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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Le fonds monétaire a-t-il tout faux en asie ?

Le FMI et les crises du XXI siècle

Les interntions du Fonds monétaire en Asie ont suscité de vis polémiques qui l'ont exposé A  une pression noulle. Traditionnellement, ses interlocuteurs sont d'un côté ses principaux actionnaires, soit le G7 sount réduit aux seuls états-Unis, et de l'autre les pays en crise, engagés dans un dialogue au caractère quelque peu asymétrique. Et puis, de temps A  autre, - les agents - font irruption de manière plus ou moins fracassante, A  l'occasion de manifestations ou d'émeutes dans lesquelles le FMI fait rituellement ure de bouc émissaire.
Cette situation, dont la récurrence ne doit pas AStre surestimée, résume tous les risques et les avantages d'une action qui ne se voudrait que technicienne, neutre et désintéressée. Il est certes un peu gASnant d'abandonner en rase camne un de silisation péniblement négocié, mais au moins on n'a pas A  faire l'effort de s'adresser au-delA  des quelques dizaines de fonctionnaires et de ministres qui, dans le meilleur des cas, conduisent la politique économique. A€ la limite, l'éntuelle violence sociale viendra confirmer l'impossibilité d'une démarche rationnelle et pragmatique en dehors de ce cercle étroit : comme en Indonésie, en mai 1998, il ne reste plus qu'A  exfiltrer la mission résidente du Fonds depuis un discret aérodrome de banlieue.
Lors de l'interntion au Mexique, et surtout en 1997-l998, la contestation du Fonds n'est pas tellement nue cependant de la gauche anticapitaliste, ou des organisations non gournementales conA§ues comme une préuration de société civile internationale. Le chômage de masse dans de nombreux pays, des filets sociaux très laches, l'appauvrissement de larges parties de la population n'ont suscité que très peu de réactions et de mouments de soutien. En d'autres temps, ces crises exceptionnelles auraient pu AStre présentées comme la preu de l'irrationalité du capitalisme et de son caractère autodestructif. Caractère peu sympathique de plusieurs régimes en Asie du Sud-Est ? Faiblesse des acteurs sociaux dans la région ? Sounir des menaces que ces pays auraient exercées sur la croissance et l'emploi dans les économies déloppées ?
De mASme, on peut s'étonner, par exemple, qu'il n'y ait pas eu de mise en question plus forte de la - conditionnante structurelle-, qui a pris une très grande place dans les programmes successifs, et qui implique de très larges changements dans les règles du jeu internes A  ces économies. Paradoxalement, les premières résistances A  ce sujet sont nues plutôt de l'aile conservatrice de l'échiquier américain (Feldstein, 1998), alors par exemple que les interntions de Rodrick ( 1999) puis de Stiglitz (2000) ont été plus tardis.
Plutôt que de nir de la société civile ou bien de ses opposants traditionnels, la contestation la plus vigoureuse des programmes d'ajustement a été surtout le fait d'un groupe limité d'experts, qui ont interpellé le FMI en leur nom propre. L'efficacité politique incontesle de cette critique, au moins au politique, renvoie donc avant tout A  la qualité de ces personnes : issues des milieux académiques américains les plus reconnus, elles ont des relations fortes ac les décideurs gournementaux, les think tanks de Washington, ainsi que dirs relais dans la presse et les milieux financiers (Santiso, 2000). A€ l'évidence aussi, la présence au Trésor américain et au Fonds monétaire d'un fort contingent d'anciens du MIT et de Harvard ne pouvait que donner plus de poids aux prises de position de leurs collègues restés dans l'Unirsité. Corollaire, la contestation a porté sur l'adéquation des réponses apportées A  la crise, sans contester sur le fond le cadre de la globalisation, ou simplement la libération des mouments de capitaux par exemple.
A€ partir de lA , deux directions principales se sont dégagées : la critique du FMI en tant que tel, puis les enjeux de la - noulle architecture financière internationale -. selon la formule lancée par le président américain en septembre 1998 (Clinton, 1998) ; ces deux perspectis conrgeront dans le rapport Meltzer, présenté au Congrès américain au printemps 2000 (International Financial Institution Advisory Committee, 2000) : A  quelques mois du retrait du président Clinton, il a fait ure de programme commun A  tous ceux qui, au sein de l'eslishment américain, se sont opposés A  la stratégie de gestion de crise suivie en Asie.
La critique de l'institution, en particulier son caractère - secret - (secreti) abondamment souligné par Jeffrey Sachs, a porté juste. Le FMI est une institution bien trop puissante pour AStre laissée sous la seule supervision de quelques gournements de pays très riches, animés le plus sount par la défense de leurs intérASts particuliers. Il doit donc AStre exposé A  une critique incessante, qu'elle porte sur ses règles de prise de décision ou sur les stratégies économiques qu'il défend. Pour cela il est nécessaire qu'il explicite ses choix, qu'il justifie ses objectifs intermédiaires, qu'il publie une part au moins de l'information A  partir de laquelle il arrASte ses stratégies. Si, par exemple, le FMI est opposé au contrôle sur les sorties de capitaux, A  la taxe Tobin ou A  l'annulation de toutes les dettes des pays les plus pauvres, il est bon qu'il dise pourquoi - quitte A  ce qu'on lui réponde qu'il se trompe un peu, ou qu'il n'a rien compris.
Sur ce , des progrès certains ont été faits. Non seulement les lettres d'intention et autres mémorandums économiques sont désormais publiés (ac l'accord des gournements), ce qui était rarement le cas dans les années quatre-vingt ; de nombreux argumentaires, évaluations et bilans se sont ajoutés, qui sont des éléments importants, au-delA  des talents admirables d'euphémisation que ces exercices ont déloppés. Mais, de manière peut-AStre plus significati, on obser aussi un effort nouau d'énonciation et de formalisation ex ante des règles d'action du Fonds : il ne dit pas seulement ce qu'il a cherché A  faire concrètement au Brésil ou en Indonésie, mais il tend aussi A  définir plus fortement le cadre dans lequel il intervient, négocie, surille, sanctionne et s'ajuste lui-mASme A  l'évolution de la situation dans les pays en crise. Cela s'est manifesté entre autres par un grand nombre de textes A  caractère quasi doctrinal, portant notamment sur le contenu de la conditionnante et ses relations ac la libéralisation commerciale, la - bonne gournance -, ou les codes de diffusion de l'information statistique.
Bien sûr. cela n'est ni absolument nouau ni entièrement convaincant, mais cet effort de publicité et d'explicitation est intéressant dans son principe. Il s'inscrit de fait dans une logique de déloppement de l'institution, d'extension de son champ d'action et, simultanément, d'ourture relati, certes très partielle, A  la critique et au débat public. Elle témoigne ainsi, par le comportement mASme de la recherche d'un nouau positionnement et éntuellement d'un surcroit de légitimité dans la - noulle architecture -. On peut er cette évolution A  celle connue depuis vingt ans par les banques centrales, dont le rôle plus important est allé de pair ac une plus grande visibilité, impliquant une participation plus complexe au débat public.
La question principale est cependant de savoir si cette disposition affichée par le Fonds monétaire va s'accomner d'une capacité effecti A  contribuer, pour résumer, A  la - noulle architecture financière internationale -. Cette expression mASme, telle qu'elle a été lancée par le président Clinton, suggérait en effet, si les mots ont un sens, que toutes les pièces de l'architecture ancienne, y compris le FMI, pouvaient AStre examinées et réévaluées A  l'aune des nouaux enjeux. On n'a certes jamais imaginé que le Fonds monétaire pourrait AStre fermé, ou bien que l'ensemble du système financier international serait renvoyé A  la che A  dessin. Mais, pour l'homme politique comme pour le Fonds, le risque (vérifié) était celui d'un contraste facheux entre l'affichage de son ambition reconstructrice et les résultats concrets obtenus, face aux épisodes récurrents de contagion. Dans ce cas, la mobilisation massi de fonds publics qui accomnait ces programmes ne pouvait alors que rendre le bilan plus délicat.
A€ certains égards, la crise de 1997-l998 a mis le FMI dans une situation able A  celle qu'il a connue en 1982 quand, en quelques mois, après le défaut de paiement mexicain, il a fallu définir une noulle méthode de gestion des crises face A  un risque systémique immédiat. Aujourd'hui A  nouau, la redéfinition du FMI et la réponse A  une demande noulle de régulation sont étroitement liées. La différence est que, dans le second cas, on n'a pas trouvé une réponse aussi rapide et pertinente qu'en 1982 : bien des critiques peunt AStre opposées au traitement de la crise de la dette des années quatre-vingt, mais au moins elle a permis de résoudre progressiment des dizaines de défauts de paiement, de manière coordonnée et homogène, sans que la contagion dégénère en crise systémique. En revanche, depuis 1995. le G7, le Fonds monétaire et le Trésor américain sont restés largement sans réponse. Des bilans détaillés de différents épisodes ont été élis, des progrès ont été réalisés sur un certain nombre de points analytiques, mais personne n'a pu définir de manière raisonnablement ferme, claire et prévisible une méthode unirsali sable de gestion des - crises du xxr siècle -.
Pourtant, loin de n'AStre qu'une improvisation, ou la répétition d'approches latino-américaines hors d'age, comme on l'a beaucoup dit. les s économiques suivis en Asie se voulaient une réponse originale, cohérente et efficace aux nouaux enjeux apparus dans les années quatre-vingt-dix. Au-delA  des spécificités de la Thaïlande, de l'Indonésie ou de la Corée, il s'agissait, comme en 1982, de définir la réponse du FMI, qui confirmerait la légitimité de l'institution sur le mASme mandat : permettre de poursuivre la - globalisation - tout en contrôlant et les crises locales et l'insilité des marchés. C'est donc par lA  qu'il faut commencer.


La stratégie de silisation suivie en Asie


Une critique récurrente adressée au FMI est qu'il aurait adopté en Asie des stratégies de contrôle de la demande interne, alors que le problème n'était pas lA , mais sur le microéconomique et bancaire. Face A  un problème de fragilité des bilans privés et des paiements, il aurait répondu comme s'il avait affaire A  un problème de déséquilibre macroéconomique et d'inflation. L'analyse des lettres d'intention signées en 1997 et au début de 1998 montre que des objectifs agrégés étaient certes inscrits dans les s successifs, mais qu'ils prenaient place dans une stratégie organisée autour de l'enjeu du change et de la crise de liquidité. C'est en fonction de cet objectif que leur rôle doit AStre analysé.


La politique budgétaire et de taux d'intérASt

De fait, en arrivant en Thaïlande, en Indonésie et en Corée, le FMI a imposé soit un resserrement appréciable du solde budgétaire (2,6 points de PIB en Thaïlande, 1 point en Indonésie), soit le maintien d'un quasi-équilibre en Corée. Un premier objectif était d'anticiper l'impact de la recapitalisation prochaine des banques qui, selon l'expérience internationale, pourrait aisément représenter 10 % A  15 % du PIB : la seule augmentation des paiements d'intérASts sur la dette publique serait susceptible de désiliser le budget, A  un moment où l'accès aux financements privés n'était pas garanti. Second objectif, cette contraction budgétaire devait contribuer A  un ajustement extérieur rapide, imposé par le reflux panique des capitaux internationaux, A  partir d'une situation initiale de larges entrées de fonds.
La question principale n'était donc pas la taille des soldes courants A  la ille de la crise, selon un critère de soutenabilité macroéconomique, mais la capacité de l'économie A  absorber un retournement brutal du solde de sa balance des capitaux : de 10,5 % du PIB en 1996. le flux net de capitaux A  trars la balance des paiements thaïlandaise est passé A  - 24 % au second semestre 1997 '. Sur le externe, un ajustement de cette ampleur impliquait un risque élevé sur la continuité des paiements ou sur le change. Mais, au interne, la crise de liquidité allait aussi exercer des pressions très fortes sur les agents privés. L'aide extérieure et une politique budgétaire restricti devaient alors limiter un effort d'ajustement du secteur privé qui risquait sinon de multiplier les faillites et donc les risques d'un choc d'offre durable.
Que s'est-il passé ? La recapitalisation des banques a été beaucoup plus progressi que prévu et surtout l'activité économique s'est effondrée brutalement A  la fin de 1997, ce qui n'avait été aucunement prévu2. Cette correction a été dominée par une chute de l'instissement privé qui, A  partir des niaux très élevés observés dans toute l'Asie, a assuré en quelques mois un ajustement très ample de l'absorption. Ainsi, au quatrième trimestre 1997, la part de l'instissement dans le PIB thaïlandais avait baissé de 14,2 points de PIB par rapport A  la mASme période de l'année antérieure, entrainant une amélioration de 16 points du solde courant. En Corée, la réduction est très forte également quoique plus progressi : - 8 points en dix-huit mois sur l'instissement, A  partir de juin 1997, ac un solde courant qui s'accroit de 11,5 points de PIB.
Tout indique que la contraction du besoin de financement externe de ces économies a été obtenue surtout par la réaction spontanée des agents privés, sous l'effet notamment d'une incertitude économique majeure, d'un choc de liquidité, de la hausse des taux et de la chute du change. En d'autres termes, l'ajustement budgétaire demandé par le Fonds était injustifié. Mais, outre que personne n'avait anticipé l'ampleur de la récession, le plus probable est que les mesures demandées n'ont pas beaucoup pesé sur les récessions, les objectifs fixés ayant été assez vite ajustés : dès janvier et février 1998 les lettres signées tant par la Thaïlande que par la Corée montrent un relachement des objectifs budgétaires qui sera amplifié en cours d'année3.
Beaucoup plus problématique a été la politique de taux d'intérASt, qui devait arbitrer entre deux options : soit soutenir le marché de change par des taux élevés, soit limiter la pression sur les bilans privés, généralement très chargés de dettes. La priorité est allée clairement au premier terme, qui était présenté comme le meilleur moyen d'atténuer in fine la pression financière sur le secteur privé. En outre, limiter le risque de dépréciations gras aurait aussi des effets bénéfiques sur l'inflation observée et anticipée, et préserrait ainsi la crédibilité de banques centrales qui auraient fort A  faire dans le contexte ultérieur de consolidation bancaire : mis A  part l'Indonésie, des corrections de change n'ont pas créé des pressions inflationnistes majeures. Des tendances déflationnistes très nettes sont mASme apparues dans certains secteurs, ou bien sur les marchés du travail où l'ajustement des salaires nominaux aux dévaluations a été en général très faible.
Pour autant, aucun objectif de change n'a été affiché : on a adopté complètement le principe du flottement et, a fortiori, aucun réancrage et aucune cible explicite n'ont été envisagés après les désastres auxquels avait conduit la défense augle des régimes de peg. Les s coréen et thaïlandais prévoyaient uniquement des interntions de change limitées pour lisser les évolutions des marchés, seul le programme indonésien de nombre 1997 laissant la possibilité d'une action plus large associée A  une stérilisation partielle - cette option sera rapidement abandonnée quand il est apparu qu'elle avait facilité une émission monétaire incontrôlée dans les mois suivants.
Au total, l'objectif était de - peser contre les nts dominants -, selon l'expression modeste abondamment utilisée par les fonctionnaires du FMI, après les échecs de la fin 1997 (- lean against the wind -). Pour cela, les lettres prévoient explicitement une utilisation acti des taux d'intérASt, en réponse A  l'évolution des marchés, mais A  nouau sans donner d'indication ferme (A  part pendant quelques mois en Thaïlande). L'élément d'ancrage de ce dispositif doit donc AStre cherché ailleurs : bien que le débat public se soit focalisé sur les taux d'intérASt réels ou nominaux, le noyau dur des programmes sur lesquels portaient les engagements des autorités (les critères de performance) était en fait le volume de l'émission monétaire, et plus précisément les plafonds mis au refinancement d'actifs domestiques par les banques centrales (sauf dans la première lettre indonésienne, ancrée sur la monnaie de base).
Alors que ces programmes de silisation étaient mis en place A  un moment où les taux de change étaient déjA  très dépréciés, ils reposaient sur une réponse extrASmement rigide de la politique monétaire A  l'impact inflationniste attendu. En Thaïlande, le programme mis en œuvre A  partir de nombre 1997 prévoyait ainsi une croissance de 7 % des refinancements domestiques au premier semestre 1998 (en rythme annualisé), alors que le change avait glissé de 45 % depuis le mois de juin précédent4.


La critique standard du FMI

Ce volet des interntions du Fonds s'est vu opposer des critiques sount violentes, qui dans une large mesure ont été admises dans le common knowledge sur la crise en Asie. MASme les plus prudents, ceux qui A  aucun prix ne voudraient AStre assimilés A  de dangereux radicaux, se sont sentis autorisés A  répéter que, oui, effectiment, le Fonds monétaire s'était trompé lourdement en demandant une politique monétaire trop dure. Les arguments apportés A  l'appui sont pourtant remarquablement fragiles. Formellement, ils sont issus en ligne directe de l'argument classique de Stiglitz et Weiss (1981), qui a été adapté au contexte asiatique par Furman et Stiglitz (1999) ; on le trou aussi dans Corsetti et al. (1998a et b) ainsi que dans Radelet et Sachs (1998a et b), bien que ces derniers insistent plus sur la dimension autoréalisatrice de la crise que sur les fragilités structurelles qui l'ont rendue possible.
Selon cette critique, une hausse des taux n'est une réponse adéquate A  une crise de change que si elle entraine un accroissement du rendement anticipé des actifs libellés en monnaie domestique : c'est la condition pour que l'arbitrage des instisseurs soit modifié en faur de la devise attaquée. Cette politique ne fonctionne donc pas si elle entraine une baisse de l'espérance de rendement, notamment si elle détériore la solvabilité du secteur privé ou la capacité des banques A  émettre du crédit. C'est ce qui s'est passé en Asie, selon ces auteurs : polarisé sur l'enjeu du change et sur les risques de contagion internationale, le Fonds aurait alimenté les crises de paiement internes. Dans un premier temps, sa politique aurait accru l'incertitude sur la solvabilité des entreprises, et donc le rationnement du crédit, les sorties de capitaux et les risques de sélection adrse ; puis elle aurait contribué A  une vague de faillites injustifiées et A  une destruction du système bancaire, créant ainsi un choc d'offre permanent qui a accru durablement le risque d'instissement.
Dans cette argumentation, un premier point ne fait pas de doute : des taux d'intérASt élevés accentuent la pression sur les bilans privés, et donc les risques de défaut voire de dislocation financière. Une dette libellée généralement A  court terme va transmettre très vite la hausse des taux aux emprunteurs finaux ; puis leur maintien A  des niaux élevés, dans une phase de contraction de l'activité, pourra précipiter l'illiquidité des entreprises ou mettre leurs dettes sur des trajectoires non sou-tenables. Il est probable enfin que des chocs de liquidité aigus, manifestés ponctuellement par des courbes de taux fortement inrsées, ont pu affecter le fonctionnement des systèmes de paiement et la solidité de banques.
Un second constat est également largement admis : dans tous les pays touchés entre 1997 et 1999, sauf le Brésil, des bilans privés fragiles (levier élevé, part excessi de la dette en devises, maturité moyenne courte du passif) limitaient étroitement a priori la capacité de réaction de la politique monétaire. Au lieu que des modifications de taux d'intérASt et du change entrainent un ajustement progressif de la structure d'endettement et des décisions de dépenses des agents, on est arrivé très vite A  des points de rupture. C'est pourquoi, in fine, le décrochage des taux de change n'a pas été suivi par un ajustement selon la classique courbe en J : au lieu d'un ajustement linéaire on a observé une série de chocs qualitatifs qui ont atteint notamment les systèmes de paiement.
Sur le fond, l'argument principal de Stiglitz et de Sachs repose toutefois sur une hypothèse nettement plus forte, selon laquelle les crises de liquidité externe et interne étaient relatiment indépendantes et que l'on pouvait donc élir une priorité entre ces deux volets. Ils avancent ainsi que les agents endettés en devises étaient a priori condamnés et qu'il était donc vain de tenter de limiter les dégats sur ce (en Thaïlande le secteur immobilier, très endetté en devises, - aurait fait faillite dans tous les cas -, Furman et Stiglitz, op. cit.). Qui plus est, ils ajoutent que la politique de taux est inopérante face A  une crise de change. Plutôt que de se battre vainement sur ce front, la priorité aurait dû aller A  la défense des paiements et A  la continuité des contrats financiers libellés en monnaie nationale, cela au moyen d'une politique monétaire beaucoup plus relachée. Sans perdre beaucoup sur le externe, on aurait ainsi limité l'effet récessif sur la demande et surtout une large part des chocs d'offre, issus du système financier et monétaire (défauts, faillites, rationnement, etc.). En d'autres termes, les économies d'Asie du Sud-Est avaient surtout besoin d'un prASteur en dernier ressort actif, capable de contenir l'extension de la crise de liquidité au national.
Le vrai problème posé par ces critiques, comme d'ailleurs par la défense opposée par le FMI, est qu'elles sont difficiles A  prour formellement. Elles incluent donc un argument d'autorité, dont Joseph Stiglitz en particulier n'a pas été économe. Deux points pourtant méritent un peu plus d'attention. On peut mettre en question, d'abord, la position de benign neglect A  l'égard du change. Il y a certes de bonnes raisons de penser que des taux d'intérASt élevés dans une phase de crise aiguA« sont peu efficaces, bien que cela soit moins vrai dans la phase ultérieure de consolidation. Mais il est difficile d'affirmer, pour résumer, qu'au-delA  d'un seuil donné la chute du change n'aurait pas d'effet tangible sur le interne. En Indonésie, elle a conduit A  un niau extrASmement bas (17 % du taux nominal d'avant-crise), qui a rendu insolvable la quasi-totalité du secteur moderne et affecté directement les fonctions monétaires. En un mot, on ne peut donc pas ésectiuner a priori, sans autre forme d'argument, qu'un déclin accru du change n'a pas d'impact tangible au interne.
Mais la remarque a une portée plus générale. Pour ne s'en tenir qu'aux banques, celles-ci n'ont qu'un bilan et si leurs contraintes de liquidité peunt avoir des origines dirses, leurs effets s'additionnent nécessairement : la contrainte de liquidation s'exerce sur tout l'actif. Dès lors, l'effondrement du change, laissé en somme A  lui-mASme, aura aussi des effets sur les paiements internes, face auxquels une politique monétaire plus relachée risque de ne pas avoir les effets attendus. La seule faA§on de déconnecter les enjeux internes et externes est d'imposer un contrôle des mouments de capitaux sur les engagements en devises : Radelet et Sachs indiquent certes l'option du moratoire sur la dette extérieure ou du contrôle des capitaux, mais sans la délopper.
Le second argument opposé A  Sachs et Stiglitz est plus radical : l'option d'une politique monétaire accommodante a été suivie de fait, en Thaïlande jusqu'en octobre 1997 et en Indonésie jusqu'en mars 1998. Et elle a eu des résultats absolument désastreux. Non seulement les injections de liquidité ont alimenté la fuite des capitaux, la perte des résers officielles et la chute du change, mais les banques centrales ont été incapables de contrôler la distribution des fonds, tant en différenciant la demande qu'en exigeant systématiquement des collatéraux de bonne qualité. Dans un marché entièrement fragmenté, au lieu que ces interntions soutiennent des banques viables, confrontées A  un risque de contrepartie non dirsi-fiable, elles ont alimenté la liquidation sauvage du passif des institutions en plus mauvais état. Comme en Russie, l'échec du gestionnaire de crise et du superviseur ne tient pas A  l'inadrtance, ni mASme A  une défaillance interne ou A  l'inexpérience : il renvoie A  des fragilités institutionnelles anciennes et avant tout A  des intérASts privés puissants, contre lesquels il n'a rien pu faire - c'est-A -dire A  une économie politique étroitement liée A  la structure financière du secteur privé.
Sans doute, enfin, faut-il avancer une hypothèse sur cette gestion de crise, beaucoup plus pessimiste que celle généralement admise : le Fonds pouvait-il avoir encore prise sur la crise lorsqu'il est arrivé en Thaïlande ou en Indonésie ? A€ nouau, il est difficile d'apporter une réponse formelle A  cette hypothèse défaitiste. Mais, pour le moins, la rapidité ac laquelle les bilans privés se sont effondrés, laissant les pouvoirs publics paralysés, suggère ac insistance qu'A  l'automne 1997, dans ces deux pays, les fondements microéconomiques comme les instruments institutionnels d'une stratégie de silisation étaient déjA  d'une extrASme fragilité.
L'échec des prASteurs en dernier ressort nationaux, en Asie, soulè toutefois une question plus générale : mASme dans un cadre solide, l'action de ce régulateur est en fait très limitée, dès lors qu'elle s'inscrit dans une petite économie ourte, qui a libéré les mouments de capitaux A  court terme. Le seul cas de ure où il peut réussir est celui d'une crise ponctuelle, atteignant un nombre limité d'institutions, qui sont rapidement saisies et où des injections monétaires limitées peunt AStre immédiatement stérilisées. La Banque centrale peut alors faciliter un ajustement de la structure par maturité des bilans, sans modifier l'équilibre sur le marché monétaire et sur le change.
Quand, en revanche, une grande partie du système bancaire est en crise, quand les déposants montrent une défiance majeure, et si, en plus, des sorties massis de capitaux s'ajoutent au drainage interne du système bancaire, une telle interntion aura le plus grand mal A  AStre efficace. Dès lors que la monnaie nationale ne donne pas lieu A  une demande internationale substantielle, c'est-A -dire qu'elle n'a pas la qualité d'une monnaie de réser internationale, le rayon d'action du prASteur en dernier ressort est limité expressément par ses résers de change, ou par le soutien d'une source extérieure de résers.
Tel est en fait le meilleur argument en faur de l'institution d'un prASteur en dernier ressort international. Dès lors que toute crise de liquidité locale est susceptible d'avoir des effets sur le marché de change et donc sur les paiements internationaux, la réponse n'est-elle pas l'appel A  un régulateur global, mobilisant des monnaies de résers internationales ?


Pourquoi l'échec ? Une interprétation



L'enjeu de validation par les marchés

Pour éclairer cette discussion, il est utile de renir au point de départ traditionnel de toute gestion de crise bancaire. En principe, on commence par contrôler le risque de liquidité, puis on traite l'insolvabilité, ce qui demande généralement beaucoup de temps et de travail institutionnel - identification des pertes, indemnisation des déposants, recapitalisation des banques viables, fermeture des élissements condamnés. MASme dans les pays les plus efficaces sur ce , par exemple en Suède et en Finlande, la crise du début des années quatre-vingt-dix a été soldée en trois A  quatre ans ; les états-Unis (ac les Savings and Loans) ou la France (notamment ac le Crédit Lyonnais) ont été nettement plus lents. Or, en Asie, les effets d'annonce des s de silisation incluaient des mesures très complètes sur le bancaire et plus généralement sur celui d'une - conditionnante structurelle - débordante, inscrites dans des échéances généralement courtes et impliquant régulièrement des enjeux durs d'économie politique interne (voir encadré). L'argumentaire standard, qui est tout sauf évident, affirmait que traiter radicalement les causes structurelles de la crise était l'élément crucial pour assurer la crédibilité de la stratégie de silisation face au marché5.
Cette articulation forte entre le traitement de la crise de marché et les objectifs de restructuration évoque la gestion A  chaud de la crise bancaire argentine, désilisée par la contagion mexicaine. Quand, en février et mars 1995, les sorties de capitaux ont entrainé une contraction de 18 % de la base de dépôts, l'absence de prASteur en dernier ressort, du fait du régime de currency board, a créé une situation hautement dangereuse. Les autorités ont répondu en multipliant des mesures hétéroclites de soutien A  la liquidité bancaire, tout en engageant de manière presque immédiate une très large restructuration du secteur, A  chaud. En quelques semaines, sinon quelques mois, de nombreuses banques marginales ont été fermées, certains élissements ont été fusionnés de manière autoritaire et plusieurs banques publiques régionales ont été privatisées de gré A  gré. L'ensemble de ces mesures a été couronné de succès : dès les mois de mai et juin 1995, la crise de liquidité externe et interne avait été contenue, le secteur bancaire était assaini et les capitaux rentraient dans le pays pendant que l'économie réelle se débattait dans une récession violente (Calomiris et Powell, 2000 ; Goldberg et al, 2000 ; Caprio et a/., 1996). Cela suggérait que l'illiquidité et l'insolvabilité pouvaient AStre traitées conjointement.
Toutes choses égales par ailleurs, cette stratégie de traitement A  chaud de l'insolvabilité éclaire les choix faits deux ans plus tard en Asie, fondés sur des prémisses ables : une politique monétaire extraordinairement restricti et des engagements très contraignants sur la conditionnante structurelle. L'interprétation habituelle a vu principalement ici une stratégie de silisation radicale, fondée sur l'approche monétaire de la balance des paiements : plus l'expansion des agrégats monétaires sera limitée, plus vite l'équilibre sera retrouvé sur le marché de change, quitte A  détruire au passage les bilans privés. En fait, le calcul était un peu plus subtil, ou du moins telle est l'hypothèse qui permet de rendre compte le mieux possible de l'information disponible sur ces programmes, comme de leur cohérence interne.
L'objectif n'était pas en fait de répondre parallèlement aux deux crises jumelles, portant sur le change et les banques, mais d'obtenir une silisation simultanée sur les deux s. Pour cela l'hypothèse principale était que les pays étaient confrontés A  une situation d'équilibres multiples qui n'était pas encore résolue au moment de l'interntion - c'est-A -dire, par définition, le contexte dans lequel intervient le prASteur en dernier ressort. On partait pour cela d'un diagnostic assez fidèle A  la situation objecti de ces économies, telle qu'on a pu la reconstituer a posteriori : la rupture des ancrages de change, A  l'issue d'attaques spéculatis, présentait une probabilité élevée de surajustement ; puis la fragilité des bilans risquait de précipiter A  brè échéance un effondrement du secteur privé, qui justifierait en ex post le reflux des capitaux et amplifierait de manière autoréalisatrice l'effondrement du change.
Face A  cette menace, l'objectif des premiers programmes lancés en 1997 était de bloquer le plus rapidement possible la dynamique amorcée par le décrochage du change et les premières sorties de capitaux. Pour cela, des s très cohérents et très armés devaient alors ouvrir très vite sur une large réappréciation nominale du change, grace au rélissement rapide de la confiance des instisseurs. De manière rétroacti, cela atténuerait le choc sur les bilans privés et ésectiunerait la perspecti d'une crise systémique autoréalisatrice. A€ condition d'agir vite, ac une concentration maximale de moyens et des engagements hautement crédibles, l'économie pourrait AStre replacée sur un équilibre de bien meilleur niau que celui qui se formerait si la dépréciation initiale était validée par une première vague de faillites. Cette stratégie se reflète dans les indications données (uniquement) par la première lettre d'intention thaïlandaise sur l'évolution attendue des taux d'intérASt domestiques : signée le 14 août 1997. une phase nettement restricti, entre 12 % et 17 %, jusqu'en septembre, puis une détente dès octobre, qui signalait ainsi l'horizon temporel dans lequel s'inscrivait le FMI.
On peut alors rendre compte des objectifs très durs d'émission monétaire affichés par le Fonds en arrivant en Asie : ils ne reflétaient pas tant une volonté de mener une politique extraor-dinairement restricti que l'anticipation ou plutôt le pari que la crise pourrait AStre en partie rérsible. L'inflation et les faillites seraient limitées parce que le choc nominal serait réabsorbé.
D'où ce corollaire décisif : l'ordre des paiements et des bilans, au interne, serait réli par le retour de la liquidité internationale, qui autoriserait la réappréciation du change, et non par une offre accrue de monnaie nationale. C'est en quoi le principe de ces programmes était bien de substituer aux prASteurs en dernier ressort nationaux une gestion de crise alternati. L'acteur multilatéral apporterait la liquidité nécessaire pour éloigner le risque d'une ruée sur les résers, pendant que les gestionnaires de crise nationaux internaient de manière crédible et massi pour régler au microéconomique les problèmes A  l'origine de la crise. Le traitement simultané de la panique et de ses causes - fondamentales - permettrait alors une recoordination rapide des anticipations des agents sur un niau de change et de solvabilité privée beaucoup plus favorable qu'en l'absence d'interntion.
Peut-AStre cette opposition caractéristique du FMI A  l'action en dernier ressort au national reflétait-elle le constat précoce d'un large échec de ce ? L'expérience de la Thaïlande dès le premier semestre 1997 autorisait pleinement cette prémisse. Mais la stratégie ainsi définie avait une portée beaucoup plus générale : dans son principe, elle s'appliquait A  toute petite économie ourte qui n'émet pas une monnaie de réser internationale et qui se refuse A  rélir un contrôle sur les capitaux courts. Dans l'intention au moins, les programmes asiatiques reflétaient la tentati de former un régulateur spécifique de la globalisation financière, relevant d'une forme de prASteur en dernier ressort qui aurait été d'autant plus -sourain-, face aux noulles crises financières, qu'il bloquait a priori toute interntion supplémentaire ou complémentaire du régulateur de rang national. La monnaie de réser internationale suptait complètement la monnaie locale comme instrument de la silisation des paiements, A  la fois au externe et interne.
Telle était la principale originalité de cette stratégie, qui fonde son caractère monétaire, tout en définissant de manière explicite quoique très radicale l'articulation entre les prASteurs en dernier ressort de rang national et international - un enjeu stratégique, généralement ignoré, et que Stiglitz et Sachs traitent de manière au mieux elliptique. En un mot, si jamais le FMI a tenté de se poser en prASteur en dernier ressort international face A  une crise de paiement locale, les principes de cette interntion se trount dans les lettres d'intention signées en Asie, au second semestre 1997.
Le problème est que A§a n'a pas marché : l'Argentine est restée une exception. Ni les éléments de soutien en liquidité externe, ni les engagements de remise en ordre rapide des systèmes bancaires, ni les déclarations solennelles et répétitis du FMI et du Trésor américain n'ont atteint leurs objectifs. Et, une fois l'échec consommé, le pilotage économique de la crise s'est limité A  un simple accomnement monétaire de la silisation et A  une gestion - au près - du taux de change. Pour expliciter entièrement les raisons de ces échecs, il faut en rester A  ce qui faisait la principale originalité de ces s : la recherche affichée d'une validation de leurs hypothèses par les marchés.
L'ajustement économique et la restructuration bancaire, qui s'inscrivaient en principe dans un horizon de quelques mois, étaient en fait conditionnés par un test immédiat de crédibilité passé devant - les marchés -, au moment mASme où ils étaient exposés A  des phénomènes violents de décoordination et de contagion. Le succès ne reposait que secondairement sur le respect des engagements scellés dans l'accord bilatéral entre le Fonds et le gournement national - c'est-A -dire le contenu de la conditionnante. En effet, les lettres d'intention n'auraient eu absolument aucun sens si elles n'avaient pas été rendues publiques ou - communiquées aux agents -, contrairement A  la pratique très générale dans les années quatre-vingt. Ces derniers déterminaient de manière beaucoup plus directe les résultats de cet échange singulier entre des crédits et une série d'annonces de politique économique.
La réaction non ar.ticipable des agents est certes présente au cœur de toute stratégie de silisation. C'était déjA  le cas dans le cadre macroéconomique standard - très IS-LM -, qui dominait dans les premières décennies du Fonds, mais elle a été au cœur de tous les s de silisation destinés A  mettre un terme aux grandes inflations latino-américaines des années quatre-vingt. Toutes les stratégies de - choc psychologique - qui se sont succédé au cours de cette décennie étaient fondées de fait sur la recherche d'une recoordination rapide des agents autour d'une anticipation d'inflation basse : telle était la condition pour obtenir un ajustement discret de la dynamique des prix et des salaires, pour un coût macroéconomique faible. Les dirgences entre les variantes orthodoxes et hétérodoxes de ces programmes tenaient moins au diagnostic qu'A  la réponse A  apporter : la recoordination des anticipations de prix devait-elle passer uniquement par l'action de la politique monétaire et du change, ou bien fallait-il recourir A  des ancrages multiples comme un gel des prix et des salaires, ou un pacte social de désinflation6?
L'impact des réactions des agents s'inscrivait cependant dans un cadre beaucoup plus ferme et contrôlé qu'en Asie. Dans la quasi-totalité des cas, la crise renvoyait A  un problème de transfert, lié A  un surendettement public qui mettait sous pression les comptes extérieurs, le budget et in fine la monnaie. L'accord de renégociation de la dette, ajouté au soutien multilatéral, permettait alors d'encadrer en ex ante une large part des flux de paiements extérieurs, au cours de la période suivante. La situation de défaut de paiement impliquait que, dans ces économies semi-fermées, la composante extérieure de la silisation, sur le de la balance des capitaux, était assurée par la structure de coordination hors marché, réunissant l'emprunteur sourain et ses dirs créditeurs.
On pouvait alors construire un scénario macroéconomique viable, reposant sur un solde budgétaire cohérent ac A  la fois un service normal de la dette extérieure et un objectif de contrôle de l'émission monétaire. De fait, tout l'effort portait sur ce dernier point : en règle très générale, les échecs sont nus de l'interaction entre le cadrage financier interne et les anticipations d'inflation, et non d'un dérae sur le extérieur. Restait seulement le comportement d'arbitrage des agents résidents entre les actifs libellés en monnaie nationale ou bien en devises : un retournement brutal d'anticipation de prix se reflétait immédiatement sur ce , mais c'était bien la conduite de la politique monétaire qui était ainsi sanctionnée, et non une rupture de l'accord de burden-sharing, c'est-A -dire de l'interaction stratégique ac les instisseurs internationaux.
En Asie, les données du problème étaient beaucoup plus difficiles, d'abord parce que les dérèglements financiers et monétaires étaient issus de la sphère privée : cela déconnectait dans une large mesure le traitement de la crise de paiement des instruments classiques de silisation macroéconomique. Surtout, dans un cadre de large conrtibilité, l'ensemble de l'ajustement externe était soumis aux anticipations des instisseurs résidents et non résidents : l'ajustement de la balance des capitaux, et donc l'évolution des résers officielles et du change, étaient déterminés A  très court terme, mais en ex post, par les décisions de milliers d'agents décentralisés, et non plus en ex ante par un accord négocié.
Alors qu'en Amérique latine le dispositif de burden-sharing était directement ancré dans la stratégie de silisation, en Asie la très large indétermination de l'ajustement externe s'est reflétée dans les relations très insles entre le change, les contraintes globales de liquidité et la solvabilité privée. D'où la recherche d'une forme de prASteur en dernier ressort international : s'il avait fonctionné, la définition d'une stratégie locale de silisation des paiements serait denue inutile et tout l'effort interne aurait pu porter sur la microéconomie et les institutions. C'est donc bien au point de contact des systèmes de paiement interne et externe que les s asiatiques ont fait porter tout l'effort, et qu'ils ont échoué. Au lieu de servir de point d'appui A  la silisation, comme dans les années quatre-vingt, l'interaction inédite entre les systèmes de paiement a produit une extrASme violence dont l'expérience indonésienne a révélé la portée absolument inédite.
L'hérésie malaise
L'approche suivie par le FMI en Asie avait-elle une alternati ? Peut-on imaginer, au-delA  de considérations opérationnelles immédiates, une approche partant de prémisses complètement différentes ? Une première réponse, positi, est apportée par l'expérience américaine de 1933 : face A  un risque de contagion nu d'Europe et A  la crise bancaire intérieure, Rooselt a mis en œuvre une stratégie de silisation destinée explicitement A  éviter une - double crise -, sur les banques et sur l'ancrage or du dollar, et qui reposait sur des principes en tout point opposés A  ceux suivis en Asie. D'abord, il a fragmenté la contrainte de liquidité pour éviter le dérae dans le crise systémique : suspension large de l'activité des banques, et de la conrtibilité en cash des dépôts bancaires, blocage de la conrtibilité en or du cash, contrôle sur les sorties de capitaux et d'or. Puis, l'ancrage de tous les contrats de dette intérieurs sur l'or a été supprimé, avant, enfin, que le flottement du dollar soit décidé, permettant un glissement graduel, sans choc massif sur la liquidité interne et sur la solvabilité des agents (voir notamment Schubert, 1990; Calomiris, 1994; Eichen-green, 1992 ; Friedman et Schwartz, 1964; Kroszner, 1999).
Cela reste le paradigme d'une réponse entièrement alternati A  celle suivie en 1997-l998, quelles que soient toutes les raisons pour lesquelles son application directe dans les économies émergentes actuelles est difficile A  envisager. Ainsi, les Etats-Unis étaient créditeurs nets vis-A -vis du reste du monde en 1932 et, selon Eichengrcen et James (2001), leurs décisions unilatérales ont été un facteur décisif derrière l'échec de la Conférence économique de Londres, en juillet 1933, qui a été la dernière tentati de saur l'ordre économique international, sévèrement ébranlé depuis 1929.
Une seconde alternati A  la stratégie du FMI, moins systématique, a été apportée par la Malaisie qui a adopté un contrôle sur les sorties de capitaux en septembre 1998 et pour un an. C'est un problème non résolu que d'évaluer l'impact de ces mesures, au-delA  de l'esclandre international qu'elles ont provoqué dans un premier temps. On admet généralement qu'elles ont réussi A  isoler la liquidité intérieure de la pression internationale, ce qui a permis de baisser les taux d'intérASt de référence de 9,5 % A  8 %, de réduire les ratios de liquidité des banques et de refixer le change sur le dollar. L'avis majoritaire tend toutefois A  limiter la portée de ces bénéfices, soulignant qu'A  l'automne 1998 les marchés et les économies régionales entraient en phase de reprise : il serait donc difficile de tirer des conclusions solides sur l'efficacité de cet instrument (Dorn-busch, 2001 ; Krugman. 1998b).
Ka et Rodrick (2001) ont toutefois apporté un avis différent : A  l'aide d'un indice de pression financière, ils montrent que si, en Thaïlande et en Corée, la crise a culminé effectiment A  la fin de 1997 et en janvier 1998, la tension en Malaisie s'est accentuée A  partir de mai 1998 et a atteint son maximum en août, A  la ille de l'élissement des contrôles. Non seulement le scénario de crise a été plus lent que dans les pays voisins, du fait principalement d'une moindre exposition des banques au risque de change, mais la réponse finalement apportée aurait effectiment contribué A  la sortie de la crise. Au-delA , il faut aussi reler que les contrôles n'ont pas évité une contraction du crédit, qui a accentué les pressions sur les entreprises et sur l'activité, en dépit du relachement des taux directeurs. En d'autres termes, si le contrôle des capitaux joue sur la contrainte de liquidité, et donc sur la politique économique au sens keynésien, il n'est pas en soi une réponse A  un problème de solvabilité sous-jacent dans les banques, amplifié par le ralentissement brutal de l'économie et l'énorme endettement interne des entreprises : sous cet angle, la Malaisie rappelle surtout le Japon des années 1990.
Sans doute, la conséquence principale du choix stratégique de septembre 1998 ne doit pas tant AStre recherchée sur le de la croissance et de la gestion de crise A  court terme, que sur celui des restructurations, qui ont été menées ac les seules ressources financières du pays : sans faire appel au capital étranger et sans céder le contrôle du système bancaire national A  des actionnaires étrangers. Or, la suppression de tout plafond de ce type était inscrite dans tous les programmes du Fond monétaire, de la Thaïlande A  la Corée et A  l'Indonésie. Pas plus que l'administration américaine, le Fonds n'a jamais transigé sur ce point, alors que les demandes insistantes, depuis le début des années quatre-vingt-dix, n'avaient jamais reA§u aucun écho. Au-delA  de deux ou trois licences anciennes, la Malaisie a maintenu l'interdiction pour les instisseurs étrangers de prendre plus de 30 % du capital d'une banque locale.
Telle était une des raisons du refus d'appeler le Fonds, sinon la raison principale : le régime par ailleurs peu sympathique de Mahathir bin Mohamad n'était aucunement disposé A  laisser démanteler un système financier qui était étroitement lié au parti dominant et A  des groupes privés proches, mais aussi A  un système institutionnalisé de discriminations positis destiné, depuis le début des années soixante-dix, A  soutenir les intérASts économiques malais face au dynamisme de la minorité chinoise. Rompre de tels liens aurait eu sans doute un impact redistributif majeur entre classes d'intérASts privés, mais cela aurait aussi mis en question des compromis politiques anciens : centrés sur des enjeux économiques et patrimoniaux majeurs, ils mettaient aussi en question des équilibres communautaires dont on a constaté en Indonésie le caractère hautement inflammable.
En ce sens, le rejet du FMI et le contrôle sur les mouments de capitaux portaient moins sur la gestion macroéconomique, qui est restée en fait très orthodoxe, que sur la - conditionnante structurelle - et sur les conditions dans lesquelles les dirigeants de ce pays entendaient gérer son insertion dans les marchés de capitaux globalisés. Au-delA , il faudrait relier cette gestion de crise A  un constat plus général : parmi les pays touchés par la crise, la Malaisie est le seul où l'alliance politique au pouvoir en juin 1997 n'a pas été balayée dans les mois suivants. Dans les autres pays, le pouvoir a été pris au bout de quelques mois par des acteurs issus des marges du système politique, peu insérés dans les rapports de force économiques.
Cela a fondé une conrgence de projet très forte ac le Fonds monétaire sur les réformes A  long terme, en particulier en Corée et en Thaïlande : mise au pas des intérASts les plus puissants (les cronies), accroissement de la concurrence interne, encadrement fort des banques, ourture aux instissements étrangers. De fait, sous cet angle, le gournement malais est resté beaucoup plus fidèle aux caractéristiques finalement classiques du modèle de déloppement asiatique, depuis le Japon de l'ère Meiji jusqu'au décollage de la Corée et de l'Asie du Sud-Est : un pouvoir assez autoritaire, un état solide, le nationalisme anti-occidental, la réponse A  la pression extérieure plus que son anticipation. Sous cet angle, l'exception en 1998 n'était pas la Malaisie, mais la Thaïlande et la Corée.
Le point critique, au-delA  des dirses options malaise et roo-seltienne reste cependant l'opposition entre des méthodes de gestion de crise - dans le marché - et celles qui opèrent - hors le marché - par une suspension plus ou moins large des circuits de paiement : contrôle des capitaux, moratoire sur la dette extérieure, blocage partiel de l'activité bancaire, protection du système de paiement. Alors que les expériences de 1997-l998 ont été dominées par les premières, notamment A  trars la ure ubiquiste du prASteur en dernier ressort, les approches alternatis reposent sur l'option exactement inrse, quitte A  ce qu'elles aillent de pair ac un interntionnisme politique marqué - réformes bancaires du New Deal, discriminations positis malaises, cronyism.
Ces deux approches tentent cependant d'apporter des réponses aux mASmes enjeux soulevés par l'interaction entre les bilans et les paiements, c'est-A -dire entre la contrainte de solvabilité et la crise de liquidité, ou bien encore entre la propriété et la monnaie. Alors que tout gestionnaire de crise cherche A  défendre ou restaurer un bien public majeur - la silité des marchés et des paiements -, cette opposition démarque en fait deux principes d'action, sans doute aussi deux représentations de l'ordre des marchés et de leur économie politique. Dans les chapitres suivants on analyse ces principes opposés et les conditions dans lesquelles ils peunt AStre mobilisés et coordonnés.

La conditionnante structurelle dans la première lettre d'intention indonésienne


(31 octobre 1997)

1. Révision des lois et décrets réglant le fonctionnement et la transparence de


- la Banque centrale et la supervision ;

- les procédures et les institutions garantes de la loi des faillites ;
- les conditions d'entrée d'instisseurs étrangers dans le système bancaire indonésien ;
- renforcement des ratios de solvabilité et des pratiques de mesure des prASts non performants des banques, en ligne ac les normes de la BRI ; norme de capitalisation de 9 % A  la fin 1997 ;
- désinstissement complet de la Banque centrale de toute banque commerciale (juin 1998);
- suppression des plafonds sur le prASt immobilier ou pour l'acquisition de terrain, suppression des quotas minimaux de crédits A  certains secteurs.


2. Politique commerciale

- tous les tarifs compris entre 15 % A  25 % seront réduits A  5 % A  la fin mars 1998 ; d'ici lA  les tarifs sur les produits chimiques, l'acier et les métaux et les produits de la pAScherie seront dans une échelle de 5-l0 % ;
- tous les quotas et barrières non tarifaires seront supprimés A  l'échéance de trois ans, sauf considération de santé ou de sécurité du consommateur ;
- suppression en trois ans du programme de soutien au secteur de l'automobile fondé sur le contenu national en valeur ajoutée ;
- extension des secteurs ourts aux instissements directs, notamment le secteur du commerce de détail et de l'huile de palme.
3. Administration fiscale
- accroitre les vérifications des déclarations et la collection des arriérés ;
- améliorer le fonctionnement de la TVA, notamment pour mieux couvrir les plus gros contribuables ;
- délopper un programme d'identification centralisée des contribuables.
4. Déréglementation et privatisation
- audit complet, A  l'horizon de six mois, des dépenses et instissements du secteur public afin de préparer un programme accéléré de privatisation ;
- suppression des monopoles sur l'importation et la commercialisation des produits agricoles, A  l'exception du riz; du sucre et des clous de girofle ; dès le lancement du programme, l'importation de farine de blé, de soja et d'aïl doit AStre réduite A  5 % ; le prix du ciment doit AStre libéré A  la mASme date ;
- le gournement doit élir de noulles règles en matière d'appel d'offres sur marchés publics afin d'accroitre le rôle du secteur privé dans le déloppement des infrastructures ;
- adoption de noulles règles de mise en nte des entreprises publiques, accélération des restructurations et des fermetures des entreprises non viables ;
- noulles règles d'administration et d'allocation des concessions forestières.



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