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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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Les théories sociales de l'aliénation

Au cours du XXe siècle, la tendance A  sortir le drame de la prolétarisation ouvrière d'un cadre trop strictement économique s'est donc peu A  peu affirmée. La faveur nouvelle des explications A  fondement social et moral s'est traduit par un glissement conceptuel important : la notion d'exploitation du travail s'est trouvée détrônée au profit de la notion sour d'aliénation (Entfremdung), appliquée au travailleur ou A  la classe ouvrière dans son ensemble. La question de l'aliénation ouvrière déborde par définition la problématique du marchandage : elle exprime l'état d'un groupe social rendu étranger A  soi-mASme du fait de sa position dans un système de production qu'il n'a pas choisi et qu'il ne maitrise pas.
Ainsi, les théories post-marxistes ont suggéré que, pour comprendre la tragédie de la prolétarisation, la situation des classes devrait AStre appréhendée en fonction de critères plus diversifiés que le seul rapport salarial liant les détenteurs du capital aux fournisseurs de travail. La question du pouvoir s'est trouvée réévaluée par rapport A  la question de la propriété. On a fait l'hypothèse que la relation d'autorité instituée entre l'employeur et le salarié serait de plus grande teneur explicative que la relation de production stricto sensu (Dahrendorf, 1957).
La critique des expériences socialistes tentées A  partir de la révolution soviétique de 1917 a stimulé ce renouvellement. A distance de la doctrine marxiste traditionnelle ' voyant dans l'appropriation collective des moyens de la production la réplique appropriée aux méfaits de l'industrialisation ', on s'est interrogé sur la pertinence des modèles alternatifs. Un nouveau socialisme s'est cherché autour de l'idée que si le capitalisme faisait problème, ce n'était pas tant du fait de la spoliation opérée par l'entrepreneur que du fait de l'absence de tout contrôle collectif sur l'affectation de la valeur ainsi détournée.
La question de l'entreprise est du mASme coup réapparue, lA  où le récit classique hérité du Capital tendait A  ne voir qu'une -donnée-, certes déterminante, mais inhérente A  la logique capitaliste et dépourvue de ce fait de toute autonomie dans le système. L'entreprise est apparue comme une organisation agenA§ant des fins et des moyens, et susceptible d'aménagements substantiels. Il en a résulté un souci de promouvoir d'autres formes d'organisation de l'entreprise, la question déterminante étant toujours de savoir dans quelle mesure le pouvoir de l'entrepreneur pourrait AStre partagé au lieu d'AStre confondu avec l'autorité du capital.
A un niveau de réflexion plus général, les intellectuels ont fait retour sur le problème historique du développement de l'entreprise. Fallait-il A  tout prix considérer l'entreprise comme donnée et en faire l'horizon indépassable de l'aménagement de la civilisation industrielle? Ne convenait-il pas au contraire de l'associer A  un moment particulier du développement de la société et envisager son abolition? La question valait d'AStre posée, dès lors que l'existence et l'essor des entreprises étaient suspectes de n'AStre pas vraiment légitimes ou de faire violence A  la société. A rencontre d'un marxisme populaire prASt A  assimiler son combat A  une pure stratégie du marchandage, des idéologies du refus de l'entreprise se sont ainsi progressivement manifestées dans la société. Elles ont trouvé un écho dans l'ouvre de nombreux penseurs, attachés A  élargir la réflexion sur l'évolution de la civilisation industrielle et, singulièrement, A  replacer la question de l'aliénation ouvrière dans son contexte historique et anthropologique.
Par définition, l'économie n'était pas la science la mieux armée pour explorer ces voies nouvelles. Aussi est-il dans la nature des choses qu'au cours du XXe siècle, la voix des historiens, des philosophes et des sociologues se soit de plus en plus nettement affirmée dans cette discussion. La Deuxième guerre mondiale aiguisa particulièrement la sensibilité de ceux d'entre eux qui s'intéressaient aux aspects les plus généraux du destin des civilisations modernes : elle attira en effet l'attention des intellectuels sur les circonstances qui conduisent les sociétés A  s'installer sur des trajectoires vicieuses ou dévoyées. Aussi n'est-ce pas par hasard si, A  cette époque-lA , la question de la prolétarisation ouvrière, élevée au rang d'une déviation globale de l'histoire humaine, donna lieu A  un regain de recherches et de commentaires d'ordre socio-historique.
Hannah Arendt (1906-l975), philosophe engagée dans l'interprétation de la déviation totalitaire, a été au nombre des intellectuels qui prirent part au débat. Dans son ouvrage sur la condition de l'homme moderne, elle a donné l'exemple d'une transposition du problème social de l'industrialisation dans les termes d'un essai d'anthropologie philosophique sur l'évolution de la société (Arendt, 1958). Toutes les civilisations, observe-t-elle, se définissent au travers de la combinaison particulière qu'elles opèrent entre les différents registres de l'activité de travail; notamment par l'association particulière qu'elles produisent entre le tra vail proprement dit (-labor-), l'ouvre (-work-) et l'action (-action-). A côté du travail-labor référé A  la survie, A  la consommation et A  des formes élémentaires de coopération collective, il y a, explique H. Arendt, l'ouvre-work, synonyme des formes de création durables et permettant l'accomplissement individuel de ceux qui créent. Il y a enfin l'action, la dimension la plus noble du travail, référée aux relations que tissent les humains entre eux et aux groupes au sein desquels se construisent les identités collectives.
De lA  une hypothèse A  propos des effets de l'industrialisation : ne convient-il pas d'analyser l'irruption de la production de masse comme un moment particulier de l'histoire où la forme élémentaire du tr&vai-labor aurait envahi la société, au point d'étouffer la place de l'ouvre et de l'action? Sur ces bases Hannah Arendt faisait implicitement appel A  une recomposition restituant au travail sa plénitude, c'est-A -dire A  la fois sa signification individuelle (attachée A  la relation labor-work) et civique (attachée A  la relation labor-action).
Sur ce sujet, un autre ouvrage significatif est celui qu'avait écrit quinze ans auparavant Karl Polanyi (1886-l964), historien et philosophe d'origine hongroise qui travailla successivement en Autriche, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. L'ouvrage, intitulé La Grande Transformation, retrace les origines politiques et économiques de notre temps dans des termes qui peuvent AStre rapprochés de ceux d'Hannah Arendt mais qui, tout en ouvrant les perspectives, serrent de beaucoup plus près les événements du XIXe siècle (Polanyi, 1944). Polanyi revient sur l'éternelle question : comment comprendre la dislocation sociale dont l'Angleterre fut le théatre A  partir de l'époque des enclôtures puis, surtout, dans le contexte de la révolution industrielle ? Sa réponse est très nette : la cause se trouve dans l'éclosion d'un système de marché qui aurait cherché A  s'affranchir de toute adéquation au système social et qui, contre toute raison, aurait cru pouvoir fonctionner sur lui-mASme, comme mécanisme autorégulateur.
Dans la société mercantile du XVIe siècle, il y avait certes des marchés. Mais il n'y avait pas de société de marché : on en était encore A  un stade du développement humain où le souci qu'ont les hommes de préserver leur position et leurs droits sociaux apparaissait bien plus déterminant que celui qui consiste A  protéger des intérASts et des biens. Dans cette situation, que l'anthropologie qualifierait volontiers de situation commune, -les relations sociales de l'homme englobent son économie-, ce qui revient A  dire que -le système économique est géré en fonction de mobiles non économiques-, (Polanyi, 1944, trad. fr., 1983, pp. 74-75). Ce qui s'est passé par la suite relève d'un surprenant dérèglement, sans équivalent dans l'histoire de l'humanité. Lorsqu'on en est arrivé A  la société de marché, les mobiles économiques ont acquis une position telle que la société s'est trouvée en danger d'AStre -gérée en tant qu'auxiliaire du marché-. Dans cet état-lA , -au lieu que l'économie soit encastrée dans les relations sociales, ce sont les relations sociales qui sont encastrées dans le système économique- (ibid., p. 88).
Aussi longtemps que ce mécanisme autorégulateur a pu se développer, la société est apparue aux prises avec un engrenage infernal. Les grands principes sur lesquels reposaient traditionnellement la régulation sociale ont eu tendance A  entrer dans le champ de l'échange marchand, bien qu'ils n'avaient fondamentalement rien A  y faire. C'est ainsi que, par l'effet d'un artifice extravagant, les instruments fondateurs de la société que sont non seulement le travail, mais aussi la terre et la monnaie, se sont retrouvés absurdement érigés au rang de -marchandises-. Jusqu'A  un certain point, le drame de la Grande-Bretagne enrichie par son industrie fut de succomber A  cette utopie du -marché autorégulateur-, de sorte que des générations de penseurs en arrirent littéralement A  -oublier la société- (ibid., p. 123).



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