prononcé concerne l'Allemagne et n'est que de + 0,6 %.
A l'inverse, un doublement des relations commerciales avec les pays A  bas salaires induirait, selon Cortès et Jean, une hausse du salaire relatif des travailleurs qualifiés de l'Union européenne de 0,8 %. Plus précisément, les travailleurs non qualifiés verraient leur rémunération réelle diminuer de 0, l %, tandis que celle des qualifiés augmenteraient de 0,7 %. LA  encore l'impact est très mesuré.
La faible ampleur de ces résultats, au regard de l'importance des chocs, semble donc confirmer l'existence d'un lien très ténu entre échanges Nord-Sud et inégalités de salaires au Nord. Ils confirment aussi que l'imperfection des marchés de biens et serces ' coût d'entrée élevé sur les marchés lié A  l'importance des coûts fixes, différenciation des produits ' agit comme un rempart naturel contre les inégalités salariales. Néanmoins, ces résultats dépendent pour beaucoup des choix de modélisation (valeur des paramètres du modèle, etc.). En cela ils méritent d'AStre affinés par d'autres types de travaux.

2. L'imperfection des marchés de biens et serces : un rempart naturel pour l'emploi

L'analyse théorique montre que chacune des deux sources d'imperfection des marchés (économie d'échelle et différenciation) représente en soi une barrière A  l'entrée pour les nouveaux entrants et notamment les firmes des pays A  bas salaires. Certains marchés ou secteurs sont-ils alors protégés de cette concurrence ? L'effet du commerce international est-il différent suivant les structures de marchés des secteurs industriels ? Quelles sont ces grandes structures ?

Degré d'imperfection des marchés et classification des secteurs
La caractérisation des industries va se faire suivant les deux critères de différenciation et de concentration (notion qui renvoie aux économies d'échelle). La combinaison de ces critères débouche sur la définition de quatre sous-ensembles. Chaque sous-ensemble regroupe alors des secteurs aux caractéristiques voisines (cf. leau 3).
Les secteurs segmentés se démarquent, notamment, par d'importantes économies d'échelle, donc des coûts d'entrée élevés et un nombre restreint d'entreprises sur le marché. Cela est d'autant plus marqué que la différenciation des produits est importante (sous-ensemble DS). Ces secteurs apparaissent donc a priori comme les mieux protégés naturellement de la concurrence internationale. Parmi ces secteurs on peut notamment citer ceux de la chimie, de la pharmacie, de la construction automobile, navale ou aéronautique. En revanche, les secteurs peu concentrés produisant des biens plutôt homogènes (sous-ensemble HF). se rapprochent des conditions de la concurrence pure et parfaite. Dans ces secteurs, les effets inégalitaires du commerce ' effet Stolper-Samuelson ' devraient jouer A  plein. Parmi ces secteurs, on trouve notamment ceux du textile, du bois, des produits minéraux et de divers autres secteurs manufacturiers.


Conclusions des travaux économétriques

A€ partir de la classification précédente des secteurs, on peut différencier l'impact social du commerce international suivant le degré d'imperfection des secteurs considérés. Notons que les travaux économétriques dans cette lignée s'intéressent A  l'évolution des salaires ou de l'emploi pour chaque secteur, indépendamment des autres secteurs. On considère donc implicitement des imperfections sur le marché du travail puisque deux travailleurs aux caractéristiques identiques (niveau d'éducation, d'expérience, etc.) pourront avoir des salaires différents uniquement en raison de leur appartenance sectorielle. Cela reent A  postuler qu'un certain degré d'immobilité sectorielle du travail existe.
Les études internationales aboutissent globalement A  des conclusions assez proches. Les travaux pionniers d'Oliveira-Martins [ 1994] sont révélateurs de ces résultats. Menés pour les principaux pays de l'OCDE entre 1970 et 1990. ces travaux étudient l'évolution des salaires sectoriels moyens dans 22 secteurs manufacturiers. Ces secteurs sont regroupés dans les quatre sous-ensembles précédents suivant leurs degrés de concurrence. Globalement, dans les douze pays étudiés, une hausse des importations déprime le taux de salaire dans les secteurs fragmentés produisant des biens peu différenciés ou homogènes (secteurs HF). Cette conclusion est encore assez bien vérifiée pour les secteurs segmentés produisant des biens peu différenciés (HS), mASme si la relation est moins robuste sur le statistique. En revanche, dans les secteurs fabriquant des produits différenciés, cette conclusion ne tient plus. Parmi les secteurs fragmentés (DF), la relation est très ténue. Tandis que dans les secteurs segmentés (DS) la conclusion est carrément inversée puisque la relation entre les saJaires moyens et les importations est positive.
On peut tirer deux grandes conclusions de ces résultats. D'une part, l'impact négatif des importations semble avéré dans les secteurs fragmentés produisant des biens plutôt homogènes : A  savoir lorsqu'on approche des conditions de la concurrence parfaite. A€ l'inverse, lorsque les structures de marché s'éloignent des conditions de la concurrence parfaite, une hausse des importations n'a pas d'effets tangibles sur les niveaux de salaires sectoriels. Ces résultats confirment alors les prédictions théoriques déjA  énoncées. La concurrence imparfaite sur les marchés de biens et serces protège les travailleurs des effets néfastes des échanges internationaux. Plus précisément, comme l'attestent les travaux de l'OCDE 11997], c'est essentiellement le degré de différenciation des produits qui commanderait l'intensité de l'impact sectoriel des échanges.

3. Hétérogénéité des firmes et sélection naturelle

L'ouverture A  l'échange d'une économie implique le déclin de certains secteurs et la croissance d'autres suivant les avantages atifs du pays. Indépendamment de ce processus de spécialisation intersectorielle, on peut penser que l'ouverture va également profiter A  certaines firmes et en affecter d'autres suivant les avantages ou désavantages spécifiques de chacune. Cela signifie que les firmes ont des performances hétérogènes. Si l'on reprend les deux hypothèses de base de la nouvelle théorie du commerce international, cette hétérogénéité peut se justifier de deux faA§ons. D'une part, les firmes se distinguent par leur degré d'exploitation des économies d'échelle. D'autre part, elles se distinguent aussi par leur degré de différenciation des produits, chaque fume fabriquant une variété donnée d'un bien générique (par exemple, pour le bien générique automobile les constructeurs se distinguent par leur niveau de gamme, leur esthétique, etc.). Suivant ces deux éléments, les firmes supporteront plus ou moins bien l'ouverture aux échanges quel que soit leur secteur d'origine. Dans ce contexte, le commerce international peut avoir un effet de sélection des firmes A  l'intérieur mASme des secteurs débouchant sur une forme de spécialisation intrasectorielle celte fois. Quels sont ces mécanismes de sélection et quelles sont leurs conséquences sociales ?

La loi du plus fort ou l'importance de la taille critique


» Ouverture et sélection des firmes

L'exploitation des économies d'échelle croit avec la taille des firmes. En cela, la taille des firmes interent comme un élément décisif de leur performance. On doit s'attendre A  ce que les fumes de grande taille aient des coûts unitaires plus faibles et globalement une meilleure productité que celles de taille réduite. Lorsqu'un pays s'ouvre A  l'échange, les firmes de grande taille ont donc un avantage spécifique leur permettant de mieux résister A  la concurrence internationale. Grace A  leur niveau de compétitité, elles peuvent d'ailleurs accéder au marché mondial et croitre encore. Notons d'ailleurs que le débat sur la taille critique A  atteindre dans un contexte de mondialisation est particulièrement f en France. Il justifie en partie les mouvements de fusions/acquisitions dans de nombreux secteurs dans la fin des années 1990.
A€ l'inverse, les firmes de petite taille pourront péricliter suite au choc concurrentiel dû A  l'ouverture. Cet argument, lié A  la moindre exploitation des économies d'échelle dans un pays ou un secteur donné, est d'ailleurs souvent invoqué pour justifier un certain degré de protection commerciale. Il renvoie en fait au débat sur la protection des industries dans - l'enfance -.
Le commerce international est donc A  la base d'un processus de sélection de firmes hétérogènes par leur coût marginal A  l'intérieur des secteurs. Notons que si la taille des firmes explique en partie cette hétérogénéité, elle n'en constitue pas pour autant l'unique déterminant. Des différences dans les structures productives des firmes peuvent bien sûr également justifier des écarts de coûts marginaux. Quoi qu'il en soit, dans le contexte d'un modèle de concurrence monopolistique où les firmes sont hétérogènes par leur coût marginal. Jean f2000b] a montré que le processus de sélection des firmes s'opère aussi bien A  travers les importations que les exportations.
L'effet de sélection des importations est intuitif et quasiment immédiat. 11 s'agit simplement de la disparition des firmes les moins efficaces du secteur suite au choc concurrentiel. Ces firmes ne peuvent résister A  la baisse d'actité liée A  l'accroissement des importations. Néanmoins, cet effet est statique. En revanche, le rôle des exportations s'inscrit dans une logique dynamique, donc de plus long terme. En fait, les perspectives de profits liées aux exportations attirent progressivement de nouveaux entrants efficaces sur le marché. La concurrence est alors exacerbée. Les producteurs les moins efficaces sont progressivement éncés et la productité moyenne du secteur augmente.
Ces résultats théoriques sont confirmés A  deux niveaux au empirique. D'une part, on assiste bien A  l'entrée de nouvelles firmes d'emblée exportatrices dans la plupart des secteurs [Bernard et Jensen, 1997). Le phénomène est particulièrement net aux Etats-Unis. Globalement, ces firmes exportatrices ont une taille et une productité supérieures A  la moyenne de leur secteur d'appartenance. Et, si ces firmes restent minoritaires dans leur secteur, leur part s'accroit néanmoins sensiblement sous l'impulsion des nouveaux entrants, attirés par les perspectives de gain d'un marché devenu mondial.
D'autre part, on vérifie bien que la productité moyenne des secteurs augmente parallèlement A  leur degré d'ouverture. Comme l'attestent les travaux issus d'une étude du cabinet international de consultants McKinsey Global Institute [J3aily et Gersbach, 1995] pour les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne. Dans ces pays, les secteurs A  forte productité sont dans tous les cas, sauf un, exposés A  une concurrence globale. A€ l'inverse, les secteurs les moins productifs ne sont confrontés qu'A  une concurrence purement nationale ou limitée aux seuls pays voisins.
» L'impact sur le marché du travail
Quelles sont alors les conséquences sociales de ce processus de sélection des firmes lié A  la mondialisation ? En théorie on peut montrer, dans un contexte de concurrence monopolistique, que l'augmentation de la taille et de l'actité exportatrice des firmes profite en priorité aux travailleurs qualifiés [Manasse et Turrini, 20011. En fait, le processus de sélection des firmes induit des réallocations de ressources productives au sein des secteurs vers les entreprises exportatrices. Or, l'exportation s'accomne généralement d'innovations, d'intensification de la R&D. etc., autant d'actités employant en priorité des travailleurs qualifiés.
Les travaux empiriques de Bernard et Jensen [1997] concernant les firmes américaines révèlent d'ailleurs que les entreprises exportatrices sont systématiquement mieux dotées en travailleurs qualifiés que les autres entreprises du secteur. Selon ces auteurs, le creusement des inégalités salariales aux étals-Unis entre les travailleurs qualifiés et les travailleurs non qualifiés durant les années 1980 serait quasi exclusivement impule A  l'augmentation de la part des entreprises exportatrices dans l'ensemble des secteurs américains. En effet, si la part de ces firmes augmente dans un secteur donné et si elles utilisent relativement intensivement du travail qualifié, cela induit une hausse de la demande relative de travail qualifié dans ce secteur. Par suite, cette évolution des demandes de travail se traduit logiquement par un creusement des inégalités salariales au détriment des travailleurs non qualifiés.
Néanmoins, les preuves empiriques restent insuffisantes pour faire de ce processus de sélection des firmes le principal vecteur d'accroissement des inégalités dans les décennies 1980 et 1990. D'autant que d'autres canaux de sélection des firmes existent et justifient sans doute aussi une part de l'accroissement des inégalités.


Une montée en gamme mécanique A  l'intérieur des secteurs

Si les firmes sont hétérogènes par leur degré d'exploitation des économies d'échelle et donc leur coût marginal, elles le sont également par le niveau de qualité de leurs produits. Les produits sont différenciés horizontalement et verticalement. Dans le premier cas la différenciation concerne des caractéristiques de présentation. Dans le second, la différenciation repose sur la qualité des produits. Pour un bien donné, il existe différentes variétés qui se distinguent par des niveaux de qualité hétérogènes.
La théorie suppose en générai que chaque firme produit une variété de ce bien, donc A  chaque firme est attaché un niveau de qualité. Le prix d'une variété dépend alors positivement de son niveau de qualité. La coexistence de plusieurs degrés de qualité s'explique en amont par l'hétérogénéité dans la distribution des revenus des consommateurs. Schématiquement, des firmes produisent des variétés de qualité médiocre A  faible prix qui seront consommées par les ménages A  faibles revenus, tandis que d'autres firmes fabriquent des variétés d'excellente qualité adressées aux ménages A  revenus élevés. En quoi la mondialisation peut-elle opérer une sélection parmi ces firmes ?
» Mondialisation et sélection des niveaux de qualité
C'est principalement en raison de l'émergence des pays A  bas salaires dans les relations internationales que la mondialisation exerce une telle sélection. En effet, les biens fabriqués dans ces pays sont souvent de moindre qualité par rapport aux biens produits dans les pays industrialisés. Pour des secteurs donnés, les firmes du Nord positionnées sur les segments bas de gamme sont donc directement concurrencées par les importations en provenance des pays A  bas salaires. Elles peuvent alors AStre éncées du marché. En revanche, les firmes positionnées dans les segments du haut de gamme n'entrent pas vérilement en concurrence avec les produits du Sud. Au contraire, ces firmes pourront bénéficier d'opportunités d'exportations vers les consommateurs A  fort pouvoir d'achat des pays A  bas salaires.
Derrière ce mécanisme de sélection se cache en fait un vérile processus de spécialisation intrasectorielle. Dans ce schéma de spécialisation le Nord produit les variétés haut de gamme et le Sud les variétés bas de gamme. La spécialisation résulterait de différences de dotations factorielles. Car les fabrications de variétés de qualités différentes s'ésectiunent par leur intensité relative en facteurs de production (Falvey. 1981]. Le haut de gamme serait alors marqué par une intensité relative en capital physique et humain (A  savoir le travail qualifié), facteurs abondants dans le Nord, et le bas de gamme par une intensité relative en main-d'œuvre faiblement qualifiée, abondante dans le Sud. Sur cette base. Greenaway et Torstensson [1998] montrent que le modèle HOS peut s'appliquer A  des échanges Nord-Sud intrasectoriels où deux variétés d'un mASme bien diffèrent en termes de qualité et donc d'intensité en facteurs de production. On retrouve alors les résultats classiques élis dans ce cadre et notamment les conclusions du théorème de Stolper-Samuelson. Par suite, dans chaque zone, le facteur relativement abondant profite de l'ouverture aux échanges tandis que le facteur relativement rare en patit. Dans les pays industrialisés les travailleurs non qualifiés vont donc AStre défavorisés par ce biais. Néanmoins, quelle est la portée de ce mécanisme au empirique ?


» Un constat empirique nuancé

Il existe de nombreuses preuves convergentes pour la plupart des pays industrialisés concernant l'accroissement des écarts de prix entre les biens importés et nationaux d'un mASme secteur. L'étude des statistiques franA§aises pour les ngt et un principaux secteurs manufacturiers révèle que les prix A  la production ont plus augmenté (moins baissé) que ceux A  l'importation entre 1985 et 1996. Cela traduit un écart de prix croissant entre les variétés fabriquées localement et celles importés, vraisemblablement impule aux importations en provenance des pays A  bas salaires.
En outre, on peut également construire un indicateur de dispersion entre les prix des biens importés et exportés au sein des secteurs. Il s'agit de er la valeur unitaire des importations et des exportations pour chaque produit générique. Si le rapport de ces deux valeurs est suffisamment proche de l'unité (entre 0,85 et 1,15 en général), le commerce est considéré comme horizontal (portant sur des produits différenciés horizontalement), sinon il est considéré comme vertical (portant sur des produits différenciés verticalement).
Sur la base de cet indicateur et A  partir de données plus désagrégées (169 secteurs), Greenaway et Torstensson [1998] identifient alors un accroissement sensible de la dispersion entre prix A  l'importation et A  l'exportation en Suède entre 1981 et 1994. Dans le cas britannique, une étude portant sur les secteurs manufacturiers en 1988 montre que les deux tiers du commerce sont de type vertical [Greenaway et ai. 1995]. Cela souligne donc une importante dispersion des prix A  l'importation et A  l'exportation cette année-lA . Concernant l'industrie franA§aise, cette méthode a également été appliquée A  un niveau très fin de désagrégation pour les années 1978 et 1987. Pour cette dernière année il apparait que 70 % du commerce intra-branche est vertical [Harh et ai. 1997]. Ce résultat est d'autant plus marqué lorsqu'on considère le commerce international hors Union européenne. En outre, dans les seuls secteurs manufacturiers franA§ais, le commerce vertical s'est renforcé entre 1978 et 1987.
Ainsi, si l'on accepte que les prix A  l'exportation ou A  la production reflètent le positionnement en termes de gamme des producteurs du Nord, il existe un faisceau de présomptions qui permet de conclure A  la montée en gamme dans les secteurs manufacturiers des pays industrialisés durant les années 1980.
Les preuves empiriques associant cette montée en gamme au creusement des inégalités sont en revanche plus ténues. En effet, ce lien entre qualité des produits et qualification des travailleurs est plus souvent postulé a priori que vérilement avéré et mesuré. L'idée de base est motivée par un constat empirique simple : les pays relativement mieux dotés en travail qualifié sont aussi ceux qui produisent les biens de meilleure qualité [Gabszewicz, 1998]. S'il est irréfule, cet argument n'en reste pas moins un peu léger.
Le travail d'Abowd et al. [1996] permet de dépasser ce simple constat. Il repose sur différentes enquAStes de l'INSEE qui concernent les prix A  la production et la rémunération des salariés des firmes franA§aises. L'appariement de ces différentes sources permet d'obtenir un échantillon de 748 entreprises franA§aises réparties dans 16 secteurs manufacturiers sur une période d'étude s'étalant entre 1978 et 1988. Ce travail, extrASmement précis sur le statistique, conclut A  une relation positive mais assez ténue entre la qualité des produits et la qualification des travailleurs. En particulier, les biens de qualité supérieure sont associés A  des structures productives comprenant relativement plus de travailleurs qualifiés.
Malgré tout, ces résultats restent assez isolés. Peu d'études permettent de dégager précisément l'impact social de la spécialisation intrasectorielle mise en édence dans ce chapitre. Pourtant, ces canaux de transmission de la mondialisation sur les marchés du travail apparaissent cruciaux A  nombre d'économistes. Ils permettent notamment de justifier que la mondialisation conduit A  des mouvements de main-d'œuvre intrasectoriels et non plus simplement intersectoriels comme dans la théorie traditionnelle du commerce international. Or, la très grande majorité des mouvements de main-d'œuvre sont effectivement intrasectoriels. L'analyse précédente permet donc de réhabiliter le rôle, au moins potentiel, de l'ouverture aux échanges sur les marchés du travail nationaux. Ce d'autant qu'A  ce mécanisme de sélection ou de spécialisation intrasectorielle il conent d'associer un processus de spécialisation intrafirme qui renforce encore les effets précédents.



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